Le Liban est, vers le XVème siècle avant Jésus-Christ, occupé par les Phéniciens. Installés le long de la côte, ces marchands et marins, inventeurs de l’alphabet, fondent des villes. Vers le VIIème siècle avant J.-C., les Assyriens envahissent la Phénicie, qu’ils doivent quitter sous la pression militaire des troupes égyptiennes des Pharaons. Au IVème siècle avant J-C, le Liban est occupé par les armées d’Alexandre le Grand. S’ouvre alors la période hellénistique pendant laquelle la Phénicie est gouvernée par les Séleucides, dynastie de militaires qui s’empare du pouvoir à mort d’Alexandre. Puis, à l’époque romaine, Pompée s’empare en 64 avant notre ère de la province syrienne (composée à l’époque antique du Liban, de la Syrie, de la Palestine et de la Jordanie) qui devient une province de l’Empire romain pendant quatre siècles. De 395 – à la suite du partage de l’Empire romain en deux Empires (l’Empire d’Occident et l’Empire d’Orient, Byzance) – à 634, le Liban est sous domination byzantine. A la suite de la conquête arabe et de la prise de Damas en 635, le Liban est gouverné par les dynasties omeyyade (660 à 750), abbasside (749-1258) et fâtimide (909-1171).
Les croisades mettent en contact en 1098 les chrétiens d’Occident et les musulmans d’Orient avec le siège puis la prise d’Antioche. Puis les Croisés descendent le long des côtes pour rejoindre Jérusalem. Ce n’est qu’à la suite de la prise de Jérusalem en juillet 1099 que les croisés occupent les villes de la côte libanaise, et malgré la résistance de celles-ci, les Francs s’établissent dans la plaine libanaise dès 1110. Mais la prise de Jérusalem par Saladin en 1187 entraîne le déclin progressif des Francs, qui capitulent sous les attaques des Mamelouks conduits par le sultan Baïbars dans les années 1290. Les Mamelouks dominent jusqu’au début du XVIème siècle. En 1516, ils sont écrasés par les Ottomans, qui conquièrent la Syrie, le Liban et la Palestine actuels. Leur domination dure jusqu’en 1918.
Pendant toute la période ottomane, le Liban est une partie de la province syrienne de l’Empire ottoman. Sur le plan administratif, le découpage de la province syrienne est le suivant : chaque province (vilayet) est partagée en districts (sandjak). La Syrie, le Liban et la Palestine actuels sont ainsi partagés en trois vilayet : celui de Damas (constitué de Sidon, Beyrouth, Jérusalem, Gaza et Palmyre), celui d’Alep (constitué du nord syrien) et celui de Tripoli (constitué de Hama et de Homs). Ce découpage est maintenu jusqu’en 1861. Sur le plan de la politique intérieure, à l’issue de la conquête ottomane, le Mont-Liban (partie centrale de la chaîne de montagnes qui surplombe la côte) est gouverné par les émirs Maan, druzes installés depuis le XIème siècle dans le Chouf, dont le chef, Fakhreddine, fait allégeance aux Ottomans. Par cet acte, Fakhreddine 1er devient l’émir druze le plus puissant du Liban. En 1590, son petit fils Fakhreddine II devient à son tour émir du Chouf et étend ses possessions territoriales au Liban nord, à la plaine de la Bekaa, à Beyrouth, à Sidon et Tyr, contribuant ainsi à former l’unité libanaise. Il devient alors grand émir du Liban et accroît ainsi sa puissance politique mais également sa puissance territoriale par de nouvelles conquêtes : Antioche au nord, Palmyre à l’est et Safad au sud. Mais sa puissance irrite la Sublime Porte. Exilé à Constantinople avec sa famille, il est condamné à mort le 13 avril 1635. Par ses réalisations, il est considéré comme le créateur du Liban tant sur le plan de l’identité libanaise que sur le plan politique. Lui succèdent alors deux émirs Maan, Melhem, neveu de Fakhreddine II puis son fils Ahmed, qui meurt en 1697 sans descendance.
La famille Chehab, famille alliée des Maan, accède alors au pouvoir, en l’absence de descendant direct des Maan. Béchir Chehab est ainsi choisi, puis à sa mort en 1706 l’émir Haidar gouverne jusqu’en 1729, puis son fils Melhem lui succède. Après une période trouble, le fils de Melhem, Youssef, converti au maronitisme, prend le pouvoir en 1770. C’est la première fois qu’un émir chrétien gouverne le Liban, province de l’Empire ottoman. Pendu en 1788 à la suite de plusieurs complots, son neveu Béchir II lui succède comme nouvel émir du Liban. Sous son règne, Bonaparte débarque à Alexandrie le 1er juillet 1798. La campagne de Bonaparte a pour but de couper la route des Indes à la Grande-Bretagne. Les armées françaises entrent ainsi en Syrie en 1899, prennent Jaffa en Palestine, puis mettent le siège devant Acre. Mais l’armée française ne réussit pas à s’emparer de la forteresse d’Acre et rentre en Egypte, brisant ainsi le rêve de Bonaparte d’occuper l’Asie Mineure.
Par ses réalisations, Béchir II contribue à faire renaitre le Liban dans ses frontières tracées par Fakhreddine II. Mais, contraint à l’exil en Egypte en raison de différends avec la sublime Porte, Béchir II est pris en amitié par le vice-roi d’Egypte, Mehemet Ali, qui voit en lui un allié précieux afin de l’aider à conquérir la Syrie sous domination ottomane. Dans ce but, Béchir II accepte de lui prêter son armée. Une nouvelle expédition en direction de la Syrie est ainsi lancée en 1831 par Ibrahim Pacha, fils de Mehemet Ali, mais l’aide apportée par Béchir II se retourne contre lui, d’autant plus que les puissances occidentales, redoutant la faiblesse de l’Empire ottoman, lui prêtent leur concours. Ayant la France pour unique allié, Ibrahim Pacha est ainsi contraint à se replier en Egypte. Quant à Béchir II, ayant prêté appui à l’Egypte, il quitte le Liban pour l’exil. Son successeur, Béchir III, est le dernier gouverneur de la famille Chehab. Ses actions politiques ne font qu’envenimer les relations, déjà tendues, entre les maronites et les druzes, et influencées par les menées des Britanniques et des Français. Depuis l’époque des Maan, les paysans maronites ont été encouragés à migrer vers les districts sud du Mont-Liban, pour se mettre au service des propriétaires terriens druzes. Avec le temps, leur nombre s’accroît, leur niveau d’éducation aussi, car les missionnaires français et américains leur dispensent un enseignement qui creuse l’écart entre eux et les autres communautés. L’accumulation de toutes ces tensions déclenche en octobre 1841 des combats armés entre druzes et maronites, et l’intervention des Ottomans. La sublime Porte désarme les maronites, exile Béchir III en 1842 à Constantinople, et nomme pour la première fois au Liban un fonctionnaire ottoman : Omar Pacha Al-Namsawwi, chrétien converti à l’Islam. L’intention turque est ainsi de revenir à une administration directe au Liban et de le contrôler plus étroitement.
Mais cette nomination provoque les réactions européennes, et notamment françaises. Les Européens sont en effet, pour diverses raisons, intéressés à la province syrienne de l’Empire ottoman. Les turcs refusent de nommer, sur proposition de la France, un membre de la famille Chehab. Ils acceptent néanmoins une autre proposition européenne : celle de mettre en place au Liban le régime du double Caïmacanat. Ce régime - fondé sur l’hypothèse de la répartition de la population, au nord les maronites et au sud les druzes - partage le pays en deux districts (caïmacanat), celui du nord administré par un maronite et celui du sud par un druze. Ce régime perdure jusqu’en 1860, date du massacre des chrétiens par les druzes, et qui provoque l’intervention européenne, et en particulier l’envoi d’un corps expéditionnaire français de 7000 soldats, sous le commandement du général de Beaufort d’Hautpoul. Une convention, signée le 9 juin 1861 dans le quartier de Pera à Constantinople, entre le grand vizir Ali Pacha et les ambassadeurs des principales puissances européennes (le Concert européen) précise le nouveau statut du Liban, constitué de la montagne libanaise (Mont Liban). En revanche, Beyrouth, le Nord Liban, le Sud Liban et la Bekaa demeurent sous domination turque. Le système du double Caïmacanat est ainsi remplacé par le régime de la moutessarifia, gouverné par un moutessarif (gouverneur) chrétien mais non libanais. Ce régime, garanti par les puissances européennes, dure jusqu’en 1918.
Le traité d’alliance signé entre l’Allemagne et l’Empire ottoman le 2 août 1914 l’entraine dans la guerre contre la Triple Entente. En novembre 1914, la Triple Entente déclare la guerre à l’Empire ottoman, sonnant la fin de l’autonomie pour le Liban. Dans le même temps que se déroulent les combats militaires (l’armée ottomane se bat sur plusieurs fronts : en Egypte, dans le Caucase, dans les Dardanelles et en Mésopotamie), le Liban subit l’administration turque, les épidémies et la famine. Quant aux Alliés, ils s’emploient, par des tractations diplomatiques, à faire aboutir leurs ambitions territoriales dans la province arabe de l’Empire ottoman.
En effet, ils possèdent dans cette province de nombreux intérêts économiques, culturels et religieux, et souhaitent transformer leurs zones d’influences en possessions territoriales. La correspondance Hussein-MacMahon de 1915 assure les Britanniques de la participation armée des Hachémites du Hedjaz dans le conflit en échange de promesses territoriales, dont la création d’un royaume arabe, l’indépendance de la province arabe et la reconnaissance du califat arabe. En parallèle, les accords Sykes-Picot signés en mai 1916 découpent la province arabe de l’Empire ottoman entre les Britanniques et les Français.
L’implication des armées hachémites aux côtés de l’Entente permet plusieurs victoires contre les Turcs. La révolte arabe, conduite par les deux fils du chérif de La Mecque, Abdallah et Fayçal, débute le 10 juin 1916. Les troupes hachémites sont victorieuses : elles chassent les Turcs du Hedjaz, reprennent Akaba le 6 juillet 1917 et entrent en Transjordanie. Quant aux troupes britanniques, sous le commandement du général Allenby, accompagnées d’un petit contingent français, elles reprennent Jérusalem le 11 décembre 1917. Le 1er octobre 1918, les troupes hachémites sous le commandement de Fayçal et les troupes britanniques entrent à Damas tandis qu’une division navale française débarque à Beyrouth le 7 octobre. Ces victoires libèrent la province arabe de l’Empire ottoman de la domination turque.
Pour le Liban s’ouvre alors une nouvelle ère politique : celle du mandat français. En effet, en raison des intérêts économiques, culturels et religieux de la France dans cette région, de son rôle de protectrice des chrétiens d’Orient et des accords Sykes-Picot, elle obtient de la Société des Nations le mandat sur une partie de la province arabe de l’Empire ottoman : la Syrie et le Liban actuels. Dans le cadre du règlement de la guerre, deux traités sont signés : l’accord de San Remo du 25 avril 1920 attribue des mandats sur la province arabe de l’Empire ottoman aux puissances alliées (France et Grande-Bretagne) et le traité de Sèvres du 10 août 1920 signé entre les Alliés et la Turquie détache la province de Syrie de l’Empire ottoman. La Société des Nations, promulgue la charte du mandat sur la Syrie et le Liban le 24 juillet 1922.
Dans le même temps, la France consolide sa présence sur le terrain. Elle réussit à s’imposer en dépit de la supériorité militaire des Britanniques présents en Syrie (suite à la reprise de Damas), de la résistance des troupes de Fayçal et de la proclamation du royaume arabe par ce dernier, en dépit également des nationalistes syriens qui proclament l’indépendance de la Syrie. Répondant aux vœux des maronites venus plaider leur cause à la Conférence de la paix, la création du Grand Liban est solennellement proclamée le 1er septembre 1920 par le général Gouraud (haut-commissaire français nommé depuis le 8 octobre 1919). La création du Grand Liban, indépendant de la Syrie, est confirmée par la SDN le 24 juillet 1922. Ce grand Liban est constitué de cinq mohafazats ou départements : ceux de Beyrouth, du Mont-Liban, du Liban Nord, de la Békaa et du Liban Sud.
La France met progressivement en place son administration mandataire et élabore également le système institutionnel du Liban. A l’initiative du haut-commissaire Henri de Jouvenel, le statut organique – ou constitution – est promulgué le 23 mai 1926. Cette constitution, inspirée de celle de la IIIème république française, fait du Grand Liban une république, prévoit des élections au suffrage universel, un sénat et une chambre des députés et une répartition des sièges entre les différentes communautés. Le premier président de la République est Charles Debbas, avocat grec orthodoxe. La constitution est néanmoins modifiée à de nombreuses reprises, en raison des difficultés à mettre en application un régime démocratique dans une société aux structures traditionnelles. En octobre 1927, le haut-commissaire Henri Ponsot modifie la constitution : par un amendement, le sénat est supprimé et le pouvoir du président de la République est renforcé. En 1929 également, un amendement renforce à nouveau les pouvoirs du Président. Mais en dépit de ces mesures et des efforts de Charles Debbas, réélu aux élections de 1929, les difficultés demeurent. En 1932, une crise politique oblige Henri Ponsot à suspendre la constitution : les musulmans réclament la présidence de la République, en raison de leur supériorité démographique. Charles Debbas, démissionnaire le 2 janvier 1934, est remplacé par le maronite Habib Pacha Saad. Le sunnite Abdallah Bey Beyhum est nommé chef du Conseil des ministres. La tradition d’un président de la République maronite et d’un président du Conseil sunnite est instituée à cette époque.
En 1936, dans le contexte de recherche de l’indépendance au Moyen-Orient (Irak en 1930, Egypte en 1936), et dans celui des négociations entre la France et la Syrie pour la signature d’un traité d’indépendance, le nouveau haut-commissaire Damien de Martel ne peut rester indifférent aux demandes libanaises que soit rétablie la constitution et que le Liban procède également à des négociations pour accéder à l’indépendance. La chambre est à nouveau autorisée à élire le président de la République et la constitution est rétablie en 1937. Emile Eddé est élu le 20 janvier 1936 à la présidence de la République et il dissout la Chambre en 1937 en raison des fortes oppositions à son gouvernement. Un traité franco-libanais est signé le 13 novembre 1936 au Petit Sérail. Mais ce traité qui garantit l’indépendance du Liban, son accès dans les trois ans à la SDN en contrepartie du maintien des forces militaires françaises radicalise les communautés libanaises : alors que le traité est la garantie pour les chrétiens de l’indépendance du Liban dans ses frontières de 1920, il est perçu par les musulmans comme un frein à la réalisation de l’unité syrienne. En France également, le Parlement refuse de ratifier ce traité, en raison, entre autre, des oppositions des milieux coloniaux.
A l’approche de la guerre, en janvier 1939, Gabriel Puaux remplace Damien de Martel au haut-commissariat. La situation politique est toujours difficile au Liban, dans un contexte international tendu. Le 1er septembre 1939, la déclaration de guerre oblige Puaux à suspendre la constitution et à dissoudre la chambre des Députés. Ce contrôle strict du Liban est effectué afin d’éviter tout débordement lié au contexte de la guerre mondiale. En mai 1940, la défaite de la France est vécue avec incrédulité au Liban. L’armistice est lourd de conséquence pour le Liban et pour le reste de l’empire, qui sont potentiellement placés sous la domination de l’Allemagne. En novembre 1940, Vichy nomme le général Dentz au haut-commissariat en remplacement de Gabriel Puaux. Le gouvernement de Vichy est notamment contraint de céder aux demandes allemandes de faire atterrir des avions allemands sur les aéroports de Syrie et du Liban, envoyés pour porter secours aux Irakiens en révolte contre la Grande-Bretagne. Les exigences allemandes font ainsi craindre à la Grande-Bretagne et aux Français libres que le Levant ne devienne une base d’attaque de l’Allemagne, qui couperait les voies de communication et le pétrole aux Alliés. Afin d’éviter cette mainmise allemande, les troupes britanniques et françaises libres entrent en Syrie et au Liban le 8 juin 1941. La guerre du Levant est déclarée. Le même jour, le général Catroux proclame, au nom du général de Gaulle, l’indépendance de la Syrie et du Liban et la Grande-Bretagne fait une proclamation similaire. La guerre du Levant dure un mois, au cours de laquelle les troupes de la France de Vichy s’opposent dans un combat fratricide aux troupes britanniques et aux troupes de la France libre. L’armistice de Saint-Jean-d’Acre est signé le 14 juillet 1941 entre le général de Verdilhac, représentant la France de Vichy et le général Wilson, représentant les Britanniques. Catroux participe aux négociations mais n’est pas autorisé à signer les clauses de l’armistice qui portent sur les questions du devenir des troupes françaises (ralliement aux gaullistes ou rapatriement en métropole) et sur la reddition des armes. Afin de marquer la légitimité de la France libre et la continuité de la politique française, de Gaulle renégocie l’armistice de Saint Jean d’Acre avec le ministre d’Etat britannique chargé des affaires britanniques en Orient, Oliver Lyttelton. La place de la France libre au Levant est ainsi reconnue par les accords Lyttelton-de Gaulle des 24 et 25 juillet 1941. Cette reconnaissance politique n’est cependant pas suivie d’effet, et les relations entre les deux pays sont détestables jusqu’en 1946, date du départ des troupes françaises et britanniques.
Sur le plan de la politique intérieure, pendant que les troupes et l’administration de Vichy rentrent en métropole, le général Catroux, nommé depuis le 14 novembre 1940 délégué général de la France libre pour le Moyen-Orient, remet en place l’administration mandataire et réorganise la vie politique du Liban. Mais il s’en tient aux directives de de Gaulle qui estime qu’il n’est pas possible de procéder à des élections pendant la guerre. C’est ainsi qu’Alfred Naccache, magistrat maronite, est reconduit dans ses fonctions de président de la République. Le nouveau président du Conseil, Ahmed Bey Daouk, est chargé par Naccache de constituer un gouvernement mais la constitution reste toujours suspendue. Le 26 novembre, Catroux promulgue solennellement l’indépendance du Liban mais en dépit de cet acte de reconnaissance, le statut de mandat sur le Liban n’est pas modifié. Les relations avec les Britanniques se tendent considérablement avec la nomination du général Spears, ami de Churchill, à la fonction de ministre plénipotentiaire en Syrie et au Liban : les pressions britanniques se font plus pressantes pour que la France fasse procéder à des élections et qu’elle rétablisse le régime constitutionnel. Dans le même temps, Catroux est rappelé à Alger en mars 1943 et il est remplacé à la délégation générale par l’ancien ambassadeur à Ankara Jean Helleu. Avant son départ, Catroux rétablit la Constitution. Le Comité Français de Libération Nationale se résout également à faire procéder à des élections : Bécharra el-Khoury est élu président de la République le 21 septembre 1943 et Riad es-Solh est nommé président du Conseil. Les tensions latentes entre le Liban et la France sont mises à jour avec ce gouvernement nationaliste, qui décide le 7 novembre d’une nouvelle base politique pour le Liban connue sous le nom de Pacte National. Ce Pacte est fondateur dans la mesure où les chrétiens acceptent l’arabité du Liban et les musulmans acceptent sa séparation avec la Syrie. Le Parlement décide en outre le 8 novembre d’abolir tous les articles de la Constitution relatifs au rôle de la France. En réaction Helleu fait emprisonner le 11 novembre à la forteresse de Rachaya le président de la République, le président du Conseil et des ministres qui ne seront libérés et remis en fonction qu’à la suite d’un ultimatum de la Grande-Bretagne. A la suite de cette crise politique majeure, le général Beynet remplace Helleu à la délégation générale et la France commence à rendre au gouvernement libanais les attributions jusque là détenues par l’administration française : par l’accord du 20 décembre 1943, elle procède à la remise au gouvernement libanais des services des intérêts communs. Quant au Président Bécharra el-Khoury et à son gouvernement, ils créent les deux ministères qui marquent la souveraineté et l’indépendance du pays : celui des Affaires étrangères et celui de la Défense nationale. Enfin le Liban adhère à la Ligue des Etats arabes créée en octobre 1944.
Mais les tensions ne sont pas terminées pour autant. La pierre d’achoppement entre la France, le Liban et la Syrie est la remise des troupes spéciales, troupes libanaises et syriennes sous commandement français, que la France souhaite conserver en échange d’un traité qui garantirait ses intérêts commerciaux et militaires, et que les deux Etats veulent obtenir sans pour autant signer de traité avec la France. A la suite du bombardement de Damas en mai 1945 par les troupes françaises, celles-ci doivent se replier au Liban, à la demande des Britanniques. Le traité franco-britannique du 13 décembre 1945 décide du départ des troupes françaises et britanniques du Liban. Les dernières troupes quittent Beyrouth le 7 avril 1946. Ainsi s’achèvent, par plusieurs événements dramatiques, le mandat et la présence française au Liban.
Le président de la République Bécharra el-Khoury et le président du Conseil Riad es-Solh font entrer le Liban dans l’ère nouvelle de l’indépendance, sur la base du Pacte national. Le Président (élu pour 6 ans) dont les pouvoirs sont très étendus, s’appuie sur les structures sociales traditionnelles libanaises, c’est-à-dire sur les clans et les communautés, attisant ainsi les compétitions entre les chefs. Les élections législatives de 1947 lui permettent de modifier la Constitution, afin de prolonger son mandat venant à expiration en 1949. En politique étrangère, la proclamation de l’Etat d’Israël le 14 mai 1948 déclenche la première guerre israélo-arabe le 15 mai 1948 au cours de laquelle le Liban intervient militairement aux côtés des armées égyptienne, syrienne, jordanienne et irakienne. Cette guerre et la victoire d’Israël ont des conséquences pour le Liban : l’accueil de 100 000 réfugiés palestiniens, en majorité sunnites, fragilise le tissu social libanais en renforçant le poids démographique de la communauté sunnite. La politique intérieure est également fragilisée par l’assassinat du président du Conseil Riad es-Solh le 16 juillet 1951. Sa mort est liée à la montée en puissance du Parti populaire syrien, parti créé au Liban en 1932 par Antoun Saadé, et basé sur l’idée que le Liban, appartenant à la Grande Syrie, ne doit plus exister en tant qu’Etat. Saadé est arrêté et condamné à mort par les autorités libanaises à la suite de la préparation d’un coup d’Etat. Ses partisans, afin de le venger, assassinent alors Riad es-Solh. Il est remplacé par Abdallah Yafi à la présidence du Conseil, mais celui-ci ne parvient pas à limiter le pouvoir de Bécharra el-Khoury. En raison de son impopularité croissante et devant la pression de l’opposition, Bécharra el-Khoury démissionne en septembre 1952.
_Le maronite Camille Chamoun est alors élu président le 23 septembre 1953, et Sami Solh est nommé président du Conseil. Dans le contexte de la guerre froide, alors que les événements régionaux (création de l’Etat d’Israël, première guerre israélo-arabe et crise de Suez de 1956) favorisent la montée du nationalisme arabe, les décisions politiques et diplomatiques de Chamoun s’orientent dans un sens pro-occidental considéré comme contraire à l’évolution idéologique de la région. Le Liban se rallie notamment à la doctrine Eisenhower en janvier 1957, et bénéficie ainsi des aides financières, économiques voire militaires américaines afin de lutter contre toute potentielle agression communiste. Mais la manipulation par Camille Chamoun des élections partielles de 1957 et sa volonté de faire modifier la constitution, afin de renouveler son mandat présidentiel arrivant à expiration en septembre1958, renforcent des tentions déjà vives.
Ces tensions internes ainsi que l’évolution politique de la Syrie et de l’Egypte précipitent le Liban dans la crise. Afin de faire contrepoids au rapprochement des Irakiens et des Jordaniens avec l’Occident, la Syrie et l’Egypte s’unissent le 1er février 1958 dans un nouvel Etat : la République arabe unie (RAU). Cette création fait ressurgir au Liban les volontés musulmanes d’unité du Liban et de la Syrie. La crise éclate en mai 1958 et les affrontements opposent inévitablement les chrétiens pro-occidentaux aux musulmans pro RAU, qui reçoivent armes et combattants par la frontière syrienne. Afin de trouver une solution à l’insurrection, et en application de la doctrine Eisenhower, Camille Chamoun demande l’intervention américaine. La révolution irakienne du 14 juillet 1958 convainc finalement les Etats-Unis hésitants à intervenir au Liban. Le 15 juillet, 15 000 marines américains débarquent sur la plage de Khaldé, près de Beyrouth, et restent jusqu’au 24 octobre au Liban. Leur présence contribue à faire évoluer la situation politique interne : le chef de l’armée libanaise, le général Fouad Chéhab, remplace Camille Chamoun à la présidence de la République, dont le mandat arrive à expiration.
En politique intérieure, Fouad Chéhab augmente à 99 le nombre des députés par la loi électorale du 26 avril 1960, il s’attelle également à réajuster l’équilibre communautaire qui était jusqu’alors défavorable aux chiites, lance une politique de grands travaux et tente de lutter contre les chefs de clans. Ces derniers reprochent en retour le rôle croissant de l’Etat et celui des services de renseignement de l’armée (le deuxième Bureau). En 1964, au terme du mandat de Fouad Chéhab, l’ancien ministre de l’Education nationale Charles Hélou lui succède à la présidence de la République et poursuit la même politique de consolidation de l’Etat.
Plusieurs paramètres expliquent la montée des tensions : les relations avec la Syrie, le problème palestinien et les difficultés politiques internes.
La création du Grand Liban par la France en 1920 est une source de contestation pour les nationalistes tant syriens que libanais, qui revendiquent le rattachement du Liban à la Syrie. Damas cherche de ce fait à contrôler le Liban et exerce diverses pressions qui tendent les relations entre les deux Etats. De plus, dans le contexte de la guerre froide, le Liban s’étant rangé dans le camp occidental, il refuse d’intégrer la RAU et se distingue par sa liberté d’expression et son économie libérale. A la différence du Liban, le régime politique syrien est dictatorial et son économie est contrôlée par l’Etat depuis l’arrivée du parti Baas au pouvoir en 1963.
Le problème palestinien est consécutif à la guerre israélo-arabe de 1948-1949. Le Liban, intervenu militairement aux côtés des armées arabes, est concerné à deux titres par ce conflit. Tout d’abord, la frontière entre le Liban et Israël fixée en 1920 par les puissances mandataires française et britannique est choisie lors de l’armistice israélo-libanais de mars 1949 comme ligne de cessez-le-feu, et est surveillée par une mission de l’ONU. Ensuite, les réfugiés palestiniens sont accueillis au Liban, et sont répartis dans environ quinze camps près des grandes villes. De 100 000, le nombre des réfugiés augmente après la guerre des six jours de 1967 et après Septembre noir (1970) à 250 000. Les camps, où sont recrées les organisations politiques et paramilitaires palestiniennes (notamment l’OLP), servent également de base d’entraînement militaire. Des opérations sont ainsi lancées, à partir du Liban, contre Israël, qui attaque le territoire libanais en représailles. Le but israélien est double : lutter contre les Palestiniens et forcer l’Etat libanais à combattre ces derniers. L’accord du Caire de novembre 1969 reconnaît la présence militaire palestinienne au Liban, en échange de quoi l’OLP reconnaît la souveraineté libanaise. Néanmoins, les répercussions liées à la présence palestinienne sont nombreuses pour le Liban : en dépit de l’accord du Caire, le pays est touché dans sa souveraineté par les actions des Palestiniens et des Israéliens.
Les tensions politiques sont en effet exacerbées par la présence palestinienne au Liban. Le Mouvement national, dirigé par le druze Kamal Joumblatt, réunit les arabistes, tant chrétiens que musulmans, et soutient les Palestiniens. En face, les chrétiens défendent la nation libanaise. Plusieurs d’entres eux, Camille Chamoun, Pierre Gemayel ainsi que le président de la République Suleiman Frangié, élu en août 1970 en remplacement de Charles Hélou, créent le Front libanais. A ces difficultés politiques s’ajoute l’évolution de la société : le réveil du syndicalisme, la volonté de sortir du communautarisme, tant sur le plan personnel et individuel par la recherche de la laïcité (c’est-à-dire de ne plus être répertorié en fonction de l’appartenance religieuse), que sur le plan du fonctionnement du système politique basé sur la répartition communautaire. Des grèves et des manifestations sont le corollaire à ce contexte troublé et les partis politiques recueillent de nouvelles adhésions. Ils constituent et arment également des milices, comme les Phalanges (ou Kataëb) fondées par Pierre Gemayel. Dans ce conteste politique et social très lourd, la guerre du Liban se déclenche.
La guerre débute le 13 avril 1975, à la suite d’un incident entre les Phalanges et des Palestiniens dans la banlieue de Beyrouth. Cet incident met le feu aux poudres et embrase tout le Liban. Deux factions se font face dans des affrontements violents et meurtriers (guérilla dans les villes, assassinats de civils, francs-tireurs, bombardements) qui touchent tout le pays : les chrétiens d’un côté et les défenseurs de l’arabisme et des Palestiniens de l’autre. A Beyrouth, dont le centre est détruit à l’automne 1975, une ligne de démarcation sépare l’est chrétien de l’ouest musulman. C’est dans ce contexte que l’armée syrienne entre au Liban. Dès le début du conflit, la Syrie a proposé sa médiation. Son intervention est motivée par plusieurs raisons : la crainte d’une alliance entre un petit Liban chrétien et Israël, la crainte d’une invasion de la Syrie par l’armée israélienne en passant par le Liban et la volonté de contrôler la résistance palestinienne. La volonté à terme du président syrien Hafez el-Assad est de créer une Grande Syrie sous l’égide syrienne, composée de la Syrie, du Liban, de la Jordanie et de l’OLP. Après des contacts établis entre les différents chefs libanais (Kamal Joumblatt qui a rejeté violemment cette intervention et l’a payé de sa vie le 16 mars 1977 et les chrétiens plutôt favorables à une intervention qui va les aider à redresser leur situation gravement compromise dans la montagne face aux Palestiniens et au Mouvement National), les troupes syriennes entrent au Liban début juin 1976. Cette intervention militaire est acceptée par les responsables politiques libanais, dont le président Frangié. Freinées dans leur progression par des combats menés par les Palestiniens, les troupes syriennes entrent à Beyrouth le 15 novembre 1976 (elles n’entrent pas au Sud Liban). Leur arrivée est l’occasion d’un arrêt des combats, après un an et demi de guerre et 65 000 victimes.
Sur le plan régional, l’intervention de la Syrie suscite la prise de position diplomatique de l’Arabie Saoudite et de l’Egypte. Au cours d’un sommet organisé à Riyad par ces deux Etats, le Liban et l’OLP reconnaissent la légitimité de la présence syrienne au Liban, tandis que la Syrie reconnaît la présence au Liban d’une force armée composée de troupes d’Arabie Saoudite, du Soudan, de la Libye, du Yémen et des Emirats arabes unis. Cette force de 30 000 hommes est appelée Force arabe de dissuasion (FAD).
Au Liban, le président Frangié est remplacé par Elias Sarkis, élu à la présidence de la République le 8 mai 1976. Sélim Hoss devient président du Conseil. Le gouvernement libanais souhaite rétablir l’unité nationale et reconstruire le pays. Mais Elias Sarkis doit faire face à de nombreux défis. Une très forte proportion de la population est réfugiée à l’étranger et hésite à revenir au Liban. Sur le plan militaire, une armée libanaise est recréée, et les milices, conformément aux décisions de Riyad, doivent désarmer. Ces dernières refusent non seulement de désarmer mais également de se plier à l’Etat, devenant ainsi un contre pouvoir. Dans le même temps, les relations entre chrétiens et syriens, ainsi qu’entre les différents groupes chrétiens se délitent. Tandis que la guerre civile se calme, les milices chrétiennes décident de lutter contre la présence syrienne, craignant que les Syriens ne deviennent les nouveaux occupants. Dans le même temps, afin de trouver de nouveaux alliés, les chrétiens se rapprochent des Israéliens. Sur le terrain, les chrétiens du Front libanais se battent contre l’armée syrienne dès février 1978, et des bombardements détruisent Beyrouth est en septembre et en octobre.
Au Sud Liban, l’armée israélienne, à la suite d’une attaque palestinienne en mars 1978, envahit le Sud Liban jusqu’au fleuve Litani, afin de dissuader les Palestiniens de nouvelles attaques. Cette opération, qui provoque la fuite vers Saïda et Beyrouth de 200 000 Libanais, est condamnée par le conseil de sécurité de l’ONU. Deux résolutions créent la FINUL (force intérimaire des Nations unies au Liban) qui prend position au Sud Liban, afin de rétablir la sécurité et l’autorité du gouvernement libanais. L’armée israélienne est obligée d’évacuer mais elle met en place une « ceinture de sécurité », c’est-à-dire une bande d’environ 10 km de profondeur, s’étendant de la côte à la ville de Merjayoun, et laissée à la milice du colonel Saad Haddad. Cette milice, aidée par l’armée israélienne, interdit à l’armée régulière libanaise de reprendre position dans le Sud Liban. Les combats sont nombreux entre la milice de Haddad et les positions libanaises et palestiniennes, tandis que les bombardements de l’aviation israélienne se poursuivent.
Les relations entre chrétiens sont également très tendues. Le fils de Pierre Gemayel, Bachir Gemayel, réorganise dès l’été 1976 les structures paramilitaires rattachées au parti Kataëb et les dote d’un commandement autonome. Après la chute du camp palestinien de Tell el-Zaatar, situé dans les faubourgs chrétiens de Beyrouth, ces milices prennent le nom de Forces libanaises. Bachir Gemayel devient leur chef à la suite de William Hawi, mort au cours des combats. Quant à Pierre Gemayel, il reste le chef du parti Kataëb jusqu’à sa mort en 1984. L’ambition de Bachir est d’unifier toutes les milices chrétiennes. Mais les maronites du nord Liban, conduits par l’ancien président Frangié, refusent cette unification. Le contentieux opposant les deux camps porte sur la volonté d’obtenir des intérêts économiques sur différentes entreprises d’Etat très lucratives, comme les cimenteries nationales ; sur les relations avec la Syrie ; sur la direction de la communauté maronite et par conséquent sur la présidence de la République. La riposte de Bachir Gemayel est immédiate. Un commando des Forces libanaises, sous le commandement de Samir Geagea, assassine le fils de l’ancien président Frangié, Tony Frangié, ainsi que sa famille le 13 juin 1978. Le 7 juillet 1980, une opération similaire est menée contre l’autre grande rivale des Forces libanaises, la milice du Parti National Libéral de l’ancien président Camille Chamoun et commandée par son fils Dany. Ce dernier, contrairement à Tony Frangié, a la vie sauve, mais ses combattants doivent intégrer la milice de Bachir Gemayel qui, désormais, domine du côté chrétien.
Bachir Gemayel entreprend alors de s’opposer aux Syriens dans la Békaa, région stratégique pour la sécurité de la Syrie en cas d’attaque israélienne. Contrôler la ville chrétienne de Zahlé devient l’enjeu du Front libanais et des Syriens. Les combats entre la milice chrétienne et l’armée syrienne débutent dès le mois de décembre 1980, et fin avril, les Syriens assiègent la ville. En parallèle, les combats reprennent à Beyrouth le 2 avril, puis se propagent au sud Liban entre Palestiniens et Israéliens. Les Etats-Unis envoient alors un médiateur, le diplomate américain d’origine libanaise Philippe Habib. Des tractations diplomatiques s’organisent entre les Libanais, les Palestiniens et les Israéliens, et un cessez-le-feu est négocié le 24 juillet 1981.
En 1982, une nouvelle intervention israélienne se prépare sur le Liban. L’objectif est double : éliminer la résistance palestinienne du Liban et favoriser la victoire des Forces libanaises et l’accès à la présidence de la République de leur chef, Bachir Gemayel, qui s’engage à signer un traité de paix avec Israël. Sur le plan politique, le président Sarkis, ne parvenant pas à réaliser l’unité du pays, soutient la candidature de Bachir Gemayel à la présidence de la République. Celui-ci garantit pour sa part son aide militaire aux Israéliens. L’opération militaire israélienne, appelée Paix en Galilée, débute le 6 juin 1982. 100 000 soldats israéliens combattent les Palestiniens dans le Sud Liban et atteignent Beyrouth le 14 juin où ils rejoignent les troupes des Forces libanaises. Ces dernières reçoivent l’ordre de ne pas combattre et d’apporter uniquement une aide logistique aux Forces de défense israéliennes. Bachir Gemayel ne veut en effet pas impliquer directement ses hommes auprès des Israéliens, afin de préserver son image pour l’avenir auprès des communautés musulmanes hostiles à Israël. Dès le 9 juin, les Israéliens attaquent également l’armée syrienne dans le Chouf et dans la Bekaa, où l’armée syrienne subit de lourdes pertes et se retire brutalement de toutes les positions jusque là occupées. Grâce à la médiation américaine de Philippe Habib, un cessez-le-feu est signé le 11 juin. L’armée israélienne poursuit son offensive et bombarde Beyrouth ouest où sont repliés les combattants palestiniens et le commandement de l’OLP. La médiation américaine obtient l’évacuation de l’OLP à partir du 21 août sous la protection d’une force multinationale composée de 2500 soldats français, américains et italiens et la promesse israélienne de ne pas entrer dans Beyrouth ouest. Une fois sa tâche accomplie, la Force multinationale quitte le Liban le 13 septembre 1982.
En politique intérieure, Bachir Gemayel est élu à la présidence de la République le 23 août et s’attache à rétablir l’Etat libanais sur l’ensemble du territoire national. Il tend la main aux leaders musulmans et prône la réconciliation nationale. Sa politique implique donc une alliance discrète avec Israël et non, comme le souhaite Israël, un traité de paix. Il est assassiné le 14 septembre, ainsi que de nombreux civils, alors qu’il tenait une dernière rencontre avec ses partisans au QG des Forces libanaises du quartier d’Achrafieh. L’explosif qui a pulvérisé le bâtiment a été posé par un membre du Parti syrien nationaliste et social, mais les commanditaires de l’attentat n’ont jamais été désignés. Au lendemain de l’assassinat du président élu, et en dépit de la promesse de ne pas investir Beyrouth ouest, l’armée israélienne y entre, afin d’assurer la sécurité et d’éviter des massacres. En réalité, Israël souhaite achever la destruction de la présence palestinienne (armes et combattants). Les Forces libanaises entrent également à Beyrouth et massacrent du 16 au 18 septembre les populations palestiniennes civiles (les combattants ont été évacués par la Force multinationale) des camps de Sabra et Chatila, sous le regard des militaires israéliens. Une fois connue la nouvelle du massacre, la Force Multinationale retourne au Liban. Le 21 septembre, Amine Gemayel, frère du président assassiné, est élu Président.
Amine Gemayel poursuit la politique de son frère (refus de signer un traité de paix avec Israël, restauration de l’Etat libanais et reconstitution d’une armée nationale) mais il se heurte à l’opposition des Forces libanaises, alliées d’Israël, qu’il ne parvient pas à contrôler. Il s’appuie également sur la politique américaine qui prône l’évacuation des forces étrangères du Liban et sur la présence de la Force multinationale. Mais les heurts se poursuivent avec les différentes factions présentes au Liban : Forces libanaises, armée israélienne, armée syrienne, Front de la résistance nationale libanaise (créé le 16 septembre 1982 et qui réunit le parti communiste, le parti syrien national et social, le Fatah palestinien, le FPLP). Des négociations sont entamées entre le Liban et Israël le 28 décembre 1982, sous la médiation américaine. Un accord, conclu le 17 mai 1983, décide du retrait des forces israéliennes, syriennes et palestiniennes du Liban. Mais cet accord n’est accepté ni par la Syrie ni par le Front de la résistance nationale libanaise.
A l’été 1983, dans le Sud Liban, les chiites et le mouvement chiite Amal de Nabih Berri, mouvement pro-syrien, se battent contre les Israéliens. Le but de Amal est d’obtenir des pouvoirs plus étendus pour la communauté chiite, dans un Etat libanais réunifié sous l’égide syrienne. Un autre mouvement apparaît à la même époque : le Hezbollah (parti de Dieu), parti chiite pro-iranien, qui veut installer une république islamique au Liban. Dans le Chouf, l’armée israélienne décide d’un changement de stratégie et évacue la région début septembre 1983, laissant derrière elle les combattants des Forces libanaises qui ont mis à profit l’invasion israélienne pour investir le Chouf, où ils commettent des actes hostiles envers les notabilités et la population druzes. Il s’en suit « la guerre de la montagne » de septembre 1983, au cours de laquelle les druzes aidés de combattants palestiniens et d’armes envoyées par la Syrie battent les Forces libanaises aidées de la Force multinationale qui, à partir de ses porte-avions croisant le long du rivage beyrouthin, bombarde les positions druzes. Vivement critiquée pour son soutien aux Forces libanaises, la Force multinationale est victime de deux attentats le 23 octobre, l’un contre les Français (57 morts) et l’autre contre les Américains (241 morts). Dans une réaction immédiate, le président Amine Gemayel annonce son intention de ne pas ratifier l’accord du 17 mai, semant la consternation dans les rangs des Forces libanaises. La Force multinationale évacue le Liban en février 1984.
Sur le plan diplomatique, une conférence se tient à Genève du 31 octobre au 4 novembre 1983, avec les responsables politiques libanais afin de trouver une solution à la guerre. La Syrie est représentée par son ministre des Affaires étrangères Abdel Halim Khaddam, et l’Arabie Saoudite par le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères Mahmoud Massoud, et par Rafic Hariri, homme d’affaires libano-saoudien qui a mis ses talents de négociateur et sa fortune personnelle au service de la conférence. Aucun accord n’ayant été trouvé sur les réformes et sur la cessation des hostilités, la conférence de Genève se solde par un échec. Et la guerre se poursuit avec l’intervention d’une nouvelle force : le 6 février 1984, les miliciens d’Amal, du PSP, du PSNS et du PCF, forts de la révolution iranienne et du retrait de la Force multinationale, s’emparent de Beyrouth ouest. Le président Amine Gemayel révoque l’accord du 17 mai et est reçu le 29 février 1984 avec les honneurs à Damas par le président Assad qui, la veille, a déjoué un putsch organisé par son frère Rifaat. Une nouvelle conférence est alors organisée à Lausanne du 12 au 21 mars au cours de laquelle un gouvernement d’union nationale est constitué. La déclaration finale de la conférence de Lausanne pose les fondements des futurs Accord Tripartite et Accord de Taëf. Le président Frangié s’oppose violemment à la réduction des privilèges traditionnels de la communauté maronite. Une altercation a même lieu à ce sujet entre lui et le ministre Khaddam qui se hâte de rentrer à Damas.
Dans le même temps, Israël, pour des raisons de politique intérieure et d’intensification de la guérilla à son encontre, décide de retirer son armée du Sud Liban. Ce retrait s’effectue de janvier à juin 1985. Une zone de sécurité de 20 km de profondeur est constituée en territoire libanais, et confiée à l’armée israélienne ainsi qu’à la milice dirigée par le général libanais Antoine Lahad (devenu le chef de la milice à la suite de la mort de Saad Haddad). Profitant du départ israélien, l’OLP se réinstalle dans les camps palestiniens du Sud Liban. Quant aux chiites du mouvement Amal, ils intensifient leurs actions afin de prendre le contrôle de la totalité de Beyrouth-Ouest et se heurtent dans leur entreprise aux intérêts des druzes de Walid Joumblatt. De son côté, le Hezbollah, souhaitant l’établissement d’une république islamique au Liban (en réalité cet objectif a été très vite abandonné par le Hezbollah qui, dans un texte, évoque la singularité de la structure sociale et communautaire du Liban, et l’impossibilité d’y imposer une République islamique par la force. Dans un souci de cohérence, le Hezbollah renvoie la création de la République islamique à un avenir hypothétique, quand les conditions favorables à sa création seront réunies) et la guerre contre Israël, se bat contre Amal (qui ne veut pas de la reprise des combats avec Israël). Des affrontements ont lieu entre Amal et le Hezbollah dans la banlieue de Beyrouth et dans le Sud Liban, et sont renforcés par des prises d’otages d’Occidentaux par les mouvements pro-iraniens. La situation se complique encore le 19 mai 1985, lorsque commence la guerre des camps entre le mouvement Amal et les Palestiniens, qui, en un mois fait plus de 1 000 morts et 4 000 blessés. Ces affrontements durent jusqu’en 1988.
L’année 1985 est également riche en bouleversements dans les régions contrôlées par les Forces libanaises. Depuis la mort de leur chef Bachir Gemayel, ces dernières vivent une transition difficile. Leur allégeance au président Amine Gemayel a été de pure forme. L’abrogation de l’Accord du 17 mai les a fait basculer dans l’opposition au nouveau régime. Le 12 mars 1985, Samir Geagea, le commandant des Forces libanaises à Jbeil (Byblos), conduit un mouvement insurrectionnel (Intifada). Il conteste le rapprochement qui s’esquisse entre les Kataëb et la Syrie à l’initiative de la nouvelle direction du parti, à la suite du décès le 29 août 1984 de son fondateur, cheikh Pierre Gemayel. Le 9 mai 1985, Geagea est renversé par Elie Hobeika qui, suite à une deuxième Intifada, prend le commandement des Forces libanaises et prône un rapprochement avec Damas. Au cours de l’été 1985, des réunions se déroulent à Damas entre les Forces libanaises dirigées par Hobeika, le PSP et Amal. Le 26 octobre 1985, un texte intitulé « Projet pour une solution nationale au Liban » est signé par les représentants des trois partis qui, au regard de la Syrie, sont les plus influents sur la scène libanaise. Ce document est rejeté par l’ensemble des maronites, par le président Amine Gemayel qui n’a pas été consulté, et par l’ancien président Frangié. Ceci n’empêche pas le texte d’être officiellement adopté à Damas le 28 décembre 1985. Il sera désormais connu sous le nom d’Accord Tripartite. Il décrète notamment : la fin de l’état de guerre, l’équilibre des pouvoirs entre chrétiens et musulmans, l’abolition du confessionnalisme et la réforme des institutions. Les dispositions posant problème aux maronites sont celles concernant l’éducation et l’information, qui doivent être remodelées de façon coordonnée avec la Syrie. La liberté du système éducatif libanais et de la presse libanaise apparaît menacée. Le 13 janvier 1986, lors d’un sommet qui le réunit avec le président syrien Assad, le président Amine Gemayel refuse d’adopter l’Accord Tripartite. Le 15 janvier 1986, une nouvelle Intifada conduite par Samir Geagea contraint Elie Hobeika à quitter le Liban. Il gagne la Syrie via Paris. Ce mouvement insurrectionnel sonne le glas de l’Accord Tripartite, mais pour un temps seulement. Il finit par s’imposer sous le nom d’Accord de Taëf à la fin de l’année 1989.
En 1987, la Syrie se repositionne au Liban, à la demande du gouvernement libanais. L’armée syrienne s’installe à Beyrouth Ouest. Son but est de rétablir l’ordre dans le conflit qui oppose Amal et les druzes. Sur le plan politique, le président Amine Gemayel arrive en fin de mandat et de nouvelles élections se préparent pour l’été 1988, mais le Parlement n’a pas encore trouvé son successeur. Le climat politique est très tendu : le président du Conseil, Rachid Karamé, assassiné le 1er juin 1987, est remplacé par le ministre de l’Education Sélim Hoss. La Syrie, l’Irak et les Etats-Unis interviennent alors dans le choix du candidat. L’impasse est totale, les Forces libanaises rejetant tous les candidats proposés par la Syrie et par les Etats-Unis. C’est finalement le général Aoun qui est choisi pour former un gouvernement provisoire, en attendant l’élection définitive d’un président de la République. Le président du Conseil Sélim Hoss maintient néanmoins son gouvernement soutenu par la Syrie : il y a donc à la tête de l’Etat libanais deux gouvernements. La mission initiale du général Aoun est de faire élire un nouveau président de la République. Mais il s’engage dans une politique d’indépendance et d’intégrité du Liban, politique qui passe par la lutte contre les milices, et notamment les Forces libanaises qu’il attaque à partir du 14 février 1989. Il déclare également la guerre aux Syriens par la « guerre de libération » menée du 14 mars au 22 septembre 1989.
Dans le même temps, une solution au conflit est examinée par la Ligue des Etats arabes. Trois Etats membres, le Maroc, l’Algérie et l’Arabie Saoudite tentent une médiation entre les différents acteurs libanais et la Syrie. Un accord est trouvé à Taëf, en Arabie Saoudite, le 22 octobre 1989. Le général Aoun et ses partisans refusent la mise en application de cet accord, et l’élection à la présidence de la République de René Moawad, député de Zghorta, le 5 novembre 1989, n’est reconnue ni par Michel Aoun qui se proclame président du Liban le 7 novembre, ni par Samir Geagea. Le 22 novembre, René Moawad est assassiné et Elias Hraoui, député de Zahlé, le remplace à la présidence de la République. Le général Aoun poursuit néanmoins, en janvier 1990, la guerre contre les Forces libanaises de Samir Geagea. Le 13 octobre 1990, la Syrie, décidée à mettre fin à sa résistance, bombarde son armée qui rend les armes. Aoun demande alors à ses partisans de rejoindre l’armée légale et lui-même demande asile à l’ambassade de France et part en exil à Paris.
Cette reconstruction se déroule sous la tutelle syrienne, comme il en a été décidé à Taëf, et suite à la signature d’un accord entre les deux pays, le 22 mai 1991, par lequel le Liban accepte d’harmoniser sa politique extérieure et culturelle ainsi que son économie avec la Syrie. En outre, l’armée syrienne, malgré les décisions prises à Taëf, est autorisée à rester au Liban et n’est plus tenue de se replier dans la Bekaa, tant que l’armée israélienne restera dans le Sud Liban et tant que toutes les réformes constitutionnelles ne seront pas mises en place. Le gouvernement doit faire face à plusieurs défis : la reconstruction de l’Etat, la faiblesse de l’économie, avec une livre très basse et un manque d’investissement, et la question des populations déplacées. L’armée libanaise, à la tête de laquelle est nommé le général Emile Lahoud, reprend position dans le pays et désarme les milices, dont les Forces libanaises. Ces miliciens sont intégrés dans l’armée. En dépit de cette reprise de l’armée libanaise, le Sud Liban reste fragilisé par les combats menés par le Hezbollah (toujours présent dans le sud) contre Israël, et les répliques israéliennes.
En 1992, de nouvelles élections législatives se préparent sur fond de contestation populaire, en raison de la crise économique. Après plusieurs difficultés (démissions et boycottes), les élections d’août portent à la présidence du Conseil le sunnite Rafic Hariri et à la présidence de la Chambre le chiite Nabih Berri, chef du mouvement Amal. Des députés de Amal et du Hezbollah entrent au Parlement. Elias Hraoui est toujours président de la République. De 1992 à 1994, Rafic Hariri, afin de redresser l’économie, lance une politique de reconstruction (notamment à Beyrouth) et de grands travaux. Mais il se heurte dans ses décisions au président Hraoui, qui obtient de la Syrie la prolongation de son mandat présidentiel jusqu’en 1998, à la montée en puissance de la communauté chiite, communauté la plus nombreuse, dans l’administration et à l’action de Nabih Berri. Sur le terrain, les difficultés se poursuivent avec l’ex-milice des Forces libanaises, et entre le Hezbollah et Israël. En 1994, l’ex-milice des Forces libanaises, opposée à la présence syrienne, est accusée d’avoir commis un attentat au nord de Beyrouth. La milice est dissoute et son chef, Samir Geagea est condamné à perpétuité.
En 1995, les opérations israéliennes contre le Hezbollah reprennent dans le Sud Liban. Le Hezbollah riposte en bombardant la Galilée. En avril 1996, Israël lance alors une opération appelée « raisins de la colère » contre le Sud Liban. Mais Israël s’enlise dans cette guerre et décide le retrait total de son armée déployée dans la zone de sécurité en avril 2000. Le 24 mai, le retrait est effectué. Le sud passe alors sous le contrôle du Hezbollah à partir de ce moment. Une zone de désengagement israélien est tracée par l’ONU, proche de la frontière fixée lors de l’armistice de 1949, et le mandat de la FINUL est prolongé.
En politique intérieure, des élections présidentielles sont organisées en octobre 1998. La Syrie impose son candidat, le général Emile Lahoud, chef de l’armée libanaise. La décision syrienne est confirmée par le vote du Parlement libanais le 15 octobre. Pour des raisons constitutionnelles, Rafic Hariri quitte son poste de président du Conseil. Il est remplacé par Sélim Hoss qui reste en fonction jusqu’en octobre 2000.
Le retrait israélien de la zone de sécurité située au Sud Liban le 24 mai 2000 ainsi que la mort du président syrien Hafez al-Assad le 10 juin 2000 (son fils Bachar al-Assad lui succède) modifient la donne au Liban. La contestation populaire dénonce les difficultés économiques, les abus électoraux et la présence syrienne. Des manifestations d’étudiants se déroulent de la fin 2000 au début 2001 et expriment le malaise de la société libanaise. Au niveau politique, les élections législatives de septembre 2000 confirment le rôle de l’opposition, c’est-à-dire de Rafic Hariri et du druze Walid Joumblatt. A la suite de ces élections législatives, Sélim Hoss est remplacé à la présidence du Conseil par Rafic Hariri. La contestation à la présence syrienne se poursuit. De nombreuses personnalités politiques et religieuses, tant chrétiennes (qui se regroupent dans le Rassemblement de Qornet Chehwane constitué en avril 2001), que druzes (avec Walid Joumblatt) demandent le retrait syrien.
A la suite des attentats du 11 septembre 2001, du changement de politique de l’administration Bush à l’encontre des « rogue states », la Syrie se retrouve au banc des accusés : la diplomatie américaine lui reproche son ingérence sur le Liban et la diplomatie française dénonce les manœuvres syriennes contre Rafic Hariri. A l’été 2004, les présidents Bush et Chirac portent l’affaire devant l’ONU. Le conseil de sécurité vote, par la résolution 1559 du 2 septembre 2004, le retrait de l’armée syrienne, le désarmement des milices (dont le Hezbollah), et la tenue d’élections libres, c’est-à-dire sans influence syrienne. Dans le même temps, alors que le mandat du président Emile Lahoud arrive à expiration à l’automne 2004, la Syrie oblige le Parlement libanais à voter un amendement constitutionnel afin de prolonger le mandat du président jusqu’en 2007. Plusieurs députés s’opposent à cette décision et Rafic Hariri démissionne le 20 octobre 2004. Il est remplacé par Omar Karamé.
Le 14 février 2005, Rafic Hariri est assassiné, et sa mort suscite une cohésion nationale de très grande ampleur. Des manifestations s’organisent à Beyrouth, dont la plus importante, le « printemps de Beyrouth », réunit le 14 mars 2005 un million de personnes. Les Libanais accusent la Syrie d’être l’instigatrice de l’assassinat de Rafic Hariri et demandent la tenue d’élections législatives libres. Devant ces pressions, le gouvernement libanais pro-syrien démissionne et le gouvernement syrien annonce le retrait des troupes syriennes pour le mois d’avril 2005. Quant à l’ONU, elle décide l’envoi d’une commission d’enquête sur l’assassinat de Rafic Hariri, appelée commission Mehlis, et qui devient la commission Brammertz en 2006. Il est demandé une coopération de la Syrie à ces commissions par la résolution 1636 du 31 octobre 2005. De son côté, le Hezbollah appelle le 8 mars 2005 à une manifestation afin de remercier la Syrie pour son intervention depuis 1976 et l’aide apportée au Liban face à Israël. Cette manifestation rassemble 800 000 personnes.
Les élections législatives se déroulent du 29 mai au 19 juin 2005. Plus que la victoire de partis politiques, les élections mettent en évidence la victoire de personnalités : Saad Hariri, fils de Rafic Hariri, remporte Beyrouth et les régions sunnites ; Walid Joumblatt remporte le Chouf ; le Hezbollah et Amal, réunis dans la même liste remportent le sud ; Saad Hariri et le général Aoun, rentré d’exil, se partagent le Mont Liban. Le président de la République Emile Lahoud nomme l’ancien ministre des Finances Fouad Siniora président du Conseil et Nabih Berri reste président de la Chambre. Pour la première fois, deux ministres du Hezbollah entrent au gouvernement. Ce mouvement est toujours présent au Sud Liban, et le gouvernement de Fouad Siniora subit la pression du gouvernement américain, pour qui le Hezbollah fait partie des organisations terroristes. L’enquête concernant l’assassinat de Rafic Hariri se poursuit également : le rapport de la commission Mehlis, remis en octobre 2005, implique des proches de Bachar al-Assad et des personnalités libanaises proches d’Emile Lahoud. Ils sont tous arrêtés. L’ONU propose en outre en décembre 2005 de former un tribunal international afin de juger les responsables de la mort de Rafic Hariri. Cette décision de l’ONU provoque la démission de six ministres pro-syriens en novembre 2006. En parallèle à ces enquêtes afin de déterminer les commanditaires de l’assassinat de Rafic Hariri, des personnalités libanaises connues pour leur lutte contre la Syrie sont assassinées.
A l’été 2006, le Liban est à nouveau confronté à un conflit. Le 12 juillet, à la suite de l’emprisonnement par le Hezbollah de deux soldats israéliens se trouvant à la frontière israélo-libanaise, Israël riposte : la guerre Israël-Hezbollah commence. Le conseil de sécurité de l’ONU vote la résolution 1701 le 12 août 2006, qui met fin au conflit et décide l’envoi de la FINUL II au Sud Liban, à côté de l’armée libanaise. Cette guerre cristallise les oppositions politiques, avec d’un côté le Hezbollah chiite, Amal et le général Aoun (qui s’est rapproché du Hezbollah à son retour au Liban en 2005) et de l’autre côté le gouvernement de Fouad Siniora et ses soutiens sunnites, druzes et maronites. De nombreuses questions non encore résolues attisent les difficultés : le tribunal international, le désarmement du Hezbollah, la fin de la présidence d’Emile Lahoud dont le mandat prend fin en novembre 2007, la gestion des relations avec les Etats-Unis, la France et la Syrie. Dans le domaine politique, le Hezbollah et ses alliés, souhaitant pérenniser leur position, demandent qu’un gouvernement d’union nationale soit constitué. Afin de faire pression sur le gouvernement, l’opinion publique, à l’appel du Hezbollah, organise des manifestations et des sit-in dans le centre de Beyrouth. Ces manifestations populaires exacerbent les tensions dans une société déjà fragilisée. Des affrontements armés et meurtriers éclatent de mai à septembre 2007 dans le camp de Nahr al-Bared à Tripoli entre le Fatah al-Islam (nouveau mouvement apparu fin 2006) et l’armée libanaise. Enfin une crise politique achève de paralyser le Liban. Le Parlement, alors que s’achève le mandat du président Emile Lahoud en novembre 2007, n’arrive pas élire à la majorité absolue son successeur et le Liban reste 6 mois sans président. Il faut 14 tours de scrutin avant que le Parlement n’élise le 25 mai 2008 un nouveau président, le général Michel Sleimane, commandant en chef de l’armée libanaise. Fouad Siniora est reconduit au poste de président du Conseil. Il forme le 11 juillet, après de nombreuses tractations, un gouvernement de 30 ministres : 16 appartiennent à la majorité anti-syrienne, 11 au Hezbollah, 3 sont nommés par le président Sleimane et 1 par le président du Conseil, Nabib Berri. L’objectif de ce nouveau gouvernement, est, outre de ramener le calme et la confiance, de préparer les élections législatives qui doivent se tenir au printemps 2009.
Dans le même temps, la question de la guerre de 2006 entre le Hezbollah et Israël revient sur le devant de la scène au Liban. En janvier 2008, la commission d’enquête israélienne rend ses conclusions sur le conflit, qui a fait 1200 morts libanais et 163 morts israéliens. Le rapport met en avant des « manquements et défaillances dans le processus de décision ». Dans le même dossier, le chef de la sécurité du Hezbollah, Imad Moughnieh, est assassiné à Damas le 12 février. Cet acte est vivement critiqué par le Hezbollah, qui met en cause l’implication d’Israël. Le 14 février, alors que les obsèques d’Imad Moughnieh se déroulent à Beyrouth, auxquels participent les partisans du Hezbollah, le troisième anniversaire de la mort de Rafic Hariri, qui réunit les partisans de la coalition anti-syrienne, est également commémoré.
A la suite de la nomination du nouveau gouvernement, des affrontements se poursuivent en juillet et en août 2008 dans la ville de Tripoli, entre des sunnites, membres de la coalition anti-syrienne et des alaouites, pro-Hezbollah. Ce climat de tension se poursuit alors même que le Président Sleimane organise le 16 septembre un « dialogue national » entre les différents partis politiques, afin de parvenir à une réconciliation entre la coalition anti-syrienne et le Hezbollah.
En 2009, le Tribunal Spécial pour le Liban s’ouvre aux Pays-Bas le 1er mars. Il est chargé par l’ONU (résolution 1664) de juger les responsables des attentats commis au Liban, dont ceux de l’attentat commis contre le Premier ministre Rafic Hariri. Sur le plan de la politique intérieure, les élections législatives se déroulent comme prévu au printemps : le 7 juin, elles sont remportées à la majorité absolue (71 sièges sur 128) par la coalition anti-syrienne menée par le sunnite Saad Hariri, fils de Rafic Hariri, composée des partisans de Saad Hariri, des druzes de Walid Joumblatt, des Forces libanaises de Samir Geagea et des Phalanges d’Amine Gemayel. La coalition minoritaire composée du Hezbollah chiite, des partisans de Michel Aoun et d’Amal remporte 57 sièges. Le 27 juin, succédant à Fouad Siniora, Saad Hariri est nommé Premier ministre par le président Sleimane. Il est chargé de constituer le nouveau gouvernement, mais sa tâche est rendue difficile par les demandes du Hezbollah de constituer un gouvernement d’union nationale. Un accord entre les deux parties décide alors de composer le futur gouvernement par 15 ministres de la majorité, par 10 ministres de la minorité et par 5 ministres proposés par le président de la République. Le 7 septembre, Saad Hariri présente au président Sleimane un gouvernement d’union nationale, mais qui est refusé par la coalition minoritaire, celle-ci voulant choisir elle-même ses ministres. Le 10 septembre, devant les difficultés rencontrées, Saad Hariri renonce à former un gouvernement d’union nationale et démissionne de ses fonctions. De nouvelles consultations parlementaires doivent être organisées afin de nommer un nouveau Premier ministre.
Bibliographie :
Jean-Pierre ALEM, Le Liban, PUF, Paris, 1968, 126 pages.
Denise AMMOUN, Histoire du Liban contemporain, 1860-1943, Fayard, Paris, 1997, 528 pages.
Denise AMMOUN, Histoire du Liban contemporain, 1943-1990, Fayard, Paris, 2005, 1010 pages.
André BOURGEY, Philippe DROZ-VINCENT, Elisabeth PICARD, "Liban", Encyclopédie universalis 2009.
Anne-Lucie CHAIGNE-OUDIN, La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946, L’Harmattan, Paris, 2009, 256 pages.
Henry LAURENS, L’Orient arabe à l’heure américaine, de la guerre du Golfe à la guerre d’Irak, Hachette Littératures, Paris, 2008, 452 pages.
Site de la Documentation française, chronologie internationale, Moyen-Orient.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.
Yara El Khoury
Yara El Khoury est Docteur en histoire, chargée de cours à l’université Saint-Joseph, chercheur associé au Cemam, Centre D’études pour le Monde arabe Moderne de l’université Saint-Joseph.
Elle est enseignante à l’Ifpo, Institut français du Proche-Orient et auprès de la Fondation Adyan.
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