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Parti Wafd et nationalisme égyptien

Par Lisa Romeo
Publié le 24/09/2010 • modifié le 02/03/2018 • Durée de lecture : 5 minutes

La formation du Wafd

La délégation Wafd est formée en novembre 1918 par le nationaliste et homme politique égyptien Saad Zaghloul (1860-1927) afin de participer à la conférence de Versailles où les puissances européennes négocient les accords de paix et déterminent le sort des anciennes provinces ottomanes. La délégation entend y défendre l’indépendance de l’Egypte. En effet, en 1914, les Britanniques qui occupent militairement l’Egypte depuis 1882, ont profité de l’entrée en guerre de l’Empire ottoman aux côtés des empires centraux pour asseoir leur pouvoir et pour y instaurer un protectorat, mettant ainsi fin au fragile lien qui unissait encore entre l’Empire Ottoman et l’Egypte.

Le 13 novembre 1918, la délégation rencontre sir Reginald Wingate, haut-commissaire britannique en Egypte, pour lui faire part de ses revendications. Mais ce dernier refuse de la laisser quitter l’Egypte pour négocier avec Londres et déclare que le pays n’est pas encore assez mûr politiquement pour se détacher de la tutelle britannique. En mars 1919, Saad Zaghloul et les principales personnalités de la délégation sont arrêtés et exilés à Malte. La colère du peuple égyptien est alors immédiate. D’importantes manifestations populaires éclatent dans l’ensemble du pays et s’attaquent à des symboles britanniques. Elles sont violemment réprimées par le général britannique Allenby et font des milliers de morts. Les autorités britanniques sont finalement contraintes de libérer les dirigeants du Wafd au mois d’avril. Mais au même moment, le protectorat britannique est officiellement reconnu par les puissances européennes réunies à Versailles. Les agitations populaires et les manifestations antibritanniques s’intensifient.

En juin 1920, des négociations débutent finalement à Londres entre le Wafd et le gouvernement britannique. Mais Zaghloul ne se satisfait pas des propositions anglaises et les négociations sont finalement rompues en novembre de la même année. En décembre 1921, Zaghloul est de nouveau arrêté et exilé. Le 21 février 1922, devant la pression populaire, le gouvernement anglais se dit finalement prêt à renoncer au protectorat sur l’Egypte et Fouad, pacha d’Egypte de 1917 à 1922 devient roi d’Egypte, sous le nom de Fouad Ier. Une Constitution est promulguée le 19 avril 1923. Toutefois, l’armée britannique reste sur le territoire et si le pouvoir exécutif revient au roi, la Grande-Bretagne se réserve le contrôle des voies de communication, la défense, la protection des intérêts étrangers et des minorités et continue à occuper le Soudan.

Les succès du parti sous Saad Zaghloul

L’écrasante victoire du Wafd lors des premières élections législatives de janvier 1924 illustre bien la popularité du parti de Saad Zaghloul dans les années 1920. Le parti, qui se veut laïc et libéral, obtient 195 des 214 sièges à la chambre et sa ligne directrice reste la lutte pour l’indépendance complète de l’Egypte. Le Wafd mobilise autour notamment de lui une bonne partie de la petite notabilité rurale et de la classe moyenne urbaine.

Rapidement, les succès électoraux du parti gênent le roi Fouad 1er qui dissout le gouvernement Wafd à plusieurs reprises et n’hésite pas à ignorer la Constitution et à gouverner par décrets. Le Wafd reste malgré tout un acteur essentiel de la vie politique égyptienne et les élections, quand elles ne sont pas truquées, lui donnent généralement la majorité, et ce, même après la mort en 1927 de son chef historique Zaghloul. A partir de ce moment, Nahhas Pacha reprend alors la direction du parti. Il forme un nouveau gouvernement le 1er janvier 1930.

Le Wafd et les Britanniques

Les Britanniques tirent profit de la concurrence entre le Wafd et la monarchie, quant au Wafd il réclame toujours le départ des Anglais. De nouvelles négociations ont lieu en 1930 mais aboutissent une nouvelle fois sur un échec. Les Britanniques laissent alors le roi dissoudre le gouvernement wafdiste et le pouvoir revient à Ismaïl Sidqi qui, avec le roi, rédige et promulgue une nouvelle Constitution qui contrôle mieux les partis politiques et renforce les pouvoirs du gouvernement et de la monarchie. Mais en 1935, la conquête de l’Ethiopie par les Italiens et leur politique d’hostilité contre les intérêts britanniques dans le monde arabe inquiètent les autorités britanniques qui souhaitent alors normaliser la situation en Egypte et favoriser l’élaboration d’un traité avec son gouvernement.

En décembre 1935, Fouad se montre favorable à la signature d’un traité mais il décède quelques mois plus tard, en avril 1936. C’est donc son fils Farouk, âgé de 16 ans, qui lui succède sur le trône. En mai, le Wafd gagne une nouvelle fois les élections législatives. Nahhas Pacha entame alors les négociations avec Londres et un traité est signé le 26 août. L’Egypte obtient son indépendance et entre, un an plus tard, à la Société des Nations. L’armée britannique continue cependant à stationner dans la zone du canal de Suez pour une durée de vingt ans et peut utiliser l’ensemble des voies de communications, ports et aéroports égyptiens en cas de guerre. La co-souveraineté exercée par la Grande-Bretagne sur le Soudan est également maintenue.

L’affaiblissement du parti

Farouk tente à son tour d’écarter le Wafd du pouvoir. Il essaye notamment de mettre en avant le caractère religieux de la monarchie égyptienne et gagne en popularité. Le Wafd est alors soumis à la critique et est accusé de corruption et de mollesse face aux Britanniques, encore très présents en Egypte. Le parti doit aussi faire face à ses divisions intérieures. Il est battu lors des élections de 1938 par les libéraux-constitutionnels.

La Seconde Guerre mondiale aggrave les tensions entre le gouvernement et le roi. Le roi entretient des relations avec l’Allemagne et le régime de Vichy, contre la volonté de la Grande-Bretagne, tandis que le gouvernement se montre plus favorable aux Britanniques. Ceux-ci imposent le retour du Wafd mais leur appui détériore fortement l’image du parti. Le mécontentement se fait notamment fortement ressentir dans les milieux militaires et le roi renvoie le Wafd en octobre 1944. L’après-guerre est suivi d’une forte instabilité politique. Les tensions sont exacerbées par la défaite arabe de 1948-1949 face à Israël, qui nuit fortement à l’image de la monarchie et des partis qui la soutiennent. Le Wafd apparait alors comme l’ultime recours politique et gagne les élections de 1950.

La situation continue néanmoins à se détériorer, les manifestations antibritanniques se multipliant et les symboles de la présence anglaise étant la cible d’attaques. En janvier 1952, le gouvernement wafdiste déclare la loi martiale et réprime les manifestations. Farouk suspend alors le Parlement. En juillet, les Officiers Libres prennent le pouvoir par un coup d’Etat et écartent définitivement la monarchie. Gamal Abdel Nasser met en place un parti unique et dissout un an plus tard le Wafd. Le parti renait finalement en 1978 sous la présidence de Sadate et prend le nom de néo-Wafd.

Bibliographie :
Vincent Cloarec, Henry Laurens, Le Moyen-Orient au XXè siècle, Paris, Armand Colin, 2005.
Alain Gresh, Dominique Vidal, Les 100 clés du Proche-Orient, Paris, Hachette Littératures, 2006.
Bernard Lugan, Histoire de l’Egypte des origines à nos jours, Paris, Editions du Rocher, 2002

Publié le 24/09/2010


Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.


 


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