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Les enjeux du pétrole au Moyen-Orient par les cartes

Par Corentin Denis
Publié le 18/12/2014 • modifié le 21/04/2020 • Durée de lecture : 4 minutes

Les pays producteurs de pétrole du Moyen-Orient sont sensibles aux variations du cours du pétrole car leurs économies sont dépendantes des recettes pétrolières. Ainsi, les activités pétrolières représentent autour de 30% du produit intérieur brut de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, du Koweït et d’Oman et jusqu’à 60% pour l’Irak. Or les tensions politiques, l’extension des conflits ou la présence de groupes armés menacent régulièrement les approvisionnements en pétrole. Et ces enjeux pétroliers au Moyen-Orient concernent le monde entier, puisque les pays de la région approvisionnent aussi bien l’Asie, l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Afrique. Le pétrole extrait au Moyen-Orient représente environ le tiers de la consommation mondiale, même si la part du pétrole exporté tend à décliner en raison de la hausse de la demande intérieure.

Les cartes qui suivent proposent une vue d’ensemble des enjeux pétroliers au Moyen-Orient, à des échelles différentes. La première carte localise les sites d’extraction du pétrole dans la région et les pays producteurs. À une plus petite échelle, la deuxième carte présente les destinations d’exportation du pétrole moyen-oriental. Les troisième et quatrième cartes soulèvent la question des tensions et des risques pour les approvisionnements en pétrole.

Carte 1 : Les ressources pétrolières du Moyen-Orient


L’Arabie saoudite domine largement la production pétrolière régionale et fait la course en tête aux côtés de la Russie et des États-Unis au niveau mondial. Au premier semestre 2014, les États-Unis ont été les premiers pour la production de pétrole et de gaz liquéfiés, notamment grâce à l’essor des gaz de schiste (2).
Mais d’après les chiffres de l’OPEP, les pays du Golfe peuvent compter plus durablement sur leurs ressources pétrolières : les deux tiers des réserves de pétrole prouvées se trouvent au Moyen-Orient, dont 266 milliards de barils en Arabie saoudite. La Golfe persique, en particulier, abrite des réserves sous-marines, exploitées par les pays riverains.

Carte 2 : Les exportations de pétrole depuis le Moyen-Orient (en millions de tonnes par an)


Il apparaît très nettement que le premier consommateur de pétrole moyen-oriental est l’Asie. La demande chinoise comme la demande indienne augmentent d’année en année, pour représenter 30% des exportations du Moyen-Orient en 2013. L’Europe privilégie l’énergie russe tandis que les États-Unis complètent leur production nationale par des apports diversifiés de pétrole canadien, sud-américain, moyen-oriental et en proportion plus modeste, nigérian et russe.

Carte 3 : Passages stratégiques et menaces sur les approvisionnements pétroliers


Les tensions géopolitiques sont des menaces pour les pays de la région : la fermeture des approvisionnements par un acteur en amont ou la captation de la production par un acteur en aval sont des risques au cœur des jeux d’alliance et des conflits régionaux.
Au cours de la guerre des Six-Jours, par exemple, la prise du Golan par Israël a entrainé la fermeture de l’oléoduc transarabe, qui permettait au pétrole saoudien de déboucher directement sur la mer Méditerranée en ne passant ni par le canal de Suez, ni par les détroits de Bab el-Mandeb ou d’Ormuz. L’oléoduc a continué à approvisionner la Jordanie jusqu’en 1990. La Jordanie espère maintenant s’approvisionner depuis Bassora, en Irak : un oléoduc vers le port jordanien d’Aqaba est en effet en projet.
La guerre entre l’Iran et l’Irak dans les années 1980 a eu des conséquences sur les flux pétroliers dans la région. Au cours de la guerre, le détroit d’Ormuz a été bloqué par l’Iran a plusieurs reprises mais pas de manière durable. En 1982, la Syrie ferme l’oléoduc Kirkouk-Baniyas afin de nuire à l’Irak et de soutenir l’Iran. Rouvert depuis, l’oléoduc a été endommagé par l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003 et le pétrole extrait au Kurdistan irakien est désormais évacué par la Turquie.
L’actuel conflit syrien a eu pour effet une chute la production du pays (passée de 380 000 barils de brut par jour en 2010 à moins de 60 000 en 2013). De plus, les sanctions prisent par les États-Unis et l’Europe empêchent la Syrie d’exporter. La présence de l’organisation armée de l’État islamique dans les régions pétrolifères entraine des détériorations d’infrastructures et la captation de ressources pour financer la guerre.
Les détroits font l’objet d’une attention particulière et suscitent toutes les craintes en raison de leur vulnérabilité. L’OTAN conduit une opération dans le golfe d’Aden pour tenter d’éradiquer la piraterie autour de la corne de l’Afrique. Le risque est réel : par exemple en 2009, le superpétrolier saoudien Sirius Star est détourné par des pirates somaliens à proximité de Bab el-Mandeb alors qu’il transportait 2 millions de barils à destination des États-Unis. Il est restitué contre une rançon de plusieurs millions de dollars.

Carte 4 : Le cas d’Ormuz, passage à risque pour les flux mondiaux de pétrole


Le détroit d’Ormuz, large de 40 km, situé dans les eaux territoriales d’Oman, voit passer environ 30% des flux mondiaux de pétrole. Le détroit concentre l’attention du monde entier car sa fermeture aurait des conséquences dramatiques pour l’économie mondiale. Les oléoducs saoudiens permettent de le contourner mais à un débit bien plus faible. Or l’Iran menace régulièrement de passer à l’acte, provoquant en 2012 le déploiement d’une flottille comprenant un groupe de trois porte-avions états-uniens, un destroyer et plusieurs frégates britanniques ainsi qu’une frégate française. La menace terroriste est également sérieuse étant donnée la densité du trafic qui suit l’étroit chenal.

A LIRE SUR LES CLES DU MOYEN-ORIENT :
 Détroit d’Ormuz, un passage stratégique

Bibliographie :
 British Petroleum, World Energy Review 2014.
 Energy Information Administration, www.eia.gov
 JOSSERAN Tancrède, PICHON Frédéric, LOUIS Florian, Géopolitique du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, Presses universitaires de France, 2012.
 NONJON Alain, « Stratégie et géopolitique du détroit d’Ormuz », www.diploweb.com, 2 mars 2011.
 SEMMOUD Bouziane, Maghreb et Moyen-Orient dans la mondialisation, Armand Colin, 2010.

Notes :
(1) « The dangerous rebalancing of the oil market », Petroleum Economist, 11 décembre 2014.
(2) CHEYVIALLE Anne, « Les États-Unis premier exportateur de pétrole grâce au gaz de schiste », Le Figaro, 30 septembre 2014.

Publié le 18/12/2014


Élève à l’École normale supérieure, Corentin Denis s’intéresse à l’histoire et à la géopolitique du Moyen-Orient. Il met en œuvre pour les Clés du Moyen-Orient les méthodes d’analyse et de cartographie employées dans le cadre d’un mémoire de master de géopolitique portant sur l’Océan Indien.


 


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