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Ines Gil, journaliste et rédactrice aux Clés du Moyen-Orient, s’est rendue au Kurdistan irakien en août 2017, dans le but d’aller à Mossoul. Elle revient, dans ce reportage photo, sur l’état de la ville, ainsi que sur les problématiques de reconstruction, suite à la libération de Mossoul.
En août 2017, je me suis rendue au Kurdistan irakien durant deux semaines. J’avais pour objectif d’aller à Mossoul pour constater l’état de la ville au lendemain de sa libération.
Le samedi 12 août, à cinq du matin, j’ai quitté Erbil pour Mossoul avec un autre journaliste français, une fixeuse nommée Lina, et notre chauffeur, Makeen. Après de multiples check-points, d’abord kurdes irakiens puis arabes irakiens, et près de trois heures de route, nous sommes arrivés à Mossoul Ouest. Nous avons été accueillis par la cinquième brigade de la police fédérale, notamment en charge de la sécurisation de la vieille ville de Mossoul. Nous séjournions dans une maison abandonnée, dans la partie Ouest de la ville. Escortés par la police fédérale, nous nous sommes rendus à deux reprises dans la vieille ville. A l’extérieur de cette zone totalement détruite, nous pouvions nous déplacer plus librement pour aller à la rencontre des Mossouliotes de retour à Mossoul. Le dimanche 13 août, en milieu d’après-midi, nous avons quitté Mossoul pour nous rendre dans le camp d’Hammam Al-Alil, où nous avons rencontré le personnel de l’ONU en charge de la gestion du camp. En début de soirée, après avoir passé quelques dizaines de check-points, nous étions de retour à Erbil.
Le 9 juillet dernier, le Premier ministre irakien, Haider Al-Abadi, annonce la reprise de Mossoul par les forces irakiennes. Seconde ville d’Irak et chef-lieu de la province de Ninive, Mossoul était sous le contrôle de l’Etat islamique depuis juin 2014. C’est depuis la Mosquée Al-Nouri, située dans la vieille ville de Mossoul, qu’Abou Bakr Al-Baghdadi avait proclamé le califat.
La guerre de libération contre la présence de l’Etat islamique dans la seconde ville d’Irak a débuté à la mi-octobre 2016. Elle opposait l’armée irakienne, la police irakienne, la force d’intervention rapide irakienne, une coalition internationale, mais aussi des milices, principalement chiites, à l’organisation Etat islamique.
La ville est séparée en deux par un fleuve, le Tigre, entre partie Est, plus moderne, et la partie Ouest, plus ancienne, qui renferme la vieille ville. Les forces irakiennes ont d’abord libéré la partie Est de la ville, et se sont arrêtées au niveau du Tigre, le 22 janvier. Un mois plus tard, l’offensive reprenait pour récupérer l’Ouest de Mossoul. Plus ancienne, cette partie de la ville comporte des petites rues et des maisons aux fondations fragiles. Les destructions, causées par les bombardements de la coalition internationales, mais aussi par les mines de l’Etat islamique, y ont donc été bien plus importantes.
Au lendemain de la reprise de la ville, les forces irakiennes font face à des défis de taille. La ville de Mossoul n’est pas encore sécurisée. Certaines zones n’ont pas été déminées, et les autorités craignent l’existence de cellules dormantes de l’EI. Avec le départ de l’armée, la sécurisation est d’autant plus problématique, car la police irakienne se partage le contrôle d’une partie de la ville avec Hachd Al-Chaabi, une coalition de milices chiites. La question du retour de la population pose aussi problème. La vieille ville est pour le moment inhabitable, et dans les restes de Mossoul Ouest, les habitants reviennent au compte goutte, parfois pour reconstruire eux-mêmes leurs maisons. Ils doivent faire face à l’absence d’eau et d’électricité, mais aussi aux défis de la réconciliation. A Mossoul, de nouvelles "batailles" ont donc commencé.
Dans la vieille ville de Mossoul, la plupart des bâtiments ont été détruits par les bombardements de la coalition internationale et les mines de l’Etat islamique. Canalisations pulvérisées, maisons éclatées, électricité manquante, cette partie de la ville est inhabitable. Au milieu des destructions, quelques objets du quotidien rappellent l’existence d’une vie maintenant révolue.
Le 21 juin dernier, alors que les forces irakiennes avancent lentement à Mossoul Ouest, l’Etat islamique fait exploser la mosquée Al-Nouri, dont il ne reste aujourd’hui presque que des cendres. C’était depuis cette mosquée qu’Abou Bakr Al-Baghdadi, le dirigeant de l’Etat islamique, avait proclamé le califat de l’EI le 29 juin 2014. Avant sa destruction par Daesh, sa possible reprise par les forces irakiennes était attendue comme le symbole d’une victoire inédite sur l’organisation terroriste.
Au cœur de la mosquée Al-Nouri, seuls quelques palmiers ont été épargnés par les bombes déposées par l’EI. Ces rares couleurs contrastent avec le lit de poussière grise qui s’est déposée sur la vieille ville.
Derrière quelques fils électriques débrayés, apparaissent les restes du minaret qui trônait autrefois fièrement au centre de la mosquée Al-Nouri. La mosquée de Mossoul était en partie connue pour ce minaret penché, nommé Al-Hadba (« La bossue »).
A côté d’un cratère apparemment formé par un bombardement de la coalition internationale, une voiture s’enfonce dans les débris. Mossoul Ouest, et particulièrement sa vieille ville, est devenu un cimetière géant de voitures.
Les commerces n’ont pas non plus été épargnés par les combats. Le coût économique de la guerre contre Daesh est considérable. En mai dernier, le ministère irakien du Plan a annoncé que la reconstruction des infrastructures et logements entrainerait un coût de 100 milliards de dollars. Début juillet 2017, un peu avant la reprise officielle de Mossoul, le Fonds monétaire International a approuvé un plan de financement pour l’Irak de 5,34 milliards de dollars.
Dans la vieille ville de Mossoul, les maisons éventrées cachent aussi des armes aveugles, des milliers de mines disposées par Daesh avant le départ de l’organisation terroriste. Fin juin dernier, les journalistes français Stephan Villeneuve et Véronique Robert, ainsi que le fixeur irakien Bakhtiyar Haddad ont été tués suite à l’explosion d’une mine disposée dans la vieille ville, à proximité de la mosquée Al-Nouri.
Un groupe de la police fédérale est spécialement dédié au déminage de la ville.
La ville de Mossoul est séparée entre deux parties, Ouest et Est, par le Tigre. Aux prémices de l’offensive sur Mossoul Est, la coalition internationale a détruit l’ensemble des ponts qui permettaient de joindre les deux bouts de la ville. Ces bombardements avaient pour but d’empêcher Daesh de se déplacer de l’Ouest vers l’Est. Aujourd’hui, tous les ponts ont été détruits. Les Mossouliotes ne peuvent se déplacer des deux côtés de la rive qu’en effectuant un détour de plusieurs heures. Les forces irakiennes ont installé un pont artificiel, mais les civils ne peuvent pas l’emprunter.
Un policier irakien surveille la partie de la vieille ville bordant le Tigre. A proximité, selon ces policiers, un tunnel utilisé par l’Etat islamique joindrait l’Est et l’Ouest de la ville, en passant sous le fleuve. Les autorités irakiennes affirment qu’il n’a encore été nettoyé et qu’il pourrait renfermer des combattants de l’EI. La police affirme que quelques jours plus tôt, quatre policiers ont été tués à Mossoul par des combattants de l’EI à leur sortie d’un tunnel. Ces derniers y étaient confinés depuis plusieurs semaines.
Le soleil se couche sur une Mossoul Ouest abandonnée. Mais le lendemain, à l’aube, une dizaine de Mossouliotes reviendront pour s’atteler à la reconstruction de leur maison. Quelques échafaudages et des piles de graviers laissent entrevoir les premières marques d’un chantier colossal à venir.
Ines Gil
Ines Gil est Journaliste freelance basée à Beyrouth, Liban.
Elle a auparavant travaillé comme Journaliste pendant deux ans en Israël et dans les territoires palestiniens.
Diplômée d’un Master 2 Journalisme et enjeux internationaux, à Sciences Po Aix et à l’EJCAM, elle a effectué 6 mois de stage à LCI.
Auparavant, elle a travaillé en Irak comme Journaliste et a réalisé un Master en Relations Internationales à l’Université Saint-Joseph (Beyrouth, Liban).
Elle a également réalisé un stage auprès d’Amnesty International, à Tel Aviv, durant 6 mois et a été Déléguée adjointe Moyen-Orient et Afrique du Nord à l’Institut Open Diplomacy de 2015 à 2016.
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