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SABAH ARAR, KARIM SAHIB / AFP FILES / AFP
Les élections législatives du 7 mars 2010 sont considérées sur la scène internationale comme un succès pour le processus démocratique irakien, avec une participation de 62,4%. 325 sièges étaient à pourvoir, et les électeurs des 18 provinces (gouvernorats) pouvaient voter parmi 86 listes comportant 6 218 candidats dont 1 801 femmes. L’assemblée nouvellement élue aura la charge d’élire le président de la République et le Premier ministre. En quoi cette élection diffère-t-elle des dernières législatives de 2005 ?
A la suite de l’intervention américaine et de la chute du régime de Saddam Hussein en avril 2003, un Conseil intérimaire est institué, composé de 25 Irakiens sous contrôle américain. Le 8 mars 2004, le Conseil intérimaire vote une constitution qui prévoit les attributions du Président de la république, du Premier ministre et de l’Assemblée. Le 2 juin, le Conseil et la coalition désignent le sunnite Ghazi al-Yaouar à la Présidence de la république. Le chiite Iyad Allaoui, irakien baasiste à ses débuts, puis dans l’opposition et ayant travaillé pour la CIA, devient son Premier ministre. Des élections législatives sont organisées. Elles se déroulent le 30 décembre 2005 et atteignent un taux de participation de 76%. Sur les 275 sièges à pourvoir, les chiites de l’Alliance irakienne obtiennent 128 sièges et 41% des voix ; les Kurdes 53 sièges et 21,6% des voix ; les sunnites du Front irakien de la concorde 44 sièges et 15% des voix ; la liste d’Iyad Allaoui 25 sièges ; les sunnites du Front pour le dialogue national 11 sièges ; divers 14 sièges. L’assemblée législative issue de ces élections a pour majorité l’alliance chiites-kurdes, à la suite du boycott de la minorité sunnite qui avait dominé la scène politique irakienne depuis la fin de la Première Guerre mondiale et jusqu’en 2003, moment à partir duquel les Américains s’appuient sur les chiites. Après plusieurs semaines, les résultats définitifs sont connus : le leader kurde Jalal Talabani est élu président de la République le 6 avril 2005 et le chiite Ibrahim al-Jaafari, chef du parti chiite al-Dawa, devient Premier ministre. Il forme un gouvernement dans lequel les sunnites sont en minorité, les chiites et les kurdes détenant la majorité des ministères. Le 20 mai 2006, Nouri al-Maliki est nommé Premier ministre en remplacement de Ibrahim al-Jaafari.
Les élections de mars 2010, marquées par plusieurs évolutions au regard de celles de 2005, se déroulent dans un contexte de violence (attentats à la voiture piégée notamment), né du mécontentement de certains radicaux sunnites contre les chiites au pouvoir et contre leurs soutiens américains. D’une part, les sunnites, après avoir boycotté les élections de 2005, participent à la plupart des listes. D’autre part, de nouvelles listes associant sunnites et chiites sont formées. Enfin, plusieurs listes chiites rivales sont constituées. Parmi les 86 listes, on peut retenir les listes suivantes : l’Alliance pour l’Etat de droit du Premier ministre sortant Nouri al-Maliki, au pouvoir depuis 2006, composée de sunnites et de chiites ; la liste du Mouvement national irakien d’Iyad Allaoui, laïque et nationale, composée de sunnites et de chiites ; l’Alliance kurde irakienne menée par le président Jalal Talabani et par le chef du gouvernement provincial kurde Massoud Barzani ; l’Alliance nationale irakienne menée par le chiite Ibrahim al-Jaafari, ancien premier ministre (20 avril 2005-20 mai 2006) et ancien allié de Nouri al-Maliki, formée de chiites opposés à ce dernier et de religieux tel que Moqtada al-Sadr.
Le 18 mars 2010, les résultats, non encore définitifs, donnent 87 sièges à la liste de Nouri al-Maliki, 87 sièges à celle de Iyad Allaoui, 67 sièges à l’Alliance nationale irakienne et 38 sièges pour les Kurdes. Le 26 mars, les résultats définitifs sont connus : Iyad Allaoui remporte les élections avec 91 sièges, la liste de Nouri al-Maliki obtient 89 sièges, l’Alliance nationale irakienne 70 sièges.
A la demande de Nouri al-Maliki, la commission électorale irakienne annonce le 19 avril recompter manuellement les bulletins de vote, et le 26 avril, elle invalide l’élection de deux candidats élus, dont l’un appartient à la liste du Bloc irakien d’Iyad Allaoui.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.
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