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Reportage photo : le difficile exode des chrétiens de Gaza

Par Ines Gil
Publié le 04/06/2019 • modifié le 02/12/2019 • Durée de lecture : 4 minutes

Église de la Sainte Famille, Gaza city

Crédit photo : Ines Gil

L’Église de la Sainte Famille, dernière église catholique de Gaza

Au coeur de Gaza city, dans l’église de la Sainte Famille, chaque cérémonie religieuse réunit une centaine de chrétiens, les derniers catholiques de Gaza. A l’entrée du lieu saint, à côté d’un cliché du pape François, une photo du patriarche latin de Jérusalem (2) rappelle que la paroisse (3) est de rite catholique, contrairement à l’église orthodoxe de saint Porphyre, le second lieu de culte chrétien encore en activité dans l’enclave palestinienne (4).

Portrait de l'archevêque franciscain Pierbattista Pizzaballa, Patriarche latin de Jérusalem. Crédit photo : Ines Gil
Portrait de l’archevêque franciscain Pierbattista Pizzaballa, Patriarche latin de Jérusalem. Crédit photo : Ines Gil

Dans l’église de la Sainte Famille, le long des murs, des peintures rappellent la vie de Jésus et de ses disciples. Outre les quelques lampes accrochées en hauteur, une timide lumière se glisse dans la paroisse blanche à travers une demi-douzaine de vitraux, comportant chacun des symboles chrétiens. Le long du bâtiment, une frise en arabe recouvre le haut des murs. Derrière l’autel, à côté d’une représentation de la Cène, deux drapeaux trônent fièrement, à droite, le drapeau du Vatican, à gauche, celui de la Palestine.

Crédit photo : Ines Gil
Crédit photo : Ines Gil
Crédit photo : Ines Gil
Crédit photo : Ines Gil
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Crédit photo : Ines Gil
Crédit photo : Ines Gil
Crédit photo : Ines Gil
Crédit photo : Ines Gil

Une minorité chrétienne dans la Bande de Gaza

Une représentation de Yasser Arafat (ancien président de l'Autorité palestinienne, Fatah - 1929, Le Caire (Egypte) - 2004, Clamart (France)), dans la cour de la paroisse de l'Église de la Sainte Famille, Gaza City. Crédit photo : Ines Gil
Une représentation de Yasser Arafat (ancien président de l’Autorité palestinienne, Fatah - 1929, Le Caire (Egypte) - 2004, Clamart (France)), dans la cour de la paroisse de l’Église de la Sainte Famille, Gaza City. Crédit photo : Ines Gil
Eglise de la Sainte Famille. Crédit photo : Ines Gil
Eglise de la Sainte Famille. Crédit photo : Ines Gil

Outre le lieu saint, cette Église dispose de deux écoles primaire et secondaire, également propriétés du patriarcat latin de Jérusalem. Les établissements accueillent des enfants chrétiens comme musulmans. Quelques soeurs occupent aussi les lieux, et organisent des activités caritatives à destination des populations démunies, sans distinction de religion.
Selon Jeries, un fidèle catholique responsable de l’organisation logistique de la paroisse, « les chrétiens et les musulmans vivent en bon terme dans la bande de Gaza. En tant que Palestiniens de Gaza (ils font) face aux mêmes problèmes ».

Dans l’enclave palestinienne, par le passé, les chrétiens ont subi plusieurs attaques marginales. En 2014, une église a été la cible d’une explosion, « revendiquée par un groupe lié à l’organisation Etat islamique » (5). Après la victoire du Hamas en 2006, le parti islamiste et le Fatah sont entrés en conflit pour le contrôle de l’enclave palestinienne. Une période anarchique souvent décrite comme une « mini guerre civile », qui a favorisé l’émergence de groupes djihadistes extrémistes dont l’idéologie se rapproche de l’Organisation Etat islamique.

Cependant, en 2007, le Hamas a finalement pris le pouvoir dans la bande côtière, dominant la ville politique jusqu’à aujourd’hui. Depuis, le parti a systématiquement condamné les attaques anti-chrétiennes. Pour le père Youssef, qui est originaire d’Egypte et qui officie à Gaza depuis plus d’un an, « les chrétiens entretiennent des bonnes relations avec le Hamas ». Une information confirmée par les quelques paroissiens interrogés sous l’anonymat.

Le père Youssef devant l'Église de la Sainte Famille. Crédit photo : Ines Gil
Le père Youssef devant l’Église de la Sainte Famille. Crédit photo : Ines Gil

En décembre 2017, lors de la cérémonie commémorant les 30 ans du parti islamiste, son leader, Ismaïl Haniyeh, remerciait la communauté chrétienne pour son implication pour la cause palestinienne, face à l’archevêque grec-orthodoce Alexios de Gaza, assis au premier rang. Si le Hamas considère la Palestine historique comme une « terre islamique », le parti a aussi un agenda national palestinien affirmé, puisqu’il « prône le djihad contre Israël » (6). Ainsi, il considère les chrétiens comme une minorité à protéger au sein de la nation palestinienne (7).

Crédit photo : Ines Gil
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Crédit photo : Ines Gil

Face à l’exil, la communauté chrétienne de Gaza vit ses dernières heures

Malgré cette politique de protection des minorités, la communauté chrétienne de Gaza diminue chaque année.
Dans l’enclave palestinienne, « on ne compte plus que 120 chrétiens de rite catholique » (8), et même s’il n’existe pas de recensement officiel, « au total, les chrétiens seraient un peu plus de 1 100 » affirme le père Youssef. Il y a encore une dizaine d’année, ils étaient plus de 3 000.

En principe, les chrétiens gazaouis peuvent quitter provisoirement la Bande de Gaza deux fois par an, pour se rendre dans les lieux saints à Jérusalem ou à Bethléem, à l’occasion des fêtes de Noël et de Pâques. Pour quitter Gaza, ils doivent obtenir une permission de l’armée israélienne. Ces dernières années, notamment avec la crise économique qui s’aggrave dans la bande côtière, de nombreux chrétiens ont profité de ces permissions pour s’installer en Cisjordanie. Le responsable logistique de l’Église de la Sainte Famille, Jeries, a lui-même un « frère installé à Bethléem (Cisjordanie). Il est parti de Gaza il y a quelques années, profitant d’une permission durant les fêtes chrétiennes. Il a ensuite attendu plusieurs mois avant d’être régularisé ».

Crise économique, situation sécuritaire, absence de solution politique et une société étouffée par le Hamas qui contrôle Gaza d’une main de fer : les Gazaouis, qu’ils soient chrétiens ou musulmans, quittent la Bande de Gaza pour les mêmes raisons. « Les chrétiens en ont seulement plus l’occasion » (9), grâce aux permis occasionnels délivrés par l’armée israélienne. La principale cause de départ serait néanmoins le chômage record dans l’enclave palestinienne (10). Il touche environ 50% de la population active, et 70% des 18-25 ans. Selon un fidèle interrogé, « ils cherchent tous à partir parce qu’il n’y a pas d’avenir à Gaza ».

Cependant, le nombre de permis accordés aux chrétiens de Gaza a été drastiquement réduit. Durant les dernières fêtes de Pâques, sur une communauté rassemblant environ 1 100 fidèles, seulement 300 permis ont été délivrés, en majorité à des enfants ou à des personnes âgées.

Crédit photo : Ines Gil
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Crédit photo : Ines Gil
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Crédit photo : Ines Gil

Notes :
(1) Sur une population totale de près de 2 millions de Gazaouis.
(2) Archevêque franciscain Pierbattista Pizzaballa, Patriarche latin de Jérusalem.
(3) Paroisse catholique latine de Gaza.
(4) Elle aussi située à Gaza City.
(5) https://www.lorientlejour.com/article/1108843/chretiens-de-la-bande-de-gaza-les-oublies-du-conflit.html
(6) “Fatah and Hamas and the issue of reconciliation”, Palestinian Academic Society for the Study of International Affairs, décembre 2013.
(7) https://blogs.mediapart.fr/edition/palestine/article/220914/chretiens-en-palestine-le-hamas-nous-protege
(8) Propos du Père Youssef.
(9) Fidèle chrétien interrogé.
(10) Depuis le 19ème sicèle, les chrétiens palestiniens quittent progressivement la Palestine, principalement poussés par les périodes de dégradation de la situation économique et d’incertitude politique : https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2008-3-page-59.htm

Publié le 04/06/2019


Ines Gil est Journaliste freelance basée à Beyrouth, Liban.
Elle a auparavant travaillé comme Journaliste pendant deux ans en Israël et dans les territoires palestiniens.
Diplômée d’un Master 2 Journalisme et enjeux internationaux, à Sciences Po Aix et à l’EJCAM, elle a effectué 6 mois de stage à LCI.
Auparavant, elle a travaillé en Irak comme Journaliste et a réalisé un Master en Relations Internationales à l’Université Saint-Joseph (Beyrouth, Liban). 
Elle a également réalisé un stage auprès d’Amnesty International, à Tel Aviv, durant 6 mois et a été Déléguée adjointe Moyen-Orient et Afrique du Nord à l’Institut Open Diplomacy de 2015 à 2016.


 


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