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Professeur des universités en histoire contemporaine à l’université de Cergy-Pontoise, Jean-Claude Lescure a publié au printemps 2018 Le Conflit Israélo-Palestinien dans la collection « En 100 questions » proposée par les éditions Tallandier. Au lendemain du déplacement, sur l’initiative du président américain Donald Trump, de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, ce livre propose de revenir aux fondements du conflit qui oppose l’État d’Israël créé au sortir de la Seconde Guerre mondiale en 1948 et les Palestiniens. En cent questions, l’historien revient sur ce qui fait l’histoire du conflit et ses répercussions, liées aux enjeux internationaux qui s’y jouent.
Les premières questions sont consacrées à une explication et une définition de l’histoire de chacune des trois religions du livre (judaïsme, islam et christianisme) dans la région, particulièrement concernant leur relation avec Israël. Jean-Claude Lescure explique aussi les différents courants qui ont résulté des évolutions historiques : le sionisme, le réformisme musulman, le nationalisme arabe et palestinien. Il reprend la déclaration de Balfour, qui proposait en 1917 l’établissement d’un Foyer national pour le peuple juif en Palestine, puis il revient aux actions britanniques en Palestine, qui surent s’aliéner tour à tour les Juifs et les Arabes en promettant des réformes contradictoires. Dès 1920, le Haut-Commissaire à Jérusalem décrète la reconnaissance de l’hébreu comme troisième langue officielle du territoire et défend le projet de Foyer national juif. Il revient sur l’organisation du Yichouv, appellation donnée à la communauté juive vivant en Palestine avant la création de l’État d’Israël, armée durant la Seconde Guerre mondiale et qui perdure une décennie après l’indépendance, l’État d’Israël privilégiant la construction de sa nation à partir d’un autre cadre politique et social. Il relate aussi l’engagement d’Ezzedine al-Qassam, qui dès 1925 appelle à la résistance armée contre les Britanniques et les Juifs, conduisant à terme à la révolte arabe de 1935-1936, dont les grèves et les attentats ont été violemment réprimés.
La guerre de 1947 - que l’auteur présente comme « guerre civile » (p. 90) -, ayant conduit au déplacement de 300 000 Palestiniens, débuta dès le lendemain du vote favorable au partage de la Palestine par l’Assemblée générale de l’ONU. Jean-Claude Lescure explique ensuite que l’échec du premier gouvernement palestinien proclamé en 1948 est dû notamment aux autres États arabes, qui ne souhaitaient pas voir émerger un acteur concurrent sur une scène déjà tendue. Il rappelle également que, contrairement à l’idée répandue, la proclamation de l’État d’Israël par Ben Gourion et sa création par la résolution 181 des Nations unies ne se sont pas construites comme une « réparation » de la Shoah mais bien comme un droit accordé aux peuples de disposer d’eux-mêmes.
Dans un deuxième temps, l’auteur s’attache à expliquer la spécificité de chaque statut : immigrant juif, réfugié palestinien, Palestinien de Gaza, Bédouin d’Israël, Juifs orientaux en Israël, etc. La position des Arabes d’Israël, qui sont, en droits, égaux aux Juifs, se trouve infériorisée dans les pratiques administratives : n’étant par exemple pas appelés à faire le service militaire imposé aux autres citoyens, ils ne bénéficient d’aucun des avantages que permet en Israël la réalisation du service militaire et sont de fait marginalisés, notamment pour accéder aux bourses leur permettant d’entrer dans les universités, toutes payantes. Toutefois, bien que s’étant auto-constitués comme minorité nationale (ce que ne reconnaissent toutefois pas les autorités), les Arabes d’Israël ont, dès le début, eu des difficultés à s’unir politiquement, présentant toujours aux élections de la Knesset une offre politique éclatée.
La Guerre des six jours, remportée par Israël, provoqua un déplacement des frontières et notamment un démantèlement de la ligne verte dessinée après les accords d’armistice en 1949 et qui séparait Israël de l’Égypte, la Syrie, le Liban et la Transjordanie, bien que les Palestiniens la revendiquent encore comme frontière du futur État. Jean-Claude Lescure s’attarde ensuite sur les processus de construction d’une mémoire en Israël par des interprétations historiques perpétuant la vision du sionisme et présentées dans les musées du pays. De l’autre côté, il explique la non-intégration des réfugiés palestiniens en Cisjordanie, où les camps sont délaissés par les autorités jordaniennes, israéliennes puis palestiniennes, et souligne combien les interférences des pays arabes dans la question palestinienne ont pu contribuer à affaiblir le nationalisme palestinien.
Les conflits entre Israël et les Palestiniens sont nombreux. Jean-Claude Lescure revient toutefois sur l’appellation médiatique de la « guerre de l’eau » qui ne recouvre pas une réalité aussi dure : si les Israéliens exploitent des eaux profondes que les Palestiniens ne peuvent utiliser par manque de technique hydraulique et qu’une grande méfiance persiste relativement à l’exploitation de réserves censées revenir aux Palestiniens, Israël transfère bel et bien à l’Autorité palestinienne la quantité d’eau prévue par les accords d’Oslo. L’auteur revient également sur la première Intifada (1987-1993), durant laquelle l’OLP s’est heurtée pour la première fois à la concurrence du Hamas, actif depuis 1987, et du Jihad islamique créé en 1982. Ces soulèvements menèrent aux accords d’Oslo, signés en 1993, et qui permettent la création de l’Autorité palestinienne, critiquée dès ses premières années pour manque d’expérience et de compétences politiques. Mais les accords d’Oslo ont permis l’évolution de la situation politique des Arabes israéliens, par le développement de nouveaux partis politiques arabes.
Pourtant, les conflits se poursuivent. Israël, outre ses représailles aux tirs de roquettes palestiniens sur le territoire israélien, poursuit, pour des raisons sécuritaires, des « punitions collectives » dénoncées par la communauté internationale. Le 1e octobre 2015 débute la troisième Intifada, dite « des couteaux », qui s’inscrit dans la vague terroriste initiée par l’État islamique (EI) depuis la Syrie et qui manifeste une transformation de la lutte contre Israël. Elle mobilise surtout les jeunes. L’auteur rappelle les origines du Jihad islamique ainsi que du Hamas, dont l’élection à Gaza en 2006 a conduit à un blocus, tant de la part d’Israël que de l’Égypte, dont la Bande souffre toujours aujourd’hui.
Les discussions sur un État multinational ne sont plus à l’ordre du jour. La seule option envisagée aujourd’hui par l’ONU serait celle d’une solution à deux États.
Jean-Claude Lescure, Le Conflit israélo-palestinien en 100 questions, Tallandier, 2018, 366 pages.
Mathilde Rouxel
Suite à des études en philosophie et en histoire de l’art et archéologie, Mathilde Rouxel a obtenu un master en études cinématographiques, qu’elle a suivi à l’ENS de Lyon et à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, Liban.
Aujourd’hui doctorante en études cinématographiques à l’Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle sur le thème : « Femmes, identité et révoltes politiques : créer l’image (Liban, Egypte, Tunisie, 1953-2012) », elle s’intéresse aux enjeux politiques qui lient ces trois pays et à leur position face aux révoltes des peuples qui les entourent.
Mathilde Rouxel a été et est engagée dans plusieurs actions culturelles au Liban, parmi lesquelles le Festival International du Film de la Résistance Culturelle (CRIFFL), sous la direction de Jocelyne Saab. Elle est également l’une des premières à avoir travaillé en profondeur l’œuvre de Jocelyne Saab dans sa globalité.
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