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La résolution 242 de l’ONU, votée le 22 novembre 1967, sert souvent de texte de référence dans les actions et tentatives de paix des Nations unies, dans le cadre du conflit israélo-palestinien.
La résolution 242 est votée par le Conseil de sécurité de l’ONU, quelques mois après la guerre des Six jours qui oppose du 5 au 10 juin 1967 Israël à la Syrie, à l’Egypte et à la Jordanie. Lors de cette guerre éclair, l’armée israélienne occupe rapidement 70 000 km² de territoires arabes, dont la Cisjordanie annexée par la Jordanie en 1950 ; la bande de Gaza, sous administration égyptienne depuis 1949 ; le Sinaï égyptien et le Golan syrien. Israël quadruple ainsi sa superficie, se trouve dorénavant à 60 km de Damas et menace également le Caire. En juillet 1967, Israël annexe Jérusalem-Est et entre septembre et octobre, construit quatre premières colonies juives en Cisjordanie.
L’humiliation est donc grande pour les pays arabes qui subissent pour la deuxième fois une lourde défaite militaire. Lors du sommet de Khartoum qui se tient fin août 1967, ils refusent de reconnaître Israël ainsi que toutes négociations et réconciliations avec l’Etat hébreu. Ils manifestent également leur volonté de récupérer les territoires perdus. Israël désire pour sa part maintenir son contrôle sur ces zones considérées comme nécessaire à sa sécurité. Les deux parties restent donc fermement sur leurs positions. La question est alors portée devant l’ONU dès septembre alors que les troupes israéliennes ne se sont pas retirées et que les hostilités reprennent. Pour U Thant, secrétaire général de l’ONU, la question du golfe d’Akaba, dont Nasser interdit l’accès à la marine israélienne depuis mai 1967, doit être discutée dans le cadre de la cour internationale de Justice de La Haye, aux Pays-Bas.
A la suite de la guerre des Six jours, les différentes discussions onusiennes à l’Assemblée admettent généralement le principe de la non-acquisition de territoires par la guerre et le besoin de résoudre urgemment les conflits de la région. Mais l’incapacité militaire des pays arabes affaiblit leurs revendications. De plus, les Etats-Unis considèrent qu’Israël a attaqué les Etats arabes afin d’assurer sa défense suite à de multiples agressions ; ils refusent donc d’exercer une pression contre l’Etat hébreu. Un puissant lobbysme américain pousse en outre le gouvernement en faveur d’Israël.
Dans ce contexte, un projet de résolution est présenté par Malte, le Nigéria et l’Inde le 7 novembre au Conseil de sécurité. Il appelle, de manière précise, au départ des troupes israéliennes de « tous les territoires occupés à la suite du récent conflit ». Le même jour, les Etats-Unis font part de leur proposition. Ils s’accordent sur la nécessité d’un retrait mais se gardent de spécifier les territoires qui doivent être évacués. Lord Caradon, ambassadeur britannique aux Nations unies, est alors chargé de rédiger un nouveau texte, reprenant ces deux propositions. Il doit également prendre en compte les revendications d’Israël et des pays arabes qui ne souhaitent pas se voir imposer un traité de l’extérieur. Les Arabes exigent que le retrait s’applique à l’ensemble des territoires occupés lors de la guerre tandis qu’Israël exige que des « frontières reconnues » soit mentionnées sans pour autant qu’elles soient réellement définies. Les Etats-Unis appuient les revendications israéliennes et refusent qu’une formulation demandant le retrait de « tous les territoires occupés » figure dans la résolution du délégué britannique. Le 17 novembre, l’URSS propose alors à son tour une proposition allant dans le sens des demandes arabes. Devant l’intransigeance des Etats-Unis, lord Caradon soumet finalement au vote un texte maintenant un certain flou, permettant à chacun de l’interpréter dans son sens. La résolution est adoptée à l’unanimité par le Conseil de sécurité le 22 novembre. Elle est acceptée par Israël, l’Egypte, la Jordanie et le Liban, mais rejetée par la Syrie et les Palestiniens.
La résolution commence par préciser « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoires par la guerre et la nécessité d’œuvrer pour une paix juste et durable permettant à chaque Etat de la région de vivre en sécurité ». Deux principes sont ensuite énumérés : le retrait d’Israël des territoires nouvellement conquis en échange de la cessation de l’état de belligérance ; la reconnaissance de tous les Etats de la région et de leur intégrité territoriale. La résolution rappelle également la liberté de navigation sur les voies d’eau internationales, faisant référence au canal de Suez et au golfe d’Akaba. Le texte appelle en outre à la création de zones démilitarisées et à un règlement de la question des réfugiés. En effet, l’exode des populations arabes quittant les territoires occupés par Israël s’élève à environ 1,3 million en 1967 contre 960 000 en 1950. On remarque toutefois que le sort des Palestiniens n’est mentionné que dans le contexte de la question des réfugiés, la résolution ne faisant en effet aucune référence directe au peuple palestinien.
On peut également noter que malgré l’acceptation de la résolution 242 par Israël et par certains pays arabes, aucune des deux parties ne la met réellement en œuvre, chacun restant sur sa position.
Israël réclame ainsi des négociations directes avec les pays arabes et refuse de se replier sur les frontières d’avant la guerre des Six Jours. Pour justifier son action, le gouvernement s’appuie sur la version anglaise du texte de la résolution (le texte a été rédigé en anglais et en français, les deux langues officielles de l’ONU en 1967) qui parle d’un retrait israélien « de territoires occupés » (« from territories occupied in the recent conflict »), ne précisant donc aucunement de quels territoires il s’agit (« from ‘the’ territories » aurait précisé l’origine des territoires), reniant ainsi la version française qui est nettement plus contraignante et qui parle « des territoires occupés lors du récent conflit ».
Les Etats arabes quant à eux s’opposent à toute négociation directe avec Israël tant que son armée n’aura pas quitté leurs territoires. Pour eux, la résolution doit être appliquée immédiatement et conditionne directement un éventuel règlement du conflit. Ces difficultés d’interprétations empêchent donc la mise en place de réels résultats.
Le conflit israélo-arabe se trouve alors dans une impasse. L’ONU nomme en 1968 le suédois Gunnar Jarring comme médiateur pour trouver une nouvelle solution diplomatique, mais il n’est pas reconnu par Israël et par les pays arabes qui refusent tout compromis. La mission échoue. En décembre 1969, le plan Roger appelle à la mise en place d’un calendrier par Israël et l’Egypte pour évacuer le Sinaï et régler la question de la Cisjordanie. En juin 1970, il exige la reprise des négociations sur la base de la résolution 242. Le projet échoue une nouvelle fois.
Les années qui suivent la guerre des Six Jours sont alors marquées par une radicalisation de la résistance palestinienne et par la mise en place d’une guerre d’usure entre Israël et l’Egypte. L’ONU n’arrive finalement pas à empêcher l’escalade des tensions qui débouche en 1973 sur un nouveau conflit israélo-arabe.
Bibliographie :
Vincent Cloarec, Henry Laurens, Le Moyen-Orient au 20e siècle, Paris, Armand Colin, 2005.
Pierre Hazan, La Guerre des Six Jours, la victoire empoisonnée, Bruxelles, Editions Complexe, 1989.
Ovadia Soffer, Les Nations Unies au Moyen-Orient, procès-verbal d’une faillite, Paris, Presses Universitaires de France, 1985.
Lisa Romeo
Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.
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