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Crédit photo : Gabriel Malek
Sertie de sa magnifique capitale Shirâz, le joyau qu’est la province du Fars est à bien des égards le cœur de la Perse historique. Le terme même désignant la langue officielle du pays, le farsi, en est dérivé.
Si le Fars est bien la terre d’origine des Persans, il ne faut pas oublier que ce peuple bien que dominant, ne représente que la moitié de la population ethnique de l’Iran actuel. Cette province, située au Sud-Ouest du pays est notamment le berceau de deux des plus grandes dynasties de la Perse préislamique. En effet, les lignées politiques des Achéménides (550 à 330 avant Jésus Christ) et des Sassanides (224-651) y ont été respectivement établies par Cyrus le Grand et Ardachîr Ier. Si le Fars reste longtemps un bastion de résistance face à l’invasion islamique de la Perse (637-751), la province à l’image de l’empire dans son ensemble finit par succomber aux armes arabes. Depuis lors, la province fondatrice a connu de nombreux changements d’allégeance politique en fonction des différentes dynasties ayant régné sur la Perse. Si elle perd sa centralité politique au profit d’Ispahan sous les Séfévides (1501-1736), de Machhad sous Nader Shah (1736-1747) et enfin de Téhéran depuis la dynastie Qâdjâr (1786-1925), le Fars garde son rang de cœur culturel de l’Empire.
Déjà célébrée par les voyageurs européens de l’époque moderne, la ville de Shirâz et ses alentours concentrent une large partie des monuments historiques de la Province dont elle est indéniablement la capitale culturelle. En effet, le Chevalier de Chardin y fait l’éloge du tombeau du fameux poète Hafez dès le XVIIème siècle (1). De même, le commerçant de la Compagnie des Indes, William Franklin, détaille avec admiration la beauté de Shirâz dans son récit de voyage en Orient (2). Si Shirâz soulève et nourrit dès le XVIIIème siècle l’imaginaire des Occidentaux, c’est en raison de sa beauté architecturale qui met en exergue sa riche histoire.
L’établissement des Palais achéménides à Persépolis, quelques soixante kilomètres au Nord de la ville actuelle, précède vraisemblablement une quelconque installation urbaine à Shirâz. Cependant, il est possible de retrouver dans les archives des traces de son édification dès l’époque des Sassanides. L’invasion militaire islamique du VIIème siècle qui précipite la ruine de l’ancienne capitale économique du Fars, Istakhr, permet de donner à Shirâz l’opportunité d’un essor tant politique que culturel. Shirâz devient alors un carrefour commercial d’importance en Perse et de nombreux habitants de la ville s’aventurent en Afrique de l’Est pour y fonder des comptoirs.
La richesse et la position stratégique de la capitale du Fars la désignent comme cible privilégiée des envahisseurs de la Perse. Le fameux guerrier turco-mongol Tamerlan (1336-1405) occupe par deux fois Shirâz en 1387 et 1393, et selon certaines archives, il y aurait érigé une montagne de tête pour soumettre les habitants. De même, lors de la conquête afghane de la Perse qui met à bas la dynastie safavide, Shirâz est mis à sac en 1724. La ville est ensuite reconquise par Nader Shah, avant de devenir en 1750 la capitale de la dynastie Zand. Durant la période Zand (1750-1794) de nombreux monuments y sont alors construits ou restaurés pour attester de la puissance politique de la ville. L’imposante citadelle de Karim Khan qui trône au centre de Shirâz fut par exemple érigée en 1766 sous le règne du premier souverain de la lignée Zand.
Durant la période des Pahlavi (1925-1979), de nombreux financements gouvernementaux prirent la direction de Shirâz dans un effort de célébration de l’identité perse du régime. En effet, le nationalisme iranien mis en place sous Reza Shah et continué par son fils repose sur le lien à la grande nation perse, en tête de laquelle l’empire Achéménide de Persépolis. Cependant depuis la Révolution de 1979, Shirâz a perdu le soutien de l’Etat car cette ville est perçue comme le symbole de la décadence iranienne. De fait, la ville du babisme et de l’invention du vin, célébrée pour son art par les grands poètes de la Perse ne correspond pas à la vision rigoriste développée durant les premières décennies de la République islamique. En conséquence, l’université de Shirâz ainsi que son centre médical, autrefois de renommée mondiale, accusent aujourd’hui le manque de financement du gouvernement et tombent en désuétude. En dépit de ce revers de fortune récent, la capitale du Fars recèle toujours un art de vivre et des monuments magnifiques, qui la désignent irrémédiablement comme le joyau culturel de l’Iran.
Le mausolée du fameux poète Hafez (1325-1390), originaire de Shirâz, est niché au sein d’un agréable jardin. Célébré pour ses vers lyriques qui mettent en lumière les mystères du soufisme et les plaisirs de la vie, l’image d’Hafez est irrémédiablement associée à celle de la capitale du Fars. Ce lieu de mémoire est visité par des Iraniens venus de toute la Perse en raison de l’importance de la poésie dans la culture du pays.
Les ruines de Persépolis ou Takht-e Jamshid en farsi soit « le trône de Jamshid » constituent un ensemble archéologique dont l’importance historique ne saurait être exagérée. Sa construction a commencé en 521 avant Jésus Christ sur ordre de Darius Ier qui avait pour ambition de bâtir une capitale pour célébrer la grandeur de l’empire achéménide. Jusqu’à l’invasion militaire du macédonien Alexandre le Grand en 331 avant Jésus Christ, la ville est progressivement agrandie par les empereurs Achéménides tel Xerxès. Bien que les ruines de l’ancien empire perse aient été visitées maintes fois depuis, c’est seulement au XVIIème siècle qu’elles furent identifiées comme étant celles de la capitale achéménide.
Les bas-reliefs de l’ancienne capitale achéménide sont particulièrement bien conservés et nous renseignent sur certains détails de la vie des habitants de cet empire. Il semble cependant que Persépolis ait été une capitale politique symbolique avant tout, où se concentraient les richesses artistiques de l’empire pour renforcer la légitimité du pouvoir en place et non une ville habitée à l’année. Il s’agissait donc d’un lieu de pouvoir où les représentants des trente peuples de l’empire venaient réitérer leur allégeance au Roi des Rois.
Cyrus le Grand (600 à 530 avant Jésus Christ), fils de Cambise Ier est un Grand Roi achéménide, considéré comme le fondateur de l’empire perse. Son règne est marqué par des conquêtes sans précèdent et une tolérance religieuse exemplaire. Le mausolée de Cyrus est érigé à quelques dizaines de kilomètres de Shirâz à Pasargades, on y accède par une longue allée fleurie. Dans une perspective historique, l’étude des écriteaux aux pieds de la tombe (en farsi puisque la traduction en anglais est mauvaise) est très intéressante. En effet, l’explication proposée démystifie certaines thèses de l’histoire occidentale comme le bien fondé de l’expédition d’Alexandre, considéré là-bas comme un pillard.
La mosquée rose ou Masjed-e Nasir -al-Molk est une merveille architecturale de la ville, construite à la fin du XIXème siècle. La particularité de l’usage du rose, couleur peu habituelle et souvent supplantée par le bleu, fait tout le charme de cette mosquée. Les magnifiques vitraux qui ornent l’aile gauche du bâtiment religieux révèlent leur beauté aux premiers rayons du soleil.
Cette photographie du centre-ville de Shirâz a été prise devant l’une des entrées du Bazar. L’animation joyeuse qui règne en début de soirée, propre à la culture iranienne, est d’autant plus palpable dans la capitale du Fars.
Le mur imposant de la forteresse de Karim Khan qui trône au cœur de Shirâz se dessine à l’arrière plan de cette photographie. Dans des cafés traditionnels du centre-ville, il est possible de boire des jus de fruits enivrants et de fumer la chicha tout en s’adonnant à des jeux de société typiques comme le Backgammon.
Notes :
(1) Jean Chardin, Journal du voiage du Chevalier Chardin en Perse, Paris, Daniel Horthemels, 1686.
(2) William Franklin, Voyage dans l’Inde et en Perse, Paris, Lavilette et compagnie, 1801.
Gabriel Malek
Gabriel Malek est étudiant en master d’histoire transnationale entre l’ENS et l’ENC, et au sein du master d’Affaires Publiques de Sciences Po. Son mémoire d’histoire porte sur : « Comment se construit l’image de despote oriental de Nader Shah au sein des représentations européennes du XVIIIème siècle ? ».
Il est également iranisant.
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(Article initialement publié le 5 octobre 2020)
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