Accueil / Infos culture / Comptes rendus d’ouvrages
Hervé Pierre, Saint-Cyrien et titulaire d’un master d’histoire de la Sorbonne et d’un master de relations internationale de l’IEP, livre dans son ouvrage une analyse sur les conséquences de la guerre de juillet 2006 pour le Hezbollah : « La guerre de 2006 permet au Hezbollah de retrouver (…) un statut d’acteur politique au Moyen-Orient ». Il ajoute : « L’offensive de Tsahal a – non sans ironie – donné un second souffle à la Résistance et a permis au Parti de Dieu de recouvrer une dimension internationale ». L’analyse d’Hervé Pierre s’appuie sur des entretiens réalisés avec des spécialistes du Moyen-Orient et du Hezbollah ainsi que sur une bibliographie très diversifiée.
Dans la première partie, Hervé Pierre analyse la notion de « victoire », considérée comme la consécration indispensable pour le Hezbollah, dans la mesure où « s’il ne peut espérer battre militairement la puissance israélienne sur le terrain des opérations, le Hezbollah mène sur la scène internationale un combat pour obtenir la victoire stratégique ». L’auteur décrit les trois moyens utilisés par le Hezbollah lui permettant de « consacrer la victoire » lors du conflit de 2006.
Il faut tout d’abord que les événements soient reconnus comme étant une « guerre » par la communauté internationale et par les opinions publiques. Pour obtenir cette « qualification », le Hezbollah mène une intense politique médiatique. Ainsi, cette guerre, considérée par le Hezbollah comme une victoire, est qualifiée par le chef du Parti, Hassan Nasrallah, de « victoire divine », et par la population arabe comme « historique et stratégique ». La notion de « victoire des damnés » est également évoquée par le directeur du centre de recherche du Hezbollah Ali Fayad, faisant référence à « la victoire (…) des exclus d’un monde sous domination américaine ».
Il faut ensuite que cette victoire soit pérenne, pour « la faire entrer dans l’usage ». Pour ce faire, Hervé Pierre explique comment « la résolution 1701 votée par le Conseil de sécurité, à l’interface entre action militaire et action politique, participe de cette transformation ». L’auteur analyse le processus d’élaboration de la résolution 1701 ainsi que son contenu. Si la résolution permet de mettre fin aux combats et reconnaît le Hezbollah comme un mouvement de résistance, ces acquis n’empêchent cependant pas Hassan Nasrallah de considérer la résolution comme un texte « inique et partial ».
Il faut enfin reconstituer « un potentiel militaire pour poursuivre la résistance ». Le Hezbollah, en dépit de l’article 8 de la résolution 1701 qui décide de la mise en place dans la zone de déploiement de la Finul d’une « zone d’exclusion de tous personnels armés, biens et armes autres que ceux déployés dans la zone par le gouvernement libanais et les forces de la Finul », ne désarme pas et poursuit son réarmement. L’auteur analyse également les relations entre le Hezbollah et la Finul, présente dans la zone comprise entre le fleuve Litani et la ligne bleue.
La seconde partie démontre comment, une fois reconnue la « victoire » du Hezbollah, le Parti « poursuit son combat de résistance en défiant politiquement la Puissance ». Trois moyens lui permettent de « défier la Puissance » et de se positionner en mouvement de résistance.
Le Hezbollah utilise en premier lieu la scène politique libanaise. L’auteur revient en préalable sur les relations entretenues entre le Parti de Dieu et le gouvernement libanais : elles passent de la coopération entre 1996 et 2006 à la compétition à partir de la guerre de juillet 2006. L’auteur analyse ainsi la fracture entre le Hezbollah et l’Etat libanais : « Perçu par ses opposants comme le bras armé de l’Iran et comme un valet de la Syrie, le Hezbollah conteste, quant à lui, l’existence d’un gouvernement pro-occidental qui fait de l’Etat libanais un cheval de Troie pour la puissance israélo-américaine ». A partir de ce moment, le Hezbollah « dénonce la diabolisation dont il est l’objet (…). Le parti chiite est décrit par l’administration américaine comme une organisation ‘‘terroriste’’, ‘’anti démocratique’’, ‘’extrémiste’’, alors même que le président Bush exprime toute sa fierté au Premier ministre libanais ». La solution pour le Hezbollah est de demander la formation d’un gouvernement d’union nationale, car « provoquer la rupture ferait paradoxalement le jeu de la Puissance américaine ». Afin de faire contrepoids à l’influence américaine, le Hezbollah exige donc de participer aux décisions politiques du pays.
Le Hezbollah utilise également la solidarité des populations arabes et musulmanes, née de la guerre : « L’onde de sympathie a enflé pendant la guerre, s’est propagée par cercles concentriques à partir du monde arabo-musulman pour atteindre sur tous les continents ceux ou celles qui, pour diverses raisons, se reconnaissent dans la figure de l’opprimé ». Sa victoire lors du combat, ainsi que la solidarité populaire confèrent au Hezbollah la légitimité de dénoncer les instances internationales « qui édicte(nt) des normes universelles dont (elles) n’hésite(nt) pas à s’affranchir quand bon (leur) semble ».
Le Hezbollah utilise enfin sa légitimité née de la guerre pour « s’affirmer comme un acteur du front du refus ». Il se positionne alors « comme l’avant-poste victorieux d’un bloc politique hostile » aux Etats-Unis. Si le Hezbollah entend se faire entendre sur le plan régional, il met également en avant sa spécificité nationale et son rôle dans la résistance libanaise. Dans ce contexte régional, les liens entre l’Iran et le Hezbollah, ainsi que ceux avec la Syrie, sont analysés.
Au terme de son analyse, Hervé Pierre s’interroge sur le caractère "incontournable " du Hezbollah, au regard de son nouveau positionnement diplomatique depuis juillet 2006.
Hervé Pierre, Le Hezbollah, Un acteur incontournable de la scène internationale ? Préface de Bertrand Badie, Paris, L’Harmattan, Collection Chaos International, 2009, 193 pages.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.
Autres articles sur le même sujet
Ce Dictionnaire du Moyen-Orient, dirigé par Antoine Sfeir, réunit, sous la plume de spécialistes reconnus et de jeunes chercheurs, des articles de synthèse sur des problématiques très variées du Moyen-Orient : histoire, géographie, politique, sociologie, culture, économie, religion, ainsi que sur des (...)
par Comptes rendus d’ouvrages,
Économie, Politique, Société, Pétrole, Religion, Diplomatie •
20/01/2012 • 4 min
,
dans
L’ouvrage de la Documentation française analyse les années 2009-2010 au Moyen-Orient et au Maghreb et s’attache à montrer que sous l’apparente continuité de certaines situations, la région connaît des ruptures. Neuf articles illustrent cette problématique des « recompositions et stagnation » au (...)
par Comptes rendus d’ouvrages,
Politique, Société, Diplomatie •
27/10/2010 • 6 min
,
dans
Jean-Paul Chagnollaud, spécialiste du monde arabe et professeur des universités, explique dans son ouvrage que « la complexité apparente des facteurs de tensions qui nourrissent les confrontations qui (se) déroulent (au Moyen-Orient) peut se ramener à quelques idées simples (...)
par Comptes rendus d’ouvrages,
Politique, Relations Internationales, Société, Histoire •
30/09/2010 • 5 min
,
dans
Daniel Meier, docteur en sociologie politique et chercheur à l’Institut des hautes études internationales et du développement, reprend dans son ouvrage plusieurs questions touchant aux questions identitaires, à la société, à l’histoire et à l’actualité du Liban, en donnant un éclairage sur ces questions, (...)
par Comptes rendus d’ouvrages,
Politique, Société, Histoire, Religion •
12/07/2010 • 6 min
,
dans
Poursuivre votre lecture
Économie
Israël
Politique
La littérature sur les sanctions s’enrichit régulièrement, étant donné l’actualité du sujet. Le mois d’avril 2024 a connu de multiples sanctions américaines. Après le remarquable ouvrage d’Agathe Demarais , ce nouvel ouvrage publié aux éditions Stanford University Press, et co-écrit par quatre auteurs (...)
par Comptes rendus d’ouvrages,
Économie •
06/05/2024 • 3 min
,
dans
Au lendemain du cessez-le-feu à Gaza entré en vigueur le 19 janvier 2025, l’armée israélienne a lancé une opération en Cisjordanie qu’elle décrit comme (...)
par Entretiens,
Économie, Politique •
07/02/2025 • 8 min
,
,
dans
22/04/2011 • 4 min
10/01/2011 • 4 min
25/10/2010 • 15 min
16/08/2021 • 7 min