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Hamas : de quoi le « Mouvement de résistance islamique » est-il le nom ?

Par Ines Gil
Publié le 17/10/2023 • modifié le 31/07/2024 • Durée de lecture : 5 minutes

Crédits photo : Port de Gaza City, Ines Gil, mai 2019

Crédits photo : Port de Gaza City, Ines Gil, mai 2019

Sous-estimé par Israël

Né en 1987, aux prémices de la Première Intifada (1987-1993), le mouvement nationaliste et islamiste est composé d’une branche politique et d’une branche armée, les brigades Al-Qassam. Héritier des Frères musulmans, il s’appuie à ses débuts sur le réseau d’une organisation caritative religieuse, Al-Moujamaa Al-Islami (« le centre islamique ») installé à Gaza avec le soutien des autorités israéliennes [1]. Opposé aux accords d’Oslo de 1993, le Hamas fomente des dizaines d’attentats contre des cibles israéliennes civiles et militaires, principalement jusqu’au milieu des années 2000, et s’impose progressivement sur la scène nationale palestinienne. L’année 2006 marque un tournant, car il remporte la victoire aux élections législatives palestiniennes. Il s’empare du pouvoir à Gaza [2] un an plus tard. Maître de l’enclave soumise à un blocus israélo-égyptien drastique depuis lors, il entre en guerre à quatre reprises avec Israël en 2008-2009, en 2012, en 2014 et en 2021.

Outre les phases de guerre ouverte, l’Etat hébreu et le groupe au pouvoir à Gaza sont continuellement pris dans un conflit de basse intensité dont les sursauts surviennent à un rythme chronique. Aux roquettes sporadiques envoyées par le Hamas ou son allié le Jihad islamique comme moyens de pression pour desserrer le blocus [3], Israël réplique par des bombardements. Tel-Aviv, qui maintient un blocus drastique sur l’enclave, se contente alors de ce statu quo, qui lui permet de maintenir la division dans le camp palestinien. Les dirigeants israéliens considèrent que le Hamas n’a pas les moyens de changer ce rapport de force depuis Gaza. Et en Cisjordanie, la coopération sécuritaire avec l’Autorité palestinienne leur permet de mater toute émergence du groupe islamiste.

L’opération lancée par le Hamas le 7 octobre montre que les forces de sécurité israéliennes ont sous-estimé les moyens d’armement et les capacités d’organisation du groupe, mais aussi ses ambitions politiques. Il faut dire que le Hamas a su brouiller les pistes. Classé comme terroriste par Israël, les Etats-Unis et l’Union européenne, ces récentes années, il semblait chercher à se « normaliser », pour ouvrir un dialogue direct avec les puissances occidentales. En 2017, le groupe dévoile sa charte amendée. Il y reconnaît les frontières de 1967, marque comme objectif l’instauration d’un « Etat de Palestine souverain avec pour capitale Jérusalem dans les frontières de 1967 » [4], et insiste sur le caractère « politique » et non religieux du conflit avec Israël, sans pour autant reconnaître « l’entité sioniste ». Une charte plus « modérée » selon ses dirigeants. Dans l’optique de futures négociations, la possibilité d’un dialogue direct avec le groupe palestinien fait alors son chemin en Occident. L’attaque du 7 octobre met fin à cette dynamique.

Divisions palestiniennes

Les événements de mai 2021 étaient pourtant un premier signal des ambitions du groupe sur la scène nationale palestinienne. Les brigades Al-Qassam avaient alors tiré des roquettes en direction de Jérusalem après l’intervention violente de policiers israéliens dans la mosquée Al-Aqsa (Jérusalem Est), en plein ramadan. Le Hamas s’est alors rêvé en champion de la cause palestinienne, concurrençant directement le Fatah, le plus important parti de l’OLP, dont le chef est le président de l’Autorité palestinienne (AP).

Le Hamas profite depuis longtemps du discrédit de l’Autorité palestinienne dominée par le Fatah. L’échec des accords d’Oslo [5] au début des années 2000 lui permet de s’imposer sur la scène politique palestinienne. Durant la Seconde Intifada (2000-2005), le Hamas se lance dans une guerre de harcèlement des forces israéliennes. C’est en grande partie la stratégie du groupe palestinien qui mène, en 2005, au retrait des forces israéliennes de Gaza et au démentèlement des colonies sur ce territoire. Victoire pour le Hamas, dont la politique semble, aux yeux des Palestiniens, porter ses fruits. En 2006, il remporte donc les élections législatives, c’est le début de la scissure profonde dans le camp palestinien.

A la mi-juin 2007, un an après sa victoire, le Hamas s’empare du pouvoir à Gaza au terme d’une guerre-civile de cinq jours, contre les forces du Fatah fidèles à Mahmoud Abbas. Gaza, déjà isolée, est placée sous un blocus israélo-égyptien drastique la même année et se transforme en une prison à ciel ouvert. Depuis, les tentatives de réconciliations entre les deux partis palestiniens se sont soldées par des échecs, alors même que ce dossier est un des sujets prioritaires à résoudre selon l’opinion publique palestinienne [6]. La partition territoriale et politique des Palestiniens arrange les dirigeants israéliens, qui n’ont pas l’intention de favoriser la naissance d’un Etat palestinien. Selon le journal israélien Haaretz, Benyamin Netanyahou a affirmé, lors d’une réunion avec son parti le Likoud en 2019, que « quiconque veut contrecarrer la création d’un Etat palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas et transférer de l’argent [7] au Hamas. Cela fait partie de notre stratégie » [8].

Plus récemment, le groupe islamiste profite aussi de l’impopularité grandissante de Mahmoud Abbas auprès des Palestiniens. Selon un rapport publié par le Centre palestinien de recherche sur les politiques et les enquêtes (PCPSR) qui mesure régulièrement le poul de la société palestinienne, 78% des Palestiniens demandent la démission du président Abbas [9]. Si un scrutin présidentiel était organisé entre Ismaël Haniyeh (chef de la branche politique du Hamas) et Mahmoud Abbas, le premier l’emporterait avec 58% des voix (sondage publié le 13 septembre, avant l’opération du Hamas). Le Fatah reste néanmoins un parti fortement ancré chez une partie de la population palestinienne et certaines de ses figures sont encore très populaires, tel que Marwan Barghouti, membre du conseil législatif palestinien, ancien chef de fil du Tanzim emprisonné par Israël depuis 2002.

A Gaza, le Hamas voit sa popularité baisser ces dernières années du fait des conséquences socio-économiques du blocus, des guerres successives, et de la politique autoritaire exercée par le parti. En 2019, les forces de sécurité à Gaza ont violemment réprimé un rassemblement de mécontentement social auquel des dizaines de Gazaouis avaient pris part, éprouvés par plus de dix années de blocus [10].

En Cisjordanie en revanche, la popularité du Hamas est en hausse. L’AP, limitée dans ses actions car dépendante de l’Etat d’Israël, est totalement atone. Elle n’a plus guère de contrôle sur le territoire palestinien. En parallèle, la colonisation s’intensifie et la radicalisation des colons israéliens s’accélère depuis l’entrée au gouvernement des suprémacistes juifs Itamar Ben Gvir (Force juive) et Bezalel Smotrich (Parti sioniste religieux) en décembre 2022. Les Palestiniens et les Israéliens ne se sont pas assis à une table de négociation depuis 2014 [11]. L’absence de voie diplomatique favorise le recours aux armes. En Cisjordanie, privés de perspective à long terme, une majorité de Palestiniens est en quête de changement, qu’il porte les habits du Hamas ou d’une autre entité, tant qu’il n’est pas incarné par Mahmoud Abbas et son entourage.

Les prochains jours marqueront l’avenir du Mouvement de résistance islamique. Dix-huit ans après le retrait de Gaza, l’armée israélienne se préparerait à prendre de nouveau le contrôle de l’enclave [12], avec pour but de détruire le Hamas.

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Publié le 17/10/2023


Ines Gil est Journaliste freelance basée à Beyrouth, Liban.
Elle a auparavant travaillé comme Journaliste pendant deux ans en Israël et dans les territoires palestiniens.
Diplômée d’un Master 2 Journalisme et enjeux internationaux, à Sciences Po Aix et à l’EJCAM, elle a effectué 6 mois de stage à LCI.
Auparavant, elle a travaillé en Irak comme Journaliste et a réalisé un Master en Relations Internationales à l’Université Saint-Joseph (Beyrouth, Liban). 
Elle a également réalisé un stage auprès d’Amnesty International, à Tel Aviv, durant 6 mois et a été Déléguée adjointe Moyen-Orient et Afrique du Nord à l’Institut Open Diplomacy de 2015 à 2016.


 


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