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Par Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Publié le 01/02/2010 • modifié le 24/02/2020 • Durée de lecture : 9 minutes

La présence britannique jusqu’à l’indépendance en 1971

Dès le XVIIIème siècle, les Britanniques sont présents dans le Golfe afin de sécuriser la route des Indes. C’est à partir du XIXème siècle qu’ils s’impliquent politiquement, notamment dans la région qui deviendra les Émirats arabes unis en 1971.
L’implication politique de la Grande-Bretagne est concomitante avec, d’une part l’expédition de Bonaparte en Egypte en 1798 qui lui fait craindre l’expansion territoriale française sur la route menant à l’Inde, et d’autre part, les conflits entre les différents peuples du Golfe, également perçus comme une menace à la sécurité de la route des Indes.

Bateaux traditionnels des Emirats
Bateaux traditionnels des Emirats
iStockphoto

Dès le début du XIXème siècle, les Britanniques s’attachent donc à pacifier par plusieurs traités les territoires des futurs Emirats arabes unis, appelés au début du XIXème siècle Etats de la Côte des Pirates. On retiendra, entre autres, le traité général de paix de 1820 signé par les cheikhs, qui décide la fin de la piraterie et du pillage, et condamne l’esclavage. Celui signé en 1853, appelé « traité de paix perpétuelle », garantit la présence britannique dans la région et dans un sens plus large les voies de communication entre Londres et l’Inde, impose aux cheikhs de ne plus faire la guerre sur mer et empêche la venue de toute autre présence européenne.

Entre les XIXème et XXème siècles, à côté d’Oman, se constituent sur la côte, à la place des deux entités installées à Abu Dhabi et à Ras al-Khaimah, sept émirats indépendants sous le protectorat de la Grande-Bretagne : Abu Dhabi, Dubaï, Sharjah, Ajman, Umm al-Qaiwain, Ras al-Khaimah et Fujaïrah.

La ville d’Abu Dhabi, créée aux alentours de 1761 par la tribu des Béni Yas, est dominée dans un premier temps par les Wahhabites. Un traité général de paix est signé par le cheikh Tahnun Ibn Shakhbut en 1820. Se poursuivent alors sous son règne, de 1818 à 1833, des troubles avec des membres de sa famille et avec l’émir du Nejd, Turki Ibn Abdallah. Lui succèdent Khalifah Ibn Shakhbut de 1833 à 1845, puis Sa’id Ibn Tahnun de 1845 à 1855. Le cousin de Sa’id, Zayed Ibn Khalifah règne de 1855 à 1909. A sa mort, plusieurs de ses fils lui succèdent mais ils s’éliminent les uns les autres. Le cheikh Shakhbut Ibn Sultan arrive néanmoins à régner de 1928 à 1966.

Dubaï est rattaché à Abu Dhabi jusqu’en 1833, puis à cette date, en raison de querelles internes à la tribu des Béni Yas, certains membres de la tribu s’installent à Dubaï. Comme pour Abu Dhabi, de nombreux cheikhs se succèdent au pouvoir : Obaid Ibn Sa’id et Maktum Ibn Buti gouvernent ensemble de 1833 à 1836 ; puis Maktum Ibn Buti seul de 1836 à 1852 ; son frère Sa’id de 1852 à 1859 ; le neveu de Sa’id, Hashar Ibn Maktum, de 1859 à 1886 ; le frère de Hashar, Rashid Ibn Maktum prend alors le pouvoir de 1886 à 1894. Maktum Ibn Hashar prend le pouvoir de 1894 à 1906 ; puis son cousin, Buti Ibn Suhail de 1906 à 1912 ; et enfin son cousin Sa’id Ibn Maktum jusqu’en 1958.

Sharjah est au centre de nombreuses luttes de pouvoir, avec Oman jusque dans les années 1830, avec les Wahhabites et également avec les Britanniques soucieux de rétablir la paix. Là aussi, les cheikhs se succèdent au pouvoir. On retiendra le long règne de cheikh Sultan Ibn Saqr de 1814 à 1866 ; celui de son fils, Khalid Ibn Sultan, de 1866 à 1868 ; celui de Salim Ibn Sultan, frère de Khalid Ibn Sultan, de 1868 à 1883. A cette date, il est remplacé par son neveu, Saqr Ibn Khalid, jusqu’en 1924. Son cousin cheikh Sultan Ibn Saqr prend le pouvoir à sa suite jusqu’en 1951. Cet émirat est important pour les Britanniques, qui en font une base militaire et aérienne en 1946.

Ajman et Umm al-Qaiwain, émirats indépendants de Sharjah depuis 1820, et signataires du traité général de paix avec les Britanniques en 1820, s’allient indifféremment avec les autres cheikhs des émirats.

Ras al-Khaimah dépend de 1820 à 1869 de l’autorité de Sharjah. Son indépendance, à la suite de la prise de pouvoir en 1921 par Sultan Ibn Salim (fils du cheikh Salim Ibn Sultan émir de Sharjah de 1868 à 1883) est reconnue par les Britanniques. Son neveu Sarq Ibn Muhammad le renverse en 1947.

Fujaïrah, sous l’autorité de Sharjah, devient indépendant en 1952.

A la suite de 1956 et de la crise de Suez, les Britanniques se désengagent de l’Egypte, mais augmentent leur présence militaire dans la région du Golfe, notamment à Bahreïn, Sarjah et Aden. Mais en 1968, ils annoncent leur volonté de quitter militairement le Golfe pendant l’année 1971. Afin de garantir l’indépendance et la sécurité des émirats du Golfe, et de préserver ses intérêts dans la région, Londres décide d’aider les sept émirats qui constitueront les EAU, ainsi que Bahreïn et Qatar, à créer une fédération. De leur côté, les cheikhs de ces neufs émirats se réunissent au cours d’une conférence à Dubaï et décident le 27 février 1968 la création d’une fédération. Sur cette base, d’autres négociations se déroulent, afin de décider de l’emplacement de la capitale, du président de la fédération, des modalités de vote et du nombre des représentants de chaque émirat. Mais les négociations sont rendues difficiles par les désaccords entre les différents émirats (la conférence du 24 octobre 1969 se solde par un échec), ainsi que par l’évolution politique de la région : en avril 1970, l’Iran renonce à revendiquer Bahreïn, et un coup d’Etat est réalisé à Oman par le fils du roi en juillet de la même année. Ces événements modifient la perception des émirats face à la création d’une fédération. Bahreïn, dont la sécurité n’est plus menacée par l’Iran, remet notamment en question les décisions acceptées auparavant. Quant au nouveau pouvoir mis en place à Oman, il assure aux émirats du Golfe une protection contre les incursions venant du sud Yémen. Ces événements concourent au final à ralentir la réalisation de la fédération, car les différents émirats, ne se sentant plus menacés dans leur sécurité, maintiennent leurs positions au lieu de rechercher un consensus.

United Arab Emirates President Sheikh Zayed Ben Sultan al-Nahyan (c) poses with the rulers of the seven UAE federation member states in February 1972, just after Ras al-Khaimah became the seventh member. WAM / AFP
United Arab Emirates President Sheikh Zayed Ben Sultan al-Nahyan © poses with the rulers of the seven UAE federation member states in February 1972, just after Ras al-Khaimah became the seventh member. WAM / AFP


En Grande-Bretagne, le nouveau gouvernement conservateur arrivé au pouvoir en juin 1970 maintient - après concertation avec les cheikhs du Golfe - la décision du gouvernement travailliste prise en 1968 de quitter la région en 1971. Cette décision relance les négociations entre les cheikhs afin de créer une fédération. Mais aucun accord n’est trouvé, et l’idée d’une fédération à neuf échoue avec la proclamation par Bahreïn de son indépendance le 15 août 1971 suivie par celle du Qatar le 1er septembre. De leur côté, six émirats sur sept décident de créer les Emirats arabes unis le 18 juillet 1971, Ras al-Khaimah refusant d’y participer. L’indépendance des Emirats arabes unis est proclamée le 2 décembre 1971. De façon concomitante, l’Iran occupe trois îles du Golfe : Abu Musa, la Grande Tumb et la Petite Tumb. Le gouvernement iranien demande en effet la reconnaissance de ses droits sur ces trois îles stratégiques pour l’accès au Golfe en échange de quoi il reconnaîtra les Emirats arabes unis. En février 1972, Ras al-Khaimah rejoint finalement les Emirats arabes unis.

L’économie des Emirats arabes unis sous le protectorat britannique

Deux grandes phases caractérisent l’économie des Emirats arabes unis : celle de la pêche des perles et de l’activité maritime, puis celle du pétrole.

Sous le protectorat britannique, la pêche des perles, dont l’activité remonterait selon des sources archéologiques à l’époque assyrienne, se poursuit. Celle des poissons et le commerce se développent. La pêche des perles constitue la principale source de revenu du Golfe. Les perles sont vendues en Inde, en France et en Grande-Bretagne. Mais cette production entre en concurrence avec les perles de culture japonaises vers 1930. Surtout, la crise de 1929 se répercute sur les achats de perles des Européens. Ces deux faits entrainent le déclin progressif de la production perlière du Golfe, jusqu’en 1950. La pêche des poissons est également importante car elle permet de nourrir la population. Enfin, l’activité navale constitue le troisième volet de l’économie : la construction navale et le commerce des marchandises font du Golfe une région stratégique. Les marins du Golfe transportent des marchandises en direction de l’Inde, de la mer Rouge et de l’Afrique de l’Est.

Le pétrole

Dès les années 1930, dans le cadre de la recherche du pétrole, l’Irak Petroleum Company obtient des concessions à Sharjah et Dubaï en 1937, à Ras al-Khaimah en 1938, à Abu Dhabi en 1939 et à Umm al-Qaiwain en 1945. En 1958, du pétrole est découvert à Abu Dhabi, dont le gisement le plus important est celui de Murban. En 1966, du pétrole est découvert à Dubaï, et en 1973 à Sharjah. Les réserves des Emirats arabes unis sont ainsi estimées à 7,8% des réserves mondiales, ce qui place les EAU en cinquième position, derrière l’Arabie Saoudite (21% des réserves mondiales en 2008), l’Iran (11% en 2008), l’Irak (9,3% en 2008) et le Koweït (8% en 2008). La production en pétrole des EAU est de 139,5 millions de tonnes en 2008, les plaçant au 8ème rang mondial. Les conséquences de la découverte et de l’exploitation du pétrole sont nombreuses, notamment pour la population et l’économie.

Les mutations sociales et économiques liées au pétrole

Dubaï. Crédit photo : Isabelle Dasque
Dubaï. Crédit photo : Isabelle Dasque


La découverte et l’exploitation du pétrole ont permis aux Emirats arabes unis d’élever leur niveau de vie et de construire de nouvelles infrastructures. Cet essor économique a conduit les Emirats arabes unis à faire appel à de la main d’œuvre étrangère, d’origine arabe, indienne, pakistanaise, thaïlandaise, coréenne ou philippine, elle même attirée par la diversité des emplois proposés. A titre indicatif, la main d’œuvre asiatique représente 73% de la main d’œuvre totale aux Emirats arabes unis en 1985. En dehors de l’activité pétrolière, les Emirats arabes unis ont développé leurs infrastructures : routes et autoroutes traversant le désert, écoles et hôpitaux, magasins, hôtels… et leur secteur tertiaire : banque, services, tourisme. Dubaï est représentatif de cet essor, avec la construction de centres commerciaux gigantesques, d’une piste de ski, d’îles en forme de palmier, de tours (la tour Burj Dubai haute de 800 mètres) et de complexes hôteliers de luxe.

Les Emirats arabes unis de 1971 à nos jours

Picture dated 21 October 1972 show the founding fathers of the United Arab Emirates, Sheikh Zayed Ben Sultan al-Nahyan (L) and Sheikh Rashid ben Said al-Maktoum. Sheikh Zayed, the ruler of Abu Dhabi, became UAE president upon independence while al-Maktoum, ruler of Dubai since 1958, became vice-president. WAM / AFP
Picture dated 21 October 1972 show the founding fathers of the United Arab Emirates, Sheikh Zayed Ben Sultan al-Nahyan (L) and Sheikh Rashid ben Said al-Maktoum. Sheikh Zayed, the ruler of Abu Dhabi, became UAE president upon independence while al-Maktoum, ruler of Dubai since 1958, became vice-president. WAM / AFP

Sur le plan politique, la gestion des affaires de la fédération des Emirats arabes unis est supervisée par le Conseil suprême, constitué des sept cheikhs des émirats. Il est assisté d’un Conseil fédéral qui est l’exécutif de la fédération. Le cheikh d’Abu Dhabi est le président de la fédération et celui de Dubaï est le vice-président. De 1971 à 2004, le cheikh Zayed Ibn Sultan préside la fédération. A sa mort, son fils cheikh Khalifa ben Zayed lui succède à la présidence. L’actuel émir de Dubaï, cheikh Marktoum Ibn Rached al-Maktoum est le vice-président de la fédération. Des élections législatives se déroulent pour la première fois en décembre 2006 afin de renouveler la moitié des sièges du Conseil national fédéral : sur les 40 membres qui composent le Conseil national fédéral, 20 sont élus par les grands électeurs (désignés par les émirs des sept royaumes de la fédération) et 20 sont choisis par les émirs.
Sur le plan régional, un pacte de défense mutuel est signé le 31 décembre 2000 entre les EAU, le Koweït, l’Arabie saoudite, Bahreïn, Oman et Qatar. En décembre 2002, un projet d’union douanière est décidé, et entre en vigueur le 1er janvier 2003.

Vue d'Abu Dhabi
Vue d’Abu Dhabi
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Abu Dhabi, de par sa taille (il est le plus grand des Emirats avec 73% du territoire) et de par ses réserves pétrolières (93%) est le centre politique, diplomatique et économique des Emirats arabes unis. Cheikh Zayed Ibn Sultan a beaucoup œuvré pour le développement d’Abu Dhabi, notamment sur le plan des infrastructures, avec la construction du port, Mina Zayed, et de zones industrielles et sur le plan agricole, avec la création dans les années 1970 d’un centre expérimental afin de « faire fleurir le désert ». Son fils poursuit une politique similaire. Abu Dhabi développe aussi, depuis 2001, une politique de coopération avec la France, sur le plan scientifique, culturel et universitaire : ainsi, l’université de Paris IV Sorbonne a ouvert une antenne en 2006, ainsi que HEC. Le Louvre va également ouvrir en 2012 un musée sur l’île de Saadiyat. Sur le plan militaire, un accord conclu avec la France le 15 janvier 2008 lui permet d’ouvrir une base militaire permanente.

Dubaï est remarqué pour son dynamisme économique et commercial. Elle est notamment la première place financière des EAU. Sur le plan commercial, Dubaï est doté d’un port, Mina Rachid, dans lequel accostent les pétroliers géants, et d’une zone franche portuaire appelée Jabel Ali située près de la ville de Dubaï. Jabel Ali est utilisée pour l’industrie (fonderie d’aluminium, usine de liquéfaction du gaz, centrale thermique, usine de dessalement de l’eau de mer, industrie chimique) et pour le commerce, grâce à son port artificiel. Dubaï est également renommé pour ses réalisations architecturales et touristiques.
Quant aux cinq autres émirats, ils tentent de s’imposer face à Abu Dhabi et à Dubaï.

Vue de Dubaï
Vue de Dubaï
Istockphoto


Bibliographie
Salem AL-JABIR AL-SABAH, Les Emirats du Golfe, histoire d’un peuple, Paris, Fayard, 1980, 261 pages.
André BOURGEY, « Emirats arabes unis », Encyclopédie Universalis 2008.
Le Monde, « Etats du Golfe, la renaissance arabe », hors-série février-mars 2009, 98 pages.
Site du ministère des Affaires étrangères, Emirats arabes unis, Présentation des Emirats arabes unis.

Publié le 01/02/2010


Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.


 


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