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Massoud Barzani est aujourd’hui président du Kurdistan d’Irak, seule région du pays à jouir d’un statut de région fédérale, qui se rapproche le plus d’un Etat indépendant dans l’histoire des Kurdes. Il joue un rôle de premier plan dans la politique intérieure irakienne, comme en novembre 2010 lors de la résolution de la crise politique qui avait laissé l’Irak sans gouvernement pendant huit mois. Massoud Barzani est également un acteur régional incontournable, par son rôle de médiateur entre les Etats de la région et les mouvements d’oppositions kurdes. Il semble que ce rôle soit susceptible de grandir, en raison des troubles que le retrait américain d’Irak peut laisser craindre, et de la centralité grandissante du facteur kurde dans la politique régionale.
Massoud Barzani est également le chef du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), parti identifié à l’histoire de sa famille et en particulier à l’histoire de son père, Mollah Mustafa Barzani, figure importante de l’histoire et des imaginaires nationalistes kurdes. La tradition combattante des Barzani trouve sa source dans la longue histoire d’une famille de religieux dont le destin est indissociable de celui des Kurdes depuis le début du XXe siècle. Pour le comprendre, remontons à sa source, dans le Kurdistan en crise de la fin de l’Empire ottoman.
Au début du XIXe siècle, conscients de la supériorité grandissante de l’Europe, touchés par des pertes territoriales et des revendications nationales minoritaires, les sultans de Constantinople tentent de réformer leur Empire. Pour enrayer le déclin, il faut imiter l’Europe en centralisant et en rationalisant l’appareil administratif, mettre fin aux privilèges, aux statuts particuliers et à l’emprise des hiérarchies traditionnelles. Etablis dans une zone tampon aux confins de l’Empire perse, les Kurdes, placés sous une domination ottomane longtemps théorique, sont loin de Constantinople : le pays kurde, bien qu’il soit parfois administré directement, est pour la plus grande part divisé en émirats et structuré socialement par des liens de solidarité tribaux dans lesquels les confréries soufies jouent un rôle essentiel. Dans ce Kurdistan traditionnel vont bientôt se distinguer les Barzani.
Leur nom provient de leur région d’origine, Barzan, située au nord de l’Irak actuel. Ils descendent d’une lignée de religieux d’importance mineure dont le destin change avec la diffusion dans le Kurdistan ottoman de la branche khalidi de la tarîqa soufie Naqshbandiyya, dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Son grand promoteur est Malwana Khalid Bagdadi dont Cheikh Taj ad Din Barzani devient le représentant. En adhérant à cette nouvelle branche du soufisme, il sort son clan de l’obscurité et offre à sa postérité la base de son futur rôle historique. En effet, partout où ils ont établi leur autorité, du Daghestan russe à la Malaisie, les cheikhs naqshbandi ont joué un rôle historique. Leur légitimité est religieuse mais ils revendiquent une fonction de nature politique, afin de prendre la tête des mouvements de contestation populaire ou pour résister aux menées des Empires contre les populations placées sous leur autorité. A partir de cheikh Taj ad Din, les cheikh de Barzan se placent dans cette tradition. Investis d’une autorité religieuse ancienne mais renforcée par leur adhésion à la Naqshbandiyya, ils deviennent des acteurs « politiques » en fournissant une échappatoire aux paysans non-tribaux des régions avoisinantes. Ces derniers souffrent en effet d’un système tribal hiérarchique qui fonctionne en leur défaveur et trouvent auprès des Barzani une alternative à leur condition. En conséquence, les Barzani s’attirent l’hostilité des chefs tribaux traditionnels voisins avec lesquels ils demeurent en conflit.
A la fin du XIX ème siècle, les Barzani n’échappent pas en outre aux conflits récurrents qui opposent les élites traditionnelles kurdes à un pouvoir ottoman déterminé à imposer la centralisation. C’est dans ce contexte qu’éclate la révolte de cheikh Mohamed Barzani. Réussissant à rallier de nombreux adeptes, ce dernier marche sur Mossoul avant d’être capturé et exécuté en 1903 par les Ottomans. Ses fils poursuivent cette tradition de révolte mais c’est après la révolution de 1908 que leur rôle politique s’accroit. En effet, à cette époque, le nouveau régime ottoman pousse à un degré supérieur la logique de centralisation et de rationalisation administrative. Le fils de Mohamed, Abdou Salam II, né aux alentours de 1885, reprend le flambeau de la révolte dès 1909 mais il ne s’agit plus uniquement pour lui de défendre ses privilèges traditionnels face à un Etat qui cherche à se renforcer. En effet, la jonction est en train de s’opérer entre les chefs tribaux et les nationalistes kurdes occidentalisés d’Istanbul. Abdou Salam est finalement pendu en 1914 par les Ottomans. Son frère, Ahmed, né après 1895, reprend le flambeau. A la suite de la Première Guerre mondiale et de la chute de l’Empire ottoman, la région de Barzan est placée sous mandat britannique. Ahmed se trouve confronté à la domination que tentent d’établir les arabes sunnites irakiens de Bagdad sur les régions kurdes du nord avec le soutien de la Grande-Bretagne. Son opposition politique à l’Etat irakien naissant se double en outre d’une dimension religieuse. En plus des Kurdes musulmans influencés par le soufisme nakchibandi, la région de Barzan est peuplée de chrétiens orientaux et d’un nombre important de Juifs kurdes. C’est dans ce contexte de pluralité religieuse que cheikh Ahmed et ses partisans diffusent un culte nouveau : celui de cheikh Ahmed lui-même. Dans une logique radicalement étrangère à la tradition islamique, il est présenté par ses partisans comme l’incarnation de Dieu et de son prophète. Ce nouveau culte inquiète les familles religieuses voisines, garantes de l’orthodoxie islamique de Bagdad qui voit dans ces excentricités religieuses une subversion intolérable. A partir de 1931, cheikh Ahmed se trouve aussi confronté à l’hostilité de la Turquie républicaine pour avoir soutenu une révolte kurde ayant éclaté derrière la nouvelle frontière qui la sépare de l’Irak. Il doit également résister à Bagdad qui souhaite exercer son autorité jusqu’à cette dernière et qui bénéficie du soutien des Britanniques. Des raids de la RAF sont alors menés contre les positions de cheikh Ahmed et l’obligent à se rendre aux Turcs en 1932. Il est alors exilé et placé en résidence surveillée.
Malgré l’exil et la défaite, les troubles se poursuivent après 1932. Libéré par les Turcs à la fin de cette même année, Mustafa, le frère d’Ahmed, reprend immédiatement le combat contre l’Etat irakien. Défait à son tour, il est finalement exilé dans la ville kurde-irakienne de Souleimania en 1936. En 1943, pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que l’Irak traverse une période de trouble, il s’évade. Ralliant Barzan, il reprend la lutte contre les Irakiens. Ces derniers jouent à nouveau des rivalités tribales et le contraignent à la fuite en Iran. En 1945, les Barzani passent la frontière iranienne et se réfugient auprès des dirigeants de la République de Mahabad. Ce petit territoire kurde sécessionniste dirigé par Qazi Mahamed, héritier lui aussi d’une famille de religieux rebelles, est soutenu par les Soviétiques contre l’Iran dont ils sont encore à ce moment puissance occupante. Mollah Mustafa y est promu général et apporte le concours de ses hommes à la défense de la république kurde qui a déclaré son indépendance en décembre. S’il se distingue par sa résistance aux troupes iraniennes, il ne peut empêcher leur victoire après l’abandon de Mahabad par les Soviétiques qui se retirent d’Iran en mai 1946 selon les termes des accords de Yalta.
En août de la même année, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) est fondé clandestinement à Bagdad à initiative de Barzani. La république de Mahabad tombe cependant en décembre et son président, Qazi Mohamed, est exécuté en public par les Iraniens. Négociant d’abord avec Téhéran au début de 1947, Mollah Mustafa et sa tribu reprennent le combat et finissent par rallier l’Irak. Malgré les garanties données par Bagdad, les officiers de Barzani sont exécutés et l’exil apparaît à Mustafa comme une nécessité. L’Iran et la Turquie lui étant interdits, Mollah Mustafa fuit avec ses hommes vers l’Union soviétique, séparée de la Turquie par le fleuve Araxe. Sous le feu des Turcs, des Irakiens et des Iraniens, il atteint la République socialiste d’Arménie en 1947. Obtenant l’assistance des Soviétiques, les Barzani sont d’abord confiés au parti communiste d’Azerbaijan. Des différends ne tardent cependant pas à opposer son dirigeant à Mollah Mustafa qui est déplacé avec les siens en Ouzbékistan. Séparés les uns des autres, les Barzani sont traités sans égards par les Soviétiques et contraints à de durs travaux avant que les plaintes de Mollah Mustafa ne conduisent, après la mort de Staline, les autorités de l’URSS à subvenir aux besoins de la tribu kurde perdue en Asie Centrale et à Moscou.
Suite au coup d’état d’Abdel Karim Kassim contre la monarchie hachémite d’Irak en 1958, Mollah Mustafa et ses fidèles sont invités à quitter leur exil soviétique par le nouveau pouvoir républicain. D’obédience socialiste, Kassim voit d’abord Barzani comme un allié potentiel, en mesure de consolider son pouvoir en Irak. Cependant les tensions s’accroissent entre les deux hommes à mesure que Barzani reprend le contrôle du PDK et des régions kurdes tout en affirmant ses volontés d’autonomie. Des affrontements armés entre les hommes de Barzani et l’armée irakienne éclatent et Mollah Mustafa sollicite le soutien des Etats-Unis contre Bagdad. Il finit par entrer en rapport avec les ennemis de Kassim, les Baasistes et les Nasséristes qui prennent le pouvoir suite à un coup d’Etat en février 1963. La situation de conflit latent ou ouvert avec Bagdad ne prend pas fin pour autant. Les affrontements entrecoupés de trêves et de tractations se poursuivent mais le Kurdistan échappe structurellement à l’autorité du pouvoir central tandis que Mollah Mustafa assure sa mainmise sur le PDK. Ce parti hybride, socialiste et fondé par l’héritier d’une famille religieuse traditionnelle, se polarise. Son courant traditionnel se structure autour de Mollah Mustafa tandis que son aile progressiste se rassemble autour d’un leader rival, Talabani (aujourd’hui président d’Irak). Les partisans de ce dernier sont exclu du parti et se refugient en Iran en 1964.
Bénéficiant d’une emprise morale ou militaire sur une région ayant longtemps échappé à l’autorité de l’Etat central, le soutien de Mollah Mustafa ou son absence d’opposition est recherché à chaque changement de régime. Des arrangements sont alors trouvés, des garanties sont apportées aux Kurdes mais très vite dénoncées une fois les nouveaux dirigeants de Bagdad assurés de leurs positions. Ce processus accroit les tensions entre les deux parties et peut déboucher sur la guerre avec, souvent, l’intervention de puissances étrangères. Ce fut notamment le cas lors de la révolution de 1958, lors du coup d’état de 1963 et lors du coup d’état baasiste de 1968 qui aboutit deux ans plus tard à l’arrivée de Saddam Hussein au pouvoir. Malgré l’accord de paix signé en mars 1970 avec Bagdad prévoyant une reconnaissance des Kurdes comme composante à part entière de l’Irak, les relations se tendent. Mollah Mustafa recherche et obtient le soutien de l’Iran, d’Israël et des Etats-Unis qui craignent que l’Irak baasiste ne tombe sous la coupe de Moscou dans le contexte de guerre froide. Le Kurdistan d’Irak, qui a conservé son autonomie avec le soutien de ses puissants alliés, entre en guerre en avril 1974 suite à une agression de Bagdad. Les baasistes parviennent cependant à un accord avec l’Iran lors du sommet de l’OPEP tenu à Alger en mars 1974. Barzani est abandonné par son voisin avec l’approbation des Etats-Unis. Défait par Saddam Hussein, il fuit vers l’Iran, s’établit à Téhéran d’où il réalise qu’il n’a été qu’un instrument temporaire de la diplomatie américaine menée par Henry Kissinger. Il quitte cependant l’Iran pour les Etats-Unis où il meurt d’un cancer du poumon le 1er mars 1979.
Bien que contesté de son vivant au sein même de son parti, Mollah Mustafa Barzani est une figure du nationalisme kurde. Son histoire est celle d’un chef religieux, d’un chef de guerre et d’un chef de clan qui, ayant embrassé la cause de son peuple, se bat sur tous les fronts, sans alliés autres que de circonstances. Né en guerre, mort en exil, son destin exceptionnel fait de lui un mythe dont ses descendants doivent assumer le difficile héritage.
Ses fils, Idriss et Massoud, issus de deux mariages et donc de deux alliances tribales différentes, appartiennent à la deuxième génération des enfants de Mollah Mustafa. Idriss, né en 1944, est d’abord promis à la succession de son père. Dès les années 1973-1975, il occupe son premier poste de commandement militaire. Né en 1946, Massoud obtint quant à lui la haute main sur les services de renseignement kurdes, les Parastin, à partir du début des années 1970. L’un comme l’autre servent à leurs pères d’envoyés lors de missions diplomatiques auprès de responsables étrangers et de Bagdad. Après la défaite de 1975, ils prennent la tête de la révolte kurde, Massoud devenant président du PDK en 1975. Il est l’actuel président du Kurdistan d’Irak. C’est avec ses fils que Mollah Mustafa prend les décisions importantes lors des moments de crise qui aboutiront à sa chute.
La mort de Mollah Mustafa ne met pas fin aux actions de Bagdad contre les Barzani. En 1983, 8000 membres du clan, soit la quasi-totalité des hommes, sont arrêtés. A partir de 1988, la campagne d’Anfal menée par Bagdad contre les Kurdes après la guerre Iran-Irak vise en priorité les zones associées au clan. A la même période, Idriss meurt. C’est seulement en 1991, à la suite de l’établissement de la zone de sécurité aérienne par la communauté internationale que les Barzani peuvent rentrer en Irak. Ils créent alors, à partir de rien, une ville appelée Selaheddin qui héberge leur clan. Identifiés au PDK, les Barzani participent à la guerre civile qui les oppose à l’UPK de l’opposant historique de Mollah Mustafa, Jalal Talabani. Parvenant finalement à la paix, les Barzani organisent le partage des ressources avec leurs rivaux, légitimant leur précellence sur l’ensemble du territoire kurde d’Irak. Les Barzani s’affirment notamment comme les protecteurs des minorités, comme les promoteurs des intellectuels et après 2003, comme les garants d’une « expérience démocratique » propre au Kurdistan. En 2011, ils sont toujours en position de force au Kurdistan irakien.
Président de la région kurde depuis Juin 2005, Massoud Barzani joue un rôle de premier plan aussi bien en Irak que dans la région. Malgré les contestations auxquelles le PDK a pu se trouver confronter à la fin de l’hiver 2010 dans le sillage des printemps arabes, la domination des Barzani sur le Kurdistan d’Irak ne semble pas prête de cesser. A Massoud devrait en effet succéder Nechirvan, né en 1966, son neveu et le fils d’Idris. Premier ministre de la région autonome kurde de 2006 à 2009, très présent dans les affaires, il jouit d’une certaine popularité, l’opinion publique voyant en lui l’un des responsables du développement économique du Kurdistan irakien. Tout l’enjeu pour les Barzani est, dans un Moyen-Orient en mutation, de ne pas allier leur caractère dynastique à une pratique par trop autoritaire du pouvoir tout en restant attentifs à la frustration sociale grandissante qui touche la population de la région autonome kurde.
Voir également sur les Kurdes :
– LES KURDES. PREMIÈRE PARTIE : DE LA CONQUÊTE MUSULMANE AU DÉBUT DU XIXE SIÈCLE
– LES KURDES. DEUXIÈME PARTIE : DE LA FIN DU XVIIIE SIÈCLE À 1914, LE CHOC DE LA MODERNITÉ
– LES KURDES, TROISIÈME PARTIE. DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE À 2003 : RÊVE(S) D’INDÉPENDANCE(S)
Bibliographie :
– Saywan Barzani, Le Kurdistan d’Irak : 1918-2008, Paris, L’Harmattan, 2009.
– Hamit Bozarslan, Conflit kurde – Le Brasier oublié du Moyen-Orient, Paris, Autrement, 2009.
– Hamit Bozarslan, « Les Kurdes d’Irak : un conflit en recomposition » in Outre-Terre 2006/1 n°14.
– Chris Kutschera, Le Mouvement national kurde, Paris, Flammarion, 1979.
– David McDowall, A Modern history of the Kurds, Londres, L.B. Tauris, 2003.
Allan Kaval
Journaliste, Allan Kaval travaille sur les politiques intérieures et extérieures de la Turquie et de l’Iran ainsi que sur l’histoire du nationalisme et des identités minoritaires au Moyen-Orient.
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