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Docteur en géopolitique, spécialiste des enjeux énergétiques, David Amsellem est l’auteur de "La guerre de l’énergie - la face cachée du conflit israélo-palestinien" (éd. Vendémiaire, 2011). Il est également consultant pour le cabinet de conseil, Cassini.
D’abord, rappelons que ces deux pays, s’ils ont en commun de renfermer du pétrole sur leur territoire, n’ont pas le même poids sur le marché pétrolier. L’Irak détient un peu moins de 150 milliards de barils – 9% des réserves mondiales – alors que la Syrie n’en dispose que de 2,5 milliards.
En Irak, ces ressources d’hydrocarbure se concentrent exclusivement à l’est du pays, et en particulier au nord-est et sud-est, tandis qu’en Syrie les gisements se trouvent sur une bande de territoire qui traverse le pays du sud-ouest/nord-ouest avec une zone particulièrement prolifique à l’est, à la frontière avec l’Irak (1).
La production irakienne augmente d’année en année depuis l’intervention américaine de 2003 pour atteindre en moyenne en 2014, 3,4 millions de barils par jours, plaçant le pays au sixième rang mondial. Et cette capacité de production continue à augmenter puisqu’à l’été 2015, le pays produisait plus de 4 millions de barils par jour (2).
Avant la guerre civile, l’État syrien produisait en moyenne 400 000 barils de pétrole par jour (entre 2008 et 2010). Selon les dernières informations communiquées par l’Energy Information Administration (3) (EIA), la production syrienne en mai 2015 est d’à peine 25 000 barils par jour, soit une baisse d’environ 90% depuis le début du conflit en mars 2011. L’une des explications réside dans la capture de nombreux champs gaziers syriens par le groupe État islamique (EI).
Actuellement, le groupe Etat islamique contrôle la plupart des gisements pétroliers de la Syrie dans l’est du pays, ce qui lui permettait de produire entre 35 000 et 40 000 barils par jour avant les frappes aériennes qui ont suivi les attentats de Paris du 13 novembre (4). Cette quantité a certainement diminué de moitié depuis (5). Le groupe contrôle également le gisement irakien de Qayyara, près de Mossoul au nord de l’Irak qui permet, à lui seul, de produire potentiellement 8 000 barils de pétrole par jour. À l’intérieur du territoire contrôlé par l’EI se trouvent également de nombreuses raffineries syriennes, ce qui permet au groupe terroriste de raffiner son pétrole en toute indépendance.
Le prix de vente de ce pétrole varie beaucoup selon sa qualité. Le baril de la plupart des gisements est vendu entre 25 à 30 dollars, mais le prix peut monter jusqu’à 45 dollars pour ceux issus du champ pétrolier al-Omar, le plus grand de Syrie. Cumulée, on estime que cette production permettrait à Daesh d’engranger plus d’un million et demi de dollars par jour.
Le groupe vend son pétrole brut directement à des acheteurs locaux par le biais d’un système de transport rudimentaire, mais néanmoins très organisé : les clients, Syriens et Irakiens pour la plupart, attendent à proximité des champs pétroliers à bord de leurs camions-citernes pour « faire le plein » avant de revendre leur cargaison, le plus souvent, à une raffinerie de proximité.
Il est vendu et consommé localement entre la Syrie et l’Irak, essentiellement dans les territoires contrôlés par l’État islamique, mais aussi à des groupes rebelles syriens qui combattent le régime de Bachar al-Assad, dans le nord du pays, ou des groupes kurdes en Irak.
Une partie est effectivement exportée en camion, à pied voire à dos d’âne, vers la Turquie via la frontière turco-syrienne qui est à certains endroits extrêmement poreuse. Ce pétrole est ainsi « mélangé » à d’autres productions et peut être consommé à l’étranger. Mais cela reste marginal, surtout depuis les frappes post-attentats de Paris dont l’un des objectifs visait précisément à détruire l’économie pétrolière de l’État islamique.
SYRIA, Palmyra : A member of the Syrian government forces stands next to a well at Jazel oil field, near the ancient city of Palmyra in the east of Homs province after they retook the area from Islamic State (IS) group fighters on March 9, 2015. Recent US-led coalition air strikes have frequently targeted oil facilities run by the IS group jihadists, who according to some estimates earn more than $1 million per day from oil sales.
AFP PHOTO/ STR
Lire sur Les clés du Moyen-Orient :
– Entretien avec David Amsellem – L’enjeu du gaz au Moyen-Orient
– Entretien avec David Amsellem – Le facteur gazier dans le conflit syrien
– David Amsellem, La guerre de l’énergie – La face cachée du conflit israélo-palestinien
Notes :
(1) The U.S. Energy Information Administration, « Iraq », consulté le 9 décembre 2015.
(2) Bloomberg Business, « Iraq’s Oil Output Climbs to Record as South Escapes Fighting », 12 août 2015.
(3) The U.S. Energy Information Administration, « Syria », consulté le 9 décembre 2015.
(4) Financial Times, « Inside Isis Inc : The journey of a barrel of oil », 14 octobre 2015.
(5) Le Monde, « Que sait-on de la production de pétrole contrôlée par l’EI et de ses destinations ? », 3 décembre 2015.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.
David Amsellem
Docteur en géopolitique, spécialiste des enjeux énergétiques, David Amsellem est l’auteur de "La guerre de l’énergie - la face cachée du conflit israélo-palestinien" (éd. Vendémiaire, 2011). Il est également consultant pour le cabinet de conseil, Cassini.
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