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Denise Ammoun, Les arabes et la paix

Par Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Publié le 08/11/2010 • modifié le 25/04/2020 • Durée de lecture : 6 minutes

L’action du président égyptien Anouar el-Sadate est analysée, au regard du contexte préoccupant de l’Egypte en 1977 dans le plan économique et social. La décision du FMI, acceptée par le gouvernement égyptien de supprimer les subventions, provoque émeutes et manifestations. Dans ce contexte très troublé, Sadate comprend qu’il lui faut « remettre en question des choix politiques d’une extrême gravité », en particulier ses relations avec Israël. Dans ce contexte, les rencontres en avril 1977 entre Sadate et le président américain Jimmy Carter sont décrites, au cours desquelles la question du conflit israélo-arabe est évoquée. Les propos de Sadate sont ainsi analysés par Carter : « Il devenait évident que son désir d’œuvrer avec moi pour des négociations de paix était bien arrêté, mais il n’avait encore adopté aucun plan précis pour atteindre ce qui pourrait devenir notre objectif commun. Sadate m’a dit clairement qu’il était prêt à prendre des mesures audacieuses en direction de la paix, toutes fondées sur les résolutions du Conseil de sécurité. Nous avons même discuté la possibilité d’éventuelles négociations directes à l’avenir : les frontières permanentes d’Israël, les droits des Palestiniens et même – inconcevables à l’époque – la liberté de commerce et des frontières ouvertes entre les deux nations, une reconnaissance diplomatique totale et l’échange d’ambassadeurs ».

De son côté, en juillet 1977, le Premier ministre israélien Menahem Begin rencontre le président américain à Washington. D’autres initiatives sont ensuite organisées entre les responsables israéliens et les responsables roumains et marocains. Le but de cette diplomatie secrète est qu’Anouar el-Sadate et Menahem Begin négocient de façon constructive. Sadate livre ainsi dans ses Mémoires les motifs qui ont motivés son initiative avec Israël : « Nous nous sommes habitués à considérer Israël comme un sujet très sensible et dangereux, au point de ne pas l’approcher. Cette situation s’est prolongée pendant de trop longues années et a fini par rendre tout changement impossible. (…) Si nous devons aboutir à une paix durable, il nous faut trouver une méthode complètement nouvelle, qui dépasse les procédures et les formes, et brise la barrière du manque de confiance réciproque, afin de ne pas être enfermés dans un cercle vicieux et l’impasse totale ». Sadate se rend également à son tour en Roumanie en octobre, puis en Iran et en Arabie saoudite. L’idée d’une visite à Jérusalem nait pendant son voyage.

L’annonce du voyage à Jérusalem ainsi que le voyage lui même sont analysés par Denise Ammoun, puis les réactions que cette initiative provoque, tant du côté égyptien, que du côté israélien et arabe. L’initiative de Sadate a pour objectif de relancer la paix et d’assurer les droits des Palestiniens. A son retour au Caire, Sadate est accueilli par « une foule en délire ». Cinq dirigeants arabes (Libye, Syrie, Algérie, Yémen, OLP) pour leur part décident de rompre leurs relations diplomatiques avec l’Egypte, tandis que Sadate organise une conférence au Caire, qui doit préparer celle de Genève. Elle se tient du 14 au 17 décembre et réunit les délégations égyptienne, israélienne et américaine, un représentant du secrétaire général de l’ONU et un observateur du Vatican. En revanche, l’OLP et les Etats arabes ne s’y rendent pas. Cette conférence, où aucun résultat n’est atteint, est suivie par la venue de Begin à Ismaïlia le 25 décembre. Mais cette initiative n’est à nouveau pas suivie d’effet, à la déception de Sadate.

Le processus de paix est laborieux et Jimmy Carter décide d’organiser une rencontre à Camp David entre Sadate et Begin. Denise Ammoun se penche ainsi sur les négociations menées à Camp David du 5 au 17 septembre, puis sur le traité de paix égypto-israélien, qui sera signé à Washington le 26 mars 1978. A la suite de ce traité, l’Egypte est expulsée de la Ligue des Etats arabes, dont le siège est transféré à Tunis. Le retrait israélien du Sinaï commence fin mai, puis les négociations sur l’autonomie palestinienne, mais elles sont difficiles. Les relations se normalisent entre l’Egypte et Israël, mais la décision israélienne d’annexer Jérusalem-Est le 30 juillet 1980 provoque l’indignation de Sadate et de Carter. Il est néanmoins prévu une reprise des négociations qui n’aura pas lieu, Sadate étant assassiné le 6 octobre 1981. Hosni Moubarak lui succède.

L’auteur s’attache ensuite à analyser la volonté israélienne de signer un traité de paix signé avec le Liban, alors en guerre civile. Plusieurs faits sont rappelés, notamment l’attentat perpétré le 11 mars 1978 par des Palestiniens, à partir du Sud-Liban, contre Israël. Le 15 mars, Israël lance l’opération Litani contre le Sud-Liban. Une résolution de l’ONU approuve la mise en place au Sud-Liban d’une Force intérimaire des Nations unies, la FINUL. Dans les années 1980, si les Israéliens acceptent de signer la paix avec le Liban, cette décision est guidée par des motifs politiques, en particulier que le Liban soit présidé par le chef des Forces libanaises, Bachir Gemayel. L’auteur fait un rappel historique de la guerre du Liban : la désintégration de l’armée libanaise ; l’aide d’Israël aux Phalangistes ; l’aide syrienne aux chrétiens du Liban ; les relations entre Israël et la Syrie ; l’action de Bachir Gemayel par l’unification des milices, sa montée en puissance quand il obtient pour trois ans l’autorité militaire dans la zone chrétienne ; la crise des milices début 1981. Dans ce contexte, Bachir Gemayel annonce sa candidature à la présidence de la république libanaise le 29 novembre 1981. Début 1982, il rencontre le premier ministre israélien Begin ainsi qu’Ariel Sharon. Bachir Gemayel explique : « Le ministre Sharon s’est fixé un but précis, et il cherche à trouver la voie la plus courte et la moins coûteuse pour l’atteindre. Il s’agit de saper l’infrastructure militaire et politique de l’OLP au Liban, et il en étudiait avec moi toutes les éventualités ». Suivent les descriptions de l’opération israélienne paix en Galilée, les réactions internationales à l’opération, l’élection de Bachir Gemayel à la présidence, le départ des combattants palestiniens de Beyrouth. Une fois Bachir Gemayel élu, Israël demande la signature rapide d’un traité avec le Liban, mais le président nouvellement élu demande du temps : « Il ne peut plus agir en qualité de chef des Forces libanaises, il est désormais le président du pays du Cèdre : il doit trouver une formule susceptible d’être agréée par toutes les communautés, et en premier lieu par l’islam libanais ». Cependant, Bachir Gemayel est assassiné le 14 septembre 1982. A l’annonce de sa mort, Israël envahit Beyrouth-Ouest. C’est dans ce contexte que se déroulent les massacres de Palestiniens dans les camps de Sabra et Chatila. Israël souhaite toujours un traité de paix avec le Liban, et le nouveau président libanais Amine Gemayel, frère du président assassiné, se trouve alors confronté à cette alternative : signer un traité de paix ou accepter l’occupation militaire israélienne. Dans ce contexte, le président américain Reagan s’engage à apporter son soutien au Liban. Des négociations s’ouvrent alors au Liban, en présence d’une délégation israélienne et d’une délégation américaine fin décembre 1982. Un accord est signé le 17 mai 1983, portant sur la souveraineté du Liban et son intégrité territoriale ; sur le retrait des forces militaires israéliennes du Liban. Cet accord n’est finalement pas accepté, et est abrogé le 5 mars 1984.

La question palestinienne est ensuite abordée, dans le contexte de la guerre du Liban, puis les grandes étapes des relations de l’OLP avec les Etats voisins, notamment avec la Jordanie et avec l’Egypte, et également avec Israël. Des négociations sont en effet entamées entre l’OLP et Israël en 1985, dans lesquelles il est question du droit à l’autodétermination des Palestiniens, du droit à Israël d’exister dans des frontières sûres, d’un accord de paix… Ces négociations n’aboutissent cependant pas, étant stoppées par Israël. Sur le plan palestinien, la question de l’intifada est traitée, ainsi que la proclamation de l’Etat palestinien le 15 novembre 1988. Les grandes étapes du processus de paix sont ensuite analysées : la conférence de Madrid, Oslo I et II, Wye River, Camp David II, ainsi que les relations entre Israël et les Territoires palestiniens, puis les relations inter-palestiniennes (entre Fatah et Hama).

Denise Ammoun achève son ouvrage sur la nécessité de garder l’espoir, en dépit des « réticences des Israéliens et des Palestiniens. Mais il faudrait sceller la réconciliation interpalestinienne, obstacle majeur à la paix. (..) Les Européens plaident pour une conférence internationale, peut-être calquée sur celle de Madrid. Les Arabes n’ont pas modifié leurs positions et proposent toujours l’initiative saoudienne, la terre en échange de la paix. Il y a également la promesse de Barack Obama : ‘’Je ne fléchirai pas dans ma quête de la paix’’ ».

Denise Ammoun, Les arabes et la paix, Entre guerre et diplomatie 1977-2010, Paris, Fayard, septembre 2010, 325 pages.

Publié le 08/11/2010


Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.


 


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