Accueil / Portraits et entretiens / Portraits historiques
Camille Chamoun est né le 3 avril 1900 à Deir-el-Qamar, le siège de l’ancien émirat du Mont-Liban. Son père, Nimr Chamoun, est fonctionnaire de l’administration des finances du Moutassarrifat. Scolarisé d’abord à l’école des Sœurs de Saint-Joseph, il intègre ensuite l’école des Frères Maristes, puis, à Beyrouth, le Collège du Sacré-Cœur des Frères des Ecoles Chrétiennes. Comme ces établissements scolaires, tous tenus par des missionnaires français, ferment leurs portes au moment du déclenchement de la Première Guerre mondiale, il poursuit sa scolarité à l’école Saint-Antoine de Baabda.
Dénoncé en raison de ses sympathies françaises, son père est incarcéré pendant deux mois à la prison ottomane d’Aley, en décembre 1914. En 1915, il est placé en résidence forcée à Jérusalem pour une période de sept mois. En 1916, c’est toute la famille qui est exilée en Anatolie, dans le hameau de Kir-Chéhir situé à 150 km d’Ankara. Elle y restera jusqu’à la fin de la guerre et ne reverra le Liban qu’en janvier 1919.
Après un passage de quelques mois au Service de la dette publique ottomane (en voie d’être liquidée), il est admis à l’Ecole de droit de Beyrouth en octobre 1920. Il obtient sa licence en droit trois ans plus tard tout en travaillant à la Bibliothèque nationale dont il démissionne en 1924 après son inscription au barreau de Beyrouth. Il se lance également dans le journalisme et collabore au quotidien Le Réveil auprès de Philippe Naccache et de Charles Ammoun.
La République libanaise est proclamée sous le mandat français en 1926 ; Camille Chamoun participe en 1929 aux élections législatives en tant que candidat délégué et il remporte sa première victoire électorale. Le 30 décembre 1930, il épouse Zalfa Tabet qui, une fois devenue la première dame du Liban, apportera son soutien à la création du festival international de Baalbeck. En janvier 1934, après l’entrée en vigueur d’une nouvelle Constitution, Camille Chamoun est élu député à la Chambre des représentants. Avec Cheikh Béchara el-Khoury, l’émir Majid Arslane, Hamid Frangié, Sélim Takla et d’autres, il forme le Bloc Constitutionnel qui réclame le rétablissement de la vie constitutionnelle et l’abolition du mandat tout en maintenant des liens d’amitié avec la France. Réélu dans sa circonscription du Mont-Liban en 1937, il devient l’année suivante ministre des Finances, puis des Travaux Publics au sein d’un Cabinet dirigé par Khaled Chéhab sous le mandat du président Emile Eddé. De nouveau élu en 1943, il est nommé au ministère de l’Intérieur dans le cadre du premier gouvernement formé par Riad el-Solh à la suite de l’accession de cheikh Béchara el-Khoury à la présidence de la République. C’est à ce titre qu’il est fait prisonnier sur ordre des autorités du mandat dans la citadelle de Rachaya avec le président el-Khoury, le Premier ministre Riad el-Solh et d’autres membres du gouvernement au cours des journées de novembre 1943 à l’issue desquelles le Liban accède à l’indépendance.
En août 1944, Camille Chamoun est chargé de mettre en place une mission diplomatique pour le Liban à Londres. En novembre de la même année, il participe à la Conférence internationale sur l’aviation civile qui se tient à Chicago et il représente le Liban à Londres au mois de novembre 1945 lors de la création de l’UNESCO. Début 1947, il quitte ses fonctions d’ambassadeur du Liban au Royaume-Uni et rentre à Beyrouth. Au mois de juin, il devient ministre de l’Intérieur dans le Cabinet formé par Riad el-Solh au lendemain d’élections législatives entachées de nombreuses irrégularités, et il est amené à suivre les travaux de la Commission spéciale d’enquête des Nations unies sur la question de Palestine. De même, il représente le Liban à la session de l’Assemblée générale de l’ONU à l’automne 1947 qui produira le plan de partage de la Palestine. Il y défend le droit des Palestiniens à jouir d’une pleine souveraineté sur l’ensemble de leur territoire.
En mai 1948, Camille Chamoun quitte le gouvernement et rejoint l’opposition au président Béchara el-Khoury qui vient de faire proroger son mandat. En janvier 1949, il préside le Congrès national arabe tenu par des organisations de jeunesse palestiniennes et jordaniennes dans la vielle ville de Jérusalem, en l’absence des délégations officielles arabes. Il y propose notamment que les Palestiniens constituent des unités de combat pour la récupération de leur terre, indépendamment des armées arabes qui se sont révélées inopérantes lors du conflit armé qui a suivi la création de l’Etat d’Israël. Il est réélu député en 1951 et devient président de la République libanaise en septembre 1952, à la suite de la grève générale qui provoque la fin du mandat el-Khoury.
Durant les années que Camille Chamoun va passer au pouvoir, le Moyen-Orient est gagné par la guerre froide qui crée des lignes de fracture entre les Etats et au sein même de la société libanaise, dans un contexte où les coups d’Etat militaires qui se produisent en Egypte et en Syrie entraînent ces pays dans une forme de radicalisation nationaliste exacerbée par la nouvelle donne créée par la proclamation de l’Etat d’Israël. Nourrissant une hostilité viscérale contre le communisme, le président Chamoun adopte la doctrine Eisenhower et fait le choix d’ancrer le Liban dans le camp occidental, ce qui a pour effet de soulever contre lui une partie de la classe politique et de la population libanaises qui sont plus sensibles à la rhétorique panarabe et anti-occidentale de l’Egypte de Nasser. Dès lors, déchiré par des courants violemment opposés, le Liban sombre dans la guerre civile au printemps-été 1958 au moment où le mandat Chamoun arrive à son terme. La fin sanglante de la monarchie irakienne précipite une intervention militaire américaine à Beyrouth qui permet un retour progressif au calme et l’élection d’un successeur au président Chamoun en la personne du commandant en chef de l’armée, le général Fouad Chéhab.
Pour aller plus loin avec Les clés du Moyen-Orient :
– Article sur le mandat du président Camille Chamoun (1952-1958) : Le Liban dans la tourmente des relations internationales (1/2)
– Article sur le mandat du président Camille Chamoun (1952-1958) : Le Liban dans la tourmente des relations internationales (2/2)
– Fiche pays Liban
– Article sur l’administration française en Syrie et au Liban à l’époque mandataire
– Article sur la Société des mandats et la nouvelle notion de mandat
– Article sur L’intervention militaire américaine de juillet 1958 au Liban
Yara El Khoury
Yara El Khoury est Docteur en histoire, chargée de cours à l’université Saint-Joseph, chercheur associé au Cemam, Centre D’études pour le Monde arabe Moderne de l’université Saint-Joseph.
Elle est enseignante auprès de la Fondation Adyan, et consultante auprès d’ONG libanaises.
Autres articles sur le même sujet
L’Egyptienne Huda Sharawi a œuvré pour les droits des femmes dans son pays et s’est investie dans la libération nationale de l’Égypte. En liant ces deux causes, Huda Sharawi a eu une influence sur l’évolution du féminisme en Égypte et plus généralement au Proche-Orient. Cet article, qui revient sur son (...)
par Portraits historiques,
Politique, Histoire •
09/11/2020 • 6 min
,
dans
« Tes yeux me font revivre les jours d’antan, Ils m’ont appris à regretter le passé et ses blessures » . De Rabat à Riyad, chacun est sensible à ces vers et au rythme qui les accompagne. Incarnant le patrimoine artistique arabe, Oum Kalthoum dénote aussi un certain âge d’or de l’Égypte et du (...)
par Portraits historiques,
Politique, Histoire •
08/10/2020 • 13 min
,
dans
Dans le Liban indépendant, Kamal Joumblatt entre en politique
La guerre qui finit par éclater en Europe en 1939 entraîne le Liban et la région dans sa tourmente, notamment après la capitulation française de juin 1940. La défaite française est vécue avec regrets à Moukhtara. Officiellement, les (...)
par Portraits historiques,
Histoire •
15/11/2018 • 9 min
,
dans
Le propos qui suit sur Kamal Joumblatt tente de restituer le parcours d’un personnage complexe qui a exercé une fascination indéniable sur ses contemporains. Sa mort tragique a fini de sceller sa destinée peu commune : aristocrate subissant non sans mal la lourdeur de son héritage familial, élève (...)
par Portraits historiques,
Histoire •
09/11/2018 • 7 min
,
dans
Poursuivre votre lecture
Zones de guerre
Liban
Politique
Tôt dans la journée du samedi 28 septembre 2024, la nouvelle a été diffusée par les Israéliens puis confirmée par le Hezbollah lui-même : après plusieurs jours d’une violente escalade et une nuit de frappes aériennes sur la banlieue sud de Beyrouth au cours de laquelle plusieurs dizaines d’immeubles ont (...)
par Portraits historiques,
Zones de guerre •
28/09/2024 • 8 min
,
dans
Le Liban et son environnement régional n’en finissent pas de changer de visage ces derniers mois. Le 9 février, après des discussions tumultueuses, (...)
par Entretiens,
Politique •
13/02/2025 • 6 min
,
,
dans
07/09/2023 • 7 min
02/10/2020 • 10 min
14/11/2011 • 3 min
07/11/2011 • 7 min