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La revue Maghreb-Machrek de l’hiver 2010-2011 analyse la crise qui secoue le monde arabe et le Maghreb. La problématique est la suivante : « Le dossier ‘’Le monde arabe dans la crise’’ insiste sur les fondements socio-économiques de la révolution arabe en cours. Il rectifie une certaine myopie de la part des études économiques précédentes qui défendaient majoritairement la thèse de la ‘’résilience’’ des économies arabes à la crise financière internationale de 2008. (…) La crise est donc à la fois politique et sociale. Elle s’étend à la dimension politique par une remise en cause des régimes autoritaires et par des mobilisations sociales exprimant des aspirations à la démocratie. (…) Ce dossier, qui s’est attaché à embrasser la dimension macroéconomique de la crise (…) doit être lu comme les prolégomènes d’une analyse de longue durée conduite par Maghreb-Machrek ».
Jean-François Daguzan, rédacteur en chef de la revue Maghreb-Machrek, s’interroge sur le lien entre crise économique et crise politique dans son article « De la crise économique à la révolution politique ? » Si les événements en Egypte, en Tunisie et en Libye mettent en évidence « la fin d’un modèle de gouvernance dans le monde arabe – celui de la stabilité autoritaire », les problèmes économiques liés à la crise économique et financière mondiale ont cependant été les révélateurs des faiblesses internes (politiques et sociales) des Etats arabes. En effet, pour l’auteur, « notre hypothèse est que la crise économique est le facteur clé du mouvement de révolte (ou de révolution) du monde arabe. Il est celui qui a permis de faire éclater une colère qui n’aurait pu vraisemblablement exploser que beaucoup plus tard. L’effondrement brutal des économies arabes non rentières dû à la crise a fait voler en éclat le pacte social tacite : développement vs autoritarisme, qui caractérisait la Tunisie et l’Egypte et qui est encore le modèle dominant d’autres pays (Jordanie, Maroc, Syrie, etc.) ». Il importe donc que les gouvernements de transition ou nouvellement élus apportent aux populations des solutions à l’emploi et aux biens de première nécessité. C’est en effet cette capacité des gouvernements à répondre aux attentes des populations qui pourra éviter « de voir se jouer un deuxième tour révolutionnaire qui, cette fois, portera de nouveaux extrémistes ou de nouveaux populistes autoritaires au pouvoir ». Pour ce faire, l’auteur estime nécessaire la mise en œuvre d’un nouveau plan Marshall afin d’« empêcher la violence interne et la guerre par une politique intensive de développement ».
Emna Gana-Oueslati, attachée au laboratoire de prospective, stratégie et développement durable de la faculté des sciences économiques et de gestion de Tunis et Jean-Yves Moisseron, rédacteur en chef adjoint de Maghreb-Machrek et attaché à l’UMR n°201, université de Paris I, analysent la crise en Egypte : « La crise ou la fin du mythe de l’émergence en Egypte ». La problématique de l’article est de montrer que les racines de la crise politique et sociale qui a éclaté en janvier 2011 sont anciennes, et que « l’Egypte, comme d’autres pays arabes, a bénéficié non pas d’une bonne mais d’une fausse appréciation sur sa situation macroéconomique ». Les auteurs s’interrogent alors sur la notion de « l’émergence égyptienne », en analysant les données économiques de 2004 à nos jours ; ils se penchent ensuite sur les effets de la crise financière mondiale de 2008 et sur les secteurs économiques qui ont été touchés ; ils évoquent enfin les mesures prises par l’Etat égyptien afin de sortir de la crises, mais qui ont eu des effets négatifs sur le budget égyptien. Tous ces mécanismes ont des répercussions sur l’aspect social : « La crise sociale qui se déclare en Egypte est le résultat du long processus d’épuisement du modèle de croissance ».
Claude Berthomieu, professeur d’économie à l’université de Nice-Sophia Antipolis, CEMAFI et Ried Essid, docteur du CEMAFI et chargé d’enseignement à l’université de Nice-Sophia Antipolis, s’intéressent aux « effets de la crise dans les pays du Sud de la Méditerranée : le cas de la Tunisie ». Ils étudient ainsi les effets de la crise financière et économique mondiale vers les pays du Sud de la Méditerranée ; les « canaux de transmission » de la crise ; la situation en Tunisie, pays pour lequel les auteurs ont eu la possibilité de rassembler des données « sur une période suffisamment longue, concernant l’évolution des exportations, les IDE et les envois des travailleurs expatriés ». La conclusion de leur étude est la suivante : « Notre démarche analytique, (…) a permis, s’agissant de ses effets sur l’économie réelle de ces PSM, l’identification des canaux de transmission de cette crise ; ainsi nous avons conclu que le taux de croissance du PIB peut être affecté par une diminution des exportations liées à la baisse de la demande extérieure, par une baisse des transferts des travailleurs expatriés et celle de la demande touristique, ainsi que par une diminution des IDE ».
« L’économie tunisienne : état des lieux », est traité par Mohamed Haddar, professeur d’économie à l’université de Tunis el-Manar. Il évoque en particulier les acquis de l’économie tunisienne : la croissance, même si plusieurs estiment que « la Tunisie aurait pu faire mieux » ; il explore différents moyens à mettre en œuvre afin de « remettre sur pied l’économie » et les réformes à entreprendre (améliorer la croissance, relancer l’investissement notamment étranger, améliorer les services, créer des PME, créer une nouvelle politique de l’emploi).
Maria Cristina Paciello est socio-économiste spécialiste de la région MENA (Middle East and North Africa) et enseignante à la faculté d’études orientales de « La Sapienza », université de Rome. Elle analyse « l’impact social de la crise financière au Maroc », avec la problématique suivante : « Depuis 200, la crise financière pèse sur l’économie réelle de tous les pays MENA et plus récemment sur leurs équilibres sociaux. Tandis que des tentatives pour estimer l’impact économique de la crise financière sur la région ont été réalisées, très peu de travaux ont été consacrés jusqu’à présent à leurs implications sociales. Cet article a pour objectif de mesurer les conséquences sociales de la crise financière sur la région MENA en examinant le cas du Maroc ». Sont ainsi analysées les conséquences de la crise sur l’économie marocaine ; les solutions proposées par l’Etat marocain afin d’y faire face ; les conséquences sociales de la crise, par l’étude du marché du travail, de l’emploi dans le textile et l’habillement « qui emploie 42% de la force de travail industriel et produit 34% de la valeur des exportations marocaines », de l’augmentation de l’emploi informel, des conséquences sur la vie quotidienne des ménages. Les effets de cette situation économique sur le plan politique et social sont également évoqués.
La situation en Algérie fait l’objet d’un article, « L’économie algérienne d’une crise à l’autre », rédigé par Fatiha Talahite, chercheur au CNRS et au CEPN-université Paris 13 et par Ahmed Hammadache, doctorant au CEPN-université Paris 13. La situation économique de l’Algérie est analysée avant la crise, puis les effets de la crise financière sont présentés ainsi que les mesures mises en œuvre par le gouvernement. Il apparaît ainsi que « finalement, au début de l’année 2011, face au caractère contreproductif des mesures prises pour enrayer la hausse des importations et dans un contexte de remontée des cours du pétrole, mais surtout pour désamorcer la contestation qui s’amplifie, encouragée par les mouvements de révolte qui embrasent l’ensemble du monde arabe, les autorités laissent de nouveau filer la dépense et les importations ».
La question des fonds souverains est analysée par Lamia Jaidane-Mazigh, maître-assistante EAS-FSEG de Mahdia à l’université de Monastir (Tunisie) et par Moez Labidi, Maître de conférence EAS-FSEG de Mahdia à l’université de Monastir dans l’article intitulé « Les fonds souverains du Moyen-Orient face à la crise financière : quelles stratégies d’investissement dans la région ? » Après un rappel de l’évolution du rôle des fonds souverains, « considérés comme les nouveaux symboles de la finance mondiale », les auteurs évoquent la spécificité des fonds souverains du Moyen-Orient et du Maghreb, de leur création (le premier fonds souverain est créé en 1952 en Arabie saoudite) à la crise financière de 2008, ainsi que leur rôle pour leurs marchés intérieurs et pour ceux des Etats occidentaux. Leur rôle d’investisseur à long terme est également analysé, notamment dans la région MENA.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.
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