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Jacques Bendelac, docteur en économie, est chercheur en sciences sociales à Jérusalem. Dans son ouvrage, il se penche sur la question des Arabes vivant en Israël, dont il dresse le portrait. Qui sont les Arabes d’Israël ? L’auteur explique : « En novembre 1948, soit six mois après la création de l’Etat juif, quelques 156 000 Arabes sont restés dans les frontières du nouvel Etat. Ils se verront octroyer la nationalité israélienne et deviendront les citoyens arabes d’Israël, c’est-à-dire une minorité nationale à l’intérieur d’un Etat à majorité juive. Lentement, ils vont tenter de se construire leur propre identité, souvent au rythme des événements qui ont marqué les relations israélo-palestiniennes ». Force est de constater que « 60 ans après la création de l’Etat d’Israël, les Arabes d’Israël forment une société à part », car ils ne sont pas véritablement intégrés dans la société israélienne, et semblent hésiter entre « une israélisation forcée et une palestinisation croissante ».
Jacques Bendelac étudie dans le premier chapitre « la population arabe ». Le contexte de la population israélienne est en effet multiethnique (138 léom en hébreu, signifiant ethnie), et sa vie au quotidien est déterminée par son appartenance ethnique, de même que ses droits et ses devoirs. Les statistiques de 2007 étudiés par l’auteur font état d’une population israélienne de 7,1 millions de personnes, dont 1,4 millions d’Arabes, c’est-à-dire 20% de la population totale (les Arabes représentaient 160 000 personnes en 1949, soit 14% de la population israélienne). Les Arabes d’Israël ont une appartenance religieuse différente, selon ces mêmes chiffres de 2007 : 1,2 millions de musulmans, 120 000 chrétiens, 118 000 druzes. L’auteur étudie également les chiffres de la natalité et de la fécondité, des années 1950 à nos jours, pour les Arabes d’Israël. Au total, « Une croissance aussi rapide et sur une période aussi courte révèle un fort potentiel démographique, surtout si l’on tient compte du fait que cette augmentation provient de la croissance naturelle et non de l’immigration comme pour la population juive ». L’auteur explique également que d’ici à 2025, les Arabes d’Israël seront au nombre de 2,32 millions, c’est-à-dire 23% de la population israélienne. Cette natalité arabe, dans un contexte de baisse au Moyen-Orient, pose la question aux Israéliens d’une « fécondité politique ».
Le chapitre II traite de « L’identité arabe ». L’auteur évoque la création de l’Etat d’Israël, puis la première guerre israélo-arabe et les conséquences pour les populations arabes (notamment maintien des décrets d’urgence mis en place sous le mandat britannique) qui sont restées dans les frontières du nouvel Etat hébreu : « Pour les Arabes restés sur le territoire israélien, la création de l’Etat juif a été perçue comme une ‘’catastrophe’’ et c’est le nom (Nakba) qu’ils ont donné à ce que les juifs considèrent comme une ‘’guerre d’indépendance’’ ». La construction identitaire des Arabes d’Israël s’est également façonnée à la suite de la guerre de 1956 au Sinaï : « celle d’être devenus une minorité au sein de la majorité juive, tout en se considérant comme partie intégrante de la majorité arabe au Proche-Orient ». C’est en 1966 que les populations arabes ont commencé à être intégrées dans les institutions de l’Etat (levée des mesures discriminatoires, possibilité de travailler librement dans les villes juives). L’auteur retrace alors l’évolution de leur construction identitaire jusqu’en 2000, puis étudie le système politique israélien, et la manière dont les minorités sont considérées : les Arabes d’Israël ont ainsi un statut particulier car « ils sont citoyens d’un Etat qui les définit par la négation (les « non juifs ») et qui les considère comme une minorité étrangère à la majorité juive ». Il n’en demeure pas moins que les Arabes d’Israël bénéficient de droits (sociaux, liberté de croyance, d’expression, politiques, culturels) mais qui demeurent partiels, « car les Arabes ne sont pas autorisés à remettre en cause le caractère juif et sioniste de l’Etat ». Les relations entre les juifs et les Arabes sont également analysées.
Dans le chapitre III, l’auteur s’intéresse aux « électeurs arabes ». Il rappelle tout d’abord les « principes d’égalité et de protection des droits des minorités non juives », faisant que « tout citoyen israélien est habilité à être électeur et éligible ». C’est ainsi que les citoyens arabes d’Israël participent aux élections législatives depuis 1949, aux élections municipales, et que leurs députés représentent leurs intérêts à la Knesset. Une étude du vote des citoyens arabes est effectuée par l’auteur, lui permettant d’analyser comment les Arabes d’Israël ont formé et forment leur « conscience politique (…) autour d’un dilemme persistant : se fondre dans les partis sionistes pour obtenir tous les droits civiques accordés aux citoyens israéliens, ou se constituer en force politique indépendante de l’establishment juif pour se forger une place comme communauté nationale à part entière ». L’auteur met ainsi en évidence que de 1949 à 1970, les Arabes d’Israël votent pour les partis juifs ; que dans les années 1980 les Arabes d’Israël tentent d’organiser un parti arabe, dont les débuts, l’évolution et le programme sont rappelés jusqu’à nos jours. Les créations ultérieures d’autres partis arabes sont également étudiées, de même que les relations avec le Parti travailliste des années 1990 à nos jours. Le sentiment de solidarité ou non des Arabes d’Israël pour la cause palestinienne est également un facteur de modification électorale. Ainsi, les intifada de 1987 et de 2000 « ont ravivé le sentiment de solidarité des Arabes d’Israël avec les Arabes des Territoires palestiniens et ont modifié leur attitude à l’égard des institutions politiques israéliennes ».
La « société arabe » est étudiée dans le chapitre IV, autour de plusieurs thèmes : la famille et le clan ; la religion ; les inégalités sociales ; l’éducation et le sport ; le système de santé et de protection sociale ; les exemples de réussite des Arabes d’Israël dans la société israélienne ; la vie associative des Arabes d’Israël. L’étude de ces thèmes est réalisée selon la problématique de l’ouvrage, celle de l’intégration des Arabes d’Israël à la société israélienne. Il apparaît ainsi que « la société arabe en Israël hésite encore entre la préservation de ses structures traditionnelles et une ouverture au monde plus moderne. A l’exception de certaines réussites personnelles, la communauté arabe reste encore en marge de la société israélienne, à majorité juive ».
La question de « l’économie arabe » fait l’objet du chapitre V. Après le constat que, depuis la création de l’Etat d’Israël, l’économie arabe a connu une évolution rapide, l’auteur démontre que « l’intégration des Arabes dans l’économie israélienne reste partielle, la majorité des activités de production étant toujours contrôlée par le secteur juif ». L’auteur analyse ainsi les caractéristiques géographiques et climatiques du pays, puis les politiques de développement mises en œuvre dans le secteur juif et dans le secteur arabe. Il s’intéresse ensuite à l’évolution de l’économie arabe (agricole, puis industrielle, puis des services), rendue possible par l’évolution du contexte politique israélien, tant intérieur que régional, et des liens entretenus entre Israël et les Arabes israéliens. La question de l’emploi et du chômage est également analysée, ainsi que le niveau de vie. Au total, il apparaît que les Arabes d’Israël ont vu leur niveau de vie augmenter, mais qu’ils sont dans une situation économique « précaire », en raison du chômage, de revenus moyens plus faibles que ceux des Juifs, de difficultés d’intégration sociale. Ces facteurs, selon l’auteur, « renforcent chez les Arabes israéliens un sentiment de frustration et accentuent leur conscience politique de minorité opprimée ».
Jacques Bendelac étudie dans le chapitre VI « les villes arabes ». Il rappelle que les 1,5 millions d’Arabes d’Israël habitent en Galilée, dans le Néguev et dans le « Triangle », c’est-à-dire au sud-est de Haïfa. A cette répartition dans ces trois régions s’associe également une répartition par type de localité : arabe, mixte, villages n’ayant pas de reconnaissance officielle par l’Etat d’Israël. L’auteur fait ainsi le point sur l’urbanisation et la ruralité de la population arabe d’Israël, sur l’évolution démographique des trois régions dans lesquelles est concentrée la population arabe et des localités mixtes (au nombre de neuf). Un point est également fait sur les autres minorités vivant en Israël (chrétienne, druze, Bédouine, circassiennes, bahaïe).
Le chapitre VII traite de « la vie culturelle arabe ». L’auteur explique que « si les Arabes d’Israël ont subi l’influence de la culture juive dominante, les minorités non juives ont aussi apporté leur contribution à la création culturelle dans tous les domaines artistiques ». Ainsi, l’auteur évoque la littérature, le cinéma et le théâtre, la musique et la danse, la sculpture et la peinture, les médias et Internet. L’évocation de ces domaines culturels met en évidence que les Arabes d’Israël ont développé une vie culturelle dense, mais l’auteur souligne cependant que « la culture arabe exprime encore le statut minoritaire des Arabes d’Israël et leurs affinités avec le monde musulman ».
Dans le chapitre VIII, l’auteur dresse un tableau comparatif sur la situation démocratique, le développement humain, le domaine de la santé, l’alphabétisation et l’emploi en Israël et dans les Etats arabes voisins. La conclusion de cette analyse comparative est la suivante : « les indicateurs humains, économiques, sociaux et culturels indiquent que les Arabes d’Israël ont une confortable longueur d’avance sur les Arabes des pays voisins ».
Jacques Bendelac, Les Arabes d’Israël, entre intégration et rupture, Paris, Autrement, 2008, 194 pages.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.
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