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Retour cartographique sur le conflit israélo-arabe. Deuxième partie : de la crise de Suez à la deuxième Intifada

Par Hervé Amiot
Publié le 11/09/2013 • modifié le 10/03/2018 • Durée de lecture : 10 minutes

Lire la partie 1 : Retour cartographique sur le conflit israélo-arabe (1/2) : des prémices du conflit israélo-palestinien à la première guerre israélo-arabe

III – De la crise de Suez à la guerre des Six-Jours

A) La crise de Suez (octobre 1956), un coup de force éphémère

L’Egypte de Nasser, président depuis 1954, se montre menaçante envers Israël. La Bande de Gaza, contrôlée par l’Egypte depuis 1949, sert de base arrière aux fedayin. Par ailleurs, Nasser réalise un blocus du canal de Suez et du détroit de Tiran, ce qui gêne Israël.

Le 26 juillet 1956, Nasser passe un cap en décrétant la nationalisation du canal de Suez. Cela touche directement les intérêts des Britanniques et des Français, qui voient leurs positions stratégiques dans la région menacées. Ces derniers décident alors de signer un traité secret avec Israël prévoyant une intervention militaire contre l’Egypte.

Israël, qui voit là une occasion de contrer les menaces égyptiennes, lance ses troupes aériennes et terrestres le 29 octobre dans le Sinaï. Le 31 octobre, les Français et les Britanniques bombardent les aérodromes égyptiens et déploient des troupes au sol. De son côté, par des opérations éclairs, Tsahal perce les défenses égyptiennes et atteint le canal de Suez le 6 novembre. Israël sort vainqueur de l’intervention : les détroits sont débloqués et le Sinaï est conquis.

Cependant, la France et la Grande-Bretagne subissent les foudres des Etats-Unis et de l’URSS qui exigent leur retrait de la zone du canal. Ceux-ci s’exécutent et, avec eux, Israël doit quitter le Sinaï. L’ONU met en place une force d’interposition sur la frontière égypto-israélienne. La crise de Suez est une victoire politique pour Nasser : bien que défait militairement par Israël, il a obtenu le retrait d’Israël et des deux anciennes puissances coloniales que sont la France et la Grande-Bretagne.

B) La Guerre des Six Jours (5-10 juin 1967) : débâcle des Arabes et redécoupage des frontières en faveur d’Israël

Les Etats arabes mènent des actions à l’encontre d’Israël. Depuis 1964, la Syrie a engagé des travaux de détournement des affluents du Jourdain. Elle accorde également son soutien au Fatah de Yasser Arafat, organisation palestinienne luttant pour l’indépendance. L’Egypte de Nasser adopte également un discours belliqueux envers Israël. Elle bloque le détroit de Tiran, chasse les casques bleus de l’ONU placés sur sa frontière avec Israël, et signe des pactes militaires avec la Syrie, la Jordanie et l’Irak.

Devant ces actions, Israël décide de déclencher une guerre préventive, et ce, malgré les nombreux conseils de prudence, comme celui du Général de Gaulle. Le 5 juin au matin, les aéroports égyptiens sont bombardés, paralysant ainsi les forces aériennes. Les attaques terrestres, appuyées par l’aviation, permettent une progression éclair : le 8 juin, Gaza et le Sinaï sont conquis, et les troupes de Tsahal atteignent le canal de Suez. En parallèle, l’armée jordanienne est défaite et la Cisjordanie est conquise. Enfin, les 9 et 10 juin, l’armée israélienne attaque dans le Golan et vainc l’armée syrienne.

Les conséquences sont désastreuses pour les Etats arabes (carte 5). Outre les pertes militaires (environ 20 000 morts contre moins d’un millier pour Tsahal), les territoires perdus sont immenses : le Sinaï, la Bande de Gaza, la Cisjordanie, le Golan, ce qui représente 70 000 kilomètres carrés au total. Par ailleurs, Jérusalem est réunifiée par les Israéliens et également annexée. Selon B. Droz et A. Rowley (Histoire générale du XXe siècle, tome 3), ce sont 300 000 Palestiniens qui sont forcés à l’exil vers la Jordanie. Selon ces mêmes auteurs, la débâcle des Etats arabes permet toutefois l’autonomisation de la résistance palestinienne autour du Fatah de Yasser Arafat.

Le 22 novembre 1967, l’ONU vote l’importante résolution 242 qui, au-delà de garantir « le droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres et reconnues à l’abri de menaces ou d’actes de force », condamne les annexions territoriales réalisées par Israël et exige le retrait de Tsahal des territoires occupés. Cependant, Israël exclut tout retrait avant des négociations avec les Etats arabes, et profite de la formulation ambigüe de la résolution 242 : « from occupied territories » peut en effet signifier évacuation « des territoires occupés » ou « de territoires occupés », laissant planer le flou sur la nature de ces territoires. De leur côté, la Syrie, l’Irak et la résistance palestinienne rejettent aussi la résolution.

Carte 5 : La guerre des Six Jours (1967) et ses conséquences

IV – De la guerre du Kippour à l’intervention au Liban : Israël, entre repli et interventionnisme

A) La guerre du Kippour (octobre 1973)

Le nouveau président égyptien, Anouar el-Sadate a une attitude plus conciliante envers Israël que son prédécesseur Nasser. Cependant, devant la progression de la colonisation juive en Cisjordanie et dans le Sinaï, et face à l’échec d’un règlement pacifique pour le retrait d’Israël des territoires occupés, il se résout à la guerre.

Alors que les chefs militaires israéliens ont cessé de mobiliser les troupes, et ce, malgré les menaces de Sadate, les 500 000 soldats de la coalition égypto-syrienne attaquent Israël le 6 octobre 1973, le jour de la fête de Yom Kippour. Les Egyptiens entrent dans le Sinaï sur environ 200 kilomètres (carte 6) ; mais c’est au Nord que la situation est la plus critique pour Israël : les blindés syriens percent les lignes de Tsahal dans le Golan et menacent la Galilée. Les armées arabes sont en nombre bien supérieur, et en outre, mieux équipées et entrainées que par le passé, grâce au matériel et aux instructeurs soviétiques.

Une fois la frayeur initiale passée, les Israéliens renversent la tendance, repoussent les armées arabes, et marchent même en direction de Damas. La guerre stagne quelque peu avec l’entrée en jeu des deux Grands qui fournissent en armes les belligérants : les Soviétiques fournissent les puissances arabes par pont aérien, tandis que les Etats-Unis font de même avec Israël. Après le passage du canal de Suez et l’entrée sur le territoire égyptien des troupes de Tsahal, un cessez-le-feu est demandé par l’ONU le 22 octobre. Devant le refus des armées israéliennes de cesser leur avancée (encerclement de la troisième armée égyptienne), l’URSS annonce son intervention militaire en soutien de l’Egypte, suivie immédiatement par les Etats-Unis, qui menacent d’engager leur force nucléaire pour soutenir Israël. Finalement, le cessez-le-feu est accepté et les Israéliens acceptent de revenir à leurs positions du 22 octobre.

Carte 6 : La guerre du Kippour (1973) et ses suites

B) La détente avec l’Egypte et le retrait du Sinaï

Après des négociations avec les Etats arabes, sous l’égide de Kissinger, Israël s’engage à se retirer des territoires conquis pendant la guerre du Kippour, mais en conservant le Golan, territoire stratégique tant pour ses ressources en eau que pour son rôle d’avant-poste montagneux, véritable tour de guet pour la défense du territoire israélien face à la Syrie. En 1974, l’ONU crée d’ailleurs une zone d’interposition dans le Golan, entre le territoire occupé par Israël et la Syrie (carte 6).

En Egypte, le président Sadate a pris un virage opposé à celui de son prédécesseur Nasser. Il renonce à l’objectif d’éliminer Israël et cherche à se détacher de l’URSS (renvoi des instructeurs militaires soviétiques) pour se tourner vers les Etats-Unis. La guerre de Kippour a lavé la débâcle de 1967 puisque l’armée égyptienne a fait trembler Israël, mais elle a aussi montré qu’une victoire militaire totale sur l’Etat hébreu n’était pas possible. C’est ainsi qu’il va chercher à obtenir par la paix ce qu’il ne peut obtenir par la force. Les relations israélo-égyptiennes se détendent donc petit à petit. Les négociations permettent le retrait progressif des troupes israéliennes du Sinaï, par étapes successives, entre 1974 et 1982 (carte 6), date à laquelle l’Egypte retrouve ses frontières d’avant 1967. En novembre 1977, Sadate réalise un voyage symbolique en Israël et devient alors le premier dirigeant arabe à reconnaître cet Etat. Devant la Knesset, à Jérusalem, il prononce un discours de paix entre les peuples juif et arabe, tout en rappelant que la question palestinienne n’est pas réglée.

Le président américain Jimmy Carter invite le président égyptien Sadate et le Premier ministre israélien Begin à Camp David en 1978 pour négocier un traité de paix. Israël s’engage à retirer son armée et ses implantations du Sinaï de façon définitive, en échange de la paix avec l’Egypte.

C) « Paix en Galilée » (1982) : une opération préventive qui dérape

En 1982, toute la péninsule du Sinaï est évacuée par l’armée israélienne. La paix avec l’Egypte permet au Premier ministre israélien Menahem Begin de se concentrer sur son objectif principal : l’élimination de l’Organisation de Libération de la Palestine de Yasser Arafat - fédération de groupes armés combattant pour la mise en place d’un Etat palestinien à la place d’Israël - implantée alors au Sud-Liban, et qui menace le Nord d’Israël. Outre la fin de l’OLP, qualifiée de groupe terroriste par Israël, l’objectif est de chasser les forces syriennes du Liban, qui soutiennent le camp arabe dans la guerre civile libanaise, et ainsi de favoriser l’accès au pouvoir du camp chrétien maronite de Bachir Gemayel.

L’opération « Paix en Galilée » début le 6 juin 1982 (carte 7). L’armée bombarde les bases palestiniennes et la ville de Beyrouth. L’armée de terre traverse la zone contrôlée par les casques bleus de la Force des Nations Unies au Liban (FINUL) et avancent aussi jusqu’à Beyrouth, battant les forces syriennes et palestiniennes. Les bombardements à Beyrouth durent jusqu’en septembre. Après le départ de la force multinationale, la situation dérape : le président Bachir Gemayel est assassiné, l’armée israélienne, contre sa promesse, pénètre à Beyrouth-Est, où s’était réfugiée l’OLP (qui fuit alors pour Tunis), et les Phalanges chrétiennes tuent les réfugiés palestiniens des camps de Sabra et Chatila, sous le regard des Israéliens. Finalement, Israël se retire du Liban le 26 septembre, mais continue d’occuper une « Zone de sécurité » au Sud du pays, qu’elle conservera jusqu’en 2000.

V – Israël et Palestine depuis les années 1990 : une complexification des territoires

A) La création de l’Autorité palestinienne : vers un Etat palestinien ?

En décembre 1988, Yasser Arafat annonce à l’Assemblée de l’ONU la création d’un Etat palestinien, ayant pour capitale Jérusalem, bien que les territoires palestiniens soient occupés par l’armée israélienne. Il condamne par ailleurs le terrorisme et dit vouloir la paix pour le nouvel Etat. La proclamation d’indépendance est votée à 104 voix pour et la Palestine est reconnue par une centaine d’Etats dans les mois qui suivent.

Le 7 juillet 1993, par les accords d’Oslo signés entre Rabin et Arafat, Israël et la Palestine, représentée par l’OLP, se reconnaissent mutuellement. Les accords d’ « Oslo I  » du 4 mai 1994 prévoient l’autonomie de la Bande de Gaza et de la Cisjordanie, ainsi que le retrait progressif des troupes israéliennes.

B) Une paix impossible ? Occupation israélienne et intifada

Les traités des années 1990 connaissent toutefois peu de suites. Le processus de paix est entravé par de nombreux événements.
Si les accords d’Oslo reconnaissent l’Autorité palestinienne et prévoient le retrait de l’armée israélienne des Territoires palestiniens, la situation est plus complexe dans les faits. En effet, les implantations juives sont nombreuses en territoire palestinien, notamment en Cisjordanie, et la colonisation va en s’intensifiant. Israël peut donc difficilement envisager de retirer son armée des territoires occupés, de peur de voir les implantations israéliennes menacées. Cette stagnation de la situation est à l’origine de la deuxième Intifada, ou « révolte des pierres », en 2000, insurrection populaire au cours de laquelle les troupes israéliennes sont harcelées par de jeunes palestiniens. Ce mouvement de protestation est suivi par une vague d’attentats du Hamas. En réaction, l’armée israélienne occupe des villes palestiniennes, et la Knesset vote en 2002 la mise en place d’un mur de sécurité, appelé « Dispositif de séparation », entre les territoires juifs et palestiniens.

C) Le morcellement du territoire palestinien

En 2005, Israël décide de retirer son armée de la Bande de Gaza, et d’évacuer les 7 000 colons juifs qui y vivent. Israël considère en effet que le coût de l’évacuation est moins important que celui de la défense de cette petite bande littorale, et souhaite concentrer ses forces sur la Cisjordanie. Ainsi, la Bande de Gaza devient un territoire palestinien en intégralité.

En revanche, le statut de la Cisjordanie est plus complexe (carte 7). Le territoire est divisé en trois zones. La « Zone A » est un territoire sous contrôle total de l’Autorité palestinienne (3% du territoire selon Le Dessous des Cartes, itinéraires géopolitiques, JC. Victor, 2011). Elle concentre la majorité des grandes villes cisjordaniennes (Naplouse, Ramallah, Bethléem, Hébron). La « Zone B » (35% de la Cisjordanie) est un territoire sous contrôle partiel de l’Autorité palestinienne : celle-ci possède les compétences civiles, tandis qu’Israël gère la sécurité. La « Zone C » (72%) est sous contrôle israélien et la colonisation s’y poursuit de manière importante. Selon JC Victor (2011), le nombre de colons juifs serait passé de 110 000 en 1993 à 300 000 aujourd’hui, face à environ 2,5 millions de Palestiniens. Enfin, il faut noter que, dans les faits, la frontière occidentale de la Cisjordanie n’est plus la ligne verte (frontière de 1949) : le mur de sécurité construit par Israël rogne sur le territoire palestinien et fait passer pour l’instant 15% des colonies juives en territoire israélien. Si le tracé prévu du mur était achevé, on estime que 11,6% du territoire Cisjordanien et 80% des colonies juives passeraient du côté israélien. Ce phénomène est visible à Jérusalem : alors que, selon la ligne verte, l’Est de la ville est censé appartenir à la Palestine, le mur de sécurité l’englobe dans l’Etat d’Israël.

D) De nouveaux opposants à Israël : Hamas et Hezbollah

Du côté arabe, de nouveaux opposants à Israël ont remplacé l’OLP depuis que celle-ci entretient des relations normalisées avec Israël. Dans la Bande de Gaza, le Hamas palestinien, groupement musulman sunnite, refuse l’abandon de la lutte contre Israël et continue de perpétrer des attentats. En 2007, le Hamas parvient à chasser l’OLP de la bande de Gaza et conteste l’Autorité palestinienne sur ce territoire (carte 7). Au Sud du Liban, c’est le Hezbollah libanais, mouvement chiite ami avec l’Iran, qui menace le Nord d’Israël. En juillet 2006, le Hezbollah réalise un coup de force en pénétrant sur le territoire israélien. Israël répond par le bombardement du Sud-Liban, en plus de violents affrontements au sol. Ces échauffourées entre Hamas-Hezbollah et armée israélienne entravent le processus de paix et le règlement de la question palestinienne.

Carte 7 : De la guerre du Kippour à la situation actuelle

Bibliographie :
 Bernard DROZ et Anthony ROWLEY, Histoire générale du XXe siècle, Tome 3 : Expansion et indépendances, Seuil, 1987, 517 p.
 Bernard DROZ et Anthony ROWLEY, Histoire générale du XXe siècle, Tome 4 : Crises et mutations de 1973 à nos jours, Seuil, 1992, 527 p.
 Frédéric ENCEL, Atlas géopolitique d’Israël. Les défis d’une démocratie en guerre, Autrement, coll. Atlas/Monde, Nouvelle édition augmentée, 2012, 96 p.
 Henri LAURENS, Le grand jeu. Orient arabe et rivalités internationales. Armand Colin, 1991, 447p.
 Jean-Christophe VICTOR, Virginie RAISSON, Frank TÉTART, Le dessous des cartes, Atlas géopolitique, Editions Tallandier/ARTE Editions, 2006, 251 p.
 Jean-Christophe VICTOR, Le dessous des cartes, Itinéraires géopolitiques, Editions Tallandier/ARTE Editions, 2011, 223 p.

Publié le 11/09/2013


Hervé Amiot est Docteur en géographie, agrégé et ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure (Ulm). Après s’être intéressé aux dynamiques politiques du Moyen-Orient au cours de sa formation initiale, il s’est ensuite spécialisé sur l’espace postsoviétique, et en particulier l’Ukraine, sujet de ses recherches doctorales.


 


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