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Tribunal spécial pour le Liban (TSL)

Par Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Publié le 07/07/2010 • modifié le 02/03/2018 • Durée de lecture : 4 minutes

Drapeau libanais

iStockphoto

Les caractéristiques du TSL

A la différence des autres tribunaux internationaux qui appliquent le droit international, le Tribunal pour le Liban applique exclusivement le droit national et plus précisément le code pénal libanais, à l’exclusion de la peine de mort et du travail forcé, applicables en droit libanais. Le TSL peut cependant prononcer des peines, qui vont jusqu’à l’emprisonnement à perpétuité, et exécutables dans un Etat choisi par le Président du Tribunal. Le TSL est composé de juges libanais et internationaux, ainsi que d’un procureur international. Il se caractérise par son indépendance. C’est ainsi que la désignation de ses membres doit suivre « une procédure rigoureuse et transparente ». Toujours dans ce souci d’indépendance, le siège du TSL est situé à La Haye, aux Pays-Bas.

Si le TSL a pour mandat de juger les auteurs présumés des assassinats de Rafic Hariri et de 22 autres personnes, ses compétences peuvent s’élargir « à d’autres attentats terroristes » survenus entre le 1er octobre 2004 (date de la tentative d’assassinat de Marwan Hamadé, ministre de l’Economie de 2003 à 2004, puis des Télécommunications de 2005 à 2008) et le 12 décembre 2005.

La genèse du TSL

Le 15 février, c’est-à-dire le lendemain de l’assassinat de Rafic Hariri, le président du Conseil libanais s’exprimait ainsi : « Le Conseil demande au gouvernement libanais de traduire en justice les auteurs, organisateurs et commanditaires de cet acte terroriste inqualifiable ». [1] Cependant, la résolution 1595 du 7 avril 2005 estime que « l’enquête menée par les autorités libanaises présentait de graves insuffisances et que, faute de moyens et de volonté d’aboutir, elle ne pourrait produire de conclusions crédibles ». [2] C’est ainsi que le Conseil de sécurité de l’ONU décide « d’aider les autorités libanaises à enquêter » [3], et de créer une commission d’enquête internationale. Il apparaît à certains que « la création puis la mise en place du Tribunal international confirment, si besoin est, l’incapacité évidente de la justice libanaise à instruire et à juger les responsables de l’attentat du 14 février 2005, tant à cause de ses défaillances en compétences et moyens techniques qu’à cause du climat d’insécurité qui règne dans le pays et des risques de pressions physiques et morales que courent tant les magistrats que les témoins ». [4]

Le 13 juin 2005, un mémorandum d’accord est mis en place entre le Liban et l’ONU, décidant de la coopération entre le Liban et la Commission d’enquête internationale. Ce mémorandum laisse à penser, pour certains, que la justice libanaise est au service de la Commission. Enfin la résolution 1757 du 30 mai 2007 substitue le Tribunal à la justice libanaise, permettant à la Commission de mener l’instruction pour le futur Tribunal. [5] En revanche, d’autres ne considèrent pas que le Tribunal porte atteinte à la souveraineté du Liban, dans la mesure où sa création a été demandée par le gouvernement libanais. [6]

Ouverture et investigations du TSL

Le TSL s’ouvre le 1er mars 2009 à La Haye. Il est composé du procureur canadien Daniel Bellemare, chef de la Commission internationale d’enquête depuis novembre 2007, et de onze juges, dont quatre libanais. Selon le rapport annuel du TSL pour l’année 2009-2010, « les efforts du Bureau du Procureur ont porté sur trois priorités : i) devenir un Bureau entièrement fonctionnel et opérationnel ; ii) assumer la direction des enquêtes sur l’attentat contre Hariri ; et iii) intensifier les enquêtes et en explorer toutes les pistes en vue d’établir la vérité sur les attentats relevant de sa compétence. Les deux premiers objectifs ont déjà été atteints. Quant au troisième, des progrès significatifs ont été accomplis en ce sens ». [7] Le TSL a donc conduit des enquêtes « sur les crimes de terrorisme », [8] et a rassemblé des éléments de preuves.

De nombreuses réalisations ont été accomplies depuis l’ouverture du TSL, tant sur le plan des dispositions juridiques internes au fonctionnement du TSL que sur le plan des investigations menées : plus de 280 témoins ont été auditionnés depuis l’ouverture du TSL et récemment, les investigations ont été étendues à la Direction de la Sûreté générale libanaise. En outre, à la demande du TSL, quatre généraux libanais, considérés comme impliqués dans l’assassinat de Rafic Hariri et détenus au Liban depuis août 2005, ont été remis en liberté le 29 avril 2010. Le bureau du procureur a ainsi « avancé de manière significative dans la constitution d’un dossier qui permettra de traduire les auteurs des crimes devant la justice. Ces progrès ont été réalisés en dépit de la discipline avérée des auteurs de l’attentat et de leur savoir-faire évident ». [9] C’est ainsi qu’ « il apparaît de plus en plus plausible que des individus entretenant des liens avec le réseau identifié auraient commis l’attentat. Des informations supplémentaires étayant la thèse selon laquelle les auteurs de l’attentat auraient agi avec la complicité d’un groupe plus large, ont été obtenues. L’auteur de l’attentat-suicide est en cours d’identification, grâce à une délimitation de son lieu d’origine géographique et une reconstitution partielle de son visage ». [10]

En mai 2010, le président du TSL Antonio Cesserre fait la déclaration suivante : « Le procureur Bellemare a annoncé qu’il allait probablement procéder à des inculpations entre septembre et décembre ». Il semble donc que malgré la discrétion dont le TSL a fait preuve jusqu’à présent, « des responsables onusiens s’attendent à un acte d’accusation qui publierait intégralement les noms des personnes impliquées dans l’attentat qui a coûté la vie à l’ancien Premier ministre Rafic Hariri ». [11]

Sources et bibliographie :
Les Cahiers de l’Orient, Quelle justice au pays des cèdres ? Droit et politique au Liban, numéro 94, printemps 2009, 159 pages.
Rapport annuel du Tribunal Spécial pour le Liban, 2009-2010, 68 pages.
Site de l’ONU, Tribunal Spécial pour le Liban.
Jean-Luc VANNIER, « L’Iran et le Tribunal Spécial pour le Liban », Site Alliance géostratégique, 13 mai 2010.

Publié le 07/07/2010


Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.


 


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