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Denis Lefebvre, Les secrets de l’expédition de Suez, 1956

Par Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Publié le 16/12/2010 • modifié le 25/04/2020 • Durée de lecture : 3 minutes

Dans le contexte de la guerre froide, la crise de Suez se prépare lorsque le président égyptien Gamal Abdel Nasser annonce la nationalisation du canal de Suez le 26 juillet 1956, dont le revenu sera utilisé pour la construction du barrage d’Assouan. Une opération militaire conjointe est alors montée par la France et par la Grande-Bretagne afin de sauvegarder leurs intérêts et d’assurer la protection d’Israël. Le but est également de renverser Nasser et de stopper l’avancée soviétique au Moyen-Orient. Les deux puissances européennes, qui comptaient sur l’appui américain dans leur projet d’attaque militaire, ne sont pas suivies par l’administration américaine. Suivent les étapes de la préparation militaire par les deux Etats, ainsi que l’évocation de projets afin de renforcer leur coopération : « réaliser une union de la France et de la Grande-Bretagne » ou encore « l’adhésion de la France au Commonwealth ». L’association d’Israël au projet est également étudiée par la France et par la Grande-Bretagne, et de façon concomitante le soutien de la France à Israël, qui lui fournit des armes fabriquées en France et des avions de combat. Les préparatifs militaires se poursuivent, ainsi que la réflexion concernant « la suite des opérations militaires, dont l’une des finalités est de renverser Nasser… mais par qui le remplacer ? ». Puis l’offensive se déclenche, dans la nuit du 29 au 30 octobre, suscitant les réactions internationales (soviétiques, américaines et de l’ONU), obligeant les protagonistes à céder et à se redéployer.

S’il est généralement admis que dans cette crise, de sa préparation à son déclenchement, la France et la Grande-Bretagne « ont eu tort », ce n’est cependant pas l’avis des deux dirigeants de l’époque, Guy Mollet et Anthony Eden : Eden fait part de son sentiment le 12 novembre 1956 : « Je ne doute pas que l’Histoire prouvera que nous avons agi sagement ». De son côté Guy Mollet lui répond : « Je suis, comme vous, convaincu qu’avec un peu de recul l’Histoire nous donnera raison ».

Ainsi, l’auteur revisite la crise de Suez, en partant d’un prisme nouveau : « l’affaire de Suez est-elle autant une défaite des Occidentaux qu’on veut bien le penser ? Nasser l’a-t-il autant emporté qu’on veut bien le prétendre, et sa volonté d’hégémonie sur le Proche-Orient n’a-t-elle pas été stoppée ? Que dire, enfin, d’Israël, qui n’a pas été détruit, qui s’est affirmé comme une puissance régionale, et qui a gagné la reconnaissance de son droit à l’existence par une grande partie du ‘’monde libre’’, Etats-Unis compris ? »

Denis Lefebvre appuie son analyse sur le rôle clé de Guy Mollet, président français du Conseil de février 1956 à juin 1957. Il évoque ainsi plusieurs faits « secrets » qui se sont déroulés à l’époque, en particulier la signature d’« un accord secret avec Israël : le ‘’protocole de Sèvres’’, signé le 24 octobre 1956, qui prévoit le déroulement de l’attaque militaire contre l’Egypte. L’histoire de ce texte et son devenir sont ici racontés pour la première fois. On le pensait disparu en France, il a été retrouvé il y a quelques années… et se trouve reproduit dans le présent livre ». L’auteur évoque un autre fait, qu’il développe également : « Guy Mollet est l’homme politique qui, dès son arrivée au pouvoir en 1956, a fourni une aide militaire clandestine à Israël, avant d’envoyer des soldats français protéger ce pays, puis participer aux opérations de Tsahal. Il est aussi celui qui a ‘’donné’’ la bombe atomique à l’Etat hébreu, pour que ce pays ne puisse jamais être détruit par ses adversaires ».

Ces aspects de la crise ne sont pas révélés à l’époque, et il faudra attendre le décès de Guy Mollet en janvier 1977 pour que les acteurs français témoignent : « l’envie les en démangeait depuis longtemps déjà mais, jusque-là, tout était bloqué, et Guy Mollet avait exercé un rôle central de contrôle. Il ne fallait rien dire, rien écrire et préserver l’essentiel : ne rien divulguer sur l’accord secret de totale coopération passé à Sèvres, protéger Anthony Eden, en entière solidarité avec lui. Français, Britanniques et Israéliens acceptent la règle du jeu. Guy Mollet y veille ».

Pour l’auteur, au final, « l’affaire de Suez – certes mal expliquée et mal gérée par la France et la Grande-Bretagne – constitue l’un des derniers sursauts de l’Occident pour refuser de céder au chantage et clôt un chapitre des relations Nord-Sud ».

Denis Lefebvre, Les secrets de l’expédition de Suez 1956, Paris, Perrin, 2010, 296 pages.

Publié le 16/12/2010


Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.


 


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