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Sionisme et création de l’Etat d’Israël

Par Lisa Romeo
Publié le 04/10/2010 • modifié le 02/03/2018 • Durée de lecture : 6 minutes

L’origine du sionisme

La volonté de former un Etat juif s’inscrit dans le contexte de revendications égalitaires inspiré de l’idéologie des Lumières au XVIIIe siècle, et des évolutions liées à la révolution industrielle au XIXe siècle. Les Juifs d’Europe vivent alors en collectivité dans des ghettos. Leur assimilation dans la société est rendue difficile par une série de lois discriminatoires leur interdisant, par exemple, l’accès à certains métiers ou limitant leurs droits à la propriété.

Les pogroms de 1881-1882 contre les Juifs suite à l’assassinat du Tsar Alexandre II en Russie font prendre conscience à certains penseurs de l’impossibilité de leur intégration dans le pays. Deux millions et demi de Juifs sont obligés de quitter la Russie dont un grand nombre partent vers les Etats-Unis. Des intellectuels juifs cherchent alors des solutions pour favoriser le renouveau de l’identité juive. Leo Pinsker (1821-1891), médecin d’Odessa, envisage ainsi en 1882 dans son manifeste-pamphlet Auto-émancipation, l’acquisition d’un territoire pour y établir un Etat permettant enfin l’émancipation du peuple juif et de le placer sur un pied d’égalité avec les autres peuples. Ce territoire ne peut alors être que la Palestine, la terre ancestrale. Il s’agit alors pour les Juifs de prendre leur destin en main pour assurer leur sécurité. Leo Pinsker forme l’association Hovévé Sion (les Amants de Sion) et organise la première aliyah (montée) dans les années 1880-1890 durant laquelle environ 30 000 Juifs d’origines russe, polonaise et roumaine s’installent en Palestine. L’association est chargée de récolter des fonds afin d’acheter des terres en Palestine. Toutefois, l’action de Pinsker trouve un écho encore limité et l’immigration reste peu structurée.

L’attachement des Juifs à la Palestine

La volonté de rassembler la communauté juive en Palestine n’est pas nouvelle. En effet, le mouvement sioniste s’appuie sur l’attachement du peuple juif à la Terre Sainte et à Jérusalem qui est au cœur du judaïsme. Le mot sionisme vient de Sion, une colline de Jérusalem. Le rêve d’un retour à Sion, et donc à Jérusalem, après la dispersion du peuple juif chassé par Rome en 135 après J.-C. est sans cesse rappelé dans la religion juive. Chaque fête rappelle la nostalgie de Sion et le rêve d’un retour en Terre Sainte, en Palestine. La formule « l’an prochain à Jérusalem » est répétée par exemple lors des fêtes de Pâques et du Nouvel An. Les Juifs pratiquants attendent alors la venue d’un messie libérateur qui est décrit dans les Ecritures et qui ramènera le peuple juif en Terre Promise. Le sionisme est cependant un mouvement laïc et cherche, contrairement au messianisme, à ce que le peuple juif prenne son destin en main et s’organise pour un retour en Palestine. Pour cette raison, les différentes tentatives d’immigration en Palestine sont rejetées par les milieux religieux, du moins dans un premier temps. C’est le cas, par exemple, des actions de l’Alliance israélite universelle créée en France en 1864 et qui tente d’implanter des colonies juives dans l’Empire ottoman.

Théodor Herzl et l’essor du sionisme national

Cependant, c’est véritablement sous l’impulsion du journaliste et écrivain juif d’origine hongroise Théodor Herzl (1860-1904) que le sionisme national se constitue et se développe. Alors qu’il est envoyé à Paris comme correspondant pour le grand journal autrichien « Neue Freie Presse » à partir de 1894, Herzl prend pleinement conscience avec l’Affaire Dreyfus de l’ampleur de l’antisémitisme en Europe et de l’impossibilité de l’assimilation. Il devient alors clair pour lui que la seule perspective d’avenir pour le peuple juif réside dans la création d’un Etat juif indépendant. Il expose ses théories dans son ouvrage L’Etat juif paru en 1896. Il y reprend les thèses sionistes et affirme que la formation d’un Etat juif est le seul moyen de permettre au Juifs de vivre en sécurité et d’améliorer l’image du Juif en Europe. Mais Herzl s’interroge également sur les moyens de mettre en œuvre le projet sioniste. Il propose la constitution de plusieurs organes : la Société des Juifs établirait les bases politiques et culturelles de l’Etat alors que la Compagnie juive serait chargée de lui apporter des moyens financiers. Par ailleurs, il envisage la mise en place d’une monarchie ou d’une république aristocratique ne croyant pas qu’une démocratie serait capable d’établir un Etat solide. Il ne précise pas vraiment la langue officielle, considérant que l’hébreu n’est pas assez moderne et le yiddish pas assez sophistiqué. Le lieu du futur Etat reste alors à déterminer. La Palestine serait bien sûr l’idéal mais Herzl envisage également l’Argentine ou l’Ouganda. L’ouvrage obtient un succès certain auprès de la jeunesse intellectuelle juive d’Europe centrale et orientale. Le sionisme national trouve un large soutien auprès des masses mais provoque également la méfiance des Juifs occidentaux et des milieux religieux qui considèrent les thèses sionistes contraires au judaïsme.

Le développement et le succès du sionisme

Herzl met rapidement tout en œuvre pour favoriser la création de l’Etat juif. Il organise, du 29 au 31 août 1897, le premier congrès sioniste mondial à Bâle où est créée l’Organisation sioniste mondiale dont il prend la tête. L’objectif du mouvement est clairement défini : il s’agit d’établir en Palestine un « foyer » légitimé par le droit international, puis, dans un second temps, d’organiser l’immigration libre des Juifs en Palestine. Le programme du sionisme ne fait alors aucune référence religieuse et insiste plus sur l’histoire commune des Juifs. La même année il fonde le journal Die Welt qui devient l’organe officiel du mouvement. Le sionisme se diffuse alors rapidement dans le monde. En 1899, on compte plus d’un millier de sections sionistes dans le monde. Il ne trouve cependant pas d’appui auprès des banquiers juifs qui ne croient pas réellement dans le mouvement. La Jewish colonial trust, puis le Fonds national juifs en 1901, sont créés pour financer l’acquisition des terres en Palestine. Les terres achetées deviennent la propriété de l’Organisation qui les met ensuite à la disposition des colons.

Par ailleurs, Herzl se lance dans une importante activité diplomatique et multiplie les contacts avec les puissances européennes pour obtenir des concessions territoriales. Il tente de trouver des appuis auprès des souverains européens tels que du sultan ottoman Abdul Hamid II, l’empereur d’Allemagne Guillaume II et le roi d’Italie, sans grand succès. Herzl parvient cependant à sensibiliser les différents souverains au projet sioniste en leur démontrant que la mise en place d’un foyer juif ne peut qu’aller dans le sens de leurs intérêts. Cette action diplomatique favorise le succès et le développement du sionisme dans le monde. A partir de 1902, il arrive à obtenir le soutien du ministre britannique des colonies, Joseph Chamberlain qui propose aux sionistes l’établissement d’un foyer juif dans une de leurs colonies telle que l’Ouganda. Herzl présente le projet britannique lors du sixième congrès mais l’idée est aussitôt rejetée. Une deuxième série de pogrom en 1904 en Russie entraine une nouvelle aliya jusqu’en 1914. 40 000 immigrants, surtout d’origine russe, rejoignent la Palestine et accélèrent l’installation des Juifs dans la région.

Au sein même du sionisme, on peut cependant noter différentes tendances qui s’opposent au sionisme politique de Herzl. C’est le cas du sionisme « pratique » qui cherche à accélérer l’immigration en Palestine sans attendre une garantie juridique internationale, ou du sionisme « culturel » qui tente du revaloriser la culture juive en Palestine en se fondant sur la langue hébraïque. Enfin, le sionisme territorialiste souhaite établir un Etat juif sur n’importe quel territoire. Malgré ses divergences internes, le sionisme connait un développement certain et s’organise parallèlement à la montée du nationalisme arabe dans la région. En 1917, la déclaration Balfour apporte à l’Organisation une première grande victoire avec une garantie juridique de portée internationale pour l’établissement d’un Foyer national juif en Palestine. Les persécutions et le génocide nazi des années 1930-1940 contre la communauté juive légitiment toujours plus son besoin de constituer un Etat. En 1948, le sionisme aboutit finalement à la création d’Israël, Etat juif en Palestine. Aujourd’hui 40 % de la communauté juive mondiale vit en Israël.

Bibliographie :
Michel Abitbol, Juifs et Arabes au XXe siècle, Paris, Editions Perrin, 2006.
Jean-Pierre Alem, La Déclaration Balfour, aux sources de l’Etat d’Israël, Bruxelles, Editions Complexe, 1999.
Vincent Cloarec, Henry Laurens, Le Moyen-Orient au 20e siècle, Paris, Armand Colin, 2005.
Alain Dieckhoff (dir.), L’Etat d’Israël, Paris, Fayard, 2008.
Dominique Perrin, Palestine, une terre, deux peuples, Paris, Presses Universitaires du Septentrion, 2000.

Publié le 04/10/2010


Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.


 


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