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SPECIAL CRISE AU MAGHREB ET AU MOYEN-ORIENT : LA LIBYE (2000-2011)

Par Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Publié le 10/03/2011 • modifié le 23/04/2020 • Durée de lecture : 6 minutes

Manifestation des opposants à Mouammar Kadhafi le 10 mars 2011 à Benghazi

GIANLUIGI GUERCIA, AFP

Politique intérieure et extérieure de 2000 à 2011

A partir de 1985, les relations entre la Libye et l’Occident se dégradent. Les pays occidentaux reprochent à la Libye de soutenir des mouvements terroristes ayant fomenté des attentats (dont l’explosion du Boeing 747 de la Pan Am au dessus du village de Lockerbie en Ecosse en 1988 et celle d’un DC 10 de l’UTA au dessus du Niger). En conséquence, la résolution 748 de l’ONU votée en avril 1992 met en place un embargo contre la Libye, sur les armes et sur les liaisons aériennes notamment. Cet embargo est renforcé en novembre 1993 par une nouvelle résolution (résolution 883), portant sur les avoirs financiers et sur les biens d’équipement pétrolier.

Cependant, à la fin des années 1990, la Libye décide de sortir de son isolement. Elle met en place des relations avec les Etats du Maghreb et avec l’Egypte afin de lutter contre l’islamisme. Cette décision de lutter contre le terrorisme entraine la suspension de l’embargo en décembre 1999. Dès lors, les relations se normalisent avec l’Occident tant sur le plan économique (arrivée des investisseurs étrangers qui se combine avec la hausse des prix du pétrole), que sur le plan diplomatique (reprise des relations avec la France en 2002 ; début du processus de normalisation avec les Etats-Unis en 2004, en lien avec l’attitude de modération de Mouammar Kadhafi à la suite des attentats du 11 septembre 2001). La levée de l’embargo est suivie le 12 septembre 2003 de la levée des sanctions par le Conseil de sécurité. Cette décision intervient alors que la Libye, à la suite de négociations avec les Etats-Unis et la France, accepte de verser des indemnités aux familles des victimes des attentats du Boeing de la Pan Am et du DC 10 de l’UTA. Toujours dans l’objectif de normaliser ses relations avec l’Occident, la Libye annonce en décembre 2003 vouloir mettre fin à son programme d’armes de destruction massive et ratifie en mars 2004 le protocole additionnel au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.

Dans le domaine économique, et en parallèle à la reprise des investissements étrangers, le Premier ministre Choukri Ghanem, nommé en juin 2003, entreprend des réformes économiques et un programme de privatisation. Pendant cette phase de libéralisation, plusieurs dirigeants occidentaux se rendent en Libye, dont le Premier ministre britannique Tony Blair en mars 2004 et le président français Jacques Chirac en novembre de la même année. Mais la politique libérale du Premier ministre libyen n’est pas suivie par le Congrès général des Comités populaires et le 5 mars 2006, Mouammar Kadhafi nomme un nouveau Premier ministre, Baghdadi Mahmoudi. Celui-ci créé de nouveaux ministères : de la Santé, de l’Education et de l’Agriculture. Pendant cette période, les investissements étrangers se poursuivent, essentiellement dans le domaine des hydrocarbures, et le programme de privatisation des entreprises publiques continue. Avec les Etats-Unis, suite à la normalisation entreprise entre les deux Etats en 2004, les relations diplomatiques reprennent en mai 2006 et une ambassade américaine est ouverte à Tripoli (les relations avaient été rompues en 1981, la Libye soutenant le terrorisme).

De 2006 à 2007, l’affaire des infirmières bulgares place la Libye au cœur de l’actualité : cinq infirmières bulgares et un médecin palestinien sont accusés par la Libye d’avoir inoculé le virus du sida à 426 enfants dans un hôpital de Benghazi en 1999. Ils sont condamnés à mort en décembre 2006 mais, à la suite des efforts diplomatiques de l’Union européenne et de la Bulgarie, ils sont libérés en juillet 2007.

Sur le plan diplomatique, les relations se poursuivent avec les Etats occidentaux et la Russie. En juillet 2007, le président français Nicolas Sarkozy se rend en Libye, suivi en août par le secrétaire d’Etat adjoint américain chargé du Proche-Orient, David Welsh. En décembre, à la suite du sommet Union européenne-Afrique tenu à Lisbonne et auquel Mouammar Kadhafi participe, ce dernier entreprend une tournée en Europe et se rend en France, en Espagne et en Italie. En septembre 2008, la secrétaire d’Etat américaine Condolezza Rice se rend également en Libye, dans le cadre de la reprise des relations entre les deux Etats. Fin octobre-début novembre 2008, Mouammar Kadhafi entreprend un voyage en Russie afin de relancer la coopération dans les domaines économique, énergétique et militaire, coopération qui avait été rompue en 1985 entre les deux Etats. Mais la situation intérieure en Libye modifie la donne en février 2011.

Révolte en Libye en février 2011

Dans le contexte des révoltes populaires au Moyen-Orient et au Maghreb, des troubles éclatent en Libye le 15 février. Le facteur déclenchant est l’arrestation d’un avocat des droits de l’homme, Fethi Tarbel, dans la ville de Benghazi (à l’est de Tripoli). Le 16 février, la ville est le théâtre d’affrontements entre des manifestants et la police. Le 18 février, le mouvement gagne la capitale Tripoli, les manifestants réclamant le départ de Mouammar Kadhafi. Ils sont réprimés très violemment par les forces de sécurité et par des mercenaires, causant la mort de plusieurs centaines d’entre eux. Cette répression provoque la démission des ministres de la Justice et de l’Intérieur le 21 février ainsi que de diplomates libyens, qui dénoncent ce « recours à la violence ». Ce même jour, les morts sont estimés par Human Rights Watch à 233. Le 22 février, Mouammar Kadhafi, au cours d’une allocution à la télévision, annonce une « boucherie » à l’encontre de la population et dit qu’il va « purger la Libye maison par maison » afin de mettre fin à la révolte. La situation en Libye provoque la réaction de Navi Pillay, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, qui demande l’ouverture d’une enquête et évoque de possibles crimes contre l’humanité. Toujours le 22 février, les opposants au régime prennent l’est de la Libye et le mouvement gagne progressivement l’ouest du pays. Le 25 février, les morts sont évalués par le Conseil de sécurité de l’ONU à plus de mille. Le 26 février, les opposants au régime contrôlent environ 60% de la Libye, et la moitié de l’armée s’est « retournée contre le régime » [1]. Le 27 février, Mouammar Kadhafi ne contrôle plus que Tripoli et sa banlieue.

Face à cette situation de violence contre la population libyenne, les instances internationales se mobilisent. Le Conseil de sécurité de l’ONU se réunit le 22 février, puis le 25 février en séance publique. Le 26 février, la résolution 1970 est votée, prévoyant la « saisine immédiate du Procureur de la Cour pénale internationale ; impos(ant) un embargo sur les armes en direction de la Libye ; gel(ant) les avoirs et impos(ant) une interdiction de voyager à Mouammar Kadhafi, certains membres de sa famille et de hauts responsables du régime ; appell(ant) les Etats-membres à travailler ensemble pour faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire en Libye ». Le 1er mars, une résolution adoptée par l’Assemblée générale suspend la Libye du Conseil des droits de l’homme. En outre, les dirigeants européens demandent que Mouammar Kadhafi quitte le pouvoir.

Cependant, début mars, les partisans de Mouammar Kadhafi tentent de reprendre l’avantage dans les villes reprises par les opposants, et utilisent des blindés et des avions. Le 2 mars, Mouammar Kadhafi envoie ses partisans bombarder Brega, petite ville à l’ouest de Benghazi et située à proximité d’un centre gazier. Le 4 mars, les manifestations sont réprimées à Tripoli ; à Zawiya, ville située à 30 km à l’ouest de Tripoli (prise par les opposants fin février), des violences éclatent entre les militaires de Mouammar Kadhafi et les manifestants. De même, le 6 mars, des combats se déroulent dans l’est du pays, dans la petite ville de Ben Jawad où Mouammar Kadhafi a rassemblé ses forces. Cette ville est en effet proche de Syrte, ville d’origine de la famille Kadhafi et contrôlée par le gouvernement. Les bombardements se poursuivent à l’est de la Libye, en particulier à Ras Lanouf depuis le 7 mars.

Sur le plan international, les grandes puissances évoquent la mise en place d’une zone d’interdiction aérienne en Libye, afin de protéger la population contre les bombardements des partisans de Mouammar Kadhafi.

Sources et bibliographie :
Encyclopédie Universalis, « chronologie Libye », 2009
Nora Lafi, « Libye », Encyclopédie Universalis, 2009
Site de la Documentation française
Site de la Chambre de commerce franco-libyenne http://www.chambre-de-commerce-franco-libyenne.org/index.php?option=com_content&view=article&id=50%3Abreve-histoire-de-la-libye&catid=36%3Acat_libye&Itemid=122&lang=fr
Site France-ONU http://www.franceonu.org/spip.php?article5388
Sous la direction d’Antoine Sfeir, Dictionnaire géopolitique de l’islamisme, Paris, Bayard, 2009, 617 pages.
Presse : Le Monde, Le Figaro, L’Orient le Jour

Publié le 10/03/2011


Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.


 


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