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Amal, mouvement chiite libanais

Par Lisa Romeo
Publié le 14/11/2011 • modifié le 15/04/2020 • Durée de lecture : 4 minutes

Moussa Sadr en 1970

AFP

L’action de l’imam Moussa Sadr

L’organisation politique du Liban est fondée sur le pacte national de 1943 qui répartit les pouvoirs politiques sur une base confessionnelle établie à partir du recensement de 1932. Le président de la République appartient ainsi à la communauté maronite, le président du Conseil est sunnite et le président de l’Assemblée chiite. Au début des années 1970, la société libanaise connaît d’importantes mutations démographiques. La communauté maronite semble en déclin depuis l’entre-deux-guerres alors que les populations musulmanes se développent. Les chiites entament notamment une importante progression depuis 1945 et forment dorénavant la communauté la plus importante du pays. Ils aspirent alors à un nouveau partage des pouvoirs en leur faveur et à une meilleure représentativité politique et économique. En 1967, le Conseil supérieur chiite est créé. L’imam Moussa Sadr (1928-1978) le préside à partir de 1969. Il fonde en 1974 le « mouvement des déshérités », qui devient rapidement un moyen d’affirmation confessionnelle. Un an plus tard, son bras armé, Amal, se constitue.

Le mouvement Amal

Le mouvement Amal revendique plus de justice sociale et de droits civiques pour la communauté chiite qui se considère fortement marginalisée et subit souvent les représailles de l’armée israélienne dans le sud du pays. Amal exige par ailleurs une meilleure représentation dans le système politique et dans la haute fonction publique. En accord avec les intérêts des chiites, le mouvement réussit à s’assurer un large soutien des couches populaires et de la petite et moyenne bourgeoisie dans la Bekaa, au sud du pays, et dans les banlieues de Beyrouth, régions où la communauté est très présente. Le mouvement s’accroit notamment avec l’exaspération grandissante des chiites à partir de 1975, fatigués de subir les tensions entre armée israélienne et Palestiniens, fortement implantés au Liban depuis leur expulsion de Jordanie. Après la disparition mystérieuse de Moussa Sadr en 1978, lors d’un déplacement en Libye, Hussein Husseini succède à la tête de Amal jusqu’à sa démission en 1980. L’avocat Nabih Berri, né en 1938, reprend alors la direction du mouvement qu’il laïcise. Amal compterait alors, au début des années 1980 au moins 30 000 hommes armés. Le mouvement compte sur le soutien de la Syrie de Hafez al-Assad qui utilise la milice pour assurer sa politique hégémonique sur la région sans pour autant avoir besoin de pénétrer directement au Liban.

L’action de Amal durant la guerre civile libanaise (1975-1990)

A partir de 1978, Amal défend la souveraineté libanaise contre l’implantation de la Résistance palestinienne sur son territoire. Nabih Berri fait d’ailleurs l’objet de nombreuses critiques de la part des islamistes lorsqu’il se prononce favorable au plan de Philippe Habid, émissaire du président américain Reagan, qui prévoit l’évacuation des Palestiniens de Beyrouth. Hussein Maussaoui, commandant militaire d’Amal, préfère alors déserter dans la Bekaa et forme le « Amal islamique », plus proche de l’Iran. L’invasion israélienne et la mise en place de l’opération « Paix pour la Galilée » du 6 juin 1982, qui oblige l’évacuation des combattants de l’OLP du pays, est d’abord bien accueillie par Amal. Mais le rapprochement israélo-chrétien pousse le mouvement à s’opposer fermement à l’Etat hébreu et à multiplier les attentats. Amal s’allie par ailleurs au Parti socialiste progressiste druze (PSP) en juillet 1983 avec qui il forme un Front de Salut National, dénonçant les tentatives de renforcement de l’hégémonie maronite. Ils assiègent alors les Forces libanaises chrétiennes à Beyrouth en septembre 1983 et reprennent le contrôle de Beyrouth-Ouest en février 1984. Les affrontements entres les milices deviennent courant, chacun essayant de protéger ou d’élargir sa zone d’influence.

Toutefois, l’alliance avec les druzes prend fin devant l’ambition d’Amal de prendre le contrôle total de Beyrouth-Ouest. Entre mai et juin 1985, Amal cherche à se débarrasser des organisations palestiniennes qui tentent de se réimplanter dans le Liban-Sud. Une première « guerre des camps » débute, faisant de nombreuses victimes et amenant à de terribles massacres dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila. Malgré une tentative d’accord entre la milice chiite Amal, le PSP druze et les Forces libanaises chrétiennes, une nouvelle « guerre des camps » éclate entre Amal et les Palestiniens en mai 1986 et durera près d’un an. Amal doit par ailleurs affronter un autre mouvement chiite qui émerge sur la scène politico-militaire libanaise, le Hezbollah. Amal essuie alors d’importantes défaites entre 1986-1988 contre les druzes d’un côté et le Hezbollah de l’autre. Berri doit finalement faire appel à la Syrie pour lui venir en aide. A la fin de la guerre, un arrangement entre les deux mouvements chiites, aidé par leurs alliés syriens et iraniens pour le Hezbollah, consacre la suprématie de ce dernier dans les années 1990. Amal, qui s’est reconverti en parti politique, s’allie finalement au Hezbollah lors des élections. Son chef, Nabih Berri, toujours allié à la Syrie, est actuellement le président du Parlement libanais.

Bibliographie :
 Georges Corm, Le Liban contemporain, histoire et société, Paris, Editions La Découverte, 2003.
 David Hirst, Une histoire du Liban, Paris, Perrin, 2011.
 Samir Kassir, La guerre du Liban, de la dimension nationale au conflit régional, Paris/Beyrouth, Karthala/Cermoc, 1994.
 Marie-Ange Lecerf, Comprendre le Liban, Paris, Editions Karthala, 1988.

Publié le 14/11/2011


Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.


 


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