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L’élection présidentielle fixée aux 26 et 27 mai 2014 en Egypte

Par Emilie Polak
Publié le 01/04/2014 • modifié le 01/03/2018 • Durée de lecture : 6 minutes

EGYPT, Cairo : Egyptian judge, Anwar Rashad al-Assi (3rd L), head of the presidential Electoral Commission, attends a press conference in Cairo on March 30, 2014, to announce the timetable for the upcoming presidential election. Egypt is to hold a presidential election on May 26-27, 10 months after the army turfed out Islamist leader Mohamed Morsi from the presidency, the electoral commission announced. The election would go into a second round on June 16-17 if there is no outright winner.

AFP PHOTO / KHALED DESOUKI

Depuis cette date, l’Egypte bénéficie d’un gouvernement provisoire chargé d’accompagner la transition démocratique du pays. C’est dans ce cadre qu’a été organisé le vote pour la nouvelle constitution égyptienne les 14 et 15 janvier 2014. La transition démocratique se poursuit avec l’annonce, dimanche 30 mars 2014, de la date des élections présidentielles égyptiennes, prévues les 26 et 27 mai prochain.

Le calendrier de la transition démocratique

La transition démocratique en Egypte se poursuit. Après la destitution du premier président égyptien élu démocratiquement en juillet 2013, plusieurs étapes ont marqué le cheminement de la transition démocratique. D’abord, un président par intérim, Adli Mansour avait été nommé dès le lendemain de la destitution de Morsi. Celui-ci a nommé un gouvernement par intérim. Ce gouvernement intérimaire a proposé un calendrier devant permettre de mener l’Egypte vers la démocratie. Le 9 juillet 2013, les Frères musulmans ont rejeté une première proposition visant à la tenue d’élections législatives avant la fin de l’année 2013. Il a donc été décidé que la priorité était à l’élaboration d’une nouvelle constitution qui devrait être approuvée par le vote des citoyens égyptiens. En effet, les manifestants qui ont poussé Mohammed Morsi à démissionner contestaient l’ancienne constitution. Ils lui reprochaient essentiellement d’islamiser la législation du pays. C’est pourquoi, en septembre 2013, une Assemblée constituante, dénommée le « Comité des 50 », a été chargée d’élaborer une nouvelle constitution. Celle-ci a été approuvée à plus de 98% par la population égyptienne les 14 et 15 janvier 2014.

L’étape suivante est de doter l’Egypte des différents pouvoirs démocratiques. Si l’on se fie à la tripartition établie par Montesquieu, la démocratie s’appuie sur une séparation des pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires. Le pouvoir exécutif sera détenu par un président de la République et par son gouvernement, l’élection de ce président devant se dérouler les 26 et 27 mai 2014. Il est prévu d’annoncer le résultat le 5 juin, à moins qu’il n’y ait un second tour, auquel cas celui-ci se déroulera les 16 et 17 juin. Le résultat de l’élection sera ainsi reporté au 26 juin. Ainsi, à l’été 2014, l’Egypte devrait être dotée d’un pouvoir exécutif pérenne. Enfin, les Egyptiens devraient être à nouveau appeler au vote afin d’élire une assemblée législative. La date de cette élection devrait être annoncée ultérieurement, sans doute par le gouvernement par intérim.

Portrait des candidats déclarés

A l’heure actuelle, seuls deux hommes se sont portés candidats à l’élection présidentielle. Hamdeen Sabbahi est le premier à avoir annoncé sa candidature, le 9 février 2014, avant de connaître la date prévue de l’élection. Agé de 59 ans et déjà candidat à l’élection présidentielle de 2012 (il était arrivé en troisième place avec environ 20% des voix), Hamdeen Sabbahi représente la gauche nassérienne en Egypte. Journaliste et poète, il a été emprisonné dix-sept fois sous les régimes précédents. Il espère remporter l’élection en misant sur le vote de la jeunesse. Du point de vue des spécialistes du monde arabe, les chances d’Hamdeen Sabbahi d’accéder à la présidence égyptienne sont très minces. Ainsi, dès sa première candidature, les observateurs occidentaux doutaient de ses chances. Tewfik Aclimandos, chercheur associé à la Chaire d’Histoire contemporaine du monde arabe au Collège de France déclarait en 2012 au Figaro qu’Hamdeen Sabbahi « n’a aucune expérience politique, ce n’est pas un candidat sérieux. Mais les gens le voient comme un ami, avec qui ils iraient discuter autour d’un café [1] ». La popularité de l’autre candidat déclaré explique également le peu de chances d’Hamdeen Sabbahi de remporter l’élection.

En effet, le second candidat à avoir fait part de sa décision de se présenter aux présidentielles est le maréchal Abdel Fattah Al-Sissi. Âgé lui aussi de 59 ans, Al-Sissi est très populaire depuis la destitution de Mohammed Morsi. Depuis cette date, il est vice-président de la République égyptienne et ministre des Armées. Toutefois, mercredi 26 mars 2014, Al-Sissi a présenté sa démission au gouvernement et a pris sa retraite de l’armée. Ces actes étaient en effet la condition nécessaire pour se porter candidat à la présidence. De la même manière, Al-Sissi avait quitté au mois de janvier son poste au Conseil supérieur des armées. Les experts estiment qu’Al-Sissi sera élu et avec une avance confortable sur le(s) autre(s) candidat(s). Cependant, les motivations réelles d’Al-Sissi demeurent assez opaques. Lors de l’annonce de sa candidature, le maréchal Al-Sissi a déclaré vouloir « débarrasser l’Egypte du terrorisme ».

Les deux candidats déclarés ont des idées politiques distinctes pour l’Egypte. Hamdeen Sabbahi a beaucoup insisté pour que l’Etat égyptien ne fasse pas campagne, c’est-à-dire qu’il désirait la démission d’Al-Sissi avant que celui-ci ne présente sa candidature à l’élection. Si Al-Sissi restait au gouvernement alors qu’il était candidat, Hamdeen Sabbahi craignait que le gouvernement se positionne en faveur du maréchal. De la même manière, le rapport à l’armée des deux candidats est radicalement différent : Sabbahi considère que l’armée doit être au-dessus des contingences politiciennes et ne pas intervenir en politique. Au contraire, Al-Sissi s’est appuyé sur l’armée pour forger sa popularité et il n’est pas certain que l’armée demeure neutre pendant la campagne. Néanmoins, les deux candidats partagent une même volonté d’établir un climat politique plus serein en Egypte, notamment après de nouveaux attentats dans le pays.

Les violences en Egypte : une nouvelle menace pour la démocratie ?

Les attentats en Egypte se multiplient en effet depuis le printemps arabe en 2011. Ainsi, le dimanche 30 mars, jour où le calendrier électoral a été révélé, des heurts entre la police et les manifestants se sont déroulés.

Cependant, un autre sujet fait l’actualité : le procès de Minieh. Dans cette ville de Moyenne-Egypte, 529 partisans des Frères musulmans ont été jugés et condamnés à mort. Seuls 153 d’entre eux sont détenus par la justice égyptienne, les autres sont en fuite. Ces Frères musulmans sont accusés d’avoir participé à des événements violents en août 2013. Au cours d’un sit-in organisé par les Frères musulmans, la police est intervenue pour déloger les manifestants et la situation a dégénéré. Les condamnés à mort sont accusés de « participation à des actes de violence ». Comme la loi l’exige, les condamnations vont être examinées par le mufti [2] qui pourra les confirmer ou les supprimer. Cependant, le procès a été considéré comme expéditif par la justice internationale, le verdict pour les 529 accusés ayant été rendu au terme de seulement deux audiences. Rupert Colville, porte-parole du Haut-Commissariat international a pointé les diverses irrégularités inhérentes au procès : « Le nombre stupéfiant de personnes condamnées à mort dans cette affaire est sans précédent dans l’histoire récente. L’imposition en masse de la peine de mort après un procès qui a été marqué par des irrégularités de procédure est une violation du droit international des droits de l’homme ».

A un moment où l’Egypte a besoin d’une reconnaissance démocratique aux yeux des institutions internationales, cette affaire pose problème. En effet, elle révèle les dysfonctionnements de la justice du pays. Or, pour qu’une démocratie soit efficace, il est indispensable que les pouvoirs soient parfaitement séparés. Cependant, l’opposition ouverte du gouvernement provisoire aux Frères musulmans et ce procès laissent à penser que les frontières entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire sont assez poreuses en Egypte.

La transition démocratique se poursuit en Egypte avec des élections présidentielles prévues les 26 et 27 mai prochain. Deux hommes se sont portés candidats pour le moment : l’un d’eux, Hamdeen Sabbahi incarne la gauche nassérienne ; l’autre, Abdel Fattah Al-Sissi, représente le pouvoir de l’armée égyptienne. Hormis Mohammed Morsi, les Egyptiens n’ont pas connu de président civil, d’où la méfiance de certains observateurs envers la candidature d’Al-Sissi. De plus, l’Egypte est en proie à de nombreux attentats et la justice du pays est considérée par les instances internationales comme ne faisant pas toujours preuve d’équité.
Ainsi, si la transition démocratique égyptienne se poursuit à travers la tenue d’élections libres, elle n’est pas encore achevée. Pour cela, il est nécessaire que les trois pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire soient tout à fait distincts.

Bibliographie :
 http://www.huffpostmaghreb.com/2014/02/12/sabbahi-egypte_n_4759808.html
 http://www.lefigaro.fr/international/2012/05/29/01003-20120529ARTFIG00654-en-egypte-la-surprenante-percee-de-hamdine-sabahi.php
 http://www.courrierinternational.com/revue-de-presse/2014/03/27/sissi-deja-proclame-encense-et-conteste
 http://www.jeuneafrique.com/Article/DEPAFP20140330163218/
 http://www.rfi.fr/moyen-orient/20130816-violences-egypte-fin-transition-democratique-mohamed-el-baradei/
 http://www.lemonde.fr/afrique/article/2014/03/27/la-peine-de-mort-en-egypte_4391087_3212.html

Publié le 01/04/2014


Emilie Polak est étudiante en master d’Histoire et anthropologie des sociétés modernes à la Sorbonne et à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm où elle suit également des cours de géographie.


 


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