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Revue L’Histoire, Les Collections, D’où viennent les révolutions arabes, 150 ans de combats politiques

Par Lisa Romeo
Publié le 17/10/2011 • modifié le 05/03/2018 • Durée de lecture : 4 minutes

Cette étude veut mettre un terme à l’idée d’une « exception arabe » et d’un peuple qui serait destiné à évoluer fatalement dans un cadre autocratique. En guise d’introduction, l’historien Henry Laurens réfute, en effet, les prétendues contradictions existant entre les valeurs de l’Islam, le monde arabe et la démocratie en revenant sur les grandes évolutions qui ont mené, au fil du siècle, à l’ébullition que l’on connait aujourd’hui.

La première partie nous plonge à la fin du XIXème et au début du XXème dans un monde arabe en pleine renaissance et foisonnement intellectuel où les idées libérales se diffusent progressivement. Dans une région largement sous domination ottomane, François Georgeon rappelle comment les libéraux, inspirés par les modèles constitutionalistes européens, réussirent à mettre en œuvre un certain nombre de réformes et promurent une Constitution en 1876. Elle limite, dans une certaine mesure, les prérogatives des sultans et protège les peuples dans une société où la notion de « liberté politique » n’existe pas et tend même à s’assimiler à l’anarchie. L’impact des Tanzimat (réformes) est finalement limité et la Constitution est très rapidement suspendue mais il est certain que la région rentre peu à peu dans une longue période de bouleversements politiques. François Georgeon rappelle également, dans un second article, les événements de la révolution de 1908 durant laquelle les Jeunes-Turcs prennent la tête de l’Empire et restaurent la Constitution dans l’enthousiasme général. Cette vague de liberté inédite valorise alors la jeunesse, les ouvriers et les femmes.

Julien Loiseau analyse ensuite l’importance de la ville du Caire dont la place Tahrir est rapidement devenue un symbole des révoltes arabes. Il revient alors sur l’histoire de cette ville, fondée en 969, révélatrice de son prestige dans l’ensemble de la région.
Le printemps arabe a toutefois débuté en Tunisie. 150 auparavant, c’était déjà dans ce pays qu’était promulguée la première Constitution du monde musulman en 1861 comme le relate dans un article inédit l’historien M’hamed Oualdi. Elle sera suspendu trois ans plus tard suite au refus, par la population, d’un doublement de l’impôt et à son souhait de revenir à un gouvernement traditionnel.
Ghislaine Alleaume évoque ensuite les révolutions égyptiennes de 1881 et de 1919 qui ont marqué l’histoire politique du pays.

La deuxième partie de ce numéro spécial est consacrée à la place de l’islam dans la région. Il commence par un entretien avec Hamit Bozarslan qui éclaire le lecteur sur le rôle joué par la religion dans les différentes sociétés arabes d’un point de vue juridique ainsi que sur les liens entre le pouvoir et les religieux, le poids des confréries aujourd’hui, l’impact du conservatisme sur le statut de la femme et sur les possibilités d’une laïcisation. Gilles Kepel explique, quant à lui, l’histoire des Frères musulmans formés en Egypte en 1928 et du fondateur du mouvement Hassan El-Banna.
Un entretien avec le professeur Mohamed Charfi (1936-2008) est également repris dans ce numéro sur le processus de laïcisation de la société voulu par Bourguiba après l’indépendance du pays en 1956. Il instaure en effet un certain nombre de réformes et réorganise la société en partant des principes même de la religion afin de moderniser la Tunisie.
Par ailleurs, Olivier Roy revient sur les mouvements islamistes florissants dans les années 1970 et sur la réislamisation des sociétés dans les années 1980-1990. Ces groupes placent la religion au cœur de leur programme politique et cherchent à prendre le pouvoir dans le cadre d’un Etat. Dans la majeure partie des cas, ils ont peu à peu tendu à devenir pacifistes, nationalistes et conservateurs dans des sociétés en évolution.

Une troisième partie est dédiée aux grands noms du monde arabe qui ont fait avancer leur pays, souvent de manière autoritaire. Philippe Chassaigne s’intéresse, dans un premier temps, au mythe du britannique Thomas Edward Lawrence (1888-1935), dit « Lawrence d’Arabie », qui encouragea les Hachémites du Hedjaz à se soulever contre les Ottomans dans le contexte de la Première Guerre mondiale.
Adelhamid Larguèche relate l’action de Habib Bourguiba, au pouvoir dans la Tunisie nouvellement indépendante. Charismatique, il modernise et laïcise la société d’une main de fer.
On ne peut parler des figures du monde arabe sans citer le héros de la guerre de Suez de 1956, le président égyptien Nasser, dont le portrait plane encore aujourd’hui sur la place Tahrir. Tewfick Aclimandos dresse un portrait de ce leader qui a su rendre au monde arabe sa dignité mais qui a finalement laissé l’Egypte dans une grande pauvreté. Alain Dieckhoff revient alors sur son successeur à la tête de l’Etat, Sadate, et sur la paix qu’il signa avec Israël et isola l’Egypte sur l’échiquier régional.
Jean-Yves Moisseron explique enfin comment la Libye de Kadhafi traverse aujourd’hui une importante période de transition.

Une dernière partie intitulée « L’étincelle » s’interroge à travers trois articles sur les raisons qui ont poussé les populations à se soulever pour exiger plus de liberté, d’importantes réformes et la fin de la corruption dans l’ensemble du monde arabe à partir de la Tunisie depuis décembre 2010. Le premier est signé par Youssef Courbage, dans lequel l’auteur s’interroge sur l’impact de la démographie sur cette vague de changement. Yves Gonzales-Quijano s’intéresse ensuite au rôle réel des médias et des réseaux sociaux dans les soulèvements populaires. Bernard Rougier conclut ce numéro de l’Histoire en dressant un bilan de la situation dans ces différentes sociétés en ébullition.

Publié le 17/10/2011


Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.


 


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