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Les relations RDA/Israël

Par Dominique Trimbur
Publié le 15/06/2016 • modifié le 08/03/2018 • Durée de lecture : 13 minutes

A picture taken in Luxembourg on September 11, 1952 shows German Chancellor and Foreign Minister Konrad Adenauer signing the Israel-Bonn Claims Pact at the Luxembourg City Hall. West German and Israel signed agreements whereby the Bonn government attempts to compensate Jewish victims of nazi persecution.

AFP PHOTO / INP

Dans une certaine mesure, sinon dans une large mesure, notre titre revêt un caractère inapproprié : de fait, il n’y a jamais eu de relations entre la RDA et Israël. Il s’agit donc bel et bien d’une non-relation, comme vont le décrire les pages à suivre. Historiquement la description est tentante : il s’agit d’un chapitre terminé de l’histoire, avec une chronique qui a déjà largement été écrite, la bibliographie disponible étant désormais conséquente, même si peu de choses existent en français (1). La mémoire en est toutefois encore complexe et vive, avec une certaine actualité : certains reliquats de cet épisode continuent de perdurer aujourd’hui, notamment en lien avec le règlement encore en cours de spoliations anciennes, avec des cas de double-spoliation, lorsque la RDA s’était approprié des biens qui avaient été spoliés du temps des nazis, avec encore et toujours retour sur ces cas non résolus. Est-ce là une simple annexe à l’histoire des relations RFA/Israël ? Une sorte de miroir, de face sombre d’un épisode plus serein, celui des relations entre l’Allemagne fédérale et l’Etat juif ? Dans tous les cas, le fait qu’il n’ait jamais existé de relations entre la RDA et Israël n’empêche pas l’existence de faits liés à ce non-rapport, notamment en lien avec la question des réparations qui auraient pu être accordées par l’Allemagne de l’Est, au titre d’une indemnisation pour les persécutions perpétrés à l’encontre des Juifs par l’Allemagne nazie. C’est cela qui va servir d’articulation au développement.

Le temps de la Seconde Guerre mondiale et ses lendemains

Dans une perspective humaniste, des personnalités communistes, juives et non-juives, exilées pour la plupart, se prononcent du temps de la Seconde Guerre mondiale en faveur de dédommagements à accorder aux Juifs pour les préjudices subis du fait de l’antisémitisme officiel de l’Allemagne nazie. Si l’on n’est alors pas au fait de la mesure réelle prise par l’extermination systématique, la base de la réflexion prend en compte les mesures d’exclusion, d’expropriation et de persécution, avec le souci de rétablir la justice et ainsi le dialogue avec des concitoyens harcelés pour leur religion. Ce souci est poursuivi après 1945, même si l’ampleur du massacre, progressivement dévoilée, montre que les événements récents sont sans commune mesure avec les persécutions passées. Et l’on a alors conscience que les personnes ayant pu émigrer à temps ne reviendront pas en Allemagne, et qu’il s’agira donc de les indemniser où qu’elles soient, en particulier en Palestine, dénomination de ce qui n’est pas encore Israël, lieu d’accueil de centaines de milliers de Juifs allemands, puis autrichiens, ayant dû fuir l’Allemagne nazie en laissant derrière eux une partie importante de leurs biens.

Après 1945, l’Est de l’Allemagne devient la zone d’occupation soviétique. Outre la reprise d’idées de réparations aux Juifs pris isolément, on favorise la création d’un Etat juif, aux termes du vote de partition de l’ONU (29 novembre 1947), au titre du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, juste aboutissement d’un mouvement d’émancipation nationale dirigé contre une puissance impérialiste, en l’occurrence la Grande-Bretagne. Mais l’Etat juif, proclamé en mai 1948 et immédiatement reconnu par l’URSS, ne semble pas pouvoir être le bénéficiaire des intentions réparatrices. Au fur et à mesure, l’humanisme et la solidarité des débuts s’effacent pour céder la place à une attitude bien plus dure envers le nouvel Etat. La RDA s’aligne alors sur le modèle soviétique, où la faveur initiale est rapidement oubliée : à l’antisémitisme officiel (lutte contre le cosmopolitisme et éviction de responsables considérés comme « agents sionistes ») s’ajoute en parallèle une défiance envers Israël, désormais considéré comme une tête de pont occidentale au Moyen-Orient, ennemi d’Etats arabes qui entrent peu à peu dans le giron du bloc communiste. Placé devant ce ressentiment, Israël adopte une position pro-occidentale au moment de la guerre de Corée (1950-1953) : la Guerre froide est désormais une réalité au Moyen-Orient, et la jeune RDA, créée en octobre 1949, s’aligne, adoptant une « indifférence inamicale » envers Israël.

Sur le papier, Berlin-Est est destinataire de notes qu’Israël adresse aux puissances d’occupations en Allemagne, exigeant au tournant des années 1940-1950 des réparations de la part de toute l’Allemagne, RFA et RDA. Alors que Bonn répond in fine et s’engage dans une politique de réparations, s’adressant aux Juifs de par le monde et à Israël (« accord de réparations » du 10 septembre 1952), la RDA oppose un mur de silence à toute revendication israélienne. Bien plus, les tractations entre la RFA et Israël sont considérées comme des négociations entre capitalistes, et la RDA se considère comme une vraie « nouvelle Allemagne », sans lien avec le passé nazi, comme une Allemagne antifasciste par excellence, à la différence de Bonn qu’on imagine noyauté par les anciens nazis.

Opposant une fin de non-recevoir aux exigences israéliennes (la RDA devrait couvrir le tiers des réparations exigées, soit 500 millions de dollars au titre de la note israélienne du 12 mars 1951), Berlin-Est maintient son refus lors d’ultimes tentatives de contact, au milieu des années 1950. Par un mémorandum en date du 28 décembre 1955, la RDA annonce avoir fait son travail de réparation, par l’épuration qu’elle a menée en son sein et par le soutien apporté à toutes les victimes du nazisme, en particulier les Juifs. Une rhétorique de pure propagande, dans la mesure où l’épuration demeure limitée et où des dédommagements n’ont jusque-là guère été à l’ordre du jour.

Le blocage est-allemand porte sur la question des réparations. Durable, il empêche tout contact entre la RDA et Israël, et a fortiori toute relation entre les deux pays. Alors que des relations entre Israël et l’Autriche sont établies en 1956, sans que des réparations aient été envisagées par Vienne, officiellement « première victime du national-socialisme ».

Mutisme de la RDA

Au Moyen-Orient, dans le contexte de la Guerre froide, Berlin-Est, allié de l’URSS, choisit ses alliés. En vertu de l’adage « les ennemis de mes amis sont mes ennemis », Israël est ennemi de la RDA, les Etats arabes en étant les amis, avec des régimes issus de coups d’Etat d’obédience révolutionnaire, et dans tous les cas « progressistes », à la différence d’un Etat juif issu du sionisme, taxé de nationalisme, de chauvinisme bourgeois et d’exploitation du monde ouvrier. Berlin-Est énonce alors des principes qui guident son attitude à l’égard de l’Etat juif. En RDA, toute incitation à la haine raciale est poursuivie, elle n’a donc pas à faire plus en payant des réparations et ne peut en aucun cas être considérée comme responsable du passé allemand. Elle s’aligne sur la politique pro-arabe de l’URSS et de ses satellites, une politique anti-israélienne poursuivie après la mort de Staline. Voulant obtenir une reconnaissance internationale, elle s’efforce d’obtenir des relations avec les Etats arabes, en luttant contre la « doctrine Hallstein » en vigueur à Bonn (2). L’intérêt d’un rapprochement avec les Etats arabes est politique ; il est aussi économique, avec le souci de garantir l’approvisionnement en pétrole, et d’éviter toute obligation financière envers l’Etat juif si a contrario un rapprochement devait s’effectuer avec lui.

Le blocage est-allemand, qui confine à l’hostilité, est naturellement pointé du doigt par les autorités israéliennes. Pour Ben Gourion, s’il faut parler d’une nouvelle Allemagne, d’une autre Allemagne, celle-ci se trouve à Bonn. C’est Bonn qui a accepté le principe de réparations au bénéfice des Juifs, et c’est la RFA qui fournit à ce titre depuis 1953 des marchandises à Israël d’une part, et verse des dédommagements aux individus juifs d’autre part, en application de l’accord de réparations du 10 septembre 1952.

Berlin-Est poursuit sa dénonciation de la RFA dont elle pointe une maîtrise pas si parfaite du passé nazi, à la différence de la RDA. La tribune du procès Eichmann, qui se tient à Jérusalem en 1961, est l’occasion de répéter les accusations de noyautage de l’Allemagne de l’Ouest par d’anciens nazis, au plus haut niveau. Un avocat est-allemand y tient des conférences de presse en parallèle au procès pour dénoncer la présence, aux côtés immédiats du Chancelier fédéral Adenauer, d’un juriste ayant produit un accompagnement juridique pour les lois de Nuremberg de 1935, consécration de l’officialisation de l’antisémitisme du Troisième Reich. Le tableau dressé à cette occasion d’une RDA idéale, épurée de tout ancien nazi, est éminemment fallacieux ; et Israël ne s’y trompe pas, qui continue de se fier plus à la RFA qu’à la RDA. La RDA sait aussi alimenter l’antisémitisme sur le territoire ouest-allemand, afin de déprécier son image : des incidents antisémites en RFA, au début des années 1960, ont pour certains des origines est-allemandes.

De son côté, la RDA poursuit son soutien aux plus ardents ennemis de l’Etat juif, principalement l’Egypte, qui reçoit le responsable est-allemand Walter Ulbricht en grande pompe en février 1965. Des livraisons d’armes sont effectuées, des experts techniques envoyés (avec le souci de ne déléguer aucune personne d’origine juive), Berlin-Est condamne Israël comme Etat agresseur, une accusation renforcée après juin 1967 et l’occupation des territoires palestiniens. Voyant en Israël un « avant-poste du capital monopolistique », Berlin-Est accorde un plein soutien à l’OLP : soutien financier à Yasser Arafat, livraisons d’armes aux groupes palestiniens (aussi après la tragédie de Munich, de septembre 1972), établissement de relations quasi diplomatiques avec l’OLP.

Dans ce qui est désormais de plus en plus un conflit israélo-palestinien, Berlin-Est est sur une position d’extrême fermeté : Israël doit se retirer des territoires, reconnaître le droit des Palestiniens à disposer d’eux-mêmes, ainsi que reconnaître l’intégrité et la souveraineté de tous les Etats de la région, sans aucun droit à des attaques préventives au nom de sa sécurité, comme cela a été le cas en juin 1967.

La logique est poussée plus loin au moment où la RDA entre à l’ONU, le 18 septembre 1973. Berlin-Est utilise la tribune de cette organisation internationale ou le tiers-mondisme bat son plein (on est à deux ans de la résolution de l’Assemblée général assimilant le sionisme à une forme de racisme) pour exiger d’Israël des réparations visant à compenser ses exactions dans les territoires palestiniens. Elle y dénonce également le caractère selon elle artificiel de l’Etat juif. Et elle rejette toute exigence de réparations individuelles, reprises par la Conference on Jewish Material Claims Against Germany (Claims Conference) (3).

Dans le même temps, cette radicalité de façade s’accompagne d’avancées. Une prise en charge de l’héritage allemand, aussi national-socialiste, paraît désormais envisageable ; et des contacts secrets existent entre une organisation privée est-allemande et la Claims. En novembre 1976 un chèque de 1 million de dollars est adressé à la Claims ; mais ce geste est refusé, puisque sans aucune mesure avec les chiffres annoncés deux décennies plus tôt. Par ces avancées, la RDA a en tête ce qui sera plus concrètement au programme dans la décennie suivante : agir en faveur des Juifs pour s’attirer les bonnes grâces des Etats-Unis.

Années 1980 : reprise, occasionnelle ou opportuniste

Les années 1980 confortent cette tendance à une meilleure volonté est-allemande envers les Juifs, et éventuellement Israël par rebond. Réorientation ? Revirement ? Après une « nouvelle Guerre froide » au début des années 1980 (crise des euromissiles), ce choix semble d’une part s’imposer en lien avec la détente qui suit l’arrivée au pouvoir de Mikhail Gorbatchev, en 1985 : la perestroïka est d’abord soviétique, elle se diffuse ensuite au reste du bloc communiste. Dans notre domaine, cela vaut en particulier pour les relations avec Israël, avec l’amélioration des relations Moscou/Tel Aviv, et la libéralisation concernant le sort des Juifs soviétiques candidats à l’émigration. Israël est alors pris en compte comme un élément clé pour régler enfin le conflit moyen-oriental, l’opposition frontale n’ayant guère mené à autre chose qu’à l’impasse, avec de plus, à partir de décembre 1987, le début de la première intifada, qui ranime la confrontation israélo-palestinienne. Pour la RDA, envisager un contact avec Israël, c’est par contrecoup également aller dans le sens d’un contact avec la diaspora, avec forcément le retour de la question de dédommagements, non réglée jusque-là.

A bout de souffle, la RDA et ses responsables souhaitent redorer leur blason. Erich Honecker, ayant obtenu une visite officielle en RFA en 1987, souhaiterait obtenir la consécration d’une telle visite d’Etat aux USA. Il joue alors sur deux tableaux. Afin de concrétiser cette idée, il imagine qu’un rapprochement passe par une amélioration des contacts avec de grandes organisations juives, essentiellement américaines, dont il imagine qu’elles constituent le meilleur relais pour entrer en contact avec les plus hautes autorités américaines. En l’occurrence, Honecker s’inscrit dans la même logique que celle qui avait guidé Adenauer au début des années 1950, qui avait considéré que de bonnes relations avec Washington passaient par de bons rapports avec les organisations juives, et vice versa. Dans la deuxième moitié des années 1980, la RDA veut se montrer comme la meilleure Allemagne, au moment où des bourdes sont commises par le chancelier Helmut Kohl (4). A cette fin, dans le cadre plus général d’une nouvelle politique mémorielle (5), elle se penche sur sa petite communauté juive et engage des travaux de restauration d’un patrimoine cultuel juif qui n’avait pas été restauré depuis la Nuit de Cristal de 1938 : des travaux sont ainsi engagés pour la restauration de la grande synagogue de l’Oranienburgerstrasse, à Berlin. Honecker reçoit des responsables juifs est-allemands et ouest-allemands. Il entre aussi en contact avec des hauts responsables juifs américains, comme Israel Miller, président de la Claims Conference (23 juin 1987), et surtout Edgar Bronfman, président du Congrès juif mondial, en octobre suivant. De telles visites constituent bien évidemment une grande avancée dans le sens de la reconnaissance de la RDA par la diaspora, les deux institutions en question pouvant être considérées comme particulièrement représentatives. Au cours de ces conversations, le droit à l’existence d’Israël est reconnu par Berlin-Est. Dans un premier temps, la question des réparations n’apparaît qu’en filigrane, le chiffre de 100 millions de dollars apparaissant dans la presse comme montant que la RDA serait prête à accorder.

L’année suivante, en 1988, Berlin-Est organise une commémoration conséquente des 50 ans de la Nuit de Cristal. Dans le cadre de sa préparation, Edgar Bronfman est à nouveau invité par les dirigeants est-allemands. Tandis que la RDA affirme assumer une partie de la responsabilité allemande dans la Shoah, la question de dédommagements est-allemands est également à l’ordre du jour, à la satisfaction de Bronfman. Mais l’objectif est-allemand est clair : Bronfman s’engage à s’entremettre pour concrétiser le vœu de Honecker d’une invitation officielle par les Etats-Unis. La commémoration donne lieu à une séance solennelle du parlement est-allemand, en présence de Honecker et des responsables des communautés juives est- et ouest-allemandes, séance très réussie à la différence de la manifestation concomitante ouest-allemande, marquée par une polémique suscitée par un discours maladroit du président du Bundestag.

Au bout du compte toutefois, hormis la visite en Israël d’un secrétaire d’Etat est-allemand, rien n’aboutit : Honecker ne peut se rendre à Washington en visite officielle, l’Allemagne de l’Est n’accorde pas de dédommagements aux Juifs, les relations avec Israël ne sont pas établies, Berlin-Est demeure en retrait par rapport au mouvement de libéralisation qui marque l’année suivante d’autres pays du bloc communiste.

Il faut attendre la chute du mur de Berlin (9 novembre 1989), pour que les nouveaux responsables est-allemands entament des démarches concrètes. La marche de l’Histoire s’impose à une RDA désormais démocratique mais qui vit ses derniers mois. Le processus d’unification s’imposant inéluctablement, les accords passés par la RFA vont désormais s’appliquer à l’ensemble du territoire allemand, incluant la RDA. Sous le coup des circonstances, les nouveaux responsables multiplient les déclarations. On affirme la volonté d’un rapprochement avec Israël, qui doit passer par des pourparlers et l’évocation de la question des dédommagements, même si la question palestinienne demeure dans les esprits des mêmes nouveaux dirigeants. Et la RDA s’engage à livrer à Israël des documents issus de ses archives concernant la Shoah. Au début 1990, des rumeurs existent quant à des pourparlers relatifs à l’établissement de relations diplomatiques : en février, le quotidien communiste Neues Deutschland évoque de lui-même la question de telles relations, même si l’on y précise la difficulté liée au poids du passé dramatique, et le frein dû à la politique israélienne, qui viole les droits des Palestiniens.

Le 8 février 1990, Hans Modrow franchit un pas important en adressant une lettre ouverte au gouvernement israélien et à Edgar Bronfman, qui reprend et annule les deux principaux points d’achoppement des décennies précédentes : assomption de la responsabilité historique de la RDA dans les persécutions antisémites menées au nom de l’Allemagne, et disposition à dédommager les anciennes victimes juives des dites persécutions. Certes, le pas est tardif et velléitaire, mais il est une façon pour la RDA de sortir de l’Histoire dans l’honneur. Effet d’annonce, il est reçu de la sorte par les interlocuteurs juifs et israéliens, qui sentent que de toute façon la RDA n’aura bientôt plus son mot à dire.

Des gestes symboliques marquent les derniers mois de l’existence de la RDA et son (non-) rapport à Israël : instauration de rencontres sportives, coopération entre l’Université hébraïque de Jérusalem et l’université Humboldt de Berlin-Est. Tandis la Volkskammer, le Parlement est-allemand, se fend d’une déclaration d’excuses envers les Juifs, le 12 avril 1990, après les premières élections législatives démocratiques de RDA, qui en sont également les dernières. Cette déclaration va au-delà des textes précédents, dénonçant les mensonges et les hypocrisies est-allemands des décennies passées : des réparations y sont également annoncées, première étape en vue de l’établissement de relations diplomatiques entre la RDA et Israël. Un versement (très) symbolique est effectué à la fin avril.

Tout aussi symboliquement, les deux présidentes des Parlements allemands respectifs se rendent en visite commune en Israël à la fin juin 1990. Un programme est énoncé par le dernier Premier ministre est-allemand, Lothar de Maizière, et des pourparlers se tiennent à Copenhague dans la foulée : des représentants est-allemands et israéliens s’entendent sur l’échange de lettres de créance, sans installation d’ambassades respectives. Les annonces de réparations est-allemandes, reçues avec méfiance par Bonn qui y voit des déclarations d’intention n’engageant que la RDA, sont en effet sans suite. Le 24 septembre, un traité interallemand scelle la réunification, sans que le sujet ait été réglé, et sans que des relations RDA-Israël aient été établies. Après le 3 octobre 1990 et la réunification, il revient à la RFA, désignation toujours actuelle de l’Allemagne unifiée, de payer pour ce que la RDA n’a jamais consenti à réaliser. Les relations entre la RFA et Israël, établies en 1965, valent désormais pour l’ensemble du territoire allemand, ancienne RDA comprise.

A lire également de Dominique Trimbur : Les relations RFA/Israël de 1945 à nos jours

Notes :
(1) Cf. notamment Angelika Timm, Hammer, Zirkel, Davidstern : das gestörte Verhältnis der DDR zu Zionismus und Staat Israel, Bonn, Bouvier, 1997 ; et plus récemment Oren Osterer, « Anatomy of a Non-Relationship : Israel and the German Democratic Republic », in Münchner Beiträge zur jüdischen Geschichte und Kultur, 7/1,2013, p. 46-54. En français, notre article : « L’attitude de la R.D.A. face au problème de la réparation aux juifs », in Revue d’Allemagne, XXVI (4), octobre-décembre 1994, pp. 591-607.
(2) La doctrine Hallstein, énoncée en octobre 1955, pousse la RFA à rompre les relations diplomatiques avec tout Etat ayant reconnu la RDA, au nom du refus de la division de l’Allemagne : tout Etat reconnaissant la RDA entérinerait au contraire cette division, alors que Bonn ne concède aucune existence juridique à l’autre Etat allemand.
(3) Consortium d’organisations juives créé en octobre 1951, dans l’objectif de coordonner les revendications adressées à la République fédérale dans le domaine des dédommagements individuels ; de leur côté les dédommagements collectifs sont portés par l’Etat d’Israël. Les négociations qui ont lieu en 1952 comportent ainsi ces deux volets ; et l’accord de réparations de septembre 1952 reflète également ce double aspect.
(4) C’est notamment en 1985 sa visite du cimetière militaire de Bitburg en compagnie du président américain Ronald Reagan, et un hommage indirect à des soldats de la Waffen SS inhumés là.
(5) Avec un retour aux fondamentaux de l’histoire allemande : bicentenaire de la mort du roi de Prusse Frédéric II en 1986, célébration des 750 ans de Berlin en 1987.

Publié le 15/06/2016


Dominique Trimbur est historien des relations germano-israéliennes et de la présence européenne en Palestine-Israël, et chercheur associé au Centre de Recherche Français à Jérusalem.
Il est l’auteur de nombreux articles et de plusieurs ouvrages : De la Shoah à la réconciliation ? – La question des relations RFA-Israël (1949-1956), Paris, CNRS-éditions, 2000 ; De Bonaparte à Balfour – La France, l’Europe occidentale et la Palestine, 1799–1917, Paris, CNRS éditions, 2001 (dir., avec Ran Aaronsohn ; 2ème édition : 2008) ; Une École française à Jérusalem – De l’École pratique d’Études bibliques des Dominicains à l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem, Paris, Ed. du Cerf, 2002 ; Entre rayonnement et réciprocité - Contributions à l’histoire de la diplomatie culturelle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002 ; Europäer in der Levante – Zwischen Politik, Wissenschaft und Religion (19.-20. Jahrhundert) - Des Européens au Levant - Entre politique, science et religion (XIXe–XXe siècles), Munich, Oldenbourg, 2004 (Pariser Historische Studien 53) ; De Balfour à Ben Gourion – Les puissances européennes et la Palestine, 1917-1948 (dir., avec Ran Aaronsohn, Paris, CNRS éditions, 2008) ; Europa und Palästina 1799—1948 : Religion – Politik – Gesellschaft/Europe and Palestine 1799—1948 : Religion – Politics – Society (dir., avec Barbara Haider-Wilson, Vienne, Académie autrichienne des sciences, 2010).


 


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