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La genèse des revendications territoriales de l’Irak sur le Koweït remonte au début du XXème siècle, lorsque la Grande-Bretagne voulut s’assurer une position privilégiée dans la région du Golfe en 1913, puis par la délimitation des frontières par la Grande-Bretagne en 1922. Celles-ci sont peu précises et suscitent dès 1933 les revendications de l’Irak sur le Koweït.
Inquiète de la montée des intérêts étrangers dans la région du Golfe pouvant nuire à la sécurité de la route des Indes, la Grande-Bretagne réagit dès le début du XXème siècle. En effet, l’Allemagne, forte des relations d’amitié entretenues avec la sublime Porte, a conçu le projet de relier Berlin à Bagdad par le train, et de poursuivre la construction de cette voie ferrée vers le Golfe (Bassorah et Koweït). La Grande-Bretagne tente, sans succès, de s’opposer à la construction du Bagdadbahn. Elle entreprend alors des négociations avec l’Empire ottoman, afin de partager la région du Golfe en deux zones d’influence, l’une turque et l’autre britannique. Une convention, négociée entre l’ambassadeur de l’Empire ottoman à Londres Ibrahim Hakki Pacha et le ministre des Affaires étrangères britanniques sir Edward Grey est signée le 29 juillet 1913. Mais elle ne fut jamais ratifiée en raison du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Composée de cinq parties, cette convention concerne les frontières du Koweït, du Qatar, de Bahreïn, la reconnaissance des droits britanniques par la Turquie ainsi que les frontières de l’Arabie de l’Est.
La convention anglo-turque est suivie par d’autres conférences, à la suite de batailles entre Ibn Séoud et le chérif Hussein de La Mecque, et d’incidents entre Ibn Séoud et le Koweït. En 1922, le haut-commissaire britannique en Irak décide de trouver une solution aux problèmes frontaliers entre le Nejd, l’Irak et le Koweït à la conférence d’Ougayr. Y sont réglées les questions frontalières entre les Séoud et le Koweït, entre les Séoud et l’Irak et entre l’Irak et le Koweït. Une frontière est ainsi fixée entre le Koweït et le Nejd, ainsi qu’entre l’Irak et le Nejd. Deux zones neutres sont également tracées, entre le Koweït et le Nejd et entre le Nejd et l’Irak. Mais la notion de frontière n’ayant pas beaucoup de valeur, en raison du déplacement des tribus et de leurs troupeaux en quête d’eau et de pâturages, ces décisions frontalières sont difficilement comprises par les populations.
La délimitation des frontières décidée par la Grande-Bretagne reste peu précise, et suscite les revendications de l’Irak sur le Koweït dès 1933. L’Irak, sous mandat britannique, devient indépendant en 1932 et entre à l’ONU. A cette époque, des campagnes en vue du rattachement du Koweït à l’Irak se déclenchent. L’argument utilisé est l’appartenance du Koweït à l’Irak, car à l’époque ottomane, le Koweït était rattaché à la région de Bassorah. L’Irak revendique également les deux îles de Warba et de Bubiane qui bordent l’accès de l’Irak à la mer, et dont la contrôle lui permettrait d’augmenter son accès à la mer. Les revendications reprennent en 1958, année pendant laquelle le Premier ministre irakien Nouri Saïd revendique à nouveau le Koweït. Mais la révolution du 14 juillet 1958 fait que ce projet est abandonné. En 1961, à la suite de l’indépendance koweïtienne, le Président Kassem ne la reconnaît pas et rappelle que le Koweït faisait partie de l’Irak à l’époque ottomane. Dans le but d’annexer le Koweït, le général Kassem masse des troupes à la frontière koweïtienne fin juin 1961. Le Koweït demande l’aide britannique, suite à l’accord signé entre les deux Etats le 19 juin 1961. Cette crise majeure révèle les tensions entre l’Irak et le Koweït, qui atteindront leur paroxysme avec l’annexion du Koweït en août 1990. En 1963, l’Irak reconnaît finalement le Koweït.
A la suite de la guerre Iran-Irak qui se termine en août 1988, l’Irak est confronté à des difficultés économiques : coût de la reconstruction estimé à 60 milliards de dollars, endettement envers les monarchies du Golfe lié à la guerre, prix faible du pétrole du fait de la surproduction du Koweït notamment, qui ne permettent pas la reconstruction irakienne. Sur le plan diplomatique, l’Irak revendique à nouveau le rattachement du Koweït ainsi que le contrôle des îles de Warba et de Boudiane. Saddam Hussein prône également le retour de la puissance irakienne, comme au temps des Abbassides, et met en cause les monarchies du Golfe qui se sont enrichies grâce au pétrole. La situation déjà très tendue dégénère lorsque le 18 juillet 1990, l’Irak accuse le Koweït de voler le pétrole du gisement de Roumailah situé à Bassorah. Des négociations sont entamées entre le Koweït et l’Irak, mais elles se soldent par le refus koweïtien de reconnaître les revendications territoriales de l’Irak. Les troupes irakiennes sont déployées à la frontière dès le 24 juillet.
Le 2 août 1990, les troupes irakiennes envahissent le Koweït. L’émir et sa famille se réfugient en Arabie Saoudite tandis qu’un gouvernement provisoire pro-irakien est formé. Dès ce moment, les communautés internationale et arabe se mobilisent sur le plan diplomatique et militaire. Le 2 août, le Conseil de sécurité de l’ONU exige le retrait immédiat du Koweït par la résolution 660 ; le 3 août, la Ligue des Etats arabes condamne l’invasion irakienne ; le 6 août, la nouvelle résolution 661 de l’ONU décide du boycott général sur l’Irak ; le 7 août, les Etats-Unis débutent l’opération Bouclier du désert, qui se traduit par la mise en place, entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite, d’un pont aérien afin de transporter troupes et matériel américain. Les forces américaines reçoivent le renfort des troupes françaises, britanniques et arabes. En dépit de la mobilisation internationale, Saddam Hussein annexe le Koweït le 8 août.
Pour les Etats-Unis et pour l’ONU, la seule façon de contraindre l’Irak à quitter le Koweït est l’intervention armée. Sur le plan militaire, une coalition est organisée, formée de trente-deux Etats arabes et occidentaux dont les troupes américaines constituent le pivot (510 000 soldats américains sur un total de 750 000 hommes). Sur le plan diplomatique, l’ONU vote le 29 novembre la résolution 678 qui autorise, à partir du 15 janvier 1991, l’intervention armée de la coalition contre l’Irak.
Les préparatifs militaires se poursuivent. L’opération Tempête du désert prévoit une phase d’attaque aérienne, suivie d’une attaque terrestre si nécessaire. L’attaque aérienne est déclenchée le 17 janvier 1991, à la suite de négociations diplomatiques restées sans effet. La première phase aérienne dure jusqu’au 24 février, avec des bombardements de la coalition sur des cibles irakiennes, tant au Koweït qu’en Irak auxquels l’armée irakienne riposte par des tirs de missiles SCUD sur Israël. Le 7 février, à l’initiative de l’Irak, les relations diplomatiques sont rompues avec des Etats membres de la coalition (Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Egypte et Arabie Saoudite). Le 22 février, Georges Bush lance un ultimatum à Saddam Hussein lui enjoignant d’évacuer ses troupes et rejette les propositions de paix effectuées par la diplomatie russe. Saddam Hussein ne réagit pas à l’ultimatum et le 24 février, la coalition lance les opérations terrestres contre les Irakiens au Koweït. Le 28 février, après quatre jours de conflit terrestre, l’armée irakienne accepte un cessez-le-feu qui est signé le 3 mars, dont les conditions sont la destruction par l’Irak des armes chimiques et biologiques, des missiles et le paiement de réparation au Koweït. La coalition quitte l’Irak entre le 12 et le 15 juillet.
A lire :
Salem al-Jabir al-Sabah, Les Emirats du Golfe, histoire d’un peuple, Fayard, Paris, 1980, 261 pages.
Henry Laurens, L’Orient arabe à l’heure américaine, de la guerre du Golfe à la guerre d’Irak, Paris, Hachette Littératures, 2008, 452 pages.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.
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