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Être journaliste au Moyen-Orient (1/3) : questionner le reportage de guerre : reportage avec Jean-Claude Guillebaud et Samuel Forey, et présentation de Jocelyne Saab à l’occasion de la publication de son ouvrage « Zones de guerre »

Par Jean-Claude Guillebaud, Mathilde Rouxel, Samuel Forey
Publié le 02/01/2019 • modifié le 16/04/2021 • Durée de lecture : 5 minutes

Jean-Claude Guillebaud, Jocelyne Saab et Samuel Forey

Reportage avec les interviews de Jean-Claude Guillebaud et de Samuel Forey, ainsi que des extraits des films et documentaires réalisés durant la guerre du Liban par Jocelyne Saab.

Jean-Claude Guillebaud. Né en 1944. Doctorant en droit. A longtemps été grand reporter et correspondant de guerre pour Sud-OuestLe Monde et Le Nouvel Observateur. Directeur littéraire aux éditions du Seuil de 1982 à 2010, il tient une chronique au Nouvel Observateur et un bloc-notes dans l’hebdomadaire La Vie. Il a été président co-fondateur de l’association Reporters sans frontières et a appartenu au Conseil de Surveillance du groupe Bayard. Depuis 2015, il est Docteur Honoris Causa de l’université de Louvain-la-Neuve.

Jean-Claude Guillebaud a publié une trentaine d’ouvrages. Traduit dans plusieurs pays, il a été plusieurs fois primé. Derniers titres parus aux éditions de l’Iconoclaste : Le Tourment de la guerre ; La Foi qui reste.

Né en 1981, Samuel Forey a étudié le journalisme au CELSA. Après avoir appris l’arabe en 2006-2007 à Damas, il s’installe en Egypte en 2011 pour suivre les tumultueux chemins des révolutions arabes.

Il couvre la guerre contre l’Etat islamique à partir de 2014, et s’installe en 2016 en Irak pour suivre au quotidien la bataille de Mossoul qui s’annonce. Blessé en juin 2017, il est rapatrié en France. Il travaille désormais pour la revue XXI. En 2017, il a reçu les prix Albert Londres et Bayeux-Calvados des correspondants de guerre pour sa couverture de la bataille de Mossoul. 

Lire les articles de Samuel Forey publiés sur Les clés du Moyen-Orient :
 SPECIAL CRISE AU MAGHREB ET AU MOYEN-ORIENT : Bachar el-Assad : Du printemps de Damas à celui de la répression
 La révolte bahreïnie, l’échec d’une révolution arabe

Présentation de la carrière de journaliste en terrain de guerre de Jocelyne Saab

Un parcours exhaustif

Jocelyne Saab a commencé sa carrière de journaliste à la radio au début des années 1970, avant d’être embauchée à la télévision par Jean-François Fauvel. Arabophone, elle avait dans un premier temps été envoyée en Libye pour documenter la marche verte de Kadhafi sur l’Égypte. Elle obtient rapidement une autorisation pour réaliser un portrait de Kadhafi, qui l’emmène pour l’occasion dans sa famille, dans un village bédouin de Libye. Le document, rare, lui ouvre des portes. Elle est envoyée en Égypte pour couvrir la guerre d’Octobre 1973.

Bien que les femmes journalistes ne soient jamais envoyées au front, elle parvient à intégrer une équipe américaine de tournage, et se rend sur les lignes de front dans le Golan occupé. Elle documente la ferveur qui anime les armées arabes en 1973, et le regain de nationalisme des peuples, notamment en Égypte. Elle réalise alors en qualité de correspondante, toujours pour le compte de la télévision française, une série de reportages, avant de choisir de rentrer à Paris.

Elle est alors envoyée au Kurdistan irakien en 1974, où la guerre, menée par Saddam Hussein, fait rage. Le reportage qu’elle propose à la chaîne française dérange ; il ne répond pas au discours tenu sur ce sujet par la France, qui soutenait à cette époque l’action de Saddam Hussein. Une séquence est censurée.

La même année, elle se rend dans les camps de réfugiés palestiniens au Liban. Elle réalise avec Arnaud Hamelin Les Palestiniens continuent, diffusé à la télévision, qui documente l’organisation de la lutte des Palestiniens dans les camps. Seule, elle réalise un film sur les femmes palestiniennes, encore inédit jusqu’à aujourd’hui : il fut censuré par la télévision française pour ses positions politiques.

Jocelyne Saab fut la première journaliste à obtenir le droit de documenter cette nouvelle forme de résistance palestinienne qui était en phase d’expérimentation : les commandos-suicides. Horrifiée par la jeunesse des combattants, le film qu’elle a réalisé est assez critique sur les méthodes, malgré sa sympathie pour le mouvement de lutte des Palestiniens. Le film est un véritable scoop ; les Palestiniens lui reprocheront ce film, pour l’image négative qu’il renvoie de la résistance.

Les dissensions auxquelles elle doit faire face au moment de la sortie de ses films n’en sont qu’à leurs débuts. Politiquement indépendante, elle se libère aussi de son contrat avec la télévision pour réaliser elle-même ses films à partir de 1975. La guerre éclate au Liban, alors qu’elle devait partir avec quelques amis journalistes filmer la fin de la guerre du Vietnam. L’un d’entre eux fut kidnappé et ne revint jamais.
Jocelyne Saab, elle, avait décidé de partir au Liban, filmer son pays avant le chaos de la guerre. Son film, Le Liban dans la tourmente, qui offre le témoignage de tous les acteurs politiques de l’époque, est le premier réalisé sur la guerre du Liban. Il fut censuré dans son pays. Par la suite, elle réalise de très nombreux documentaires sur la guerre civile libanaise, n’hésitant pas à se poser à contre-courant du discours dominant. Elle s’intéresse notamment au Sud du Liban, bombardé par Israël jusqu’à son occupation en 1978. Elle décide par ailleurs de rester à Beyrouth-Ouest aux côtés des Palestiniens durant le siège de l’armée israélienne de 1982. C’est elle qui est choisie par Arafat pour monter sur le bateau l’Atlantis au moment de l’exil des Palestiniens à la fin du siège, qui conduisit Arafat et les autres membres de l’OLP sommés de quitter Beyrouth en Grèce, puis à Tunis. Ce document témoignant de l’attitude du chef politique suite à la défaite est historique.

Entre temps, elle se rend en 1977 dans le Sahara Occidental, expliquer la situation qui déchire les partisans du Front Polisario, soutenu par l’Algérie, face au Maroc et à la Mauritanie. À nouveau, par souci de documentation historique, elle interroge des chefs de tous les bords, dans tous les pays. N’ayant pas pris le parti du Maroc, elle se voit censurée dans le pays et interdite d’entrée sur le territoire pour de nombreuses années. La télévision algérienne, de son côté, passa le film tronqué.

En 1981, elle part en Iran documenter les lendemains de la révolution et les débuts de l’instauration d’un régime à caractère religieux. Son film, visionnaire, la fit voyager à travers le monde.

Elle se tourne vers le cinéma de fiction à partir de 1985, et quitte le reportage de guerre. Elle réalise toutefois au courant des années 1980 et 1990 quelques documentaires pour la télévision ou pour le cinéma (non seulement sur le Liban, mais aussi sur l’Égypte ou le Vietnam) avant de se tourner plus définitivement vers la réalisation de fiction, la photographie et l’art contemporain.

Filmographie (en tant que reporter de guerre) 

Bombardement des quartiers palestiniens de Beyrouth, 1973, Télé-Liban ; Kadhafi : L’Islam en marche, 1973, France 3 ; Portrait de Kadhafi, 1973, France 3 ; Spécial Proche-Orient : Israël, 1973, France 3 ; La Guerre d’Octobre, 1973, France 3 ; Proche-Orient : Egypte, 1973, France 3 ; La Guerre en Orient : Egypte, 1973, France 3 ; Les Palestiniens continuent, 1973, France 3 ; Le Refus syrien, 1974, France 3 ; Irak, la guerre au Kurdistan, 1974, France 3 ; Les Femmes palestiniennes, 1974, inédit (censuré) ; Le Front du Refus (ou Les Commandos Suicides), 1975, Antenne 2 ; Les Nouveaux croisés d’Orient, 1975, sorti en salles ; Le Liban dans la tourmente, 1975, sorti en salles à Paris, censuré au Liban ; Les Enfants de la guerre, 1976 ; Sud-Liban : histoire d’un village assiégé, 1976 ; Beyrouth, jamais plus, 1976 ; Pour quelques vies, 1976 ; Le Sahara n’est pas à vendre, 1977 ; Egypte, cité des morts, 1977, sorti en salles ; Lettre de Beyrouth, 1978 ; Iran, l’utopie en marche, 1981, NHK ; Beyrouth, ma ville, 1982, ORTF ; Le Bateau de l’exil, 1982, TF1 ; Les Libanais, otages de leur ville, 1982, TF1 ; Le Liban : état de choc, 1982, TF1.

Lire la partie 2 : Être journaliste au Moyen-Orient (2/3) : couvrir la guerre du Yémen - Entretien avec Franck Mermier

Publié le 02/01/2019


Suite à des études en philosophie et en histoire de l’art et archéologie, Mathilde Rouxel a obtenu un master en études cinématographiques, qu’elle a suivi à l’ENS de Lyon et à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, Liban.
Aujourd’hui doctorante en études cinématographiques à l’Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle sur le thème : « Femmes, identité et révoltes politiques : créer l’image (Liban, Egypte, Tunisie, 1953-2012) », elle s’intéresse aux enjeux politiques qui lient ces trois pays et à leur position face aux révoltes des peuples qui les entourent.
Mathilde Rouxel a été et est engagée dans plusieurs actions culturelles au Liban, parmi lesquelles le Festival International du Film de la Résistance Culturelle (CRIFFL), sous la direction de Jocelyne Saab. Elle est également l’une des premières à avoir travaillé en profondeur l’œuvre de Jocelyne Saab dans sa globalité.


Né en 1981, Samuel Forey a étudié le journalisme au CELSA. Après avoir appris l’arabe en 2006-2007 à Damas, il s’installe en Egypte en 2011 pour suivre les tumultueux chemins des révolutions arabes.
Il couvre la guerre contre l’Etat islamique à partir de 2014, et s’établit en 2016 en Irak pour documenter au plus près la bataille de Mossoul, pour la couverture de laquelle il reçoit les prix Albert Londres et Bayeux-Calvados des correspondants de guerre en 2017. Après avoir travaillé pour la revue XXI, il revient au Moyen-Orient en journaliste indépendant.


Jean-Claude Guillebaud est né en 1944. Doctorant en droit. A longtemps été grand reporter et correspondant de guerre pour Sud-Ouest, Le Monde et Le Nouvel Observateur. Directeur littéraire aux éditions du Seuil de 1982 à 2010, il tient une chronique au Nouvel Observateur et un bloc-notes dans l’hebdomadaire La Vie. Il a été président co-fondateur de l’association Reporters sans frontières et a appartenu au Conseil de Surveillance du groupe Bayard. Depuis 2015, il est Docteur Honoris Causa de l’université de Louvain-la-Neuve.

Jean-Claude Guillebaud a publié une trentaine d’ouvrages. Traduit dans plusieurs pays, il a été plusieurs fois primé. Derniers titres parus aux éditions de l’Iconoclaste : Le Tourment de la guerre ; La Foi qui reste.


 


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