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Les Koweïtiens se sont massivement rendus aux urnes jeudi 2 février 2012 afin d’élire les nouveaux membres de leur Parlement. Ces élections législatives anticipées ont été organisées suite à la dissolution du Parlement (élu en mai 2009) le 6 décembre dernier, une semaine après la démission du Premier ministre Cheikh Nasser Mohammed al-Ahmad al-Sabah, neveu de l’émir du Koweït Cheikh Sabah al-Ahmad al-Jaber al-Sabah.
Depuis près de dix ans maintenant, le pays est paralysé par une crise politique marquée par des affrontements réguliers entre les pouvoirs exécutifs et législatifs. Sous le mandat de Cheikh Nasser (février 2006-novembre 2011), six gouvernements se sont succédés alors que le Parlement a été dissous trois fois. De plus, l’administration koweïtienne est de plus en plus décrédibilisé par la multiplication de scandales politiques et la corruption.
Face à cette instabilité politique, les forces d’opposition, regroupant des islamistes, des nationalistes et des indépendants (les partis politiques sont interdis au Koweït), ainsi qu’une partie de la jeunesse koweïtienne sont mobilisés depuis mars 2011. Des milliers de manifestants se retrouvent ainsi tous les vendredis dans la rue afin de réclamer des réformes. Contrairement à certains pays secoués par le printemps arabe, les Koweïtiens n’exigent pas le départ du souverain et ne remettent pas en cause la légitimité de la famille princière. La colère du peuple se cristallise plutôt autour de la figure du Premier ministre Cheikh Nasser. La formation d’un nouveau gouvernement, la convocation d’élections législatives anticipées et plus d’ouverture politique sont revendiqués par les manifestants. La dissolution du Parlement et la tenue des élections anticipées du 2 février représentaient donc déjà une victoire certaine de l’opposition et de la rue sur le gouvernement koweïtien.
Ainsi les Koweïtiens se sont-ils rendus aux urnes dans un contexte politique troublé. Le résultat des élections, annoncé officiellement le 3 février, sanctionne largement, sans surprise, la politique gouvernementale en offrant la majorité à l’opposition qui remporte 34 des 50 sièges à pourvoir (le Parlement koweïtien est constitué de 50 membres élus au suffrage universel direct depuis 1962) alors qu’elle n’en disposait que de 20 jusqu’à présent. 24 de ces 34 sièges reviennent dorénavant à des tendances islamistes sunnites (Frères musulmans et salafistes) contre 9 seulement dans le Parlement sortant, alors que les libéraux ne détiennent plus que 2 sièges au lieu de 5. La population chiite du pays (environ 30 %) voit par ailleurs sa représentativité diminuer en obtenant 7 députés contre 9 dans la Chambre sortante. Les femmes sont également perdantes dans ce nouveau suffrage. En effet, aucune parmi les 23 femmes présentes dans la campagne n’a été élue alors que les élections de mai 2009 avaient été marquées par la victoire des quatre premières femmes à la fonction de député.
Le nombre des députés est complété par des ministres nommés directement par l’émir. Si les pouvoirs du Parlement sont limités par le véto de l’émir et par le poids du Premier ministre, issus de la famille princière, il détient une capacité de mobilisation non négligeable et peut, dans une certaine mesure, limiter la marge d’action du gouvernement. La grande victoire de l’opposition peut ainsi le fragiliser. L’enjeu du nouveau Parlement sera justement de parvenir à un certain nombre de réformes constitutionnelles afin de lui octroyer plus de pouvoir et de légaliser la présence de partis politiques et, par ailleurs, de faire évoluer la politique économique du pays. Malgré les tensions politiques déstabilisantes, l’émirat du Koweït fait figure d’exception dans la région par son degré d’ouverture démocratique.
Lisa Romeo
Lisa Romeo est titulaire d’un Master 2 de l’université Paris IV-Sorbonne. Elle travaille sur la politique arabe française en 1956 vue par les pays arabes. Elle a vécu aux Emirats Arabes Unis.
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