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Oman, médiateur du Golfe ? Caractéristiques d’une diplomatie singulière

Par Justine Clément
Publié le 17/11/2023 • modifié le 17/11/2023 • Durée de lecture : 15 minutes

Dans un premier temps, nous verrons que la position géographique, le passé et le particularisme religieux d’Oman (I.A) ont légitimé l’approche diplomatique portée par le sultan Qābūs à partir des années 1970 (I.B). Dans un second temps, nous étudierons les caractéristiques de cette dernière en mettant d’abord en lumière la progression d’Oman dans son environnement régional (II.A). Nous verrons ensuite que malgré sa dépendance sécuritaire aux États-Unis et au Royaume-Uni, le pays a su s’imposer comme allié et interlocuteur privilégiés des puissances occidentales pour leurs négociations dans la région (II.B).

I. Une légitimité géographique, historique et religieuse, exploitée par le sultan Qābūs

A. Particularismes du sultanat d’Oman

Au carrefour du monde arabe et de l’Asie, Oman est, avec l’exclave de Musandam [2], à la sortie du stratégique détroit d’Ormuz - par lequel transite 30% du pétrole mondial [3] - et bénéficie d’un accès privilégié à la mer d’Arabie, sur l’ensemble de sa façade Est. Ce dernier débouché, qui permet d’éviter les paralysies du détroit lors de tensions avec l’Iran voisin, est notamment investi par la Chine et son projet des « Nouvelles routes de la soie » depuis 2018 [4]. Ainsi, si cette position lui donne l’avantage d’être au cœur des échanges entre le Moyen-Orient et le reste du monde, elle le place également au centre des rivalités hégémoniques de ses voisins saoudien, iranien et émirien [5]. La stabilité de la région reste donc une « condition de survie » pour le sultanat, tant sur le plan intérieur (influence, mouvements contestataires) que sur le plan extérieur (souveraineté).

En outre, le passé riche du sultanat lui offre une connaissance précise de la région et de sa mosaïque de peuples et cultures. À partir de 1507, le pays est partiellement occupé par les Portugais, qui investissent ses principaux ports en y développant des infrastructures. En 1650, les forces omanaises de Sultan bin Saif al-Saïd reprennent le contrôle du territoire et se lancent dans une conquête régionale sans précédent. Sous l’égide de Saif bin Sultan, fils de Sultan bin Saif al-Saïd, Oman prend à la puissance portugaise la ville de Mombasa (Kenya) et les îles tanzaniennes de Kilwa, Zanzibar et Pemba [6]. L’empire omanais contrôlera également le Bahreïn, historiquement perse, entre 1717 et 1738 [7]. Entre 1737 et 1744, l’expansionnisme omanais connaît un premier revers : la guerre de succession entre les deux tribus majeures du pays - les Hināwī et les Ghāfirī - fragilise l’unité et le pouvoir d’Oman, qui se voit alors partiellement occupé par les Iraniens. En 1749 [8], l’arrivée au pouvoir d’Ahmed Ibn Saïd - ancêtre de la dynastie régnante actuelle - signe le commencement de l’âge d’or du sultanat. Au début du XIXème siècle, l’empire omanais s’étend du Baloutchistan (territoire partagé entre l’Iran, l’Afghanistan et le Pakistan) à Zanzibar et tire sa richesse du commerce d’esclaves [9]. Plus d’un siècle après, en 1856, la mort de Saïd bin Sultan crée un conflit de succession qui menace la stabilité du Golfe. Les Britanniques, alors implantés dans les territoires voisins avec leurs protectorats sur les « États de la Trêve », font office de médiateur et le territoire omanais est divisé en deux entités : d’un côté, le sultanat de Zanzibar, dirigé par Majid bin Saïd et de l’autre, celui de Mascate et d’Oman, administré par Thuwaïni bin Saïd. Cet accord ne suffit pourtant pas à stabiliser la région et les deux territoires deviennent protectorats britanniques en 1892 et ce, jusqu’en 1971.

À cette histoire riche qui offre une tradition d’« ouverture » au sultanat, s’ajoute un particularisme religieux qu’est l’ibadisme. Courant d’obédience kharijite [10], il est, à l’instar du sunnisme et du chiisme, issu de la contestation du califat des Quraysh au XIIème siècle [11]. Cette branche méconnue de l’islam prône le pacifisme : l’un de ses trois piliers, l’ijmā, désigne le fait de toujours aller vers un consensus [12]. Cette particularité religieuse permet à Oman de ne pas être impliqué dans les crises régionales découlant de la traditionnelle opposition sunnite-chiite. En outre, si sur 3,6 millions d’habitants, 70% sont musulmans de rite ibadite [13], Oman compte également une minorité sunnite, estimée à 15% de la population. Le gouvernement tient donc à une cohabitation harmonieuse afin d’éviter une révolte en interne - les sunnites se concevant parfois marginalisés [14]. Ainsi, l’État ne prend pas parti dans les conflits régionaux puisque sa posture pourrait menacer sa stabilité nationale et fragiliser le pouvoir du sultan.

B. Qābūs, sultan et diplomate

Né à Salalah en 1940, le sultan Qābūs est envoyé en Angleterre par son père dès ses 16 ans, durant cinq années, d’abord à l’Académie privée de Bury St Edmunds puis à l’Académie royale militaire de Sandhurst. Il entame ensuite un grand tour du monde et ne revient qu’à Oman au milieu des années 1960, moment où son père l’assigne à résidence [15]. Soutenu par les Britanniques, Qābūs renverse son père, Sa‘īd b. Taīmūr, en 1970 et accède au pouvoir. Rompant avec l’austérité qui prévalait sous le règne de Taīmūr, le nouveau sultan incarne le « renouveau omanais » [16] et se lance dans la modernisation fulgurante de son État, à l’aune des premiers revenus pétroliers [17]. Il offre à sa population l’accès au confort de vie moderne (eau, électricité, santé…) et devient une figure prédominante dans le sultanat. Très rapidement, il concentre la quasi-totalité des pouvoirs régaliens du pays et s’affaire à faire taire toute opposition. En 1975 et aidé par les Britanniques, Jordaniens et Iraniens, il réussit à écraser la rébellion du Dhofar, soutenue par la Chine et l’URSS. Conscient des disparités entre les territoires, Qābūs investit massivement dans les infrastructures de la région et rallie d’anciens guérilléros, qu’il nomme à des postes importants au sein du gouvernement omanais [18]. Il sera ainsi décrit comme « un monarque absolu qui règne par consensus » [19].

Fin diplomate en interne, Qābūs souhaite également gagner en influence sur la scène internationale. En 1970, le pays est inconnu voire autarcique : Oman ne dispose d’aucune ambassade à l’étranger et les seuls consulats présents à Mascate sont ceux de l’Inde et du Royaume-Uni [20], pour des raisons historiques (protectorat). Aujourd’hui, Oman accueille 56 ambassades et 25 consulats et dispose de 51 ambassades et 35 consulats à l’étranger. Le 11 janvier 2020, la mort du sultan Qābūs laisse planer un doute quant à la continuité de cette politique étrangère très active. Pourtant, son successeur et cousin, Haitham ben Tarek, prend immédiatement l’engagement de poursuivre la politique de « non-ingérence » [21] de son cousin et de « favoriser les solutions pacifiques » [22]. C’est ainsi la confirmation que le « système mis en place par le sultan va au-delà de sa personne » [23] et devient un élément caractéristique de la politique étrangère omanaise. Finalement, cette « diplomatie de petit État » [24] repose sur deux piliers : une relation de bon-voisinage avec ses voisins immédiats - États de la Péninsule arabique et Iran - et une neutralité servant son rôle de médiateur et de facilitateur dans les conflits régionaux, voire internationaux [25].

II. La diplomatie omanaise : neutralité, non-interventionnisme et bonne entente avec toutes les parties

A. Dans la région, le maintien du dialogue coûte que coûte

Pour assurer sa stabilité interne et sa prospérité économique, Oman doit garantir une bonne entente avec ses voisins du Golfe. Le pays rejoint la Ligue arabe dès son indépendance et est membre fondateur du Conseil de coopération du Golfe (CCG), en 1981. Évitant tout potentiel problème avec ces États - et surtout avec l’hégémonique royaume saoudien - le sultanat fait notamment des concessions en matière de tracé de ses frontières [26]. Économiquement, il est le pays le moins bien loti du CCG [27] et reste très dépendant de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis puisque de nombreux Omanais travaillent dans ces deux pays. Les Émirats arabes unis sont d’ailleurs le principal investisseur régional à Oman [28]. Si le pays se montre volontaire pour conclure des accords commerciaux et économiques avec les autres monarchies, il reste fidèle à sa politique étrangère et évite de se positionner lors de tensions. En 2014, Mascate s’oppose à la transformation du CCG en Union, voulue par le Roi Abdallah d’Arabie saoudite [29]. Pour le sultanat, cette décision marquerait la création d’un front de résistance contre l’Iran - voisin avec qui il entretient des relations de bon voisinage. Pareillement, lors du déclenchement de la crise du Golfe en 2017 à l’encontre du Qatar, Oman ne répond pas favorablement à l’appel de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, du Bahreïn et de l’Égypte à isoler l’Émirat gazier. Tout en conservant des liens forts avec les quatre pays cités, Mascate permet notamment à Doha d’importer et d’exporter des marchandises par voie maritime en lui ouvrant ses ports, dès 2017 [30]. Bien qu’Oman s’oppose rarement frontalement à l’Arabie saoudite, le pays « ne fait pas de bruit quand il marque sa différence avec la ligne menée par Riyad » [31].

Au-delà du Golfe, Oman endosse régulièrement son rôle de facilitateur voire de médiateur dans les conflits. Pour cela, il s’attache à conserver des relations diplomatiques avec tous les États et parties dans les conflits. Au Yémen, il est le seul des six pays du Golfe à avoir refusé de participer aux raids de la coalition arabe dirigée par l’Arabie saoudite, à partir de 2015. Mascate et Sanaa entretiennent des relations historiques : en 1994, Oman donnait l’asile aux dirigeants sudistes qui ont tenté de se séparer du Nord, tout en gardant de bonnes relations avec le pouvoir nordiste incarné alors par l’ex-président Saleh [32]. Depuis l’éclatement de la guerre, le sultanat accueille de nombreux pourparlers sur son territoire. Plus encore, il participe activement au rétablissement du dialogue entre Riyad et Sanaa, en poussant les États-Unis à faire pression sur l’Arabie saoudite pour ouvrir les négociations [33]. Respectant le non-interventionnisme d’Oman, Washington a d’ailleurs accepté que les attaques de drones sur le Yémen ne partent plus des bases militaires américaines à Oman [34]. Dernièrement, la normalisation des relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran, le 10 mars 2023 [35], avait fait espérer à Oman une accalmie des combats. Mohammed Abdelsalam, « négociateur en chef des rebelles » [36] qui vit à Mascate, avait notamment accompagné une délégation omanaise en avril 2023 au Yémen, pour tenter de négocier une nouvelle trêve, sans succès.

Le sultanat entretient également de bonnes relations avec son voisin iranien et n’a jamais suivi la politique saoudienne ou émirienne de pression à l’encontre de Téhéran [37]. Lors de l’arrivée au pouvoir de Qābūs, l’Iran du Shah avait aidé le nouveau sultan à mater la rébellion dans le Dhofar, soutenue par le Yémen du Sud (allié de la Russie) [38]. De son côté, Téhéran reste, même aujourd’hui, toujours reconnaissant du non-engagement d’Oman dans la guerre qui l’opposait à l’Irak, entre 1980 et 1988. Refusant d’isoler l’Iran, avec qui il partage le détroit d’Ormuz, Mascate s’est souvent placé comme intermédiaire entre la République islamique et les puissances régionales, mais également internationales. C’est le sultanat qui, en 2013, se positionnait comme facilitateur des échanges entre Washington et Téhéran concernant la préparation de l’accord intérimaire sur la question du nucléaire [39].

En 1991, Mascate se démarque de ses voisins du Golfe concernant sa relation avec Israël. En Le pays participe à la conférence de paix de Madrid et instaure, dès 1994, des relations commerciales officieuses avec l’État hébreu [40]. Itzhak Rabin visite le pays la même année, et Mascate accueille également, en 2018, Benjamin Netanyahu, une première dans le Golfe. À la suite de cette visite historique, le sultan déclare notamment que le « temps est venu d’accepter Israël comme une puissance du Moyen-Orient » [41]. Oman accueille d’ailleurs le « dernier vestige des accords de paix israélo-arabes » [42], le Centre de recherche sur le dessalement au Moyen-Orient (MEDRC), qui organise toujours des réunions auxquelles participent Israéliens et Palestiniens [43]. En février 2023, le sultanat autorise les compagnies aériennes israéliennes à survoler son espace aérien. Cependant, malgré le dialogue instauré entre les deux États, Oman reste fidèle à son principe diplomatique et il n’est, pour l’instant, pas question d’une normalisation avec Israël. Le dossier palestinien est un sujet d’importance pour le sultanat : en juin 2019, Mascate annonçait son intention d’ouvrir une ambassade en Cisjordanie, afin d’établir des conditions favorables à la reprise d’un dialogue entre les Israéliens et Palestiniens. Oman reste sur cette ligne de la reprise du dialogue à la suite des attaques du Hamas en Israël le 7 octobre 2023. Le ministre des Affaires étrangères Sayyid Badr bin Hamad Albusaidi s’est notamment exprimé devant la presse britannique le 25 octobre. Il met en avant la nécessité du dialogue et de parvenir à la fin des hostilités, ainsi qu’une résolution pacifique sous l’égide de l’ONU. A cet égard, il estime que le Hamas, qui pour Oman est un mouvement de résistance, doit être inclus dans les négociations [44]. Le 26 octobre, dans le contexte de l’intensification des actions de représailles menées par Israël sur Gaza, Sayyid Badr bin Hamad Albusaidi condamne, de même que d’autres ministres des Affaires étrangères de la région [45] « le ciblage des civils et les violations du droit international à Gaza » [46].

Concernant la Syrie, Oman n’a pas rompu ses liens avec le gouvernement de Bachar el-Assad et n’a pas fermé son ambassade, au début du conflit, à l’inverse à ses voisins du Golfe. Le pays a également refusé de s’engager dans les frappes de la coalition arabo-occidentale contre l’État islamique, contrairement à l’Arabie saoudite, le Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Qatar et le Koweït [47]. En août 2015, le chef de la diplomatie syrienne, Walid Mouallem, se rendait à Mascate - la première visite du ministre syrien dans un pays du Golfe depuis l’éclatement de la guerre [48]. De son côté, Bachar el-Assad a mis à l’abri à Oman une partie de ses trésors archéologiques qui étaient menacés de destruction et de pillages par les djhadistes du groupe État islamique [49]. Enfin, concernant le conflit libyen, le sultanat a accueilli, à Salalah, des délégués libyens chargés de rédiger une nouvelle constitution [50], démontrant sa capacité à se présenter conne « terrain de neutralité ».

B. À l’international, un allié impliqué dans les négociations

Cette « autonomie » relative en matière de politique étrangère implique cependant une dépendance sécuritaire à ses partenaires historiques, au sommet desquels les États-Unis et le Royaume-Uni [51]. Dès 1972, soit un an après l’indépendance du pays, Washington installe un ambassadeur à Mascate. Le 4 juin 1980, la signature d’un accord de coopération technique et économique est complétée par celle d’un accord de défense bilatéral, régulièrement renouvelé [52]. Ce dernier permet aux forces américaines d’utiliser sous conditions les installations militaires omanaises de Khasab (Ormuz), Mascate et Thumrait (Dhofar) [53]. La géographie du sultanat est stratégique pour les États-Unis, puisque le pays est un point d’appui pour la Vème flotte américaine installée au Bahreïn. Concernant ses liens avec le Royaume-Uni, Oman accueille une base militaire britannique, située dans le port de Duqm. En septembre 2020, Londres annonçait investir 25,7 millions de livres supplémentaires pour tripler la taille de cette implantation militaire [54]. Si cette dépendance sécuritaire permet tout de même à Oman de conserver sa diplomatie singulière, elle est un facteur déterminant dans les liens régionaux que le pays entretient.

Malgré cette relation « déséquilibrée », Oman est reconnu comme un allié solide des pays occidentaux dans la région et a souvent prouvé l’utilité de ses capacités de médiation. En 2013, le sultanat accueille sur son territoire les Américains William Burns, numéro deux du Département d’État, et Jack Sullivan, conseiller à la sécurité nationale et les Iraniens Ali Akbar Salehi, ministre des Affaires étrangères, et Ali Akbar Velayati, conseiller diplomatique de l’ayatollah Khamenei [55] pour discuter de la question du nucléaire iranien. En 2013 également, Qābūs transmet à Hassan Rohani une lettre de Barack Obama, qui s’engage à lever les sanctions économiques contre l’Iran en échange de mesures concrètes pour résoudre la question nucléaire [56]. Les États occidentaux ont également pu compter sur le soutien de Mascate concernant plusieurs libérations d’otages. En 2009 d’abord, Oman sert de médiateur pour la libération de randonneurs américains arrêtés par l’Iran et accusés d’espionnage. Le sultanat avance même la caution de 400 000 dollars, réclamée par la justice iranienne pour chacun des randonneurs [57]. En 2012, Mascate aide, à l’inverse, à la libération d’une Iranienne détenue aux États-Unis. Ensuite, en 2016, le sultanat participe à la libération de Nourane Houas, une franco-tunisienne retenue au Yémen pendant 10 mois. À son arrivée à Mascate, l’ex-otage remercie « le sultanat sans lequel sa libération n’aurait pas eu lieu [58] ». En 2018, Mascate participe également à la libération du navigateur français Alain Goma, enlevé au Yémen. Paris ne manque pas de remercier le sultanat pour son « engagement décisif » [59]. Plus récemment encore, en mai 2023, Oman sert de médiateur pour un échange de prisonniers entre Bruxelles et Téhéran. L’humanitaire belge Olivier Vandecasteele est relâché en échange d’un diplomate iranien, Assadollah Assadi, condamné en Belgique pour terrorisme [60].

Conclusion

Entouré par les hégémonies iranienne et saoudienne, le sultanat d’Oman a su développer une diplomatie singulière qui le place au centre de l’échiquier régional. Grâce à sa position géographique stratégique, son histoire riche en ouverture, son particularisme religieux et le rôle du sultan Qābūs, Mascate s’impose rapidement comme médiateur et facilitateur dans les conflits du Moyen-Orient. Le sultanat peut compter sur une relation de bon voisinage avec les autres monarchies du Golfe, sans tout de même hésiter à se détacher de la ligne diplomatique de l’Arabie saoudite. Il entretient des liens avec l’ensemble des acteurs qui composent le Moyen-Orient, allant d’Israël au Hamas, en passant par les Houthis, le gouvernement iranien et les diverses parties libyennes. Sur la scène internationale, le sultanat a également su s’imposer comme allié des puissances occidentales en aidant régulièrement ses partenaires à libérer leurs otages ou lors de grands accords, comme celui sur le nucléaire iranien. Si le nouveau sultan s’est engagé à poursuivre cette diplomatie singulière, la chute des prix du pétrole et la pandémie de Covid-19 a poussé le gouvernement omanais à prioriser les questions économiques nationales, ce qui pourrait se traduire par une « moindre visibilité » du sultanat sur la scène régionale [61]. Les récentes médiations du Qatar et de la Turquie, vis-à-vis de l’Afghanistan ou de la Chine dans la normalisation des relations irano-saoudiennes semblent aller dans le sens d’une « prise de distance » temporaire du sultanat sur les questions régionales.

Lire sur Les clés du Moyen-Orient :
 Sultanat d’Oman dans les années 1920 : l’empire informel
 Sultanat d’Oman de 1956 à 1977
 Entretien avec Thibaut Klinger – La modernisation du Sultanat d’Oman
 Le Sultanat d’Oman : une exception régionale

Publié le 17/11/2023


Justine Clément est étudiante en Master « Sécurité Internationale », spécialités « Moyen-Orient » et « Renseignement » à la Paris School of International Affairs (PSIA) de Sciences Po Paris. Elle a effectué un stage de 5 mois au Centre Français de Recherche de la Péninsule Arabique (CEFREPA) à Abu Dhabi en 2021, où elle a pu s’initier au dialecte du Golfe. Elle étudie également l’arabe littéraire et le syro-libanais.
En 2022 et 2023, Justine Clément repart pour un an au Moyen-Orient, d’abord en Jordanie puis de nouveau, aux Émirats arabes unis, pour réaliser deux expériences professionnelles dans le domaine de la défense.


 


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