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Synthèse de la guerre entre le Hamas et l’Etat d’Israël - Période du 1er au 24 janvier 2024 (1/2)

Par Emile Bouvier
Publié le 26/01/2024 • modifié le 26/01/2024 • Durée de lecture : 6 minutes

Si les pertes militaires ne cessent de croître dans les rangs de chaque belligérant, la situation humanitaire des Gazaouis, elle, devient toujours plus critique, tant en termes de sécurité alimentaire que de santé ou encore d’accès à l’eau ; les convois traversant la frontière égypto-palestinienne, au poste-frontière de Rafah, sont insuffisants malgré les accords que certains Etats parviennent à conclure avec les autorités israéliennes afin de poursuivre, et parfois accroître, cet acheminement d’aide humanitaire.

L’activité diplomatique reste, de fait, particulièrement bourdonnante. Tandis que les différents acteurs impliqués dans les négociations visant à obtenir un cessez-le-feu maintiennent un haut niveau de mobilisation, le nombre de pays appelant à une solution à deux Etats ne cesse de croître, tandis que Tel-Aviv continue de s’y montrer fermement opposé.

Au-delà des affrontements dans la bande de Gaza elle-même, les échos de la guerre entre le Hamas et Israël continuent de résonner à travers l’intégralité du Moyen-Orient, des rives du détroit de Bab el-Mandeb aux vallons méridionaux du Liban. Au nom de la protection du peuple palestinien et de la lutte contre les pays jugés oppresseurs de ce dernier, de nombreux groupes armés, bien souvent soutenus ou encouragés par l’Iran, mènent des actions militaires contre Israël, les Etats-Unis et leurs alliés.

Alors que le conflit en Israël et au sein des Territoires palestiniens continue de dessiner les contours d’un monde nouveau, tant au Moyen-Orient qu’à travers le reste du globe, le présent article entend dresser une synthèse des tendances et événements marquants de cet épisode historique depuis le 1er janvier 2024, date à laquelle l’armée israélienne a annoncé avoir pris le contrôle « opérationnel » [1] de la bande de Gaza et lancé une nouvelle phase de la guerre [2], dans le sud notamment. Une approche thématique sera privilégiée, en abordant dans un premier temps les opérations militaires dans la bande de Gaza (I) et leur incidence sur la population palestinienne (II). L’activité diplomatique visant à parvenir à faire cesser ces violences sera ensuite détaillée (III) avant d’en venir aux différents autres foyers de tensions déclenchées par le conflit israélo-palestinien à travers le Moyen-Orient (IV).

I. Une guerre qui n’en finit pas pour les combattants…

Malgré une campagne de bombardements à l’intensité inédite - au 2 novembre 2023, l’armée israélienne affirmait avoir conduit plus de 12 000 frappes depuis le 7 octobre dans la bande de Gaza [3] et a cessé de communiquer à ce sujet depuis -, le Hamas conserve de fortes capacités opérationnelles. Ainsi, malgré la neutralisation de nombreux ateliers de fabrication de roquettes - à l’instar du vaste complexe découvert le 8 janvier à Bureij [4] - et les activités de surveillance menées par les forces israéliennes, le Hamas continue d’exécuter de réguliers tirs de barrage de roquettes contre le territoire israélien, comme celui du 16 janvier au cours duquel 25 missiles, tirés depuis le nord de la bande de Gaza, ont touché la ville de Netivot [5]. Les combattants palestiniens poursuivent par ailleurs leurs actions de guérilla à l’encontre des soldats israéliens en menant avec succès des raids et embuscades. A cet égard, l’armée israélienne a connu le 22 janvier sa journée la plus meurtrière [6] depuis le début de l’offensive terrestre dans la bande de Gaza en perdant un total de 24 soldats [7], portant à 210 le nombre de combattants israéliens morts, au 23 janvier, depuis l’entrée des forces israéliennes dans l’enclave palestinienne [8].

Le 6 janvier 2924, l’état-major israélien annonçait pourtant que « la structure militaire » du Hamas dans le nord de la bande de Gaza avait été démantelée [9], expliquant par la même occasion la volonté de l’armée israélienne de réorienter son dispositif vers le sud et notamment vers la ville de Khan Younis, ville natale de Yahya Sinouar, le chef à Gaza du Hamas, accusé d’être l’architecte des attaques du 7 octobre 2023. Cette « troisième phase » de la guerre à Gaza - après la première ayant consisté en une campagne de bombardements intensifs et la deuxième en un positionnement de troupes dans la bande de Gaza - devrait durer six mois selon la primature israélienne, qui s’exprimait à ce sujet le 23 janvier [10]. Le même jour, les autorités israéliennes annonçaient avoir pratiquement achevé d’encercler la ville [11] alors que les combats se concentraient autour du principal hôpital de la localité [12], l’hôpital Nasser, causant de nombreux morts parmi la population civile y ayant trouvé refuge [13] : la situation humanitaire des Gazaouis n’a pas cessé, de fait, d’empirer.

II. … et encore moins pour les civils

S’il est usuel de souligner la dégradation des conditions humanitaires d’une population civile prise entre deux feux, celle de la population gazaouie alerte tout particulièrement la communauté internationale : aujourd’hui, 80% des personnes à travers le monde connaissant des niveaux de faim « catastrophiques » ou de « famine » - suivant la terminologie usitée par l’ONU [14] - se trouveraient dans la bande de Gaza [15]. Au 23 janvier, 60% des logements de la bande de Gaza et 90% de ses écoles étaient soit détruits, soit endommagés [16], tandis que seuls 16 hôpitaux sur les 36 initiaux étaient encore partiellement opérationnels [17]. En raison de l’effondrement du système de santé palestinien et des conditions de vie des Gazaouis depuis la guerre, les maladies se propagent à un rythme exponentiel (à l’instar de l’hépatite A [18] ou encore de la diarrhée, qui touche en moyenne 3 200 nouveaux enfants de moins cinq ans chaque jour [19]). Selon certains spécialistes [20], un quart de la population de la bande de Gaza pourrait périr d’ici un an en raison des épidémies provoquées par cette guerre.

De fait, au-delà de ses conditions de vie, la population gazaouie souffre également d’un taux de mortalité quotidien plus élevé que tout autre conflit majeur du XXIème siècle [21] : depuis le début de la guerre, 160 enfants gazaouis périssent en moyenne chaque jour [22], quand ce chiffre s’élève à un par jour dans le cas du conflit en Ukraine par exemple [23]. En tout, au 21 janvier, 25 105 Palestiniens ont été tués depuis le 7 octobre 2023 selon les chiffres du ministère palestinien de la Santé [24]. Au 24 janvier, un Gazaoui sur 25 était soit mort, soit blessé [25]. Comme plusieurs observateurs le soulignent par ailleurs [26], le décompte des morts dans la bande de Gaza est probablement fortement sous-estimé car il est, pour le moment, le seul apanage de l’Autorité palestinienne, qui ne comptabilise que les décès ayant été dénombrés dans ses hôpitaux. Le décompte actuel exclut donc les personnes ensevelies sous les décombres des bâtiments détruites par les affrontements, ou celles encore ayant été par exemple enterrées à la hâte [27]. Si une « zone humanitaire » a été désignée par l’armée israélienne à al-Mawasi qui a ordonné à la population palestinienne de s’y réfugier durant les opérations militaires, les Nations unies et les ONG critiquent cette solution de fortune qui n’offriraient, selon eux, que peu de répit aux Palestiniens [28]. De fait, le 4 janvier par exemple, 14 personnes, la plupart des enfants de moins de 10 ans, ont été tuées lors d’une frappe israélienne à proximité immédiate de la « zone humanitaire » d’al-Mawasi [29].

Dans ce contexte, de nombreux acteurs de la crise apparaissent particulièrement mobilisés diplomatiquement pour soulager autant que possible les maux de la population et, si possible, atteindre un nouveau cessez-le-feu.

Lire la partie 2

Publié le 26/01/2024


Emile Bouvier est chercheur indépendant spécialisé sur le Moyen-Orient et plus spécifiquement sur la Turquie et le monde kurde. Diplômé en Histoire et en Géopolitique de l’Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne, il a connu de nombreuses expériences sécuritaires et diplomatiques au sein de divers ministères français, tant en France qu’au Moyen-Orient. Sa passion pour la région l’amène à y voyager régulièrement et à en apprendre certaines langues, notamment le turc.


 


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