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Questions Internationales, Dossier spécial sur Les Etats du Golfe, Prospérité et insécurité

Par Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Publié le 29/11/2010 • modifié le 20/04/2020 • Durée de lecture : 6 minutes

Ce nouveau numéro de Questions Internationales s’intéresse aux « dimensions multiples de l’intérêt du Golfe et des Etats qui le bordent ». A cet égard, plusieurs thèmes sont analysés, illustrés par des cartes, des encadrés et des graphiques, en particulier des cartes historiques et actuelles sur le Golfe et sur le Moyen-Orient, sur les sunnites et les chiites, sur l’évolution démographique de la région ; des encadrés sur les grands thèmes régionaux (chiisme, concept d’Etat-nations et de frontières, élites du Koweït, médias, Conseil de coopération du Golfe, statut de la femme en Arabie saoudite, politique extérieure de l’Arabie saoudite, du Qatar et d’Oman, liens entre la France et le Golfe) ; des graphiques sur les sujets économiques et les ressources énergétiques. Une chronologie des grands moments historiques et contemporains, ainsi qu’une bibliographie, complètent ce dossier.

Le premier constat est posé par Serge Sur, qui s’interroge sur la difficulté de nommer cet espace, « golfe Persique ? golfe Arabe ? golfe Arabo-persique ? ». Il est cependant « aussitôt identifié » en raison des événements qui s’y sont déroulés dans l’histoire et au cours d’événements plus récents, de sa position géographique et stratégique, de ses infrastructures et de ses richesses pétrolières.

Les questions sociales, politiques et religieuses sont analysées par Laurence Louër, au regard de l’évolution actuelles dans les Etats du Golfe. L’évolution de « l’Etat-providence », des années 1970 à aujourd’hui est expliquée, ainsi que celle des systèmes politiques et de leur « libéralisation politique ». Il apparaît néanmoins que « ces efforts de libéralisation politique ont toutefois fait long feu, apparaissant pour ce qu’ils étaient vraiment : non pas les prémices de la mise en place de régimes démocratiques, mais une manière d’élargir la base de légitimité des régimes dans un contexte d’incertitude économique et politique ». Sur le plan religieux, si cette région est le lieu de naissance de l’islam, elle « a ensuite joué un rôle marginal dans l’histoire de l’empire musulman, dont le centre névralgique s’est déplacé vers le nord (Damas, Bagdad, Istanbul ». Le développement du wahhabisme, puis l’arrivée des Frères musulmans en Arabie saoudite et leur influence sur le royaume sont aussi évoqués.

La question du pétrole est déterminante dans l’histoire de la région et pour son développement tant économique que social. Dans ce contexte, Keyvan Piram analyse les conséquences, pour ces deux secteurs, des exportations de pétrole. Les revenus du pétrole sont ainsi diversement utilisés, l’Arabie saoudite, l’Iran et l’Irak ayant « entrepris de moderniser rapidement leur pays et se sont engagés dans d’importants projets industriels et d’infrastructures » ; les monarchies du Golfe, pour leur part, en raison de leur population moins nombreuse, « sont proportionnellement plus prospères que les grands Etats de la région. Dépenses sociales et projets de modernisation y représentent donc des fardeaux budgétaires moins importants ». Au final, l’auteur soulève la question de l’après pétrole et de la dépendance de certains Etats à leurs ressources naturelles d’hydrocarbures.

Sur le plan économique, les Etats du Golfe représentent « des puissances financières à part entière en raison de leur accumulation massive d’actifs à l’étranger ces dernières années ». Gabriel Sensenbrenner expose ainsi les fondements financiers qui font la force de cette région, liés à un prix élevé du pétrole et du gaz. Les mouvements des capitaux sont ainsi étudiés, ainsi que « le redéploiement des excédents vers les économies locales ». L’auteur conclut sur l’« impact limité » de la crise économique pour les Etats du Golfe, et sur leur positionnement à la suite de celle-ci, qui « importe de corriger certaines pratiques financières et de combler les failles dans la gouvernance des entreprises et des banques ».

Marc Valeri s’interroge pour sa part sur la mise en place des réformes politiques dans le Golfe dans les années 2000, en lien avec l’avancée démocratique voulue par l’administration Bush au lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Néanmoins, pour l’auteur, « loin de participer d’une réelle distribution des cartes, ces gages démocratiques se sont révélés de redoutables instruments de perpétuation de l’ordre politique existant, en ne remettant pas en cause l’absence de séparation des pouvoirs ». Il explique alors les fondements de ces « Etats rentiers et patrimoniaux » et leurs spécificités historiques, puis les réformes entreprises dans les années 2000 et la montée des « groupes d’opposition » au pouvoir en place, en particulier en Arabie saoudite, à Bahreïn et au Koweït.

Les problématiques de sécurité et de défense sont analysées par Emile Hokayem, pour qui « les enjeux de sécurité dans le Golfe sont intimement liés entre eux et impliquent de nombreux acteurs externes ». Ainsi, l’Iran, l’Irak, le Yémen et le Conseil de coopération du Golfe sont évoqués selon leurs caractéristiques : volonté de puissance régionale pour l’Iran, nécessité de reconstruction de l’Irak, incertitude politique et économique pour le Yémen, dépendance entre le Conseil de coopération du Golfe et les Etats-Unis. A cet égard, la présence américaine, si elle est contestée, notamment pour son rôle en Irak, n’en demeure pas moins essentielle à la sécurité de la région.

Le thème de la présence américaine est également l’objet de l’analyse de Philippe Droz-Vincent. Les liens historiques entre les Etats-Unis et le Golfe sont rappelés : entre Roosevelt et Ibn Séoud, intérêts américains dans le domaine du pétrole, tournant des années Carter avec un « interventionnisme direct », les guerres du Golfe et la présence militaire dans la région, les liens avec l’Arabie saoudite depuis les attentats du 11 septembre 2001, les nouveaux défis sécuritaires régionaux, en particulier la question du nucléaire iranien. Au final, « malgré une forte présence militaire et le contrôle stratégique des ressources pétrolières, l’hégémonie des Etats-Unis y est devenue beaucoup moins prégnante. Les difficultés entre Washington et Riyad depuis le 11 septembre 2001, les tensions autour du dossier nucléaire iranien et l’échec de la tentative de l’administration Bush de transformer la région par le changement de régime en Irak sont autant de signes d’une tutelle américaine affaiblie sinon contestée ».

Les Emirats arabes unis « longtemps considérés comme un simple acteur énergétique, (…), ont fait l’objet ces dernières années d’un regain d’intérêt de la part de la communauté internationale, au fur et à mesure qu’ils s’affirmaient en tant que puissance moyen-orientale ». Djilali Benchabane étudie ainsi les facteurs qui ont permis l’affirmation des Emirats arabes unis, notamment la stabilité sur le plan politique et institutionnel ; les ressources du pétrole ; une diplomatie tournée vers l’aide au monde arabe, vers les questions régionales et vers les puissances occidentales ; la dimension culturelle comme facteur d’unité. Ces réalisations sont effectuées dans une société « qui se caractérise avant tout par son hétérogénéité ethnique ».

Hubert Colin de Verdière donne son analyse de la région, au cours d’un entretien. La question du nucléaire iranien est abordée, ainsi que celle des liens entre l’Iran et l’Occident : « Les Etats-Unis eux-mêmes savent qu’ils doivent et devront compter avec l’Iran, pour peu que celui-ci renonce à tout ou partie de ses capacités de nuisance ». L’Irak, le pétrole, le besoin énergétique de la Chine et de l’inde sont également au cœur de cet entretien.

Sommaire du dossier Les Etats du Golfe, prospérité et insécurité
Le Golfe, comble d’or noir aux mille tuiles, par Serge Sur
Des évolutions sociales, politiques et religieuses singulières, par Laurence Louër
Le pétrole : malédiction ou bénédiction ? par Keyvan Piram
Des puissances financières internationales de premier plan, par Gabriel Sensenbrenner
Des Etats entre consolidation autoritaire et contraintes réformistes, par Marc Valeri
De multiples enjeux de sécurité et de défense, par Emile Hokayem
Scénarios pour l’avenir du Golfe, entretien avec Hubert Colin de Verdière
Les Etats-Unis dans le Golfe : une présence contestée, par Philippe Droz-Vincent
Les Emirats arabes unis : l’exemple d’une société traditionnelle globalisée, par Djilali Benchabane
Et les contributions de Rivka Azoulay, Sandra Beauchard, Christelle Capelle, Fatiha Dazi-Héni, Mohammed El Oifi, Amélie Le Renard et Caroline Ronsin.

Questions Internationales, Dossier spécial sur Les Etats du Golfe, Prospérité et insécurité, La documentation Française, numéro 46, novembre-décembre 2010

Publié le 29/11/2010


Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.


 


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