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Par Amicie Duplaquet
Publié le 21/12/2015 • modifié le 13/04/2020 • Durée de lecture : 8 minutes

Tel Aviv : A huge poster showing Likud leader and Prime Minister Benjamin Netanyahu hangs from a building, 07 May 1999 in Tel Aviv. Netanyahu is trailing behind Israeli opposition leader Ehud Barak who has opened up a 12-point lead over him in the race for prime minister, according to a Gallup poll published 07 May 1999.

AFP / SVEN NACKSTRAND

Origines et idéologie

Contrairement au socialisme sioniste des pères fondateurs d’Israël, qui préconisent la réalisation du projet sioniste à travers le travail et l’idéologie des kibboutz, les formations politiques de droite sont relativement absentes des premières décennies du Yichouv. Cette absence de représentation politique ne signifie toutefois pas pour autant l’absence d’un courant de droite libérale dans l’idéologie sioniste. Ces derniers ont en revanche mis plus de temps à s’organiser politiquement, contrairement au courant sioniste socialiste qui s’est incarné dans différents partis, notamment le Poale Zion, dès le début du 20ème siècle.

En 1922, peu de temps après la conférence de San Remo qui décide de l’établissement d’un Foyer national juif en Palestine, Chaïm Weizmann crée l’« Organisation des sionistes généraux ». Cette formation regroupe diverses personnalités de sensibilité libérale, à l’image de la ligne idéologique de l’Organisation sioniste mondiale (OSM).

Vladimir Jabotinsky (1), l’un des membres de l’OSM, refuse de se joindre à l’Organisation des sionistes généraux, qu’il juge trop modérée. Jabotinsky est partisan de l’établissement d’un Foyer national juif sur les deux rives du Jourdain et ce en passant par la lutte armée. Il est d’ailleurs connu pour avoir fondé la « légion juive » (2) durant la Première Guerre mondiale, puis le Bétar. En 1923, il publie un texte intitulé « La muraille d’acier » (3) dans lequel il met en cause la démarche socialiste du courant sioniste majoritaire. À la place, il prône la création d’une armée juive puissante afin d’imposer l’idéologie sioniste face à la résistance arabe, qui commence par ailleurs à s’organiser de plus en plus. La rupture étant alors consommée avec la majorité des membres de l’OSM, Jabotinsky créé en 1925 son propre parti qu’il appelle le Parti révisionniste. L’idéologie des révisionnistes se distingue des socialistes sur trois grands thèmes. Tout d’abord, les révisionnistes sont partisans d’une vision plus radicale du projet sioniste, que ce soit sur le plan territorial où ils exigent un foyer des deux côtés du Jourdain, ou bien dans l’usage de la force, aussi bien tolérée envers les Anglais qu’envers les Arabes pour parvenir à leurs fins. Ensuite, les révisionnistes se distinguent par une vision sociale et économique très libérale, contrairement aux sionistes généraux qui sont des sympathisants socialistes. Enfin, ils revendiquent une approche plus frontale des Arabes, parlant notamment déjà de projet colonial à travers l’aboutissement du sionisme, tandis que la gauche sioniste évoque à l’époque un projet tout aussi bénéfique pour les Juifs que pour les Arabes.

À partir de 1928, trois hommes vont tenter de faire prendre au parti révisionniste un tournant autoritaire. Il s’agit de Abba Ahiméir, Uri Zvi Greenberg et Yehoshua Yevin. Ils créent ensemble, au sein du parti révisionniste, la faction « Brit Ha Birionim », qui entend lutter à la fois contre les socialistes, les Arabes et les Anglais. En 1932, ils proposent à Jabotinsky de transformer le parti révisionniste en un parti autoritaire. Ce dernier refuse et la faction cesse d’exister l’année suivante, suite la condamnation d’Ahiméir pour l’homicide de l’un des membres de l’Agence juive.

En 1936, dans le contexte de la Grande révolte arabe, Jabotinsky crée l’Irgoun Tzevai Leoumi (littéralement « Organisation militaire nationale ») à partir d’une scission de la Haganah qui n’opère pas, à son goût, d’opposition assez active face aux Arabes. L’Irgoun est connue pour avoir commis à cette époque des attentats contre des civils palestiniens. La même année, le parti révisionniste entame des négociations avec le gouvernement polonais, qui souhaite expulser les Juifs de son territoire national. Jobotinsky espère ainsi, par le biais de son envoyé Avraham Stern, trouver un nouvel argument pour faire plier les autorités britanniques en faveur de l’augmentation du nombre de visas attribués aux migrants juifs. Il s’en suit une collaboration controversée ainsi qu’un soutien militaire et financier attribués à l’Irgoun (4).

Jabotinsky décède en 1940 d’une crise cardiaque et Menahem Begin prend en charge sa succession. Dans un contexte de lutte entre le Yichouv et les Britanniques, l’Irgoun incarne à ce moment l’essentiel de l’héritage révisionniste et l’organisation multiplie les attentats et les sabotages jusqu’à ce que soit prononcée l’indépendance d’Israël.

Le renouvellement à partir de 1948

Le démantèlement de l’Irgoun est l’une des premières mesures prises par David Ben Gourion, peu de temps après la déclaration d’indépendance qu’il prononce. Face à cette mesure, Menahem Begin, considéré comme le nouveau chef des révisionnistes, crée un nouveau parti pour intégrer les anciens de l’Irgoun et du parti révisionniste. Appelé Hérout (littéralement « liberté »), cette nouvelle formation ambitionne de continuer à défendre l’idéologie des révisionnistes, à savoir la défense du libéralisme économique et social, l’opposition aux socialistes et la promotion d’un grand Israël sur les deux rives du Jourdain. Lors des premières élections législatives de 1949, le parti obtient un peu plus de 11 % des voix, ce qui le place au quatrième rang du jeune échiquier politique israélien.

Durant les années 1950, alors que la mémoire des attentats menés par l’Irgoun est encore vive, le parti du Hérout est globalement marginalisé et tenu à l’écart de toutes les coalitions gouvernementales, dominées par le Mapaï. La tension entre les deux partis atteint son paroxysme en 1952 lorsque le Hérout s’oppose violemment à l’accord conclu entre le gouvernement socialiste de Ben Gourion et la République fédérale allemande au sujet des réparations allemandes (5) versées au jeune État israélien. Considérant que cet accord trahit la mémoire des victimes du génocide, Menahem Begin organise de violentes manifestations qui lui valent quinze mois d’exclusion de la Knesset. À la fin des années 1950, le Hérout conserve une image ambiguë : bien qu’il inquiète par son caractère violent, il constitue néanmoins la seule véritable opposition au mouvement travailliste.

Il faut attendre les années 1960 pour que le Hérout réussisse à adoucir son image et à se normaliser auprès de la classe politique et des citoyens israéliens. À partir de 1965, le Hérout s’allie avec le parti libéral israélien, un mouvement centriste. Ils forment ensemble une coalition appelée Gahal en vue de préparer les élections législatives de 1965. Cette alliance permet non seulement au Hérout d’adoucir son image, mais aussi d’améliorer ses scores électoraux. En 1967, peu de temps avant la guerre des six jours, le Premier ministre travailliste Levi Eshkol invite le Hérout à participer à sa coalition gouvernementale. Cette première expérience du pouvoir donne au parti une respectabilité nouvelle et clôture son processus de normalisation. Cependant, trois ans après son entrée dans la coalition, le Hérout quitte le gouvernement suite un désaccord avec les travaillistes.

Malgré ce retrait, la droite israélienne devient, au début de la décennie 1970, la principale force d’opposition à la gauche, dont elle bénéficie de l’usure. De plus, l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, à l’issue de la guerre de 1967, rend la thèse révisionniste du « Grand Israël » plus crédible auprès de la population.
En 1973, le Hérout, le parti libéral et d’autres petites formations de droite se réunissent pour former un nouveau parti : le Likoud. Ancien dirigeant de l’Irgoun et du Hérout, Menahem Begin est élu à la tête du nouveau Likoud. Le programme du parti s’inscrit ainsi dans la continuité du parti révisionniste de Jabotinsky, notamment en ce qui concerne la revendication du « Grand Israël ». Des précisions sont toutefois posées et la Jordanie n’est plus revendiquée, seuls les territoires occupés par Israël depuis la guerre des six jours sont désormais réclamés.
En 1977, le Likoud remporte pour la première fois les élections avec 33 % des suffrages. Menahem Begin est alors nommé Premier ministre et forme un gouvernement de droite, mettant ainsi fin à la domination de la scène politique par les travaillistes.

L’expérience du pouvoir

Dès son accession au pouvoir en 1977, le gouvernement Begin lance une politique de colonisation intensive des Territoires palestiniens, tel que revendiqué dans le programme du Likoud. Le gouvernement accepte cependant de rendre la péninsule du Sinaï à l’Egypte, avec laquelle des pourparlers sont engagés en vue des accords de Camp David.

En 1982, Begin commandite l’intervention israélienne du Liban afin de déloger les cellules de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) qui se trouvent dans le sud du pays. La campagne du Liban est perçue par beaucoup de citoyens israéliens comme une guerre non nécessaire à la sécurité d’Israël. Tenu pour responsable, Begin décide de rendre sa démission en septembre 1983 et est remplacé par Yitzhak Shamir, un autre membre du Likoud.

Les élections de 1984 donnent lieu à une égalité presque parfaite entre les travaillistes et les élus du Likoud, qui doivent donc s’entendre sur la formation d’un gouvernement d’Union nationale (6). Le Liban est évacué, à l’exception du sud qui reste sous occupation israélienne, et la colonisation continue de se développer. En 1987, la première intifada éclate dans les Territoires palestiniens et les réponses politiques à y apporter varient en fonction des travaillistes et des libéraux du Likoud, qui continuent de prôner la nécessité d’un « Grand Israël » et donc un maintien de l’occupation. En désaccord, les travaillistes quittent la coalition gouvernementale en 1990. Les élections de 1992 marquent le retour de la gauche au pouvoir et l’investissement du gouvernement d’Yitzhak Rabin dans le processus d’Oslo, auquel le Likoud est très réticent.

En 1996, le Likoud revient au pouvoir avec Benjamin Netanyahou comme Premier ministre qui ne revient pas pour autant sur les accords d’Oslo, mais décide de les interpréter à minima. Il met aussi en place une politique beaucoup plus libérale que celle de ses prédécesseurs, ce qui a l’effet non désiré d’éloigner l’électorat populaire du Likoud. Les élections suivantes voient ainsi le Likoud réaliser son score le plus bas - 14 % des suffrages - et la gauche former un nouveau gouvernement avec Ehud Barak.

Il faut ensuite attendre la fin de l’année 2000 et l’éclatement de la seconde intifada pour que le Likoud parvienne à s’imposer durablement au pouvoir. Le parti remporte les élections de 2001 et Ariel Sharon forme un nouveau gouvernement. Face à l’intifada, il est le premier représentant de droite à évoquer l’idée d’un Etat palestinien, dans l’intérêt de l’État juif. Bien que les zones évoquées soient limitées, il s’agit d’une évolution symbolique du Likoud. Dans le même temps, Sharon commence la construction d’un mur de séparation entre les Territoires palestiniens et Israël, contre l’avis de l’Assemblée générale des Nations unies. Refusant de négocier avec Yasser Arafat qu’il considère comme terroriste, Sharon propose de calmer les esprits avec l’évacuation des colonies juives de Gaza. Contre l’avis de la majorité du Likoud, l’évacuation de Gaza est réalisée en septembre 2005. En désaccord grandissant avec le Likoud, Ariel Sharon quitte le parti en novembre 2005 et créé un nouveau parti centriste : Kadima. Ce nouveau parti remporte les élections de 2006 et forme un gouvernement centriste.

Le 1er avril 2009, Benjamin Netanyahou est nommé pour un second mandat à la tête d’un nouveau gouvernement. Il parvient à réunir dans sa coalition des partis religieux et nationalistes, mais aussi les travaillistes d’Ehud Barak. Netanyahou incarne depuis le nouvel homme fort du Likoud, porteur d’une politique souvent intransigeante. Le Likoud remporte par la suite les élections du 22 janvier 2013, puis celles du 17 mars 2015 et Benjamin Netanyahou est à chaque fois reconduit au poste de Premier ministre. Son gouvernement actuel est formé d’une alliance avec les partis nationalistes et religieux, tels que le Foyer Juif, le Shas et Israël Beitenou.

Lire sur Les clés du Moyen-Orient :
 Territoires palestiniens
 Le parti travailliste israélien
 Theodor Herzl, père du sionisme
 David Ben Gourion, Les Secrets de la création de l’Etat d’Israël – Journal 1947-1948
 La Cisjordanie au XXe siècle – partie I : De la fin du XIXe siècle à 1967
 La Cisjordanie au XXe siècle – partie II : De 1967 à aujourd’hui, un territoire en lien avec la question palestinienne
 Les implantations israéliennes en Cisjordanie (1) : histoire de la présence juive en Palestine avant 1967
 Les implantations israéliennes en Cisjordanie (2) : histoire d’une colonisation depuis 1967
 Les colonies israéliennes en Cisjordanie (3) : approche multiscalaire des stratégies territoriales

Notes :
(1) http://www.akadem.org/medias/documents/Jabotinsky.pdf
(2) http://vudejerusalem.20minutes-blogs.fr/archive/2014/02/21/la-creation-de-la-legion-juive-premiere-armee-juive-depuis-l-892747.html
(3) http://uia95.com/Cours%20UIA/Israel%20Palestine/Flash%20OK%202/Muraille%20acier%20integral.htm
(4) http://orientxxi.info/lu-vu-entendu/bouter-les-britanniques-hors-de,0614
(5) http://www.akadem.org/medias/documents/3-reparations_allemandes.pdf
(6) https://www.foreignaffairs.com/articles/israel/1984-09-01/israel-election-year-1984

Publié le 21/12/2015


Amicie Duplaquet est étudiante à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon, en Master Coopération et développement au Maghreb et Moyen-Orient. Après avoir suivi des cours de sciences politiques à l’université de Birzeit, en Cisjordanie, elle a réalisé un mémoire sur les conséquences du printemps arabe sur la stratégie israélienne et prépare une thèse sur le même sujet à l’Institut Français de Géopolitique. 


 


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