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Le mot « copte » tire son origine de l’arabe qibt, une forme abrégée et altérée du grec Aïgyptios qui signifie « égyptien ». Les Coptes sont donc appelés « les Egyptiens ». Cette particularité linguistique s’est opérée lors du passage de l’Egypte sous la domination arabe en 641 : les Arabes se servaient de ce mot pour se distinguer, dans leur langue, des autochtones.
Toutefois, les Arabes étant de confession musulmane et les Coptes chrétiens, le mot « copte » a fini par désigner les Chrétiens d’Egypte. D’un sens ethnique, le mot « copte » est donc progressivement passé à un sens religieux. Par extension, le terme a été appliqué à tout ce qui ressortait de la vie religieuse des chrétiens d’Egypte.
Aujourd’hui, même s’il est difficile d’avoir des statistiques fiables, on peut estimer que les Coptes représentent à peu près 10% de la population égyptienne, qui compte 80 millions d’habitants.
Le XXème siècle correspond à un moment de Renaissance de la culture copte, après une longue période de retrait par rapport au reste de la société égyptienne du XIIIème siècle au XIXème siècle.
Les Coptes sont présents en Egypte depuis l’évangélisation du pays par Saint Marc. L’Eglise copte se considère comme la plus fidèle au message de l’Evangile et les Coptes affirment être les descendants des pharaons d’Egypte. La communauté copte, vieille de 1 600 ans, a connu une période de gloire jusqu’au XIIIème siècle, avant d’être quelque peu oubliée.
En effet, jusqu’au XIXème siècle, les Coptes demeurent assez discrets : les membres se fondent dans la société égyptienne et pendant la messe, seules les paroles de la consécration de l’Eucharistie et la lecture des passages de la Bible sont en langue copte. Ils sont souvent employés comme gestionnaires par les riches musulmans. La réputation de sérieux des Coptes (ainsi que leur confession religieuse) leur vaut l’intérêt des Français lors de la campagne napoléonienne en Egypte. Kléber, officier dans l’armée de Napoléon Bonaparte, lève une légion copte en 1799. Même si celle-ci est dissoute en 1801, plusieurs Coptes deviennent officiers dans les légions françaises, assurant ainsi une certaine promotion sociale à cette minorité. Au cours du XIXème siècle, les Coptes se rapprochent de leur clergé mais participent également à la modernisation du pays : leur action dans l’administration et dans l’éducation (à travers la fondation d’écoles de confessions chrétiennes mais aussi de l’université Fouad en 1925) est non négligeable.
L’Egypte, dans son ensemble, connait un renouveau à partir des années 1880. Chez les Coptes, ce renouveau se traduit par une éducation plus poussée, et par une ouverture vers ce qui est considéré par l’Eglise comme le « profane ». Les Coptes commencent alors à s’affirmer sur la scène politique. La création de deux périodiques en langue arabe - afin de toucher un public plus large - Misr et Al-Watan contribue à cette affirmation en offrant un moyen d’expression à la communauté. L’implication politique de certains Coptes au XXème siècle est notable. Par exemple, Wissa Wassef, brillant avocat, illustre parfaitement cette implication politique des membres de la communauté copte au début du XXème siècle. En 1903-1904, il dénonce dans L’Egyptian Gazette la politique britannique de l’enseignement. Ce que critique Wissa Wassef, c’est « l’inculturation » britannique [1]. Par la suite, il s’engage dans l’indépendance de son pays. L’Egypte est sous occupation britannique depuis 1882, et sous protectorat depuis 1914. Des mouvements indépendantistes émergent et le nationalisme égyptien se construit en opposition à la présence britannique : le parti nationaliste, le Wafd, est créé en 1918, suite à la venue d’une délégation nationaliste à Londres pour négocier l’indépendance de l’Egypte. Les Coptes désirent autant que les musulmans voir les Britanniques quitter l’Egypte. Le drapeau de la révolution égyptienne et du Wafd réunit d’ailleurs le Croissant et l’Etoile. Wassef se joint à Saad Zaghloul, leader du mouvement d’indépendance, et accompagne d’ailleurs la délégation du Wafd à Londres. Cela lui vaut une condamnation à mort, en 1922, commuée ensuite en peine de prison. Mais en 1928, Wassef devient président du Parlement égyptien. Jusqu’en 1952, les Coptes s’engagent ainsi dans l’indépendance de leur pays.
Les Coptes sont donc passés du statut de minorité religieuse à celui de membres à part entière de la société égyptienne. Leur implication politique, en particulier dans l’indépendance du pays, leur a permis d’acquérir une place de premier plan dans l’espace public. C’est pourquoi on assiste, dans le courant du XXème siècle, à une reconnaissance sociale. En même temps, l’Eglise d’Egypte connait un renouveau spirituel qui influe sur la position des Coptes dans la société égyptienne.
Les Coptes ont acquis une position politique en s’engageant dans la lutte pour l’indépendance égyptienne : le protectorat britannique en Egypte prend fin en 1922 mais l’Angleterre continue d’occuper le pays pendant encore une trentaine d’années. Après le départ définitif des troupes britanniques en 1956, l’égalité entre les Coptes et les musulmans est proclamée à plusieurs reprises. Le président Nasser, qui s’est pourtant engagé dans une entreprise d’arabisation du pays, reconnait les droits de la minorité copte. Il pose même la première pierre de la cathédrale orthodoxe copte du Caire en 1965. De nombreux Coptes ont occupé des postes de premier plan, comme Youssef Saad, ministre des Travaux publics. En dehors du domaine politique, les Coptes se sont fait une place dans les élites du pays. Si dès le XIXème siècle, les Coptes sont réputés pour leurs talents financiers et occupent des postes de gestionnaire pour les riches musulmans, au cours du XXème siècle, ils imprègnent peu à peu toutes les classes de la société. On peut penser à Luis Awad, critique littéraires et historien de la période post-napoléonienne.
En parallèle de l’implication de certains membres de la communauté copte dans la vie politique, sociale ou intellectuelle de l’Egypte, certains d’entre eux privilégient un retour aux anciennes valeurs de la religion dans les années 1950, qui marquent un renouveau spirituel pour la religion copte. Otto F. A Meinardus considère même que « la Renaissance spirituelle des « Fils de Pharaons » est l’un des développements les plus marquants du christianisme oriental ». Cette renaissance a une influence sur la vie communautaire mais aussi sur l’art et l’architecture ecclésiastiques : la période est marquée par un retour aux origines. Les monastères du désert sont à nouveau habités et de nombreux Coptes se font moines. Ainsi, tandis qu’une partie de la communauté copte s’implique dans la vie publique du pays, une autre rejoint les anciens monastères et mène une vie ascétique dans le désert. Cela est du au fait, que, pour la majorité des Coptes, d’après Otto F. A Meinardus, la vie monacale est considérée comme moralement et spirituellement supérieure à toute autre vie. Mais ce mode de vie n’est pas le seul effet du renouveau religieux : les Coptes redécouvrent d’anciennes traditions chrétiennes d’Orient. Le culte des saints antiques est renforcé par la découverte de reliques : en mai 1968, notamment, les reliques de Saint-Marc sont déposées dans la crypte de la cathédrale Saint-Marc d’Abbassiya au Caire. La redécouverte des monastères peut être interprétée en lien avec la promotion de l’archéologie copte, dès le début du XXème siècle.
Les Coptes sont pendant longtemps relativement méconnus en Europe. Le mot « copte » désigne les Chrétiens d’Egypte et, à l’époque, les Coptes apparaissent à l’extérieur des frontières de l’Egypte comme une simple minorité religieuse. Peu à peu, on s’aperçoit que les Coptes sont plus que cela : ils sont les héritiers d’une communauté ancienne et qui a laissé de nombreuses traces dans l’histoire de leur pays.
C’est au cours de l’Exposition Universelle de 1900 à Paris que les Coptes suscitent pour la première fois l’intérêt en dehors de l’Egypte. Au cours de cette Exposition, des tissus coptes, découverts lors d’une mission de l’archéologue Albert Bayet, en 1896 à Antinoé, en Moyenne-Egypte, sont exposés. C’est par son talent pour la fabrication de tissus décorés que la civilisation copte fait son entrée dans le champ archéologique à l’aube du XXème siècle. Il faut préciser que l’archéologie égyptienne s’est surtout concentrée, à ses débuts, sur les vestiges laissés par les pharaons, délaissant quelque peu les périodes postérieures. Mais peu à peu, des fouilles sont menées et mettent au jour des monastères coptes [2], comme à Baouît, en Moyenne-Egypte. Dans la première partie du siècle, l’archéologie copte n’en est qu’à un stade d’accumulation : on découvre de nombreux objets, parfois anciens et relevant de l’art paléochrétien [3]. Les fouilles se succèdent et les monuments coptes sont autant pris en compte que les vestiges pharaoniques ou musulmans, alors qu’auparavant ce qui relevait de l’architecture copte n’intéressait pas les archéologues. Parallèlement, en Egypte, des archéologues et égyptologues coptes développent l’histoire et l’archéologie de leur communauté, c’est le cas de Marcos Simaika Pacha. Son initiative, qui part de sa collection d’objets privés coptes, a permis la création du musée copte.
Ainsi, c’est pendant l’entre-deux-guerres que s’organise l’archéologie copte avec en 1935 la création de l’Association des Amis de l’Art copte, devenue trois ans plus tard la Société d’Archéologie copte. Cette organisation a participé à la promotion de l’archéologie copte partout dans le monde. Aujourd’hui, tous les musées d’Antiquité ont des objets coptes : les Chrétiens d’Egypte ont ainsi, par l’art et l’artisanat copte, acquis une certaine célébrité dans le monde entier.
Au cours du XXème siècle, la communauté copte s’est investie dans la vie politique du pays. Les Coptes se sont précocement engagés dans l’indépendance de l’Egypte. Parallèlement, les Chrétiens d’Egypte ont pu obtenir une reconnaissance sociale, tandis que d’autres ont préféré participer à un renouveau spirituel. Enfin, tout cela est complété par la découverte de l’histoire copte, grâce à l’intérêt nouveau porté par l’archéologie. Cependant, la communauté copte n’est pas encore pleinement reconnue en Egypte : elle fait l’objet de discriminations et, même si certains de ses membres ont acquis une relative célébrité, elle demeure peu représentée politiquement. En décembre 2010, le président Moubarak a nommé sept députés coptes au Parlement égyptien [4] mais depuis 2011, les Coptes sont victimes de violence en Egypte, en lien avec les difficultés relatives à la situation politique [5], et les plus aisés d’entre eux ont tendance à préférer l’exil.
Bibliographie indicative :
– CANNUYER Christian, L’Egypte copte, les chrétiens du Nil, Paris, Gallimard Découvertes, 2000.
– CAPUANI Massimo, L’Egypte copte, Paris, Citadelles & Mazenod, 1999.
– CORM Georges, Le Proche-Orient éclaté 1956-2010, Paris, Folio Histoire, 2005.
– DU BOURGUET Pierre, Les Coptes, Que sais-je ? Paris, PUF, 1988.
– SFEIR Antoine, Atlas des religions, Paris, Plon-Mame, 1994.
Emilie Polak
Emilie Polak est étudiante en master d’Histoire et anthropologie des sociétés modernes à la Sorbonne et à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm où elle suit également des cours de géographie.
Notes
[1] L’inculturation est un terme chrétien qui désigne la manière d’adapter le message de l’Evangile dans une culture donnée.
[2] Le monachisme chrétien, c’est-à-dire l’état de vie religieux, dans un monastère par exemple, provient largement des Coptes. Ce sont des chrétiens égyptiens - Antoine, Pachôme, Chenouté - qui ont structuré ce mouvement qui a marqué d’abord l’Egypte et le Proche-Orient puis les autres continents.
[3] L’art paléochrétien est un art chrétien ou réalisé sous un patronage chrétien entre 200 et 500 ap. J-C.
[4] Sur les 518 députés au Parlement égyptien, le président a la possibilité d’en nommer dix.
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