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Le parti travailliste israélien

Par Amicie Duplaquet
Publié le 11/12/2015 • modifié le 22/04/2020 • Durée de lecture : 6 minutes

JERUSALEM : Golda Meir, the leader of the Mapaï party, Israeli Foreign Minister (1956-1966) of Prime Minister Ben-Gurion’s governement, casts her vote in November 1959 elections.

AFP

Idéologie et naissance du parti

Le parti travailliste israélien résulte de la fusion du mouvement Poale Zion, littéralement « les travailleurs de Sion », et du Mapaï, qui résultait lui-même de la fusion de deux organisations socialistes sionistes : le parti Hapoel Hatzaïr et le parti Akhdut HaAvoda.

Akhdut HaAvoda était lui-même composé de plusieurs organisations qui se revendiquaient à la fois sionistes et marxistes. Les partis qui composaient le Poale Zion s’étaient créés au début du 20ème dans plusieurs villes de l’Empire russe, après que l’Union générale des travailleurs juifs ait rejeté le sionisme en 1901. D’autres branches du Poale Zion se sont rapidement développées en Europe, notamment à Londres et à Leeds, puis à New York. En 1905, une branche du Poale Zion fut créée en Palestine ottomane. À travers sa vision marxiste de l’histoire, le Poale Zion préconisait l’installation d’un prolétariat Juif sur la terre d’Israël. Les lignes idéologiques directrices de l’organisation furent exposées en 1906 dans l’ouvrage de Ber Borochov intitulé Notre Plate-forme (1). À partir de 1909, une union mondiale du Poale Zion fut créée et ses différents bureaux se focalisèrent sur la mise en place de plusieurs institutions, en Palestine ottomane, visant à promouvoir la réalisation du projet sioniste grâce à « la conquête par le travail », notamment à travers le modèle des kibboutz.

En 1919, le Poale Zion fut divisé en deux branches et l’aile droite du mouvement forma un nouveau parti appelé Akhdut HaAvoda, sous la tutelle de David Ben Gourion. Ce mouvement se réclamait à la fois marxiste, socialiste et sioniste, tout en entretenant une certaine proximité avec la direction de l’Organisation sioniste mondiale qui était, sous la présidence de Chaïm Weizmann (2), considérée comme un mouvement libéral.

En 1920, la Histadrout (3), le premier syndicat des travailleurs israéliens, est fondé par l’aile gauche Poale Zion et le parti Hapoel Hatzaïr, l’autre mouvement socialiste sioniste qui avait aussi été créé en 1905 en Palestine ottomane. Ce syndicat, qui existe encore aujourd’hui, eut à l’époque un double rôle de protection des travailleurs et d’organisation du travail du Yichouv dans le contexte de la Palestine mandataire. Au-delà du simple rôle de syndicat, la Histadrout participa directement dans son action à l’instauration des institutions sociales du futur État hébreu, notamment à travers le développement de l’infrastructure des premières colonies juives.

Le 5 janvier 1930, la collaboration entre le Hapoel Hatzaïr et le Akhdut HaAvoda conduisit les deux mouvements à fusionner pour former un nouveau parti : le Mapaï (4). À partir de ce moment, le Mapaï devint le principal dirigeant du Yichouv, et ce malgré une nouvelle scission en 1944 d’un groupe pro-soviétique, connu sous le nom de la « Faction B », qui décida de reprendre le nom de Akhdut HaAvoda. Lors des premières élections législatives israéliennes en 1949, le Mapaï obtint une large majorité avec près de 36 % des suffrages et son dirigeant, David Ben Gourion, fut nommé à la tête du premier gouvernement. Les élections législatives de 1951, de 1955 et de 1959 confirmèrent la tendance en faveur du Mapaï, qui demeura jusqu’à lors le premier parti israélien.

En 1961, un scandale politique – l’affaire Lavon – fit chuter le gouvernement socialiste ainsi que le président du Mapaï. Les élections législatives de la même année virent ainsi un net ralentissement des performances du parti. Face à ce mauvais score, un nouveau parti de gauche – le Rafi – fut formé par certains des anciens membres du Mapaï et une liste commune regroupant les différentes formations de gauche – l’Alignement – fut créée pour les législative de 1965. Cette fusion leur permis d’obtenir une majorité confortable à la Knesset.

Le 23 janvier 1968, les formations qui composaient la liste Alignement – à savoir le Rafi, le Mapaï et la branche dissidente du Akhdut HaAvoda – se regroupèrent au sein d’une nouvelle formation baptisée le Parti travailliste et cessèrent d’exister indépendamment.

Son évolution

À partir du début de l’année 1968, toutes les formations socialistes israéliennes se regroupèrent donc au sein du nouveau Parti travailliste. Les élections législatives de la même année virent ainsi une large victoire du parti face aux formations de droite, et portèrent Golda Meir à la tête d’un nouveau gouvernement.

Les législatives de 1977 constituèrent toutefois un tournant dans l’histoire du parti travailliste elles furent les premières élections perdues face au Likoud de Menahem Begin. Ce dernier forma un gouvernement de droite, le premier de l’histoire d’Israël, reléguant ainsi les travaillistes dans l’opposition. Bien que le parti travailliste retrouva sa majorité aux élections de 1984, il fut à nouveau distancé par le Likoud, cette fois-ci avec Yitzhak Shamir, en 1986.

En 1992, le parti travailliste revint toutefois à la tête d’un nouveau gouvernement de coalition, dirigé par Yithzak Rabin. A parti de ce moment, le parti travailliste devient unanimement reconnu pour son implication dans le processus d’Oslo. Plusieurs figures représentatives du parti s’impliquèrent dans les négociations secrètes, sur la base du principe de la « terre contre la paix ». Cet engagement en faveur du processus de paix conduisit les formations de droite à défier le gouvernement travailliste par un vote de confiance à la Knesset. Le gouvernement remporta ce vote, notamment grâce au soutien de quelques partis arabes, et pu continuer son engagement en faveur du processus de paix, qui abouti à la signature des accords d’Oslo en 1993. La signature de ce premier accord en faveur de la paix constitua l’un des plus grands accomplissements du parti travailliste israélien. Les années suivantes, le gouvernement travailliste continua ses efforts pour faire avancer le processus de paix, mais l’assassinat du Premier ministre Yitzhak Rabin par un extrémiste entraîna une crise politique interne en Israël, ralentissant ainsi les efforts d’Oslo.

Après l’assassinat de Rabin en 1995, le travailliste Shimon Péres le remplaça à la présidence du parti, qui remporta la majorité à la Knesset. Ils durent cependant composer avec l’élection de Benjamin Netanyahou à la tête d’un nouveau gouvernement de droite, en 1996. En 1999, Benjamin Netanyahou décida d’organiser des élections anticipées, qu’il perdit cependant face au leader travailliste Ehud Barak, qui forma par ailleurs un gouvernement de coalition avec certains des partis ultra-orthodoxes, tels que le Shas et le Judaïsme unifié de la Torah.

La seconde intifada éclata moins d’un an après la formation de ce nouveau gouvernement et le Premier ministre travailliste, incapable de mettre un terme aux violences dans les Territoires palestiniens et en Israël, démissionna à la fin de l’année 2000 (5). Il fut toutefois candidat à sa propre succession, mais perdit face au leader du Likoud Ariel Sharon.

Bien que des ministres travaillistes aient depuis été présents dans de nombreuses coalitions gouvernementales, depuis 2001, le parti n’a jamais plus gagné assez de voix pour permettre l’élection d’un Premier ministre travailliste. Depuis cette dernière quinzaine d’années, les travaillistes font donc désormais parti de l’opposition face au Likoud.

Isaac Herzog, l’actuel président du parti, avait décidé lors des dernières élections législatives du 17 mars 2015, de former une liste commune avec le parti de centre-gauche Hatnuah. Appelée Union Sioniste, cette alliance a permis aux deux partis d’obtenir un score relativement bon, avec 24 sièges sur les 120 de la Knesset, mais insuffisant face aux 30 obtenus par le Likoud. Suite à ces élections, Benjamin Netanyahou fut reconduit à la tête d’un nouveau gouvernement de droite et le parti se maintient dans l’opposition, avec toutefois une influence en baisse face à la montée continue d’autres petits partis nationalistes et religieux.

Les principaux leaders travaillistes

Au début du 20ème siècle, Golda Meir fut l’une des principales figures de la gauche israélienne, en militant notamment au sein des différentes formations sionistes qui précédèrent le parti travailliste. Elle participa en 1930 à la création du Mapaï, aux côtés de David Ben Gourion, et fut élue dès 1934 à la tête du Comité central de la Histadrout, le grand syndicat de gauche. Elle occupa des fonctions dans plusieurs gouvernements travaillistes avant d’être élue Premier ministre d’un gouvernement travailliste en 1969 (6). Considérée par beaucoup comme l’une des « mères de la nation », son héritage est revendiqué par les travaillistes.

David Ben Gourion fait aussi parti de cet héritage travailliste. Il participa directement à la création du Mapaï en 1930, lorsque son parti Akhdut HaAvoda fusionna avec le Hapoel Hatzaïr. En 1968, il participa aussi à la création du parti travailliste.

Pour sa part, d’abord connu pour sa carrière militaire qui contribua à la victoire face aux armées arabes, Moshe Dayan fut aussi connu par la suite pour sa carrière au sein du parti travailliste. Il entra à la Knesset en 1959 et occupa les fonctions de ministre de l’Agriculture dans le gouvernement de David Ben Gourion. Il fut par la suite ministre de la Défense puis ministre des Affaires étrangères, respectivement en 1967 et 1979. Il assuma, lors de cette dernière fonction, un rôle important dans les négociations avec l’Egypte, qui menèrent aux accords de Camp David.

Ancien chef d’État-major, Yitzhak Rabin s’est lui aussi tourné vers le parti travailliste après une longue carrière militaire. Plusieurs fois ministre de la Défense et Premier ministre, il fut l’un des premiers hommes politiques israéliens à s’engager en faveur d’un processus de paix. Il impulsa la tenue des négociations secrètes à Oslo, qui menèrent aux accords de 1993. Son engagement en faveur de la paix lui vaudra d’être assassiné par un extrémiste juif en 1995.

Après l’assassinat de Rabin, Shimon Péres lui succéda à la tête du parti et à la tête du gouvernement d’intérim. Aussi présent dans le processus d’Oslo, Péres eut la lourde responsabilité, les années suivants la disparition de Rabin, de porter l’héritage d’Oslo. Elu à la présidence de l’État d’Israël le 15 juillet 2007, il occupa ces fonctions jusqu’en 2014.

Lire sur Les clés du Moyen-Orient :

 Sionisme et création de l’Etat d’Israël
 Oslo II ou accords de Taba
 Intifada (1987-1991)

Notes :
(1) http://www.zionism-israel.com/hdoc/Borochov_Eretz_Yisrael_Program.htm
(2) Chaïm Weizmann fut le président de l’OSM de 1921 à 1931, puis de 1935 à 1946.
(3) http://www.histadrut.org.il/
(4) http://www.knesset.gov.il/faction/eng/FactionPage_eng.asp?PG=77
(5) http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20001208.OBS9990/ehoud-barak-a-annonce-sa-demission.html
(6) http://www.akadem.org/medias/documents/personnalites.pdf

Publié le 11/12/2015


Amicie Duplaquet est étudiante à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon, en Master Coopération et développement au Maghreb et Moyen-Orient. Après avoir suivi des cours de sciences politiques à l’université de Birzeit, en Cisjordanie, elle a réalisé un mémoire sur les conséquences du printemps arabe sur la stratégie israélienne et prépare une thèse sur le même sujet à l’Institut Français de Géopolitique. 


 


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