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Theodor Herzl est considéré comme le père du sionisme politique. C’est lui qui favorise réellement le développement du courant nationaliste juif à la fin du XIXe siècle.
Né en 1860 dans une riche famille juive de Budapest, Herzl semble pourtant peu destiné à devenir le leader du mouvement sionisme. Il représente, en effet, l’exemple même du « juif assimilé ». Sa famille est libérale et peu attachée aux traditions du judaïsme. A dix huit ans, il quitte Budapest pour suivre des études de droit à Vienne mais délaisse rapidement sa carrière de juriste pour se consacrer à la littérature et au journalisme.
Theodor Herzl, comme une grande majorité de Juifs, est confronté à l’antisémitisme et au problème de l’intégration du peuple juif dans les sociétés européennes de la fin du XIXe siècle. Entre 1881 et 1883, membre de l’association étudiante « Albia », il découvre un certain nombre d’auteurs antisémites tels qu’Eugen Duehring (1833-1921). Devant l’importance des discours anti-juifs, il décide de quitter l’association et s’interroge alors sur d’éventuelles solutions pour combattre cet antisémitisme. Tout au long de sa jeunesse, il est convaincu, comme de nombreux penseurs juifs d’Europe occidentale, que l’assimilation des Juifs dans leur pays d’accueil reste possible et doit se faire de manière progressive. Pour lui, les idéaux de la Révolution française, qui affirme l’égalité des droits de tous les citoyens, triompheront très prochainement et la vague antisémite qui touche le monde européen ne peut être que passagère. Toujours dans cette volonté d’intégration, il envisage même la conversion des juifs au christianisme. Herzl est alors loin d’adhérer aux thèses sionistes et considère l’idée d’un retour en Palestine, terre ancestrale du peuple juif, comme un mythe ridicule.
C’est véritablement en France que sa vision se transforme catégoriquement. A partir de 1891, Herzl est envoyé à Paris comme correspondant pour le quotidien libéral viennois Neue Freie Presse. Il est chargé de couvrir l’affaire Dreyfus qui bouleverse la société française fin 1894. Le capitaine Dreyfus, juif « assimilé » d’origine alsacienne, est accusé à tord d’espionnage pour le compte de l’Allemagne et est démis de ses fonctions. L’ampleur des campagnes antijuives qui suivent l’affaire le choque profondément et lui font alors prendre conscience que même dans un pays comme la France, qui a été la première à proclamer l’égalité des Juifs, l’assimilation semble irréalisable. Il est alors clair pour Herzl qu’en fin de compte un Juif sera toujours considéré comme un étranger. L’unique solution aux problèmes d’émancipation du peuple juif et de l’antisémitisme est la création d’un état indépendant. En 1896, il publie un ouvrage d’une centaine de pages rassemblant ses idées : L’Etat Juif (Der Judenstaat), puis il publie Altneuland. Herzl devient alors contre toute attente un des principaux leaders sionistes de la fin du XIXe siècle.
Une fois ses ouvrages publiés, Herzl se lance dans une intense activité politique pour mettre en place son projet. Il profite des nombreux contacts que lui apporte son métier de journaliste pour diffuser ses idées et trouver des fonds auprès des milieux financiers juifs. Ces derniers refusent cependant de lui apporter de l’aide, ne croyant pas en la création d’un Etat juif. Il poursuit malgré tout son action et organise, à Bâle, en Suisse, le premier Congrès sioniste mondial du 29 au 31 août 1897. Le congrès donne naissance à l’Organisation sioniste mondiale dont Herzl est élu président. Le but de l’Organisation est l’établissement d’un Etat juif en Palestine. Le mouvement se structure alors très rapidement. Herzl fonde la même année le journal Die Welt, son organe officiel. Il veut créer son mouvement sioniste à l’échelle internationale de façon à mobiliser l’ensemble de la communauté juive.
Le sionisme de Herzl n’a rien de messianique ou de biblique, c’est un sionisme clairement laïc. Il n’envisage pas non plus la langue biblique, l’hébreu, comme langue officielle du futur Etat. La création d’un Etat en Palestine répond pour lui uniquement à un souci de sécurité et d’émancipation du monde juif. On peut noter d’ailleurs, qu’il ne précise pas, dans un premier temps, le lieu du futur Etat juif. Herzl propose bien sûr la Palestine mais également l’Argentine ou l’Afrique orientale.
Pour Herzl, il est également inenvisageable de constituer un Etat juif sans obtenir au préalable une garantie et une reconnaissance internationale. Pour lui, l’immigration en Palestine doit absolument se faire de manière officielle. Il craint notamment qu’une infiltration illégale laisse les immigrés à la merci de toutes les répressions et expulsions. Pour mettre en place son projet en Palestine ottomane, il doit tout d’abord obtenir un accord de la Sublime Porte. Il rencontre finalement, après de nombreuses tentatives, le sultan ottoman Abdul Hamid II (1842-1918) en 1901 sans réussir à obtenir de ce dernier une quelconque concession. Il consacre alors le restant de sa vie à une action diplomatique auprès des différents souverains européens tels que l’empereur d’Allemagne Guillaume II, le roi d’Italie, le pape Pie X ou des ministres russes, cherchant à obtenir leur soutien sans grands résultats. Herzl se présente alors comme le représentant du peuple juif, même si l’adhésion aux thèses sionistes est alors loin de faire l’unanimité. Il essaye de faire comprendre l’intérêt que chacun peut trouver en apportant son soutien dans la mise en place d’un foyer national juif en Palestine. A partir de 1902, il concentre son action sur la Grande-Bretagne et réussit à obtenir du ministre britannique des Colonies, Joseph Chamberlain, la possibilité d’établir un foyer juif en Ouganda. Herzl considère alors qu’il vaut mieux un foyer en Ouganda que pas de foyer du tout. L’offre est toutefois majoritairement rejetée lors du VIe Congrès en août 1903 et définitivement oubliée après la mort du leader le 3 juillet 1904 en Autriche. Sa mort met également pour un temps de côté la priorité aux démarches diplomatiques chères à Herzl.
Mais si Herzl n’arrive pas à la fin de sa vie à obtenir l’accord international nécessaire à l’accomplissement de son rêve, il réussit à faire du sionisme un mouvement organisé et reconnu. Herzl écrit dans son Journal au lendemain du premier congrès de Bâle les propos suivant : « A Bâle, j’ai créé l’Etat juif. Si je disais cela aujourd’hui publiquement, un rire universel serait la réponse. Dans cinq ans peut-être, dans cinquante sûrement, tout le monde comprendra ». Theodor Herzl avait vu juste : cinquante ans et neuf mois plus tard, l’Etat juif d’Israël était créé. Il avait souhaité être un jour enterré dans l’Etat indépendant que le peuple juif aurait fondé en Palestine ; ses dépouilles sont transférées au mont Herzl dans le jeune Etat d’Israël le 17 août 1949.
Bibliographie :
Michel Abitbol, Juifs et Arabes au XXe siècle, Paris, Editions Perrin, 2006
Claude Brzozowski, Du Foyer national juif à l’Etat d’Israël, analyse d’une spoliation, Paris, L’Harmattan, 2001
Alain Gresh, Dominique Vidal, Les 100 clés du Proche-Orient, Paris, Hachette Littératures, 2006
Catherine Kaminsky, Simon Kruk, Le Nationalisme arabe et le nationalisme juif, Paris, Presses Universitaires de France, 1983
Lisa Romeo
Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.
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