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LOUAI BESHARA / AFP
Après plusieurs années de tension entre les Etats-Unis et la Syrie, une normalisation des relations semble se dessiner au début de la présidence de Barack Obama. La Syrie apparaît alors être un enjeu de la diplomatie américaine afin d’avancer dans la résolution des conflits au Moyen-Orient. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Les attentats du 11 septembre 2001 provoquent un durcissement des relations entre les Etats-Unis et la Syrie, comme l’illustrent plusieurs faits. A la suite du 11 septembre, le département d’Etat américain identifie sept Etats, dont la Syrie, qui apportent leur soutien au terrorisme international, et qui sont qualifiés d’Etats voyous (« rogue states »). En 2003, alors que la Syrie marque son opposition à la guerre contre l’Irak, les Etats-Unis l’accusent de laisser passer par sa frontière des combattants et des armes vers Irak et de détenir des armes de destruction massive. En mai 2004, l’administration Bush met en place le Syrian Accountability Act afin de sanctionner l’aide syrienne au terrorisme. A cette même époque, la diplomatie américaine accuse également la Syrie d’occuper le Liban. La France, avec laquelle les liens sont anciens, surtout pendant le mandat français au Levant (1918-1946), reproche pour sa part à la Syrie de déstabiliser le Premier ministre libanais Rafic Hariri. Alors que le 28 août, le régime syrien annonce vouloir amender la constitution libanaise afin de prolonger le mandat du président libanais pro-syrien Emile Lahoud, les Etats-Unis et la France portent conjointement l’affaire devant le conseil de sécurité de l’ONU, qui vote le 2 septembre 2004 la résolution 1559. Cette résolution décide du retrait de l’armée syrienne du Liban, du désarmement des milices, dont le Hezbollah, et de la tenue d’élections libres. L’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri le 14 février 2005 détériore davantage les relations : les Etats-Unis ferment leur ambassade à Damas, soupçonnant l’implication de la Syrie dans cet assassinat. En 2008, la diplomatie américaine se heurte à nouveau à la question du passage de combattants vers l’Irak par la frontière syrienne. L’armée américaine organise le 27 octobre 2008 un raid sur un village syrien, dans le secteur d’Abou Kamal et le 28 octobre, en réaction, Damas décide de fermer l’école et le centre culturel américains de la capitale.
Au début du mandat de Barack Obama, une évolution apparaît dans les relations avec la Syrie. Même si les Etats-Unis attendent la Syrie sur plusieurs questions (armement nucléaire, soutien apporté au Hamas et au Hezbollah, liens avec l’Iran [1], infiltration de combattants en Irak par la frontière syrienne, relations avec le Liban), le nouveau président américain travaille à reconstruire les relations dès le début de son mandat, en parallèle de son implication pour la reprise du processus de paix entre Israéliens et Palestiniens.
En février 2009, des parlementaires américains se rendent à Damas, ainsi que le sénateur et président de la commission des Affaires étrangères John Kerry. Il définit les questions sur lesquelles la Syrie pourrait apporter sa contribution : formation d’un gouvernement d’unité palestinien avec le Hamas et le Fatah, stabilité au Liban et sécurité en Irak, ce qui positionnerait la Syrie comme un acteur régional. De son côté, la Syrie souhaite reprendre les négociations de paix avec Israël sur la question du Golan (pris par Israël lors de la guerre des six jours en 1967 et annexé depuis 1981) et attend des Etats-Unis la réouverture de l’ambassade américaine et la levée des sanctions économiques liées au Syrian Accountability Act.
Le 4 mars 2009, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton se rend également à Damas, dans le cadre d’une tournée diplomatique qui l’a conduite en Egypte, en Israël et en Cisjordanie, alors que, de façon concomitante, le Tribunal spécial pour le Liban, chargé d’enquêter sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, ouvre le 1er mars. En mai, les Etats-Unis annoncent que les sanctions économiques ne sont pas levées, malgré la demande du président syrien. Les visites de responsables américains se poursuivent à Damas : en juin, George Mitchell, émissaire de Barack Obama pour le Moyen-Orient, rencontre deux fois le président syrien Bachar al-Assad. Lors de la deuxième rencontre, la question du processus de paix au Moyen-Orient est évoquée ainsi que la nécessité de parvenir à la paix entre la Syrie et Israël. Le 24 juin, les Etats-Unis annoncent l’arrivée prochaine d’un nouvel ambassadeur américain à Damas et le 10 février 2010, le diplomate Robert Ford est proposé par l’administration américaine au poste d’ambassadeur à Damas. Cette nomination n’est cependant pas confirmée à ce jour, les républicains du sénat ayant bloqué en mai la proposition des démocrates, doutant de l’opportunité d’envoyer un représentant américain à Damas.
Début 2010, les faits laissent à penser que la diplomatie américaine tente de détacher la Syrie de l’Iran, considéré comme un facteur de déstabilisation en raison de son programme nucléaire et du soutien apporté au Hezbollah et au Hamas. En contrepartie, la Syrie pourrait être amenée à jouer un rôle dans la résolution des questions du Moyen-Orient et à redevenir un partenaire diplomatique pour les Etats-Unis.
Cependant, le 25 février, le président al-Assad reçoit à Damas le président iranien Ahmadinejad ainsi que le chef du Hezbollah, cheikh Hassan Nasrallah. Au cours de cette visite, le président Ahmadinejad s’exprime sur « les sionistes (qui) menacent en permanence mon pays et les peuples de la région et veulent créer de nouvelles tensions » et sur la nécessité que « la Syrie et l’Iran se consultent et prennent des décisions pour faire face à ces menaces ». La tension monte à nouveau en avril, après l’annonce israélienne de la livraison d’armes et de missiles au Hezbollah par la Syrie. Le 27 avril, les Etats-Unis accusent à leur tour la Syrie et l’Iran de livrer des armes et des missiles à l’organisation chiite. Dans ce contexte tendu, les Etats-Unis renouvellent le 4 mai, pour un an, les sanctions contre la Syrie. A la suite de cette décision, le président Bachar al-Assad s’exprime fin mai sur la perte d’influence des Etats-Unis, mais aussi de l’Europe, au Moyen-Orient, laissant entendre que d’autres puissances peuvent s’impliquer dans la région, comme la Russie, « en train de réaffirmer son rôle ».
Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.
Notes
[1] l’alliance formée entre la Syrie et l’Iran au début des années 1980 avait pour objectif de consolider la puissance régionale de la Syrie, dans le contexte de l’isolement de l’Egypte suite à la signature du traité de paix avec Israël en 1979 et de la faiblesse de l’Irak en guerre contre l’Iran depuis septembre 1980
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