Le plan de paix pour Gaza

Si celui-ci parvenait à être réellement mis en application par les deux parties et que sa pérennité parvenait à être assurée, il mettrait fin à une guerre ayant coûté la vie à plus de 67 000 Palestiniens - dont un tiers âgé de moins de 18 ans [1] -, soit un Gazaoui sur trois, et à plus de 1 250 civils en Israël [2] ; côté militaire, plus de 20 000 combattants du Hamas et de leurs alliés (Djihad islamique palestinien en particulier) auraient été tués par Tsahal [3] qui, de son côté, déplore la mort de 914 de ses soldats, dont 329 le 7 octobre 2023 [4].

Alors que le plan de paix est salué dans le monde - avec parfois certaines voix nuancées comme celle de l’Iran qui appelle la communauté internationale à surtout veiller à ce qu’Israël ne viole pas cet accord [5] - et que des premiers échanges d’otages et de prisonniers ont été réalisés, cet article entend détailler par les cartes la concrétisation, sur le terrain, de cet accord.

Le jour de l’adoption de l’accord de paix, l’armée israélienne occupait une majorité de la bande de Gaza, à la suite d’offensives successives menées depuis octobre 2023 ; au printemps 2025, l’armée israélienne aurait par exemple envisagé d’occuper près de 75% de l’enclave [6]. S’il est difficile de mesurer exactement la superficie couverte par l’armée israélienne, certaines zones ne faisant que l’objet d’opérations passagères et d’autres d’une implantation plus pérenne, il n’en demeure pas moins que les autorités israéliennes multipliaient, ces derniers mois, les appels ou les suggestions à occuper entièrement la bande de Gaza [7]. Le 16 septembre dernier encore, l’armée israélienne lançait une offensive terrestre sur la ville éponyme [8] afin d’y « vaincre l’ennemi et d’en évacuer la population » [9]. Très strictement surveillé, l’accès au territoire palestinien ne pouvait se faire, ces derniers jours, que par les postes-frontières de Kerem Shalom et Kissoufim : seuls les convois humanitaires étaient - et sont toujours - autorisés à les emprunter, bien souvent au compte-gouttes [10].

La guerre, en particulier les nombreux bombardements aériens et terrestres sur la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023, s’est montrée singulièrement destructrice pour les populations civiles et les infrastructures locales : après deux ans de guerre, plus de 80% des bâtiments de la bande de Gaza ont été détruits ou endommagés [11]. En janvier 2024, quatre mois après le début du conflit, la Banque mondiale estimait que le montant des destructions s’élevait déjà à 18,5 milliards de dollars [12]. Parmi ces bâtiments se trouvent notamment les écoles, 97% d’entre elles ayant été endommagées lourdement ou légèrement par la guerre, et 76,6% d’entre elles ayant été ciblées spécifiquement [13]. Les centres de soin, dont seulement un tiers reste encore partiellement fonctionnel sur les 176 que comptait la bande de Gaza avant le conflit [14] ; ou encore les infrastructures d’approvisionnement en eau et en assainissement, dont 70% des 600 installations ont été endommagées ou détruites depuis le 7 octobre 2023 [15]. En tout, l’ONU estime que la reconstruction totale de Gaza devrait avoisiner les 70 milliards de dollars [16], soit le PIB de pays comme l’Azerbaïdjan ou la Slovénie, par exemple.

Comme prévu par le plan de paix pour Gaza, les forces israéliennes se sont retirées le 10 octobre d’une partie de la bande de Gaza et redéployées davantage vers le territoire israélien [17]. Ce premier retrait doit permettre de prouver la bonne volonté des autorités israéliennes et favoriser la bonne réalisation du cessez-le-feu et des échanges de prisonniers : en tout, près de 2 000 prisonniers palestiniens devraient être échangés contre les 20 otages israéliens encore vivants et les dépouilles des 28 autres, morts en captivité. L’accord prévoit, en outre, le passage d’une aide humanitaire plus conséquente. Pour le moment, cette première phase semble réussir : le cessez-le-feu tient bon - en dépit d’inévitables incidents [18] -, un grand nombre de prisonniers et d’otages ont été libérés [19] - mais toutes les dépouilles des otages israéliens n’ont pas encore été remis à Israël, provoquant la colère et les menaces des autorités de l’Etat hébreu [20] - et davantage de camions chargés d’aide humanitaire ont pu entrer dans la bande de Gaza [21] en dépit, là encore, d’anicroches croissantes [22].

Une fois la première phase réussie, selon des critères et un calendrier dont la précision reste à définir, le plan Trump prévoit théoriquement un nouveau retrait de Tsahal vers le territoire israélien, au sein d’une zone d’occupation de la bande de Gaza inférieure en superficie à la précédente. C’est à ce moment que devrait entrer en jeu la « Force internationale de stabilisation » prévue par l’accord, mais dont les modalités exactes n’ont, là encore, pas été définies. C’est probablement à cette charnière que pourrait s’établir « l’Autorité internationale de transition de Gaza » suivant les idées, adoptées par Donald Trump, de l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, qui serait pressenti pour en prendre la tête [23] ; le Hamas, le Djihad islamique palestinien et le Front populaire de libération de la Palestine ont toutefois rejeté toute « tutelle étrangère » sur Gaza [24].

Enfin, à une date et à des conditions là encore inconnues, les forces israéliennes devraient se redéployer au sein d’une zone définie comme un « périmètre de sécurité » afin d’établir un glacis protecteur entre la bande de Gaza et le territoire israélien, jusqu’à ce que « Gaza soit véritablement protégée contre toute résurgence de la menace terroriste » selon les termes de l’accord.

Si les résultats positifs de ce cessez-le-feu sont indubitablement positifs, surtout au vu de l’échec des dernières - et rares - tentatives de trêve, la situation reste toujours extrêmement volatile ; le 16 octobre encore, le président américain déclarait que les forces israéliennes pourraient reprendre les combats à Gaza « dès que j’aurai prononcé le mot » si le Hamas ne respectait pas l’accord de cessez-le-feu [25], une accusation de plus en plus fréquente de la part des autorités israéliennes qui jugent que le mouvement palestinien n’honore pas sa parole en tardant à ce point à rendre les dépouilles des otages [26] ; un retard que le Hamas explique par la difficulté que représentent la recherche et la récupération de ces corps au milieu des décombres et après deux ans de guerre. Si la paix semble encore loin d’être pérenne à Gaza, jamais encore un cessez-le-feu et les conditions qui lui étaient liées n’étaient parvenues à aller aussi loin ; les prochaines semaines se montreront, à cet égard, déterminantes dans le succès, ou non, de cet accord de paix.