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Le suivi attentif par l’administration américaine de l’évolution de la situation politique en Egypte depuis le départ du président égyptien Hosni Moubarak (1981-2011) le 11 février 2011, après dix huit jours de soulèvement populaire, révèle bien l’importance du pays dans la stratégie moyen-orientale des Etats-Unis. Les liens entre les deux pays ne sont pas nouveaux. L’Egypte représente pour ces derniers un Etat modéré nécessaire à la stabilité de la région. Il s’agit alors de s’interroger ici sur les relations égypto-américaines et de voir dans quelle mesure l’Egypte constitue un atout essentiel dans la politique régionale américaine.
Après les revirements de Nasser (1918-1970) entre le camp occidental et l’URSS, c’est véritablement le président Sadate (1918-1981) qui a œuvré à un rapprochement avec les Etats-Unis dans les années 1970, alliance qui n’a jamais été remise en question jusqu’à aujourd’hui.
En plein contexte de guerre froide, il choisit en effet d’éloigner son pays du bloc de l’Est en renvoyant, à partir de 1972, les 72 000 conseillers militaires et les quelques milliers de conseillers civils soviétiques. Trois ans plus tard, les relations diplomatiques avec les Etats-Unis, rompues pendant la guerre des Six jours de 1967, sont restaurées et un Conseil égypto-américain se met en place. A partir de 1976, des armements américains commencent peu à peu à remplacer le matériel soviétique. Sadate considère alors que seuls les Etats-Unis sont à même de fournir une aide économique et financière à son pays. Il voit également en eux l’unique alternative pour sortir l’Egypte des années de guerre avec Israël. C’est finalement les signatures en 1978 des Accords de Camp David et, un an plus tard, d’un traité de paix israélo-égyptien à Washington, qui achèvent le rapprochement entre les Etats-Unis et l’Egypte. Malgré la condamnation de cette action par l’ensemble du monde arabe, l’Egypte est récompensée par les Etats-Unis : une « prime à la paix » de 2 milliards de dollars (Israël en touchant 3 milliards) est versée depuis, chaque année, s’ajoutant à une aide civile et militaire et à d’importants dons de blé américain. En échange de ces aides et d’un soutien politique inconditionnel, l’Egypte doit contribuer à la sécurité de l’Etat hébreu et appuyer la diplomatie américaine dans la région. L’Egypte, isolée dans le monde arabe, est ainsi sous dépendance économique américaine.
Si Hosni Moubarak ne remet en question ni les accords de paix avec Israël, ni les relations avec Washington, il s’applique cependant tout au long des années 1980 à réintégrer son pays dans le monde arabe mais également à améliorer ses relations avec l’Union soviétique. L’amitié égypto-américaine se manifeste une nouvelle fois lors de la guerre du Golfe de 1990-1991. L’Egypte est le premier pays arabe à s’engager au côté des Etats-Unis contre l’Irak de Saddam Hussein et déploie 30 000 soldats dans le Golfe, au nom de la défense de la souveraineté d’un Etat. Cette attitude, une nouvelle fois saluée par Washington en annulant la moitié de sa dette extérieure estimée à 53 milliards de dollars, permet à l’Egypte d’affirmer sa position dominante dans le monde arabe.
Hosni Moubarak et le vice-président américain Al Gore établissent différents partenariats égypto-américains et diverses aides au développement sont mises en œuvre tout au long des années 1990 : transferts de technologie industrielle, militaire et agricole, facilités commerciales destinées à augmenter les exportations de produits égyptiens vers les Etats-Unis et support aux investissements américains en Egypte. Les Etats-Unis deviennent ainsi le principal partenaire commercial de l’Egypte.
Toutefois, si Le Caire reste un allié majeur pour Washington, l’évolution du contexte géopolitique des vingt dernières années tend à réduire progressivement le poids de l’Egypte sur la scène régionale. La chute de l’URSS, d’une part, fait perdre à l’Egypte son rôle régulateur face à certains de ses voisins pro-soviétiques, tel que la Syrie. D’autre part, depuis la Déclaration de principe israélo-palestinienne de septembre 1993, l’Egypte n’est plus le seul pays arabe à avoir normalisé ses relations avec I’Etat Hébreu. Des députés du Congrès américain souhaitent par ailleurs revoir à la baisse l’aide octroyée au gouvernement égyptien, dénonçant le manque d’implication de leur allié à leurs côtés, l’absence de démocratie ou encore les discriminations envers les populations coptes.
Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et la mise en place, en 2004, du projet de Grand Moyen-Orient par les Etats-Unis, les appels et pressions à des ouvertures démocratiques dans le système politique égyptien s’accentuent. La participation de ressortissants égyptiens aux attentats du 11 septembre 2001 et dans l’organisation Al-Qaida ont en effet poussé la diplomatie américaine à durcir le ton. Considérant que certains régimes de la région fournissent, par le manque de liberté, un cadre propice à l’émergence des islamistes, l’administration Bush augmente l’aide à la démocratie en Egypte de 5 millions à 50 millions de dollars. 17 millions sont également destinés aux ONG de défense des droits de l’homme présentes dans le pays et accusées par le régime de « traitrise » car aidant les puissances étrangères à s’ingérer les affaires intérieures égyptiennes. Le discours à l’université du Caire en juin 2009 du président Barack Obama lance un nouvel appel à plus de liberté. Hosni Moubarak résiste à ces demandes, considérant que des ouvertures démocratiques entraineraient la venue d’islamistes au pouvoir.
En dépit de ces divergences d’opinion et la volonté du président égyptien d’afficher une certaine distance avec son allié par la formation de partenariats avec la Chine, l’Inde ou encore la Russie, l’Egypte n’en reste pas moins largement dépendante de l’aide économique et militaire américaine et voit sa position concurrencée par un autre puissant allié des Etats-Unis : l’Arabie saoudite.
Habile diplomate, Hosni Moubarak réussit à équilibrer les volontés américaines et celles du monde arabe, agaçant occasionnellement son allié. Cependant, malgré les réticences du Caire à une intervention américaine en Afghanistan, puis en Irak (Etat lié à l’Egypte depuis 2001 par un accord de libre-échange), le président Moubarak est finalement contraint de soutenir les Etats-Unis.
L’Egypte reste donc stratégique pour les Etats-Unis au Proche-Orient et ce notamment dans le cadre de son projet de réarmement des pays « modérés » face à l’Iran. En juillet 2007, 13 milliards de dollars d’aides supplémentaires sont octroyées au régime de Moubarak.
On peut constater par ailleurs qu’un certain écart s’est creusé entre les politiques gouvernementales pro-américaines et les sentiments dominants dans la société égyptienne. En effet, un anti-américanisme croissant se fait ressentir dans le pays car l’opinion publique est encore nostalgique des rêves d’unité arabe et s’émeut du sort des Palestiniens. L’intervention militaire en Irak a également porté un coup dur à l’image des Etats-Unis dans le pays. Cette opposition est partagée par une importante partie de la classe politique, et notamment par des membres du PND, le parti du président et du monde intellectuel.
Toutefois, le soulèvement du peuple égyptien contre le régime de Hosni Moubarak (dont la conséquence a été le départ du président), n’a pas fait état de réactions antiaméricaines. La diplomatie américaine a suivi avec attention le déroulement des évènements, s’inquiétant d’une éventuelle radicalisation égyptienne et d’une remise en question des accords de paix avec Israël. Après avoir appelé le régime à procéder à des réformes rapidement et à garantir la sécurité de son peuple, le président Obama a finalement durci le ton en appelant au départ immédiat de Hosni Moubarak. Lors de son discours du 11 février, jour du départ du président égyptien, Barack Obama a notamment garanti que les Etats-Unis resteraient un pays ami de l’Egypte, tout en demandant aux militaires à « assurer une transition crédible » et à assurer l’instauration d’une « démocratie authentique ».
Bibliographie :
Joseph Confavreux, Alexandra Romano, Egypte, histoire, société, culture, Paris, La Découverte, 2007
Alain Gresh, Dominique Vidal, Les 100 clés du Proche-Orient, Paris, Hachette Littératures, 2006
Henry Laurens, Vincent Cloarec, Le Moyen-Orient au 20e siècle, Paris, Armand Colin, 2005
Jean Marcou, L’Egypte contemporaine, Editions Le Cavalier Bleu, 2008
Sophie Pommier, Egypte, l’envers du décor, Paris, Editions La Découverte, 2008
Presse : Le Figaro, Le Monde
Lisa Romeo
Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.
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