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Par Amicie Duplaquet
Publié le 05/02/2016 • modifié le 22/04/2020 • Durée de lecture : 6 minutes

Tel Aviv : Israeli co-leader of the Zionist Union party and Labour Party’s leader, MP and HaTnuah party’s leader Tzipi Livni speaks during a joint press conference at the party headquarters in the Israeli coastal city of Tel Aviv on March 18, 2015 a day after the country’s general election.

AFP PHOTO / JACK GUEZ

Du Mossad à la politique

Tzipi Livni est née le 8 juillet 1958 à Tel Aviv dans une famille d’origine polonaise. Ses deux parents sont d’anciens membres de l’Irgourn, l’organisation paramilitaire, ultranationaliste et clandestine, qui œuvrait en Palestine mandataire. Son père, Eitan Livni, est aussi un membre du Likoud et a siégé à ce titre à la Knesset (1).

À la fin des années 1970, Tzipi Livni abandonne ses études de droit pour servir dans l’armée israélienne, où elle obtient le grade de lieutenant. Elle quitte l’armée deux ans plus tard et commence, en 1980, à travailler pour le Mossad, les services de renseignements extérieurs israéliens. Officiellement engagée en tant que conseillère juridique, Tzipi Livni est néanmoins envoyée en Europe, notamment à Paris où elle dirige une « safe house » - une maison sécurisée devant servir de base arrière ou de lieu de repli pour ses collègues en opération (2). Ces bases arrières sont particulièrement importantes dans les années 1980, au moment où la traque de certains politiciens – notamment de l’OLP – et scientifiques arabes vont bon train en Europe (3).

Bien qu’elle soit aujourd’hui relativement discrète sur ses antécédents au Mossad, Tzipi Livni confirme, lors d’un entretien à la radio militaire israélienne, avoir été en poste en Europe durant quatre ans (4). Elle quitte ses fonctions en 1984, au moment où elle épouse Naftali Spitzer, avec lequel elle a deux enfants. Elle rentre alors vivre en Israël, à Tel Aviv, et achève ses études de droit à l’université de Bar Ilan. Après l’obtention de son diplôme, elle exerce pendant quelques années en tant que juriste spécialisée en droit public et commercial.

Ce n’est qu’en 1996 que Tzipi Livni débute ses activités publiques, lorsqu’elle est nommée à la Direction de l’office des sociétés d’États. Elle est alors chargée de la privatisation des compagnies et des monopoles d’État. Durant la même période, Tzipi Livni s’engage en politique sous les couleurs du Likoud.

En 1999, elle est élue à la Knesset en tant que députée du Likoud, et participe à la Commission de la Constitution Droit et Justice, ainsi qu’à la Commission pour la promotion du statut de la femme. C’est aussi à ce moment que Tzipi Livni se rapproche d’Ariel Sharon, qui vient à l’époque de reprendre la direction du Likoud.

Du Likoud au centre

En 2001, Tzipi Livni est nommé ministre de la Coopération régionale au sein du nouveau gouvernement d’Ariel Sharon. Jusqu’en 2005, elle dirige successivement les ministères de l’Agriculture, du Logement, de la Justice et des Affaires étrangères.

Partageant l’évolution politique d’Ariel Sharon, qui se positionne de plus en plus à l’aile gauche de son parti, Tzipi Livni le soutient lorsque ce dernier engage son Plan de retrait unilatéral de Gaza (5). Alors que ce Plan est rejeté par la majorité des élus du Likoud, Tzipi Livni contribue à ce qu’il soit accepté par la Knesset, en jouant notamment un rôle d’intermédiaire entre les ailes droite et gauche du parti.

En décembre de la même année, Tzipi Livni quitte le Likoud pour rejoindre Ariel Sharon au sein du nouveau parti de centre droit qu’il vient de fonder : kadima. Lorsque Sharon est victime d’une attaque cérébrale quelques mois plus tard, Tzipi Livni dément les rumeurs selon lesquelles elle le remplacerait à la tête de Kadima. Elle est cependant positionnée en troisième place parmi les têtes de liste du parti pour les élections législatives de 2006, s’assurant ainsi d’avoir un siège dans le nouveau gouvernement. C’est donc sans grande surprise qu’elle est nommée, le 4 mai 2006, ministre des Affaires étrangères et vice-Premier ministre dans le gouvernement d’Ehud Olmert.

Peu de temps après ces élections, le gouvernement d’Ehud Olmert s’enlise dans la guerre israélo-libanaise et s’expose à de nombreuses critiques dénonçant, pour la plupart, sa mauvaise gestion du conflit. Tzipi Livni se désolidarise alors rapidement du Premier ministre et appelle à sa démission (6) suite à la publication, en avril 2007, d’une version intérimaire du rapport Winograd (7), qui expose les raisons de la défaite militaire israélienne au Liban. Ehud Olmert ignore de nombreux mois durant l’appel de Tzipi Livni à démissionner, mais finit par s’y résoudre en juillet 2008, après que d’autres affaires de corruption l’aient rattrapé.

En septembre 2008, Tzipi Livni remporte les élections internes à Kadima face à l’ancien ministre de la Défense Shaul Mofaz, et prend la direction du parti. En tant que nouvelle présidente de la majorité, le Président Shimon Peres lui demande, le 22 septembre, de former un nouveau gouvernement. Elle est alors pressentie comme pouvant devenir la deuxième femme Premier ministre en Israël, après Golda Meir. Toutefois, les tractations avec les différentes formations politiques nécessaires à la formation d’une coalition gouvernementale s’avèrent difficiles et Tzipi Livni échoue à présenter un nouveau gouvernement à la Knesset. Elle demande alors au Président Peres l’organisation d’élections législatives anticipées. Ces élections sont fixées en février 2009 (8), obligeant ainsi le Premier ministre Olmert à exercer par intérim jusqu’à cette date. Durant l’opération « plomb durci » Tzipi Livni apporte un soutien sans faille aux décisions d’Ehud Olmert, et ce malgré les critiques – notamment internationales (9) – que cette intervention militaire suscite.
En mars 2009, Tzipi Livni, qui est toujours à la tête du parti Kadima, se retrouve dans l’opposition après que Benjamin Netanyahou ait formé un nouveau gouvernement de droite, suite à la victoire du Likoud aux élections législatives. Tzipi Livni conserve toutefois son siège à la Knesset, en tant que députée de Kadima. En 2012, elle annonce subitement sa démission à la Knesset, ainsi que son intention de quitter le parti suite à la victoire de Shaul Mofaz lors des élections internes à Kadima (10).

Après six mois de retrait de la vie politique, Tzipi Livni réapparait en novembre 2012 à la tête d’un nouveau mouvement centriste : Hatnuah. Le programme de ce nouveau parti se positionne légèrement plus à gauche que Kadima, accordant en particulier une plus grande importance dans son programme aux mesures laïques. C’est à ce titre l’un des premiers partis à se positionner en faveur de la conscription militaire pour les ultras-orthodoxes (11).

Aux élections de janvier 2013, Hatnuah obtient six sièges à la Knesset, dont celui de Tzipi Livni. Elle est alors nommée ministre de la Justice dans le nouveau gouvernement de Benjamin Netanyahou. Avec Yaïr Lapid, le ministre des Finances, Tzipi Livni est la seule centriste dans ce gouvernement majoritairement composé d’élus de droite et l’extrême droite. Elle s’est opposée à différentes mesures de la majorité du Likoud, notamment un projet de loi, défendu par le Premier ministre Netanyahou, qui visait à définir Israël comme État Juif (12). Face aux critiques centristes venant de sa propre coalition, Netanyahou limoge, le 2 décembre 2014, les ministres Livni et Lapid, entraînant ainsi la dissolution de la Knesset et l’organisation d’élections anticipées (13).

L’Union sioniste, ou l’alliance de Tzipi Livni avec les travaillistes

Une semaine à peine après son renvoi du gouvernement, Tzipi Livni annonce l’alliance de son parti Hatnuah avec le parti travailliste d’Isaac Herzog dans une nouvelle coalition appelée « Union sioniste ». Cette alliance a pour objectif de faire barrage au Likoud de Netanyahou lors des élections anticipées fixées en mars 2015. Lors de l’annonce de leur union politique, Tzipi Livni déclare à ce titre que leur objectif est de créer un « multiplicateur de force qui permettra de changer le gouvernement de l’État d’Israël », dénonçant les « extrémistes qui sont en train de faire d’Israël un pays isolé » (14).

Le programme de l’Union sioniste s’attache à renverser cette tendance d’isolement international croissant auquel l’État hébreu fait face. Il prône notamment la reprise du dialogue avec l’Autorité palestinienne et le rétablissement d’un lien de confiance avec les États-Unis. Le volet travailliste de l’Union insiste aussi sur une dimension sociale et progressiste, militant notamment pour le mariage civil et homosexuel. Plus généralement, l’Union Livni-Herzog se présente durant toute la campagne comme étant la seule alternative à Benjamin Netanyahou dans un contexte de droitisation de la vie politique israélienne, cherchant ainsi à rallier les déçus de la politique de la coalition sortante.

Alors que le Likoud est, dès la fin de l’année 2014, annoncé comme favori dans les sondages, l’alliance l’Union sioniste rattrape rapidement le parti de Netanyahou. Jusqu’à la vieille des élections, les formations politiques sont restées au coude à coude dans les sondages, et parfois même à égalité (15).

À l’issue du vote du 17 mars, le Likoud remporte finalement la majorité sur l’Union sioniste, avec respectivement 30 et 24 sièges. Tzipi Livni est donc renvoyée dans l’opposition à la Knesset, où elle est membre du Comité sur la loi et la justice. Elle reste aussi à la tête du parti Hatnuah et de l’Union sioniste, codirigée avec Isaac Herzog.

Bien qu’entrée dans la vie politique israélienne depuis une dizaine d’années seulement, Tzipi Livni a donc réussi à s’imposer rapidement en tant que figure de la droite, puis du centre. Elle est aujourd’hui l’une des personnalités les plus influentes dans l’opposition à Benjamin Netanyahou.

Notes :
(1) http://www.medea.be/fr/themes/biographie/jkl/livni-tzipi/
(2) http://www.bakchich.info/international/2008/09/18/tzipi-livni-du-mossad-a-la-tete-du-gouvernement-53660
(3) http://www.courrierinternational.com/article/2008/06/03/le-lourd-passe-de-tzipi-livni
(4) http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20080729.OBS5104/tzipi-livni-reconnait-etre-un-ex-agent-du-mossad.html
(5) http://www.lapaixmaintenant.org/Le-Plan-de-retrait-de-Gaza
(6) http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20070502.OBS5085/israel-la-ministre-tzipi-livni-demande-a-ehoud-olmert-de-demissionner.html
(7) http://www.medea.be/fr/pays/israel/rapport-winograd/
(8) http://www.lefigaro.fr/international/2008/10/27/01003-20081027ARTFIG00226-tzipi-livni-demande-la-dissolution-de-la-knesset-.php
(9) http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2009/12/16/tzipi-livni-annule-sa-visite-a-londres-pour-eviter-un-mandat-d-arret_1281393_3218.html
(10) http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/03/28/israel-shaul-mofaz-va-diriger-le-parti-kadima_1676705_3218.html
(11) Les ultras-orthodoxes étaient, jusqu’en 2014, dispensés du service militaire.
(12) http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2014/11/26/97001-20141126FILWWW00335-israel-loi-pour-un-etat-juif-netanyahu-critique.php
(13) http://www.lemonde.fr/international/article/2014/12/02/en-israel-benyamin-netanyahou-renvoie-les-ministres-centristes-ouvrant-la-voie-a-des-elections-anticipees_4533090_3210.html
(14) http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/12/10/israel-livni-et-les-travaillistes-s-allient-contre-netanyahou_4538184_3218.html
(15) http://www.i24news.tv/fr/actu/israel/politique/62278-150225-elections-2015-le-likoud-et-l-union-sioniste-a-egalite-sondage

Publié le 05/02/2016


Amicie Duplaquet est étudiante à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon, en Master Coopération et développement au Maghreb et Moyen-Orient. Après avoir suivi des cours de sciences politiques à l’université de Birzeit, en Cisjordanie, elle a réalisé un mémoire sur les conséquences du printemps arabe sur la stratégie israélienne et prépare une thèse sur le même sujet à l’Institut Français de Géopolitique. 


 


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