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Les trésors des pharaons : la découverte de la tombe de Toutankhamon (2/2)

Par Emilie Polak
Publié le 28/04/2014 • modifié le 07/03/2018 • Durée de lecture : 6 minutes

Musée du Caire, Toutankhamon

HEATON / AFP

Lire la partie 1 : Les trésors des pharaons : la découverte de la tombe de Toutankhamon (1/2)

Le joyau oublié de la vallée des rois

Le 25 novembre 1922, la porte d’entrée de la tombe de Toutankhamon est forcée par l’archéologue Howard Carter et son équipe. Il est important de préciser que Carter n’en est encore qu’à l’étape de l’hypothèse concernant la tombe de Toutankhamon : il n’a aucun moyen de savoir que la porte découverte est bien celle du tombeau du pharaon de la XVIIIème dynastie, ni même si la porte en question est celle d’une tombe. En effet, dès l’Antiquité, les sépultures pharaoniques sont régulièrement pillées et les voleurs aménagent des cachettes au cœur même de la vallée des rois. Une fois la porte ouverte et conformément à la configuration habituelle des tombes pharaoniques, un long couloir, de près de huit mètres de long mène à une seconde porte. Celle-ci est ouverte le 29 novembre lors d’une cérémonie officielle, en présence de la reine de Belgique et de son fils, le futur roi Léopold III. Avant cette cérémonie officielle, Howard Carter et Lord Carnarvon, un passionné d’égyptologie qui finance l’expédition, ont réalisé une brèche dans la porte afin de voir ce qui se trouvait à l’intérieur. Ils approchent une bougie qui éclaire alors ce qui est l’antichambre du tombeau. Dans ses mémoires sur l’expédition, La fabuleuse découverte de la tombe de Toutankhamon, Howard Carter écrit : « L’air chaud s’échappant de la chambre faisait vaciller la flamme de la bougie. Mais à mesure que mes yeux s’accoutumaient à la lumière, les détails de la pièce parurent émerger lentement de la pénombre : d’étranges animaux, des statues et de l’or, partout le scintillement de l’or. Sur le moment, je restai muet de stupeur ». En effet, la première pièce, que l’on appelle antichambre, contient plus de six cents objets. Contrairement aux autres pièces du tombeau, les murs de l’antichambre ne sont pas décorés. L’absence d’ornements sur les murs ainsi que des traces de creusement sur l’un d’eux indiquent que cette pièce n’est pas terminée : Toutankhamon étant mort jeune et sans doute d’une manière inattendue, cela n’a rien d’étonnant.

Comme l’attestent les photos prises par Howard Carter et son équipe, l’antichambre du pharaon consiste en un amoncellement d’objets sans organisation précise. Pêle-mêle se trouvent des objets ayant été utilisés lors des rites funéraires mais aussi des coffres contenant des pierres précieuses et des objets ayant appartenu au pharaon comme des coffres de vêtements, des chars. Un certain nombre d’objets retrouvés dans cette antichambre n’y était pas à l’origine : il s’agit d’objets précieux, comme des colliers, qui ont été abandonné là par des pilleurs. La tombe de Toutankhamon a donc bien été visitée par des pilleurs de tombe mais ces derniers ont été dérangés dans leur entreprise. En effet, les descendants de Toutankhamon ont renforcé la surveillance dans la vallée des rois pour éviter les pillages. Paradoxalement, cela a profité à un pharaon que l’on voulait faire tomber dans l’oubli. Une fois l’antichambre explorée, Carter poursuit son investigation, il écrit : « Après un moment, nous commençâmes à nous sentir déconcertés par l’absence d’un cercueil ou d’une momie, et, une fois de plus, nous nous demandâmes si nous avions trouvé une cachette ou une tombe. Préoccupés par ce problème, nous examinâmes à nouveau la chambre, et nous remarquâmes qu’il existait une autre porte scellée entre les deux sentinelles noires, légèrement à droite. Lentement, la lumière se faisait dans nos esprits. Nous n’étions encore qu’au seuil de notre découverte, ce n’était que l’antichambre. »

La pièce suivante est la chambre funéraire. Elle n’est ouverte qu’en 1923, une fois tous les objets de la première salle inventoriés et photographiés La chambre funéraire est occupée par l’immense cercueil de Toutankhamon mais aussi par trois cents autres objets. Le cercueil est en réalité un emboîtement de plusieurs autres. On trouve, dans l’ordre, la momie [1] de Toutankhamon emboîtée dans un cercueil en or massif pesant près de 350 kilogrammes, puis deux cercueils en bois plaqués d’or et enfin un sarcophage en quartzite rouge. Quatre chapelles également emboîtées les unes dans les autres entourent le sarcophage. La momie de Toutankhamon contient des objets mortuaires, comme des amulettes, mais surtout, le visage du pharaon est recouvert d’un masque mortuaire en or massif d’un poids de onze kilos. La chambre funéraire est aussi la seule salle du tombeau dont les murs sont décorés. Les fresques peintes du vivant de Toutankhamon représentent des scènes du Livre des Morts. Outre ces deux pièces, il en existe une troisième que Carter baptise la salle du trésor. Au total, la tombe de Toutankhamon contient presque trois mille objets divers, employés au cours de la vie du pharaon ou oublié là par des pillards. Le fait que ce tombeau ait été préservé des pilleurs lui confère une valeur considérable aux yeux des égyptologues. Certes, la tombe de Toutankhamon n’est pas la plus richement décorée et n’était sans doute pas celle qui contenait le plus de richesses puisque ce pharaon est mort à l’âge de dix-huit ans environ après seulement neuf années de règne. Cependant, la célébrité de la découverte s’explique aussi par les rumeurs qui ont encadré l’ouverture de la tombe.

La malédiction de la momie

A l’époque contemporaine, un certain nombre de légendes concernant les momies commencent à naître. Ces histoires précèdent la découverte de la tombe de Toutankhamon mais le nombre de personnes mortes après l’ouverture du tombeau a suscité peurs et superstitions. Il faut d’abord rappeler que lors des recherches visant à déterminer l’emplacement précis de la tombe, les ouvriers travaillant avec Carter ont fait part de leurs doutes concernant leur légitimité à ouvrir une sépulture : leur entreprise ne consistait-elle pas à profaner une tombe, même si cela était effectué au nom de l’Histoire et de la science ? Leurs craintes sont renforcées lorsque le canari de Carter est dévoré par un cobra, le serpent des pharaons, le jour de l’ouverture du tombeau. Ce même jour, il est rapporté dans la presse que les archéologues auraient lu l’inscription suivante au-dessus du tombeau : « la mort touchera de ses ailes celui qui dérangera le pharaon ». Les deux événements de la journée sont relayés dans la presse de l’époque et certains y voient un mauvais présage. Toutefois, il est à noter qu’aucune inscription de ce genre ne figurait au-dessus de l’entrée du tombeau : les journaux de l’époque l’ont inventée. En revanche, le fait divers qui appuie majoritairement l’hypothèse d’une malédiction est la mort de Lord Carnarvon. Le commanditaire de l’expédition a été piqué sur la joue par un moustique. En se rasant, Lord Carnarvon a égratigné le bouton, qui s’est infecté et aurait provoqué une septicémie. Les journalistes s’emparent de cette affaire et dénombrent environ vingt-sept morts de proches de l’expédition survenues quelques années après l’ouverture de la tombe. Parmi ces vingt-sept personnes, on peut citer le professeur Hugh Evelyn-White, collaborateur de Carter qui figure parmi les premiers à entrer dans la chambre funéraire mais aussi Archibald Douglas-Reed, le radiologiste qui a radiographié la momie de Toutankhamon. La rumeur prend de l’ampleur dans les années 1920 et 1930. Elle inspire même Agatha Christie qui publie en 1923 L’aventure du tombeau égyptien.

Des hypothèses absurdes ont circulé : les prêtres chargés de l’embaumement du pharaon auraient lancé un sort au tombeau, les bandelettes du pharaon seraient contaminées. Des scientifiques ont tenté d’expliquer ces morts mystérieuses. Ils sont partis d’un constat : une grande partie des décès résultait d’une pneumonie asphyxiante. Les scientifiques ont d’abord supposé que les morts étaient dues à un virus contenu dans le tombeau fermé depuis près de trois mille ans mais cette théorie a été rapidement abandonnée. Les agents pathogènes pour l’homme ne peuvent pas survivre dans un environnement clos et sans aucun être vivant. L’explication la plus probable, qui est aussi celle retenue aujourd’hui, serait la présence de champignons allergènes. Les offrandes alimentaires disposées dans le tombeau afin de permettre au pharaon de se nourrir dans l’au-delà auraient généré des champignons dont le développement a été favorisé par l’atmosphère humide de la tombe - attestée par les écrits de Carter. Ces champignons contiennent une substance très allergène. Cette théorie explique les morts mystérieuses mais aussi le fait que ni Howard Carter, ni Lady Evelyn Herbert – la fille de Lord Carnarvon – n’ont été atteint par la malédiction de la momie alors qu’ils ont passé énormément de temps dans la tombe.

La découverte de la tombe de Toutankhamon par Lord Carnarvon et Howard Carter le 4 novembre 1922 a constitué un apport indéniable pour l’archéologie. Les richesses du tombeau, la beauté des objets et leur état de préservation ont suscité l’admiration des spécialistes mais aussi du grand public. Enfin, la malédiction de la momie a encore accru la popularité de l’expédition. Aujourd’hui, la grande majorité des objets trouvés dans la tombe de Toutankhamon sont conservés au musée du Caire. Trop fragiles pour être transportés, des répliques ont été fabriquées à partir des photographies et descriptions effectuées par Howard Carter. Ce sont ces répliques qui sont exposées dans les musées du monde entier.

Bibliographie :
 CARTER Howard, La fabuleuse découverte de la tombe de Toutankhamon, Pygmalion, Paris, 2011.
 HAWASS, Zahi, Discovering Tutankhamun : from Howard Carter to DNA, The American University in Cairo Press, Le Caire, 2013.
 KEMP Barry, The City of Akhenaten and Nefertiti : Amarna and its People, Thames and Hudson Ltd, Londres, 2012.
 REEVES Nicholas, Toutankhamon : Vie, mort et découverte d’un pharaon, Paris, Errance, 2003.
WEEKS Kent, La vallée des rois, Les tombes et les temples funéraires de Thèbes-Ouest, Editions White Star, 2013.

Publié le 28/04/2014


Emilie Polak est étudiante en master d’Histoire et anthropologie des sociétés modernes à la Sorbonne et à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm où elle suit également des cours de géographie.


 


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