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Dans ce dossier, nous étudierons deux problématiques actuelles concernant les migrations. Après avoir défini les termes en usages, nous étudierons tout d’abord les migrations du Proche-Orient, puis, nous regarderons la situation au Maghreb, point de passage entre l’Afrique subsaharienne et l’Europe.
Toutes les migrations ne sont pas contraintes. Il faut distinguer plusieurs types de migrations. Il y a tout d’abord les migrations volontaires, comme lors d’une expatriation pour le travail par exemple. L’Organisation internationale pour les migrations définit le migrant international comme un individu qui « déplace sa résidence habituelle d’un pays à l’autre, pour une durée plus ou moins longue, et pour des raisons qui ne sont pas liées aux loisirs, aux vacances, aux affaires, au pèlerinage, à la santé. »
Dans ces migrants internationaux sont compris les réfugiés. « L’article 1 de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés définit un réfugié comme une personne qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité ou dans lequel elle a sa résidence habituelle, et qui du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social déterminé ou de ses opinions politiques craint avec raison d’être persécutée et ne peut se réclamer de la protection de ce pays ou en raison de ladite crainte ne peut y retourner » (Haut-commissariat pour les réfugiés des Nations unies, UNHCR) (1). Ce sont les réfugiés internationaux dont parle la presse en ce moment.
Dans les migrations internationales ne sont, par définition, pas comptabilisés les déplacés internes. « Contrairement aux réfugiés, les déplacés internes n’ont pas traversé de frontière internationale pour chercher asile dans un autre pays. Ils sont restés dans leur pays. Même s’ils ont fui pour des raisons similaires à celles des réfugiés (conflit armé, violence généralisée, violations des droits humains), les déplacés internes demeurent légalement sous la protection de leur propre gouvernement, ce gouvernement constituant parfois lui-même la cause de leur fuite. En tant que citoyens, les déplacés internes conservent l’ensemble de leurs droits, dont celui à la protection en vertu des droits humains et des principes du droit international humanitaire » (UNHCR) (2). Toutefois, il nous a semblé important de prendre en compte leurs déplacements dans ce sujet.
Les chiffres indiquent que les migrations Sud-Sud sont plus nombreuses que les migrations Sud-Nord. La Banque mondiale indique dans un rapport paru le 18 décembre 2015 : « En 2013, plus de 38 % des migrants internationaux ont migré d’un pays en développement vers un autre, alors que 34 % ont quitté un pays en développement pour s’installer dans un pays développé. Les dix premiers pays d’immigration sont les États-Unis, l’Arabie saoudite, l’Allemagne, la Russie, les Émirats arabes unis (EAU), le Royaume-Uni, la France, le Canada, l’Espagne et l’Australie. » (3)
La Banque mondiale précise qu’en 2014, au niveau du globe, « on recensait 14,4 millions de réfugiés (à l’exclusion des 5,1 millions de réfugiés palestiniens), qui représentaient 6 % des migrants internationaux. Environ 86 % des réfugiés étaient accueillis par des pays en développement. La Turquie, le Pakistan, le Liban, l’Iran, l’Éthiopie, la Jordanie, le Kenya, le Tchad et l’Ouganda étaient les principaux pays d’accueil en 2014. En revanche, le nombre de réfugiés dans les pays développés s’élevait à seulement 1,6 million » (4).
Tableau : principaux pays hôtes de réfugiés en 2015
Pays | Nombre de réfugiés accueillis |
---|---|
Turquie | 2,5 millions |
Pakistan | 1,6 million |
Liban | 1,1 million |
Iran | 979 400 |
Ethiopie | 736 100 |
Jordanie | 664 100 |
Source : UNHCR, aperçu statistique, 20 juin 2016 (5)
Citons à nouveau le rapport de la Banque mondiale : « Le nombre de migrants originaires de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord s’élevait [en 2013] à 23,9 millions d’individus, dont près de 38 % vivaient dans des pays de l’OCDE et à environ 31 % dans des pays de la région. La Cisjordanie et Gaza, la Syrie, l’Égypte, le Maroc et l’Iraq étaient les principaux pays d’origine des migrants. La région a accueilli 11,7 millions d’immigrés, venus principalement de la Jordanie, de l’Iran, du Liban, de la Syrie et de la Libye. Les envois de fonds vers la région ont atteint 52 milliards de dollars en 2015. Les pays à revenu élevé du Conseil de coopération du Golfe, à savoir Bahreïn, le Koweït, Oman, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, ont observé ces dernières années une augmentation importante des flux migratoires, principalement en provenance d’Asie du Sud-Est » (6).
Le conflit en Syrie et l’expansion de l’Etat islamique ont poussé plus de 11 millions de Syriens à partir de chez eux. La majorité est restée en Syrie et est allée vivre dans des camps ou chez des proches ; 4,6 millions ont franchi les frontières pour se réfugier à l’étranger. Il faut noter que la majorité des réfugiés qui fuient le conflit syrien, les frappes du régime et les exactions de l’Etat islamique, se dirigent vers les pays voisins de la Syrie et de l’Irak, et non pas vers l’Europe (7).
La situation actuelle dans le monde arabo-musulman a également pour conséquence de provoquer des mouvements de réfugiés et de déplacés internes au Yémen, en Libye et en Irak. Le total des migrations irakiennes, syriennes et yéménites correspond à 30 % des déplacements mondiaux en 2015. De plus, notons que sur l’ensemble de la région, la part des déplacés internes est plus importante que la part des réfugiés internationaux, qu’il s’agisse de l’Irak, du Yémen, de la Libye ou de la Syrie.
Tableau 1 : les déplacés internes en provenance des zones de conflit au Maghreb et en Afrique du Nord en 2015
Pays d’origine | 2015 | Observations |
---|---|---|
Syrie | 6,5 millions | Source UNHCR |
Irak | 3,3 millions | De janvier 2014 à mai 2015 Source UNHCR |
Yémen | 2,5 millions | Source UNHCR |
Libye | 435 000 | Source UNHCR |
Tableau 2 : les réfugiés internationaux en provenance des zones de conflit au Maghreb et en Afrique du Nord 2015/2016
Pays d’origine | 2015 | 2016 | Observations |
---|---|---|---|
Syrie | 4,6 millions | Source UNHCR | |
Irak | 222 000 | Source UNHCR | |
Yémen | 170 000 | Source UNHCR | |
Libye | 100 000 | Source UNHCR | |
Territoires palestiniens | 5 750 000 | Source UNWRA |
Tableau 3 : les demandes d’asile syriennes dans les pays développés de l’OCDE, janvier-octobre 2016 / 2015
Pays d’asile | Jan-Oct 2016 | Jan-Oct 2015 | Total 2015 |
---|---|---|---|
Union européenne (28) | 279 566 | 276 212 | 362 690 |
Europe (38) | 282 292 | 289 341 | 380 311 |
Canada/USA | 1 419 | 1 347 | 1 694 |
Japon/Corée du Sud | 95 | 275 | 409 |
Australie/Nouvelle-Zélande | 23 | 80 | 99 |
Total (44 Etats ont reçu une demande d’asile de la part de réfugiés syriens) | 283 829 | 291 043 | 382 513 |
Source : UNHCR, Monthly Data January-October 2016, consulté en février 2017
Pour une analyse comparative juste, le HCR a comparé les chiffres de janvier à octobre 2015 et de janvier à octobre 2016, les chiffres pour novembre et décembre 2016 n’étant pas encore sortis. Toutefois, le HCR a également indiqué les chiffres totaux de l’année 2015 complète.
De ces trois tableaux, l’on peut tirer l’analyse suivante. En 2015 donc, selon le HCR, le conflit syrien a provoqué le déplacement à l’intérieur de la Syrie de 6,5 millions d’individus (cf tableau 1), et l’exil international de 4,6 millions d’entre eux (cf tableau 2). Il est intéressant de constater que, de ces 4,6 millions de réfugié syriens, 362 690 (cf tableau 3) ont fait une demande d’asile dans un Etat de l’Union européenne. Certes, tous les réfugiés arrivant en Europe ne font pas une demande d’asile, mais l’écart entre 4,6 millions de réfugiés syriens et 362 690 demandes d’asile est malgré tout conséquent.
En 2015, toutes nationalités confondues, l’Europe a vu arriver sur son territoire 1 million d’individus (8). Le HCR estime que la même année, il y avait dans le monde plus de 65 millions de réfugiés (9). Cette différence importante illustre le fait que la majorité des réfugiés se rend dans un Etat voisin de celui qu’ils quittent. Or, les Etats voisins sont relativement pauvres en comparaison des pays membres de l’OCDE, et l’accueil des réfugiés y bouleverse les fragiles équilibres économiques et sociaux.
Lire la partie 2 : Les migrations dans le monde arabe (2/2)
Notes :
(1) http://www.unhcr.ch/fr/services/questions-reponses/refugies.html
(2) http://www.unhcr.org/fr/personnes-deplacees-internes.html
(3) http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2015/12/18/international-migrants-and-remittances-continue-to-grow-as-people-search-for-better-opportunities-new-report-finds
(4) http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2015/12/18/international-migrants-and-remittances-continue-to-grow-as-people-search-for-better-opportunities-new-report-finds
(5) http://www.unhcr.org/fr/apercu-statistique.html
(6) http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2015/12/18/international-migrants-and-remittances-continue-to-grow-as-people-search-for-better-opportunities-new-report-finds
(7) http://www.unhcr.org/fr/publications/fundraising/5784f0350/rapport-global-2015-hcr-moyen-orient-afrique-nord.html
(8) http://www.lefigaro.fr/international/2015/12/30/01003-20151230ARTFIG00161-un-million-de-refugies-ont-traverse-la-mediterranee-en-2015.php
(9) http://www.unhcr.org/fr/apercu-statistique.html
Oriane Huchon
Oriane Huchon est diplômée d’une double licence histoire-anglais de la Sorbonne, d’un master de géopolitique de l’Université Paris 1 et de l’École normale supérieure. Elle étudie actuellement l’arabe littéral et syro-libanais à l’I.N.A.L.C.O. Son stage de fin d’études dans une mission militaire à l’étranger lui a permis de mener des travaux de recherche sur les questions d’armement et sur les enjeux français à l’étranger.
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