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L’OPEP fête ses 50 ans

Par Lisa Romeo
Publié le 13/09/2010 • modifié le 02/03/2018 • Durée de lecture : 4 minutes

Délégation du Koweït le 10 septembre 1960 à Bagdad

AFP

Les origines de l’Organisation

Le pétrole constitue une source de richesse considérable pour les pays du Moyen-Orient. En 2004, les Etats du Golfe produisent 34,3 % du pétrole mondial. La première extraction pétrolière dans la région remonte à 1909 en Iran. Dans les années 1950, la demande en pétrole se fait de plus en plus importante. En effet, après la Seconde Guerre mondiale et la période de reconstruction, les pays industrialisés entrent dans une nouvelle ère de croissance économique et industrielle : les Trente Glorieuses. Le pétrole devient alors un enjeu considérable.

Jusqu’aux années 1950, son exploitation est assurée essentiellement par des compagnies occidentales. Ce sont les « Sept Sœurs » : la Standard Oil of New York (Mobil Oil), la Standard Oil of California (SOCAL), la Standard Oil of New Jersey (Exxon), la Gulf et la Texas Oil Company (Texaco) pour les américaines, ainsi qu’une compagnie anglaise British Petroleum et une anglo-hollandaise Royal Dutch Shell. Elles se partagent la majorité de l’exploitation de l’or noir de la région du Moyen-Orient et en tirent d’énormes bénéfices. Les royalties payées aux pays sont faibles, de l’ordre de 12% seulement. Dans le contexte de décolonisation, de nationalisme et de modernisation des années 1950, cette situation est de plus en plus mal ressentie par les pays producteurs qui cherchent alors à faire valoir leurs droits. De plus, devant l’importance que prend l’énergie pétrolière dans les économies occidentales (le pétrole a l’avantage d’être une énergie bon marché), des compagnies indépendantes font leur apparition comme les sociétés d’Etat italiennes ou françaises, ou des sociétés privées américaines ; celles-ci sont disposées à offrir de meilleures conditions, ce qui modifie fortement les relations entre acteurs du marché pétrolier. La multiplication des compagnies stimule par ailleurs une offre qui dépasse la demande, ce qui entraine une baisse des prix et donc des revenus des pays producteurs.

La création de l’OPEP intervient dans ce contexte d’exacerbation de la concurrence. Au début de 1959 les prix sont encore réduits de 9 %. La Ligue des Etats arabes organise alors en avril de la même année au Caire, en Egypte, le premier congrès arabe du pétrole, où sont également conviés l’Iran et le Venezuela. Emerge alors l’idée de coordonner les politiques des pays exportateurs pour riposter aux baisses de prix décidées par les compagnies pétrolières. Un an plus tard, les compagnies font de nouveau baisser les prix de 10 %. L’Iran, l’Irak, le Koweït, l’Arabie Saoudite et le Venezuela fondent alors, le 14 septembre 1960, à Bagdad, en Irak, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole. Les cinq membres représentent 90 % des exportations mondiales, l’Arabie Saoudite, le Koweït et l’Irak en représentant à eux seuls 40 %.

L’organisation de l’OPEP

Le siège de l’organisation se trouve, dans un premier temps à Genève en Suisse. Il est ensuite transféré à Vienne, en Autriche, à partir de 1965. Très vite de nombreux pays producteurs de pétrole rejoignent l’organisation : le Qatar en 1961, l’Indonésie et la Libye en 1962, Abu Dhabi en 1967, l’Algérie en 1969, le Nigéria en 1971, l’Equateur et Dubaï en 1973, le Gabon en 1975 et enfin l’Angola en 2007. L’Equateur suspend son adhésion entre 1992 et 2007 et le Gabon y met fin en 1995. En 2009, l’Indonésie suspend également son adhésion. Aujourd’hui l’OPEP comprend donc douze membres. L’OPEP possède trois institutions principales : la Conférence des ministres de l’énergie, où les décisions sont prises à l’unanimité (chaque Etat possède une voix), le Conseil des Gouverneurs, qui doit mettre en œuvre les décisions prises lors de la Conférence des ministres et un Secrétariat général chargé de la direction des affaires de l’organisation et qui fait office de porte-parole.

Le rôle de l’OPEP

L’OPEP est donc créée afin d’intervenir sur le niveau de production du pétrole et donc sur son prix. L’Organisation cherche à coordonner les politiques pétrolières de ses pays membres et à équilibrer ses revenus. Cela permet aux pays membres de reprendre en main leur production et d’augmenter leurs revenus. On observe dans les années 1970 une vague de nationalisation des concessions. Avec le blocage du canal de Suez après la Guerre des Six Jours de 1967 et la fermeture d’un des oléoducs syriens qui acheminait le pétrole saoudien au Liban en 1970, le prix du brut dans le Golfe augmente de 70 % entre 1970 et 1973. En octobre 1973 une nouvelle guerre israélo-arabe éclate. Les membres arabes de l’OPEP réunis à Koweït le 17 octobre décident d’augmenter de 75 % le prix du brut et imposent un embargo aux amis d’Israël. C’est le premier choc pétrolier. En décembre le prix du baril est fixé à 11,65 $, un record. En réalité, cette hausse des prix est un rattrapage de la valeur du pétrole qui avait fortement déclinée au cours des dernières décennies. Les compagnies pétrolières doivent désormais prendre en compte l’importance de l’OPEP.

Cependant, dans les années 1980, les membres de l’OPEP subissent la concurrence de nouveaux pays exportateurs de pétrole comme le Mexique, la Norvège, la Grande-Bretagne, la Russie. La part de la production pétrolière de l’OPEP passe de 45 % en 1980 à 29,3 % en 2000 avant de remonter à 41,9 % en 2004. Par ailleurs, des divergences entre les pays de l’OPEP apparaissent au grand jour : l’Iran et l’Irak cherchent à financer leur guerre, l’Arabie Saoudite joue un rôle modérateur, soucieuse de la qualité des relations entre pays producteurs et consommateurs. Les décisions de l’OPEP ne sont pas toujours suivies. Le prix du baril s’effondre, passant de 34 $ en 1981 à moins de 10 $ en 1986. L’instabilité de la région affaiblit l’influence de l’OPEP sur la production.

Aujourd’hui, les intérêts de l’OPEP, des compagnies et des pays consommateurs sont alignés. Un prix du baril relativement élevé et stable à environ 80 $ encourage le développement d’énergies alternatives (renouvelables ou fossiles non conventionnelles), et permet à l’OPEP de garder en terre des ressources mieux valorisées pour les générations futures. L’OPEP est donc devenue un cartel utile, à un moment où le développement des pays émergents et le réchauffement climatique imposent des investissements énergétiques massifs.

Bibliographie
Alain Gresh, Dominique Vidal, Les 100 clés du Proche-Orient, Paris, Hachette Littératures, 2006
Vincent Cloarec, Henry Laurens, Le Moyen-Orient au 20è siècle, Paris, Armand Colin, 2005
Georges Corm, Le Proche-Orient éclaté 1956-2003, Paris, Gallimard, 2001

Publié le 13/09/2010


Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.


 


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