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Le programme nucléaire iranien et la portée du droit à l’enrichissement d’uranium

Par Etienne Jaboeuf
Publié le 23/09/2014 • modifié le 14/03/2018 • Durée de lecture : 13 minutes

A combo of recent file pictures shows Iranian President Mahmud Ahmadinejad ® during a press conference in Tehran 24 April 2006 and his US counterpart George W. Bush at the Oval Office of the White House in Washington, DC. 03 May 2006. Ahmadinejad has written a letter to the US president, which is to be handed to the Swiss embassy, to

AFP PHOTO/PAUL J. RICHARDS & BEHROUZ MEHRI

La République islamique d’Iran est revenue au centre de la lutte contre la prolifération nucléaire dans un Moyen-Orient déstabilisé et rongé par une brutalité inédite.
Depuis 2002, les grandes puissances sanctionnent l’Iran, qu’elles soupçonnent de chercher à se doter de l’arme nucléaire, en violation de ses obligations nées du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) du 1er juillet 1968.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive constitue la clé de voûte de la politique des Etats-Unis au Moyen-Orient. En 2003, l’administration néoconservatrice de George W. Bush (2001-2009) a renversé manu militari la dictature baasiste de Saddam Hussein, prétextant de ses soupçons sur l’existence d’un programme d’armes de destruction massive clandestin en Irak. Ces soupçons se sont révélés mensongers après l’invasion du pays. La remarquable stabilité du régime baasiste, certes peu fréquentable, a cédé la place à un chaos total où de multiples factions rivales s’affrontent, sans aucun contrôle possible de la communauté internationale.

Si les Etats-Unis, Israël et, plus récemment, l’Europe accusent régulièrement en chœur la République islamique de développer un programme nucléaire militaire, la tentation de l’ancienne Administration Bush de lui substituer un régime ami est aujourd’hui devenue impossible. L’Iran, principale puissance régionale et premier pays chiite de la planète, compte près de 80 millions d’habitants et fait preuve d’une stabilité politique inégalée depuis la Révolution de 1979 ; la République islamique a survécu à la contestation inédite contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad (2005-2013) en 2009, contrairement aux dictatures égyptienne ou yéménite, facilement emportées par le Printemps arabe de 2011. Pis, l’embargo international, s’il a mis l’économie iranienne à genoux, n’a pas empêché le développement du programme nucléaire iranien. L’Iran disposait de 160 centrifugeuses en 2003 contre 20 000 en 2013, dont 9 000 sont à présent en activité.
La décennie passée démontre que la stabilité de la région exige une approche particulièrement prudente à l’égard de la République islamique. Outre son influence incontestable auprès des 60% de chiites irakiens, elle entretient une proximité historique avec le régime syrien de Bachar Al-Assad, le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien.

Néanmoins, l’obsession actuelle des grandes puissances sur les aspects militaires du programme nucléaire de l’Iran tait dangereusement son droit à un programme civil reconnu par le TNP et sur lequel il s’appuie pour faire évoluer son mix énergétique et anticiper la fin du tout pétrole. En 2012, la part du nucléaire ne représentait guère que 0,1% de l’énergie produite dans le pays, contre 60% pour le gaz naturel et 38,3% pour le pétrole. 95% de l’électricité sont produits par des centrales thermiques. L’Iran possède les premières réserves mondiales de gaz naturel avec près de 18% et les quatrièmes réserves mondiales de pétrole avec 9,4%, alors même que la vétusté de ses installations pétrolières cause une baisse de sa production d’hydrocarbures (-15% entre 2011 et 2012).

Dans ce contexte, la crise du nucléaire iranien semble avoir révélé les limites du TNP (II). Ce traité constitue la principale source du cadre juridique international de la lutte contre la prolifération nucléaire (I).

I. Le Traité sur la Non-Prolifération des Armes Nucléaires du 1er juillet 1968

Le TNP vise à prévenir la prolifération nucléaire (A). La pratique en a révélé les limites (B).

A. La lettre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires

Le TNP du 1er juillet 1968 vise à éviter la diffusion de l’arme nucléaire. La prolifération nucléaire prend deux formes. D’une part, la prolifération horizontale est l’acquisition de l’arme nucléaire par de nouveaux acteurs. D’autre part, la prolifération verticale est la mise au point de nouvelles armes nucléaires ou le perfectionnement des technologies existantes.
Au terme du TNP, les « Etats dotés d’armes nucléaires » (EDAN) sont les pays qui ont fait exploser une bombe nucléaire avant le 1er janvier 1967, c’est-à-dire les Etats-Unis, l’Union soviétique, la France et le Royaume-Uni. Le TNP les autorise à conserver leur arsenal nucléaire respectif. Il leur est en revanche interdit d’aider ou d’encourager un autre Etat à acquérir l’arme nucléaire, directement ou indirectement, au moyen de la fourniture de matériel ou en consentant des transferts de technologie en ce sens.
A l’inverse, les autres parties au TNP, dits « Etats non dotés d’armes nucléaires » (ENDAN), ne peuvent ni fabriquer ni acquérir d’arme nucléaire, directement ou indirectement. Le respect des obligations de ces Etats est organisé par un accord qu’ils signent avec l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), qui est chargée d’inspecter leurs installations nucléaires. L’existence d’un programme militaire est prouvée par ces inspections. Les Etats n’ont pas à démontrer qu’ils ne développent aucun programme militaire.
Enfin, le TNP encourage l’utilisation de l’atome à des fins purement pacifiques. Il reconnaît un « droit inaliénable de toutes les Parties au Traité de développer la recherche, la production et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques, sans discrimination ». Les EDAN sont appelés à coopérer aux plans technologique, technique et commercial pour aider les ENDAN à maîtriser le nucléaire civil, considéré comme un outil du développement des pays moins avancés.

B. Les limites du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires

D’aucuns qualifient le TNP de coquille vide qui n’a pas su empêcher la prolifération nucléaire.
Tout d’abord, le Traité ne vise pas la fabrication de nouveaux types d’armes nucléaires pour les Etats déjà détenteurs de l’arme nucléaire (prolifération verticale), mais cherche simplement à éviter l’acquisition ou la fabrication de l’arme nucléaire par d’autres acteurs (prolifération horizontale). Les EDAN, en perfectionnant leur arsenal nucléaire, ont manqué à l’exemplarité attendue par certains et justifié la prolifération horizontale.
Par ailleurs, la prolifération nucléaire horizontale s’est déroulée en dehors du TNP. Quelques Etats ont certes démantelé leur programme militaire ou détruit leur arsenal avant d’adhérer au TNP (Ukraine, Kazakhstan et la Biélorussie à la chute de l’Union soviétique, l’Afrique du Sud au sortir de l’Apartheid ou encore le Brésil redevenu démocratique). A rebours, la planète compte de nouvelles puissances nucléaires qui n’ont jamais adhéré au TNP, e.g. l’Inde, le Pakistan ou Israël. Pis, la Corée du Nord, confrontée aux pressions internationales, s’est tout simplement retirée du TNP pour acquérir l’arme nucléaire.
Enfin, les attentats du 11 septembre 2001 ont révélé que la prolifération nucléaire pourrait désormais être le fait d’organisations terroristes internationales, telles qu’Al-Qaeda. Le cas de l’Etat Islamique (EI) sunnite qui s’est singularisé par sa brutalité est également emblématique des nouveaux risques liés à la prolifération nucléaire, tout particulièrement au Moyen-Orient.
Dans ce contexte, le cas de la République islamique d’Iran est singulier. Elle est accusée de développer un programme à visée militaire, sans qu’aucune preuve formelle n’ait jamais été rapportée. Elle demeure partie au TNP malgré des sanctions internationales particulièrement sévères.

II. Le contrôle international de la prolifération nucléaire dans le cas iranien

Dans un premier temps, l’Iran cherche à maîtriser le nucléaire civil (A), avant la naissance de la crise internationale du nucléaire proprement dite, en 2002 (B).

A. L’Iran à la quête du nucléaire civil (1957-2002)

Jusqu’à la Révolution de 1979, l’Iran, alors « Gendarme du Moyen-Orient », coopère avec l’Occident (1), avant d’être sanctionné par les Etats-Unis en tant que nouvel Etat voyou (2).

1. Le temps de la coopération nucléaire avec l’Occident jusqu’à la révolution de 1979

Le développement du nucléaire en Iran s’inscrit dès le départ dans le cadre de la coopération internationale, puis dans celui de la légalité internationale qui l’encadre par la suite.
Afin de diversifier le mix énergétique du pays, le régime impérial de Mohammad Reza Chah Pahlavi signe dès 1957 un accord de coopération avec les Etats-Unis pour la création d’un centre de recherche nucléaire et la livraison d’un réacteur nucléaire.
L’Iran impérial, en tant que pièce maîtresse du jeu diplomatique occidental au Moyen-Orient, prend sa part au système de non-prolifération international et adhère au TNP dès 1970.
La crise pétrolière de 1974 renforce la recherche de sources d’énergie alternatives face au tarissement prévisible du pétrole, avec une vingtaine de réacteurs nucléaires prévue à terme. Un partenariat est signé avec l’entreprise allemande Siemens pour deux réacteurs à Bushehr dont la construction commence dès 1974. De même, le français Framatome s’engage à construire deux réacteurs à eau pressurée à Darkhovin en 1977. L’Iran prend également pour un milliard de dollars, soit une participation de 10%, dans le consortium Eurodif qui exploite l’usine d’enrichissement française du Tricastin.
En 1979, la prise en otage du personnel diplomatique américain à Téhéran par les révolutionnaires iraniens sort le pays de la légalité internationale dans un immense fracas. Le programme nucléaire impérial est arrêté. D’une part, la technologie nucléaire n’intéresse pas les nouveaux dirigeants iraniens, emmenés par le premier Guide suprême de la Révolution islamique et père de la République islamique, l’Ayatollah Rouyollah Khomeini (1979-1989). Ils annulent ainsi tous les contrats en cours. D’autre part, les fournisseurs occidentaux, désormais alliés de l’Irak de Saddam Hussein dans la guerre qui l’oppose à l’Iran des mollahs de 1980 à 1988, n’entendent plus livrer à l’Iran ni la technologie ni le matériel ni l’uranium enrichi nécessaires. Les différentes installations, telles que Bushehr, qui n’étaient pas encore achevées en 1979, sont largement détruites lors du conflit.

2. Le temps des sanctions à l’encontre de l’Etat voyou (1989-2002)

La mise au banc de la communauté internationale de la jeune République islamique rappelle le caractère éminemment politique du droit au nucléaire civil.
Après la mort de l’Ayatollah Khomeini en 1989, les nouveaux dirigeants iraniens remettent sur la table la maîtrise de l’atome, pour relever le défi de la reconstruction après huit années de guerre (1980-1988). Le nouveau Président de la République islamique, Akbar-Hachémi Rafsanjani, appuyé par le nouveau Guide suprême, Ali Khamenei, cherche à entrer en contact avec le groupe allemand Siemens afin d’obtenir les informations nécessaires à la reconstruction et à l’exploitation de l’installation de Bushehr ; les pressions de Washington auront raison de cette tentative.
Le Congrès américain adopte plusieurs trains de sanctions économiques ; l’Iran-Libya Sanctions Act de 1996 sanctionne ainsi toute entreprise, américaine ou étrangère, ayant investi plus de vingt millions de dollars en Iran. Ces sanctions seront appliquées avec un zèle variable par les administrations successives ; Bill Clinton (1993-2001) fera ainsi preuve de souplesse.
L’Iran, confronté à l’obstruction systématique de Washington, se tourne vers la Russie et la Chine. En 1995, un accord signé avec Moscou permet d’achever les réacteurs de Bushehr, sous contrôle de l’AIEA. De même, la Chine livre en 1991 à l’Iran plusieurs tonnes de combustible nucléaire. Cependant, Pékin, face aux pressions américaines, renonce à assister Téhéran pour construire une installation d’enrichissement d’uranium en 1996.
L’accession à la Maison Blanche du néoconservateur George W. Bush Junior (2001-2009), suivie des attentats du 11 septembre 2001, perpétrés par Al-Qaeda, crée les conditions du renforcement de l’intransigeance de Washington à l’encontre de Téhéran. Le nouveau président range l’Iran parmi les Etats voyous de l’Axe du Mal lors de son discours sur l’état de l’Union de janvier 2002 et ignore l’offre de coopération iranienne pour lutter contre Al-Qaeda et le régime taliban en Afghanistan.

B. L’Iran pris dans la crise internationale de son programme nucléaire depuis 2002

La crise nucléaire iranienne proprement dite naît le 14 août 2002. Les opposants en exil de l’Organisation des moudjahiddines du peuple iranien révèlent à la communauté internationale la construction en cours d’une installation d’enrichissement d’uranium à Natanz et d’une usine d’eau lourde à Arak, jusqu’alors tues par Téhéran. L’Iran ne viole néanmoins pas l’accord de coopération signé avec l’AIEA qui prévoit l’inspection par l’Agence des installations concernées au moins six mois avant l’introduction de tout matériel nucléaire. Il s’agissait alors d’une clause standard dans les accords de coopération avec l’AIEA.
Téhéran choisira la coopération (1), puis la confrontation (2). En réaction, les grandes puissances renforcent leurs sanctions à l’encontre de Téhéran (3).

1. Le pari iranien de la coopération (2002-2005)

Dans un premier temps, Téhéran, cerné par les troupes américaines après l’invasion de l’Afghanistan en 2001 et de l’Irak en 2003, joue la carte de la coopération avec la communauté internationale. Le Président réformateur Mohammad Khatami (1997-2005), appuyé par le Guide suprême, offre la fin du soutien iranien au Hamas palestinien et au Hezbollah libanais et la transparence sur le programme nucléaire de son pays, en échange d’une normalisation diplomatique et de la reconnaissance internationale du droit de l’Iran à l’atome civil. Après des négociations avec la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne (UE-3), l’Iran signe en décembre 2003 un protocole additionnel à son accord de coopération avec l’AIEA qui renforce ses obligations de transparence.
En novembre 2004, Hassan Rouhani, alors négociateur en chef sur le dossier nucléaire, propose même la suspension pure et simple du programme nucléaire iranien, avec l’aval direct du Guide suprême, et l’application par l’Iran du protocole additionnel, avant même sa ratification. L’UE-3 rejette finalement cette proposition.
Le droit au nucléaire civil de l’Iran reconnu par le TNP aura finalement trébuché sur l’arrivée au pouvoir à Washington du néoconservateur George Bush Junior en 2001. En conséquence, ce droit dépend largement du jeu des alliances internationales en présence. La ligne dure l’emportera progressivement à Téhéran à partir de 2005.

2. Le temps de la confrontation (2005-2013)

L’attitude de l’Administration néoconservatrice américaine, éminemment idéologique, a été le premier obstacle au règlement de la crise nucléaire.
La réaction iranienne est la suivante. Elle intervient avec l’élection à la Présidence de la République islamique de l’ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad en juin 2005. Cet événement marque le début du retour progressif de la ligne dure à Téhéran. L’échec de la coopération prônée par M. Khatami conforte les faucons iraniens, résolus à garantir l’indépendance nationale face à des partenaires occidentaux peu enclins au dialogue.
Le nouveau président annonce la reprise de l’enrichissement d’uranium, enterrant l’accord de Paris de novembre 2003, et limoge les principaux partisans de la négociation à Téhéran, Hassan Rouhani et l’ambassadeur du pays à l’ONU, Javad Zarif, aujourd’hui ministre des Affaires étrangères. Par ailleurs, dès le début de son mandat, il entame très sévèrement son crédit international par la mise en doute de l’Holocauste et un appel à la disparition d’Israël, allié incontournable des Etats-Unis dans la région. Pis, cette rhétorique belliciste marginalise durablement la République islamique sur la scène internationale.
Les puissances occidentales accentuent leur pression sur la nouvelle administration iranienne. Le 4 février 2006, l’AIEA renvoie l’Iran devant le Conseil de sécurité de l’ONU pour examiner la suite à donner au refus de Téhéran de collaborer avec ses inspecteurs. Fort de ses succès militaires en Afghanistan et en Irak, Washington continue également à exacerber la tension internationale en imposant une nouvelle interprétation du TNP. Au motif qu’aucune relation de confiance n’est possible avec la République islamique, Téhéran devra démontrer le caractère purement pacifique de son programme nucléaire, sans égard aux inspections de l’AIEA. D’aucuns assimilent ce renversement de la charge de la preuve, ou interprétation jugée maximaliste du TNP, à la preuve impossible à rapporter pour les Iraniens.
Début 2006, l’Iran propose néanmoins d’enrichir son uranium sur son sol, sous contrôle international, principalement russe. Cette proposition de compromis fait suite à la fatwa édictée le 9 août 2005 par le Guide suprême, Ali Khamenei, pourtant réputé inflexible sur le nucléaire. Elle interdit la production, le stockage et l’utilisation d’armes atomiques. D’aucuns jugent ces signes d’ouverture feints, tant les positions en présence sont désormais inconciliables, en particulier la nouvelle exigence de Téhéran de maîtriser rapidement la technologie nucléaire. Le Président George Bush rompt définitivement toute possibilité d’entente, en rejetant sans appel l’offre iranienne dès mars 2006.
Ce contexte politique tendu place clairement le droit de l’Iran à un programme nucléaire pacifique dans l’impasse.

3. Le renforcement des sanctions internationales

Entre 2006 et 2013, les tensions de part et d’autre et le refus croissant de l’Iran de coopérer avec l’AIEA révèlent les limites du cadre juridique imposé par le TNP.
Le Conseil de sécurité de l’ONU, sous l’impulsion américaine, adopte entre 2006 et 2010 quatre séries de sanctions qui ont un impact essentiellement politique. Elles restreignent la liberté de mouvement des principaux responsables du programme nucléaire et le financement des institutions liées au programme nucléaire iranien, y compris plusieurs banques iraniennes.
Ce sont finalement les sanctions unilatérales adoptées par les Etats-Unis à partir 2006 et l’Union européenne entre 2010 et 2012 qui asphyxient réellement l’économie iranienne. Les Européens restreignent ainsi drastiquement leurs échanges sur le pétrole iranien, la pétrochimie ou encore l’automobile, où les constructeurs européens sont pourtant très présents (Renault, Peugeot, etc.). De même, toutes les banques iraniennes sont déconnectées du système de sécurisation des transactions européen. Dans le même temps, la Russie et la Chine durcissent aussi leur application de l’embargo international.
L’élection du démocrate Obama fin 2008 ne change pas fondamentalement l’attitude américaine. Si le nouveau locataire de la Maison Blanche adresse ses voeux au peuple iranien à l’occasion du nouvel an iranien (i.e. le 20 mars), il continue à veiller à l’application stricte de l’embargo. Ainsi, début 2013, il n’oppose pas son veto au Nuclear Iran Prevention Act.
Toutefois, l’impact de l’aggravation des sanctions sur le programme nucléaire iranien a été très relatif, même si l’économie iranienne est à genoux (inflation proche de 40% et augmentation très significative du taux de chômage). En 2013, l’Iran possède 20 000 centrifugeuses dont 9 000 en activité, contre 160 en 2003. De même, il est désormais capable d’enrichir de l’uranium à hauteur de 20%, seuil pour fabriquer l’arme nucléaire rapidement.
L’accession à la Présidence de la République islamique en août 2013 de l’ancien négociateur en chef sur le dossier nucléaire, le modéré Hassan Rouhani, a restauré la confiance de la communauté internationale. L’accord intérimaire signé à Genève en novembre 2013 organise la coopération de l’Iran sur son programme nucléaire pour parvenir à un accord définitif qui garantisse son caractère exclusivement pacifique. Les parties consentent à des concessions mutuelles : Téhéran autorise ainsi la reprise des inspections de ses installations par l’AIEA.

Une décennie d’impasse tant diplomatique que coercitive démontre indiscutablement que la non-prolifération organisée par le TNP repose sur une coopération réciproque des parties. La non-prolifération résulte d’un compromis qui, pour les Etats non dotés de l’arme nucléaire, allie un droit à l’atome pacifique réel mais contrôlé à leur indépendance et souveraineté nationales. Une coopération internationale sur le dossier nucléaire iranien aurait certainement ralenti la progression du programme iranien et impliqué des concessions occidentales moindres. L’accord final à venir devra prendre en compte les avancées significatives de l’Iran dans la maîtrise de l’atome durant la décennie écoulée tout en assurant son contrôle international. Sa ratification par les parlements nationaux, aujourd’hui dominés par les faucons de chaque camp, sera l’étape suivante. L’importance des concessions occidentales exigera que les négociateurs après leur retour déploient une grande habileté politique pour rendre viable la garantie de la non-prolifération dans le cadre du TNP.

Publié le 23/09/2014


Etienne Jaboeuf est Avocat au Barreau de Paris. Persanophone, il a acquis une connaissance profonde de l’Iran et de sa société lors d’un séjour d’études sur place. A travers des articles dans la presse, il analyse l’Iran actuel et les grands bouleversements que connait aujourd’hui ce pays.


 


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