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Par Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Publié le 15/07/2010 • modifié le 22/04/2020 • Durée de lecture : 5 minutes

File picture taken in 18 February 2004 shows a partial aerial view of Israel’s separation barrier which separate Israeli Arab village Baqaa al-Gharbiya (L) and the Palestinian village of Nazlat Issa in the West Bank (behind the wall).

AFP PHOTO/MENAHEM KAHANA

L’historique du mur

L’idée d’ériger un mur entre deux peuples n’est pas nouvelle dans l’histoire d’Israël. En 1923, l’idéologue du Likoud, Vladimir Jabotinsky, dont le rêve est de créer un Etat juif sur les deux rives du Jourdain, propose de construire une « muraille de fer » afin de protéger les juifs du « refus arabe ». Cette idée est également reprise à la suite de la guerre des six jours par Yigal Allon, ancien commandant de la Haganah et ministre du Travail sous le gouvernement de Levi Eshkol, dont le projet est de partager la Cisjordanie entre Israël et la Jordanie, et de mettre en place une « zone stratégique défensive » d’environ 10 km de large entre le Jourdain et les collines orientales de Cisjordanie. Si ce projet n’aboutit pas, en revanche, la construction de colonies, également prévue dans ce plan, est menée à bien. Par la suite, d’autres plans sont évoqués, mais n’aboutissent pas à une séparation entre Israéliens et Palestiniens. En septembre 1977, un plan proposé par Ariel Sharon, alors ministre de l’Agriculture, est adopté. Il concerne la construction de colonies juives en Cisjordanie, destinées à aider à la sécurité d’Israël. Dans les années 1990, Israël construit une barrière de sécurité autour de la Bande de Gaza.

Dès 1993, l’armée israélienne met en place en Cisjordanie et dans la bande de gaza des contrôles (check-points, barrages) afin de réduire les passages entre les Territoires occupés et Israël. La deuxième Intifada déclenchée en septembre 2000 voit le renforcement de ces dispositifs (blocs de ciment, construction de barrages de terre et creusement de tranchées). En 2001, le gouvernement Sharon décide d’étudier le projet de barrière entre Israël et la Cisjordanie, afin d’« empêcher l’infiltration des terroristes, interdire l’introduction clandestine d’armes et d’explosifs, protéger la vie des 6,7 millions de citoyens israéliens » [1].
Après plusieurs hésitations, et dans le contexte de recrudescence des attentats en Israël (entre 2000 et 2002, les attentats font 649 victimes israéliennes), le gouvernement Sharon décide finalement en avril 2002 de construire un mur en Cisjordanie. Les travaux débutent en juin 2002 et le 23 juin, le gouvernement israélien approuve officiellement la construction du mur.

Les caractéristiques du mur

Les travaux commencent par le nord de la Cisjordanie, et le premier tronçon est construit de Salem à Elkana (il passe par Salem, entre en Cisjordanie autour des colonies de Hinnanit, Shaked et Reihan, rejoint la Ligne verte à hauteur de Baka al-Gharbiya, descend jusqu’à Tulkarem où la barrière devient un mur, la ville palestinienne de Qalqiliya est quant à elle enfermée par un tronçon du mur, puis le mur englobe la colonie de Alfei Menashe, puis les colonies de Sha’are Tikva, Ez Efrayim et Elkana). En novembre 2002, à la suite d’un attentat ayant fait six morts et environ 40 blessés, le gouvernement Sharon donne son accord à la construction de la deuxième partie du tronçon nord, allant de Salem à Tirat Zvi. Ce tronçon, qui suit la ligne verte jusqu’au Jourdain, est achevé en 2004. La partie du mur allant d’Elkana à Jérusalem est ensuite construite, puis la partie allant de Jérusalem vers la vallée du Jourdain. Il est également prévu que le mur englobe les colonies juives de Cisjordanie, au nord ouest de la Cisjordanie (colonies de Kedumim, d’Ariel, de Beit Arye) et de Jérusalem (bloc de Givat Zeev, bloc de Maale Adoumin et bloc de Gush Etzion). Dans ces deux zones, certaines parties du mur sont construites, mais la majorité du tracé est seulement planifié et non encore construit. Près de Bethléem, le mur englobe la colonie de Betar Illit, puis suit globalement la Ligne verte. Un rapport de l’ONU de 2008 estime que 35 000 Palestiniens de Cisjordanie et 250 000 Palestiniens de Jérusalem-Est vivent entre la Ligne verte et le mur. Quant aux colons, environ 80 000 d’entre eux vivent à l’est du mur (en 2007).

En fonction de l’espace dont ils disposent, les Israéliens construisent soit une barrière soit un mur. Sur les 730 km de construction, il est prévu 95% de barrière et 5% de mur. La barrière est large de 50 à 60 mètres, et est composée, du côté palestinien par des rouleaux de barbelés, puis par un fossé « antivéhicules » de 2,50 mètres de profondeur et de 3 à 5 mètres de largeur, puis d’une route pour les patrouilles israéliennes, puis d’un grillage d’un hauteur de 3 mètres, puis d’une « piste de détection des incursions » large de 3 mètres et composée de sable fin, sur lequel sont visibles les moindres traces, puis d’une route et enfin d’une « piste anti-incursion ». Cette barrière est jalonnée de tours, de pylônes portant des caméras et de radars. Quant au mur, construit en béton, il borde Jérusalem et les villes palestiniennes de Qalqiliya et de Tulkarem, en raison du peu d’espace disponible pour construire une barrière.

Au final, le mur de 730 km suit la Ligne verte sur 20% de son parcours, la Ligne verte ayant une longueur de 315 km. Cela signifie que la majorité du tracé est en Cisjordanie et non le long de la ligne verte, et qu’il englobe les colonies.

Les Palestiniens et le mur

La construction du mur a pour conséquence l’annexion des terres palestiniennes, notamment des pâturages et des terres de culture (oliviers, citronniers, orangers) : la barrière annexe environ 12% des terres agricoles palestiniennes, riches en réserve d’eau et en puits. En outre, 45% des terres cultivables palestiniennes se trouvent de l’autre côté de la barrière, les Palestiniens devant demander l’autorisation à Israël de s’y rendre pour y travailler.

Régulièrement, les Palestiniens déposent des plaintes auprès de la Cour suprême israélienne afin de faire invalider le tracé du mur. « Au total, les plaintes et les pétitions n’ont permis de réduire que de 17% à 9% la part de la Cisjordanie confisquée par le tracé du mur de séparation » [2].

L’ONU et le mur

Le 9 juillet 2004, la Cour internationale de Justice rend son arrêt. Elle considère que la construction du mur est un « fait accompli » qui « entrave gravement l’exercice du droit à l’autodétermination du peuple palestinien et constitue par conséquent une violation de l’obligation d’Israël à respecter ce droit ». La cour ordonne à Israël de verser des indemnités aux Palestiniens touchés par la construction du mur et de rendre les terres utilisées pour sa construction. Si les Palestiniens se félicitent de cette décision, les Israéliens estiment en revanche que la Cour internationale de Justice n’a pas autorité pour régler cette question. Quant à l’Assemblée générale des Nations unies, elle vote le 20 juillet 2004 une résolution demandant, en conformité avec la décision de la Cour internationale de Justice, la destruction du mur et le paiement de réparations aux Palestiniens.

Bibliographie :
René BACKMANN, Un mur en Palestine, Gallimard, Paris, 2009, 330 pages.
Henry LAURENS, L’Orient arabe à l’heure américaine, de la guerre du Golfe à la guerre d’Irak, Hachette littérature, 2008, 452 pages.
Alexandra NOVOSSELOFF et Frank NEISSE, Des murs entre les hommes, La Documentation française, Paris, 2007, 211 pages.
Rapport de l’OMS :
http://www.ochaopt.org/documents/ocha_opt_special_focus_july_2010_english.pdf

Publié le 15/07/2010


Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.


 


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