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Iran : quelles sont les perspectives à venir concernant la levée des sanctions ?

Par Michel Makinsky
Publié le 16/11/2015 • modifié le 08/04/2020 • Durée de lecture : 31 minutes

Michel Makinsky

Les étapes du côté américain

Une étape décisive vers l’application de l’accord nucléaire du 14 juillet vient d’être franchie avec l’Adoption Day (1). La date retenue aussi bien aux Etats-Unis qu’en Iran pour le début de celui-ci est le 18 octobre 2015. Ce jour-là, Barack Obama a publié une instruction aux différentes administrations concernées, de commencer à mettre en place ce processus. John Kerry, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, a été chargé par lui (2) de délivrer la première instruction aux différentes administrations et agences américaines. Ce dernier s’empresse de publier simultanément un document (3) dont la lecture est indispensable bien que malaisée en raison d’une rédaction aussi précise que fort complexe. Ce texte énumère la liste des sanctions qui feront l’objet de suspension (waivers) quand il (Kerry) considèrera, au vu des conclusions de l’AIEA, que l’Iran a respecté ses engagements listés dans l’annexe V du Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA) (4). Ce qui correspondra à ce qu’on appelle l’Implementation Day (5), c’est-à-dire le jour où cette suspension prend effet. Le Trésor américain (OFAC) a publié également une première note à ce sujet (6). Le processus de levée des sanctions concerne au premier chef ce qu’on appelle les « Secondary Sanctions ». On distingue en effet les « Primary Sanctions » et les « Secondary Sanctions ». Cette distinction est très importante pour les conséquences que l’on va évoquer. Les « Primary Sanctions » frappent les sociétés ou personnes américaines et sont des sanctions prises principalement en vertu de textes visant la répression, le blanchiment d’argent sale et également la lutte contre le terrorisme (7). Elles ne sont pas visées par l’accord nucléaire et donc sont maintenues intactes (8). Les « Secondary Sanctions » ont été adoptées en vertu de la lutte contre la prolifération nucléaire attribuée à l’Iran et frappent les sociétés étrangères à titre principal et les filiales ou succursales de sociétés américaines dans une certaine mesure. Une lecture trop rapide de ce dispositif pourrait amener faussement à imaginer qu’une des conséquences de la levée des « Secondary Sanctions » serait que les entreprises américaines, qui, elles, sont visées par les « Primary Sanctions », soient défavorisées et privées de la sorte de l’accès au marché iranien. Ce serait une erreur, car les frontières entre « Primary » et « Secondary » Sanctions sont beaucoup moins faciles à appréhender qu’une lecture sommaire pourrait permettre de le croire (9). En réalité, l’extrême complexité de la rédaction du JCPOA si on en dépasse une revue sommaire, est que ses dispositions peuvent permettre, dans des conditions qui restent à mieux définir, le retour des sociétés américaines sur le marché iranien. Donc, pour les entreprises européennes, des zones d’ombre subsistent encore sur ce qui leur sera permis et interdit, de même qu’aux sociétés américaines. En sus, comme le souligne Mark Dubowitz, il ne faut surtout pas négliger un autre facteur : il existe d’importantes différences dans les listes d’entités et individus sanctionnés entre les textes américains et européens : un certain nombre de personnes listées en Europe comme violant les Droits de l’Homme ne le sont pas aux Etats-Unis et inversement plusieurs institutions financières sanctionnées par l’OFAC ne le sont pas par l’Europe. Une dérogation aux « Primary Sanctions » donne cependant une indication sur les intentions des auteurs américains du texte : il est prévu que l’administration américaine pourra consentir des licences d’exportation d’avions. Or, on sait que dans le régime d’allègement provisoire, seules des pièces détachées et des prestations de service étaient autorisées. Le texte du JCPOA prévoit une exception aux « Primary Sanctions » en octroyant aux Américains le droit (des licences) de vendre des avions. De même, l’importation de produits iraniens comme des tapis ou pistaches pourra être autorisée. Sauf interprétation contraire, on pourrait être tenté d’y voir un moyen pour que leurs concurrents européens ne puissent pas faire de même ou du moins vers les plus importants clients d’un gros marché très convoité (10), en leur interdisant de vendre à des entités sanctionnées. En effet, par exception ne pourront pas bénéficier de cette licence de vente les cessions destinées à des personnes spécifiquement nommées dans les listes de personnes sanctionnées (SDN, voir note 11 ci-dessous). Aussi, les juristes spécialisés travaillent ardemment pour tenter de porter un diagnostic validé sur ces questions. Malgré tout, le document Waiver Determinations de John Kerry que nous avons mentionné contient quelques précisions importantes donnant une indication sur la définition des « Non-US persons » qui peuvent bénéficier de ces fameuses suspensions (waivers) (11). Il manque cependant un élément déterminant pour une meilleure compréhension de ces dispositions : c’est la publication attendue des lignes d’interprétation, les Guidances du Trésor américain (OFAC). Par certains côtés, on pourrait penser que l’OFAC n’est pas très pressé de le faire, ce qui est une façon pour lui de continuer de garder la main sur ce dispositif, et surtout de dissuader des entreprises concurrentes, en particulier européennes, de revenir sur le marché iranien. Des discussions se tiennent en ce moment entre le Trésor américain et ses homologues européens pour tenter d’obtenir que les Etats-Unis ne pénalisent pas trop les Européens. Il convient de rester prudent, car on imagine mal l’OFAC acceptant de laisser la voie libre à ces derniers. Il n’en demeure pas moins que de nombreux groupes américains aimeraient pouvoir accéder au marché iranien sous une forme ou une autre. Le Président Rohani n’a pas caché que des entreprises américaines lui avaient fait part de leur impatience de pouvoir opérer avec l’Iran (12). Les analystes ne manquent pas d’observer les démarches intensives de représentants de ces entreprises en vue de lancer ou rétablir des courants d’affaires avec ce marché.

Les étapes du côté européen

On vient ainsi de voir les étapes et les perspectives à venir du côté américain. Du côté européen, l’UE n’a pas perdu de temps, ayant publié, le 18 octobre également, deux Règlements du Conseil des ministres de l’Union qui procèdent à la levée des sanctions européennes, levée très générale. Le texte des deux Règlements (13), comme celui de son homologue américain, prévoit que la levée effective des sanctions interviendra lorsque l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique (AIEA) aura constaté et certifié que l’Iran aura rempli les obligations qu’il a souscrites en matière de démantèlement de son appareil nucléaire. Parmi celles-ci (14), la neutralisation du réacteur à eau lourde d’Arak en noyant de béton son cœur, puis débuter sa transformation ensuite en réacteur à eau légère. La structure ad hoc prévue par le JCPOA pour piloter ce programme (qui devrait comprendre 3 phases (15)) dotée d’une direction bicéphale américano-chinoise (16), vient d’être mise en place et va commencer ses travaux. Le chantier de neutralisation va prendre quelques mois. En revanche, le chantier de reconversion du réacteur en eau lourde en réacteur à eau légère, dont la Chine prendra une part significative (17), nécessitera plus de temps et surtout va requérir des financements dont on peut penser que l’Iran ne dispose pas encore à ce jour. Il faudra ainsi prévoir un financement multilatéral (18). L’Iran de son côté entame des négociations avec la Russie en vue d’un accord de swap, qui consiste à échanger l’uranium enrichi iranien utilisé en l’évacuant vers la Russie (19), contre de l’uranium qui sera destiné aux centrales iraniennes et aux centrifugeuses autorisées. Les discussions ont d’ores et déjà commencé. D’autre part, un signal fort a été donné par l’Iran, qui a annoncé le 18 octobre (20) qu’il va appliquer à compter de l’Implementation Day (à titre provisoire et dans l’attente de sa ratification par le parlement) le Protocole Additionnel du Traité de Non Prolifération nucléaire et le code 3.1 modifié des Arrangements complémentaires, ce qui permet des inspections très intensives de ses installations par l’AIEA.

Dès le 19 octobre, la commission mixte de suivi comprenant les 5+1 (les 5 membres permanents du Conseil de Sécurité + l’Allemagne) et l’Iran s’est réunie à Vienne, rassemblant experts, vice-ministres, directeurs des Affaires politiques des ministères des Affaires étrangères respectifs sous la présidence de Federica Mogherini, Haut-Représentante de l’Union Européenne afin d’installer ce groupe (21) qui débute son travail sans tarder. La commission a pris acte des mesures déjà prises par les parties, et prévoit de se réunir au niveau des directeurs des affaires politiques des ministères des Affaires étrangères chaque trimestre ou plus tôt si besoin (22).

L’étape suivante devait intervenir le 15 décembre, date à laquelle l’AIEA devait rendre son rapport final sur les activités nucléaires dites suspectes (activités possible military dimensions PMD) sur lesquelles l’Iran s’était vu demander des explications (23). Le même jour, juste avant la remise du rapport, devait se tenir une réunion bilatérale entre Téhéran et l’AIEA (24). Anticipant cette échéance, l’Agence a publié son rapport dès le 2 décembre, qu’une résolution du Conseil des Gouverneurs de l’AIEA a approuvé le 15 décembre, refermant ainsi ce dossier. On se souvient de ce que l’Iran avait remis à l’AIEA le 15 octobre, comme cela était prévu, les éléments attendus. L’Agence n’exonère pas totalement Téhéran de tout reproche sur le passé, mais, tournant la page, insiste sur la surveillance très stricte qu’elle exercera sur le respect des engagements de l’Iran. On peut penser qu’il y a eu des discussions discrètes entre l’Agence et l’Iran sur un certain nombre de points. Il ne faut pas oublier que l’atmosphère s’est beaucoup éclaircie à la suite de la visite le 21 septembre de Yukiya Amano, directeur général de l’AIEA sur le site de Parchin, qui était supposé ne jamais pouvoir être visité. Il a constaté, ce à quoi tout le monde s’attendait, qu’il n’y avait rien de particulièrement alarmant.

Cette étape du 15 décembre va jouer un rôle décisif dans le zèle qui va être mis par les 5+1 à avancer dans le « détricotage » des sanctions. Au cours du premier trimestre 2016, devrait intervenir la revue-bilan par l’AIEA pour valider que l’Iran aura accompli depuis le 18 octobre le programme qui lui est demandé (25). A partir de ce moment là, quand l’AIEA donnera en quelque sorte son feu vert pour l’Implementation Day, les textes qui ont été publiés rentrent en vigueur. Du côté Communautaire, la mise en application des textes organisant la levée des sanctions peut avancer rapidement. Du côté américain, Barack Obama a insisté dans sa déclaration sur la volonté de respecter les engagements souscrits par l’Iran.

Quelle mise en place ?

Comment cela va-t-il se passer ? C’est difficile à dire, pour plusieurs raisons. La première est que l’on attend les clarifications sur les « Secondary » et « Primary » sanctions auxquelles nous avons fait allusion, dont les entreprises ont besoin pour déterminer ce qui leur sera autorisé et ce qui demeurera véritablement interdit. A ce jour, nous manquons encore de visibilité. Ce qui peut plaider pour une accélération de cette clarification est qu’un certain nombre de groupes américains importants, y compris dans le secteur de l’énergie, ont clairement affirmé vouloir accéder au marché iranien. Ceci génère des signaux un peu contraires, d’un côté l’OFAC qui ne souhaite pas faciliter les activités des entreprises européennes, largement concurrentes des entreprises américaines, et de l’autre des groupes américains qui veulent pouvoir tirer profit de cette opportunité. La question ne se pose pas dans les mêmes termes pour l’UE, qui a la volonté à la fois politique et économique d’avoir accès au marché. Les Européens souhaitent aller de l’avant. Ce qui plaide pour une accélération, voire même dans certains cas pour une anticipation, est que les Européens ne veulent pas se faire doubler par les Américains (26). Outre la détermination précise des limites de ce qui sera permis ou demeure interdit, il conviendra de s’assurer que les opérations envisagées en Iran ne soient pas couvertes par des sanctions autres que nucléaires, point que nous avons déjà évoqué. Les Américains s’inquiètent de ce que l’impatience des Européens à prendre des parts de marché en Iran ne les pousse à « ignorer », voire « bousculer » l’obstacle des sanctions non-nucléaires (27). Ceci n’en rend que plus cruciale la nécessité d’opérer des « due diligences » sur les partenaires et interlocuteurs iraniens. Parmi les dispositions que les opérateurs économiques attendent avec impatience (c’est une priorité majeure pour les dirigeants iraniens) (28) vient au premier chef le rétablissement des outils de codification Swift de transfert de fonds de banque à banque. La réflexion est déjà engagée sur les modalités de remise en service. Les Européens vont sans hésitation demander à Swift - dès l’Implementation Day intervenant grâce au feu vert de l’AIEA - de réouvrir rapidement ces canaux de communication interbancaires (29). L’article 23 paragraphe 4 du Règlement (UE) 267/2012 du Conseil en date du 23 mars 2012 modifié par le Règlement (UE) 2015/1861 en date du 18 octobre 2015 prévoit qu’il est interdit de fournir des services de messagerie financière à des personnes physiques ou morales, entités, organismes énumérés aux Annexes VIII & IX ; or le Règlement d’Exécution (UE) 2015/1862 du 18 octobre 2015 (lien dans note 13) liste les personnes, entités, etc qui seront retirées de ces annexes à l’occasion de l’Implementation Day. Donc, pour connaître les interlocuteurs iraniens jusqu’ici sanctionnés qui pourront être reliés à Swift, il convient de se reporter à cette liste, sous réserve encore une fois, que ces interlocuteurs ne figurent pas sur les listes d’autres sanctions. Washington va-t-il faire de même ? On peut le penser, mais cela va-t-il être coordonné ? Il n’est pas certain que la levée effective des sanctions américaines sera synchrone. Il faudra valider le statut de certaines banques, entités, personnes, sur les listes américaines. En sus, certaines banques (30) frappées de sanctions autres que nucléaires resteraient exclues des services Swift. Une réunion des 5+1 avec les Iraniens sur le programme de travail des sanctions s’est déjà déroulée, et des équipes ad hoc sont mises en place tant par Washington que Téhéran. Le 17 septembre, Barack Obama avait désigné Stephen Mull, ancien ambassadeur en Pologne, comme responsable de la coordination des nombreuses agences gouvernementales concernées par l’application du JCPOA. Assisté de Jarrett Blanc (ancien représentant spécial en Afghanistan et au Pakistan), il dirigera une cellule « resserrée » d’environ 7 membres installée au Département d’Etat qui assure le leadership des opérations (31). Afin de parfaire son contrôle de cette phase, Barack Obama a lui aussi mis en place une équipe ad hoc : le National Security Council (NSC) a créé un « bureau » pour superviser les suites du JCPOA, qui devrait être dirigé par Paul Irwin, directeur du NSC pour les affaires de non-prolifération. Ce groupe devrait travailler en étroite concertation avec l’équipe de Stephen Mull placée au Département d’Etat sous l’autorité de Tom Shannon, désigné (sous réserve d’approbation du Congrès) comme successeur de Wendy Sherman (32). Obama, selon les mêmes sources, continuera d’utiliser les services de deux hommes expérimentés, James Timbie et Christopher Backemeyer, qui ont participé aux négociations avec les Iraniens. Pour sa part, Mohammad Zarif, ministre iranien des Affaires étrangères, avait désigné en septembre Abbas Araqchi, vice ministre des Affaires étrangères, à la tête du comité de suivi du JCPOA qu’il est chargé de constituer (33). Il a décidé de mobiliser tous les ambassadeurs iraniens (convoqués à cet effet en novembre), en concertation avec les responsables économiques gouvernementaux afin de dynamiser au plus vite la coopération économique avec les autres pays (34). De son côté, Mohammad-Baqer Nobakht a annoncé le 28 octobre la prochaine création d’un comité spécial de suivi du JPCOA selon les instructions qui seront données par le Conseil Suprême de la Sécurité Nationale (35). Nous n’avons pas de vision au stade actuel quant à l’organisation côté européen, car ce sont des compétences qui sont partagées en ce qui relève de l’Union et de chaque pays membre, et donc comment tout ceci va-t-il se coordonner ? Ce sont certainement les tâches sur lesquelles travaillent Federica Mogherini et ses services. Peut-on s’attendre à des lignes directrices européennes ?

Quelle date pour la levée des sanctions et quels obstacles ?

Même si le calendrier est respecté, les analystes sont très divisés quant à date de levée effective des sanctions. En clair, les responsables d’entreprises posent une question simple : quand, ayant signé un contrat (licite), pourrais-je me faire payer par une banque iranienne, et quand ce montant pourra-t-il être crédité sur mon compte en Europe ? Du côté européen encore une fois, les grandes banques, théoriquement, devraient après la levée des sanctions, pouvoir opérer des transactions avec l’Iran (sous réserve, encore une fois, que la partie iranienne ne soit pas sanctionnée par ailleurs à un autre titre). Les banques, en particulier françaises, vont-elles, dès que les sanctions seront levées par l’UE et par les Etats-Unis, reprendre leurs opérations ? Qu’elles en aient envie, c’est certain, vont-elles le faire très vite, c’est moins évident, aussi longtemps qu’elles n’ont pas les assurances écrites de non- agression de la part de l’OFAC (36). Va-t-il les octroyer ? C’est loin d’être acquis. Il pourrait advenir qu’en 2016 pendant une phase de transition qui ne dit pas son nom, l’effectivité, l’efficacité de la levée de sanctions prononcée par des textes pertinents, ne soient pas entières. Les freins à ce plein déploiement, en dehors des particularités juridiques américaines, résident dans les menaces redoutables (visées par aucun texte) que constituent les pressions officieuses américaines sur les grandes entreprises et banques exposées car ayant des intérêts aux Etats-Unis et/ou utilisant le dollar. Tant que des engagements de non-discrimination ou non comportement hostile à l’égard des entreprises européennes n’auront pas été obtenus des autorités américaines (37), les pratiques actuelles devraient se poursuivre, à savoir des transactions limitées grâce à des banques qui ne sont pas vulnérables à des représailles américaines, ou des banques régionales, certaines banques italiennes et espagnoles ou autres dont on constate qu’elles sont actives. Enfin, une fois que les sanctions seront levées aux Etats-Unis et en Europe, un certain nombre de dispositifs pourront à nouveau être en place, au premier chef, non seulement tous les outils classiques, bancaires…, mais surtout pour les exportateurs comme pour les investisseurs, le retour de la couverture des opérations par les organismes tels que la Coface et ses homologues dans les autres pays, ouvrant la voie aux opérateurs privés de ce type de services. Ces derniers sont en train d’étudier les perspectives qui s’ouvrent à eux à l’issue de l’Implementation Day.

Le calendrier est donc tributaire du constat par l’AIEA de ce que l’Iran a rempli ses obligations, ce qui déclenche, comme on le sait, la phase appelée Implementation Day, c’est-à-dire le jour où les sanctions qui auront été supprimées ou suspendues, et que ces suspensions et ces levées rentrent en vigueur. Concernant ce calendrier d’effectivité, les analystes sont assez partagés, les uns parlent du premier semestre 2016 (38), d’autres estiment ce que sera au second semestre. Il subsiste bien entendu un aléa. Il n’est jamais totalement certain que l’AIEA reconnaisse que l’Iran aura rempli ses obligations en temps et heure (39). Comme nous y avons fait allusion à propos du réacteur d’Arak (dont le chantier devrait s’étaler sur une longue durée au-delà de l’Implementation Day, Téhéran devant avoir au moins débuté ces travaux à cette échéance), certaines d’entre elles sont lourdes. Autant la neutralisation de centrifugeuses (qui a commencé) (40) et le stockage à l’abri de celles qui sont en excès ne sont pas très compliqués, un accord de swap pour l’évacuation du stock d’uranium enrichi par les Russes est réaliste, autant l’efficacité de l’implication des Chinois pilotant en un étrange binôme avec les Américains le lourd chantier de transformation du réacteur d’Arak ne va pas de soi, du moins a priori. Celle-ci peut s’interpréter comme une sorte de récompense donnée à Pékin pour avoir participé à la conclusion de l’accord dont l’application la prive d’un avantage compétitif acquis sous le régime des sanctions qui lui permettait de tirer un énorme profit de la non-convertibilité du yuan. Ce chantier très considérable nécessitera des ressources dont la disponibilité n’est pas acquise dans l’immédiat. Nul doute que les Chinois offriront des schémas généreux de financement (ce qu’ils font déjà dans divers secteurs) pour s’enkyster dans ces activités et mettre dans l’embarras leurs concurrents moins prêts à mobiliser des fonds.

Les défis de l’Iran

Supposons à présent que les sanctions soient effectivement levées, que les obstacles que nous avons cités aient été circonvenus, quels sont les grands défis financiers que la République Islamique doit affronter ? Dans l’immédiat se pose l’organisation de rapatriement de la fraction d’avoirs gelés disponibles dans les différentes banques dont on sait maintenant qu’elle est de l’ordre de 30 milliards de dollars (41). Il faut ajouter les montants, totalement inconnus, stockés dans des banques du monde entier, mais qui ne sont pas gelés, c’est-à-dire qui n’ont pas fait l’objet de sanctions, puisqu’ils ne correspondent pas à des avoirs pétroliers. Leur montant n’est pas encore bien évalué, car il y a d’une part des avoirs appartenant à des entreprises ou des particuliers, il y a également les fonds des exilés iraniens, dont l’ampleur n’est pas chiffrable, mais pourrait être considérable (il semblerait qu’en dehors des Etats-Unis et du Royaume-Uni, des montants significatifs soient mobilisables par les communautés iraniennes du Golfe, singulièrement aux Emirats arabes unis, et dont on sait que les intéressés envisagent, en fonction des opportunités, de les investir dans leur pays. De même, dans certains pays, dont la Chine et l’Allemagne, des « sociétés taxis » détiennent des masses considérables qui ont servi à certaines opérations autrement impossibles (42). C’est une dimension qu’il faut avoir présente à l’esprit même si on ne peut la chiffrer. Au vu des énormes besoins de financements dont nous avons maintenant conscience, la phase dans laquelle nous entrons à présent est celle où les experts et opérateurs financiers s’emploient à constituer des fonds d’investissement en vue de cibles assez différenciées. Outre la multiplication des Foreign Direct Investment (FDI), et autres prises de participations, on assiste à la montée en puissance des investissements indirects, via des fonds iraniens ou étrangers existants, ou via un certain nombre d’opérateurs boursiers iraniens qui à leur tour investissent dans l’économie iranienne. Cela va supposer qu’une clarification dans la méthode de travail, de l’approche de ces fonds et en particulier de la bourse iranienne, soit accomplie. La bourse est un outil dont la maîtrise est loin d’être aisée, et le mode de fonctionnement pas totalement transparent. La faiblesse chronique des cours de la Bourse de Téhéran n’est probablement pas le seul reflet des incertitudes économiques. Par ailleurs la validation des actifs qui vont être mis sur le marché doit être conduite avec le plus grand soin, ce qui implique des études en terme d’évaluation du risque et d’opportunité à plusieurs égards. Un problème classique que l’on rencontre lorsque des Iraniens mettent sur le marché une entreprise à privatiser, est l’état réel de cette entité. Les actifs ont-ils été correctement évalués, le matériel n’est-il pas obsolète, l’unité saturée de personnel en excès, l’endettement massif, la productivité faible, la production inécoulable ? Pour les entreprises performantes, les investisseurs étrangers vont demander à disposer de majorités suffisantes pour pouvoir peser sur le management, sous peine de voir les Iraniens garder la majorité et le contrôle de l’entreprise tout en sommant l’étranger d’injecter de l’argent. Il va donc y avoir des arbitrages à faire.

Une interrogation stratégique, dont l’issue conditionne une bonne partie de l’économie iranienne, est la sortie du nouveau modèle de contrat pétrolier/gazier, qui va remplacer le vieux contrat buy back entre les entreprises d’hydrocarbures et l’Iran. Force est de constater que la publication du contrat finalisé (43) a été à tout le moins inconfortable, régulièrement reportée. Ce contrat, officiellement, n’aurait été jusque récemment approuvé par le gouvernement que dans ses grandes lignes (44), ce qui veut dire qu’il n’était pas finalisé pour deux raisons. Premièrement, il y avait des lacunes dans le contrat dont on ignore si elles sont volontaires ou pas, qui résultent pour une part de l’approche utilisée qui consiste à négocier des conditions sur mesure avec les entreprises étrangères en fonction du risque pétrolier et gazier qu’elles prennent. En clair, des avantages leur sont consentis si elles se livrent à des explorations et des moyens de production dans des zones difficiles, et des conditions moins favorables leur sont accordées si elles font des forages et des mises en production dans des zones pas compliquées. Cela signifie que les Iraniens avaient choisi, semble-t-il, de présenter un canevas aux entreprises, et in fine, de négocier au cas par cas avec elles. Ceci a posé une difficulté aux entreprises en question, puisqu’elles ne savaient pas complètement ce qui a été proposé aux concurrents. D’où un risque de non transparence, d’inégalité de traitement. Un certain consensus a émergé pour dire que le schéma général est très amélioré et donne plus de visibilité aux opérateurs. La rémunération est plus attractive, mais de nombreux détails ne semblaient pas encore complètement arrêtés. Deuxièmement, il y a tout lieu de penser que des divergences ont longtemps subsisté entre toutes les parties prenantes iraniennes sur les termes du contrat. Le consensus interne n’était pas facile à atteindre, en dépit des messages rassurants que ces « stakeholders » véhiculent à usage externe. On peut penser la préservation des intérêts d’acteurs majeurs du régime se cache derrière des questions de principe comme la législation pétrolière ou la propriété de la ressource en hydrocarbures qui normalement est interdite aux étrangers par la Constitution, qui a fait l’objet d’une quasi révision constitutionnelle par un décret du Guide sur l’article 44 de la Constitution (45), qui permet des adaptations. Néanmoins, ce point de droit sert de levier à certains groupes d’intérêt iraniens, notamment les Gardiens de la Révolution, pour exiger de conserver le contrôle économique d’une bonne partie de ce secteur (au détriment du véritable secteur privé). Symptôme ô combien révélateur, Mehdi Hosseini, qui dirige la rédaction du nouveau contrat, a déclaré le 6 octobre que les entreprises liées aux Gardiens de la Révolution pourraient être retenues comme partenaires des « majors » internationales. Il a subtilement précisé que si les groupes internationaux souhaitaient s’associer avec elles, il n’y avait pas d’objection, mais qu’il ne veut pas interférer dans des « négociations privées », le plus important étant que des compagnies « qualifiées » prennent part à ces joint-ventures (46). Le gouvernement iranien souhaitait se lancer vers une plus grande privatisation de l’économie des hydrocarbures. On ne sait pas aujourd’hui ce qui demeurera sous le contrôle des Pasdarans auxquels il faut ajouter les fonds de pension, liés de près ou de loin à l’appareil sécuritaire, tout ce que l’on appelle le para-étatique, et également au sein du secteur « privé », les rentiers et les amis du régime. Echaudé par les énormes affaires de corruption, le gouvernement a invité les étrangers à éviter de recourir à des intermédiaires (47). Que sera-t-il laissé à l’authentique secteur privé, nul ne le sait. Dans le futur contrat, il est prévu que des joint-ventures seront mises en place, mais dans quelles proportions s’effectuera le partage des intérêts des parties ? Mehdi Hosseini a indiqué le 21 octobre que les entreprises iraniennes devraient détenir au moins 20% de toute joint-venture avec des majors étrangères (48). Toujours est-il que des précisions sont indispensables pour combler les lacunes persistantes dans le contrat et répondre aux questions encore non résolues. Il est prévu qu’une sorte de séminaire serait organisé en novembre 2015 à Téhéran afin de présenter, en avant-première, le nouveau contrat revu et corrigé. Cette séance doit être suivie d’une présentation plus officielle du fameux contrat qui devait avoir lieu en décembre, et qui devrait avoir lieu en février 2016. Les élections législatives et le renouvellement de l’Assemblée des Experts doivent se tenir simultanément le 26 février. Un enjeu capital pour tous les décideurs iraniens. On peut penser que le sort du nouveau contrat pèsera d’une façon ou d’une autre sur ces scrutins.

Aujourd’hui, les entreprises qui travaillent ou veulent travailler avec l’Iran relèvent de deux catégories. Celles qui appartiennent à des secteurs non sanctionnés qui veulent opérer avec des entités non sanctionnées (y compris par des sanctions non nucléaires), et les autres. Pour les premières, dès que les sanctions, notamment bancaires et financières sont levées, l’horizon est plus dégagé sous la réserve néanmoins des risques de pression du Trésor américain pour bloquer la concurrence. Pour l’heure, il faut rappeler qu’une entreprise qui procède à des opérations d’exportation ou d’investissement non visées par des sanctions en direction de personnes physiques ou morales non sanctionnés, peut signer un contrat sans encourir de représailles. Vient ensuite la difficulté de l’exécution du contrat, et là, le principal problème qui demeure est la fermeture des circuits bancaires. Les entreprises européennes, dès que les sanctions sont levées, en particulier le rétablissement des circuits bancaires avec le retour des codifications interbancaire Swift, voudront débuter ou reprendre des opérations avec l’Iran. Se posera éventuellement à elles l’exposition aux sanctions américaines (sans oublier les non-nucléaires) si par hasard leur levée n’est pas encore effective même si elle a été prononcée. La question des sanctions émanant d’Etats de la Fédération des Etats-Unis (New-Jersey, Californie ?) ne doit pas être ignorée, même si Washington est supposé veiller à ce que ceux-ci alignent leurs législations sur les positions fédérales. Certains procureurs généraux ont une pratique consommée des moyens permettant aux Etats d’encaisser de substantielles amendes et de non moins substantielles « transactions ». Sans oublier les « recommandations » aux Fonds de Pension de désinvestir des entreprises qui font des affaires avec l’Iran. Au Congrès, d’aucuns songent à taxer les sociétés américaines qui réaliseraient des opérations avec Téhéran. De plus elles devront s’assurer de la disparition des pressions anticoncurrentielles de l’OFAC toutes sanctions levées. Ceci confirme la nécessité d’agir avec précaution, mais aussi l’urgence de démarches politiques crédibles des gouvernements européens pour protéger les entreprises (et l’emploi) de pressions qui peuvent dans certains cas être considérées comme de la concurrence déloyale. Ceci suppose aussi une meilleure évaluation juridique des situations qui ne se limitent pas à des problèmes d’extraterritorialité mais relèvent, en particulier pour l’usage du dollar, de principes de souveraineté de droit international public. Le recours à l’euro pour nombre de transactions est destiné à croître. On s’étonnera de constater que l’Europe se présente en ordre dispersé pour se défendre, et que ces questions ne soient pas abordées (ou timidement) dans le cadre des négociations sur le Traité Transatlantique.

S’agissant des entreprises qui veulent contracter avec des entités iraniennes sanctionnées ou appartenant à des secteurs sanctionnés, par exemple l’énergie, les contraintes sont plus lourdes et la plus grande prudence est requise. Aujourd’hui, il est interdit de contracter avec une entreprise iranienne sanctionnée ou dont l’activité porte sur des biens et services sanctionnés. Toute entreprise a le droit de converser, de négocier avec une entité iranienne même sanctionnée. Elle n’a pas le droit de rendre un contrat effectif. Les réflexions sur l’éventail de possibilités sont encore loin d’être finalisées, faute de lignes directrices officielles, et en l’absence d’une doctrine unanime publique des juristes en France. Les grands cabinets anglo-saxons ont publié une abondante littérature en ligne sur la portée du JCPOA. En France, pour des raisons compréhensibles, il y a une grande retenue et une certaine expectative sur ce qui peut ou ne peut pas être fait en matière de contrats (jusqu’où aller ?) entre une entité française ou européenne, et une entité ou personne sanctionnée soit ès qualité (listée sur une SDN) soit en raison de son secteur (énergie par exemple). Tout ceci est naturellement dépendant d’une prise de position (éventuellement contraire) de l’OFAC et d’un certain consensus parmi les spécialistes. En revanche, la crainte qu’inspire le risque de rétablissement de sanctions (Snap Back qui n’existe pas dans les sanctions européennes) assorti ou pas du mécanisme de « GrandFather Clause » concernant les contrats dont l’exécution bona fide a débuté avant la remise en place des sanctions, affecte maints décideurs. Sans minorer ce danger, on peut cependant supposer que d’une part les étapes préalables de mise en œuvre de ce rétablissement autorisent des discussions et que si ce retour des sanctions était prononcé du seul fait des Etats-Unis (sauf en cas de violation spectaculaire de ses obligations par l’Iran), les européens pourraient se désolidariser (politiquement) de l’Amérique, ouvrant une crise non négligeable. En sus il pourrait se faire que Washington distingue les manquements mineurs des infractions graves, et module en conséquence ses sanctions. Il faut aussi tenir compte des réactions iraniennes possibles. L’éventualité du risque « Snap Back » doit conduire à étudier l’introduction de clauses ad hoc dans les contrats afin de se prémunir de ses conséquences. Les entreprises rencontrent parfois un écueil inédit lié à la nationalité (parfois américaine) de celui qui les conseille. Comment obtenir un avis à la fois robuste et indépendant ? L’évaluation reçue est elle celle de l’expert ou d’un citoyen américain lui-même exposé à sanction pour prestation de services ? En outre, une zone grise suscite d’amples interrogations : c’est la notion de « documentation technique ». La question qui se pose est difficile à élucider. Quand elle intervient dans un secteur sanctionné ou en direction d’une personne sanctionnée, la communication de documentation technique s’expose à être assimilée à une prestation de services illicite. Ses contours sont incertains. Elle pourrait être interprétée de façon très extensive par l’OFAC. Qu’entend-on par « documentation technique ? » Où s’arrête l’information commerciale nécessaire à la préparation d’un futur contrat et où débute la « documentation technique » stricto sensu ? Avocats et juristes réfléchissent intensément sur ce sujet.

Au moment où des personnalités officielles (ministres, élus) des deux pays multiplient déplacements et contacts, il est plus important que jamais que les entreprises françaises non seulement redoublent de zèle dans leur approche du marché iranien, mais qu’elles valident avec soin la fiabilité des opérations qu’elles envisagent dans toutes leurs dimensions.

Lire également sur Les clés du Moyen-Orient :
Quel bilan peut-on tirer de la venue de la délégation française en Iran (20-24 septembre 2015) ?

Notes :
(1) Joint Statement by EU High Representative Federica Mogherini and Iranian Foreign Minister M. Javad Zarif, Europefn Union External Action (EEAS), 18 octobre2015. L’Union annonce qu’elle adopte ce jour la legislation levant les sanctions et l’Iran annonce qu’il commence l’application de ses engagements nucléaires. La veille, le président iranien ordonne au ministère des Affaires étrangères et à l’Organisation Atomique Iranienne de démarrer l’entrée en vigueur de la loi dite « Action Réciproque et Proportionnelle du Gouvernement Iranien pour appliquer le JCPOA », Rouhani orders implementation of nuclear deal, Tehran Times, 18 octobre 2015.
(2) Presidential Memorandum - Preparing for Implementation of the Joint Comprehensive Plan of Action of July 14, 2015 (JCPOA) ; https://www.whitehouse.gov/the-press-office/2015/10/18/presidential-memorandum-preparing-for-implementation-of-the-joint-comprehensive-plan-of-action ; Presidential Memorandum - Delegation of Certain Functions and Authorities under Section 213(b)(1) of the Iran Threat Reduction and Syria Human Rights Act of 2012 https://www.whitehouse.gov/the-press-office/2015/10/18/presidential-memorandum-delegation-of-certain-functions-and-authorities-under-Iran-threat-reduction-syria-act.
(3) John Kerry : Waiver Determinations and Findings, 18 octobre 2015 ; http://www.state.gov/documents/organization/248501.pdf.
(4) On trouvera le (long) texte du JCPOA ici : http://iranmatters.belfercenter.org/files/iranproject/files/jcpoa.pdf.pdf?m=1438277282 ; ou ici : http://iranmatters.belfercenter.org/blog/primary-sources-iran-nuclear-deal.
(5) Le Trésor français (Ministère de l’Economie) a publié un « Vademecum de la levée des sanctions » avec une récapitulation des types et calendriers prévus http://www.tresor.economie.gouv.fr/File/418010 .
(6) Frequently Asked Questions Relating to Adoption Day Under The Joint Comprehensive Plan of Action, OFAC, 18 octobre 2015 http://www.treasury.gov/resource-center/sanctions/Programs/Documents/jcpoa_adoption_faqs_20151018.pdf
(7) Richard Nephew,Adopting the Iran Deal,The Cipher Brief,1er novembre 2015 ; http://www.thecipherbrief.com/article/adopting-iran-deal;voir aussi dans le même numéro deux contributions sur les risques liés aux problèmes de ‘compliance’ (conformité):Adam Smith, On American Business, (ibidem), et Mark Dubowitz (farouche adversaire d’une normalisation avec l’Iran), On Western Compliance, (ibidem).
(8) Tyler Curtis, Iran Sanctions After the JCPOA : Terrorism, Human Rights, Conventional Weapons and Ballistic Missiles Sanctions, NIAC Policy Memo, juillet 2015.
(9) La Maison-Blanche s’est livrée à un exercice pédagogique sur la portée du JCPOA, y compris sur la distinction entre Primary et Secondary Sanctions : The Iran Nuclear Deal : What You Need to Know about the JCPOA, 14 juillet 2015 : https://www.whitehouse.gov/sites/default/files/docs/jcpoa_what_you_need_to_know.pdf .
(10) Replacing Iran’s Old Jets, Air Insight, 5 août 2015 http://airinsight.com/2015/08/05/replacing-irans-old-jets/ L’Iran a procédé à des achats d’avions d’occasion via divers canaux ; Report : Iran buys 13 Boeing 737 jets, PressTV, 1er novembre 2015. L’Iran va acheter des Airbus, annonce le président Rohani, Reuters, 11 novembre 2015.
(11) Dans une note, le document Waiver Determinations de John Kerry indique, d’après ce que nous comprenons (avec les réserves d’usage), que les « Non-US persons » qui pourront bénéficier des waivers (suspensions) incluent des entités détenues ou contrôlées par des US persons, dans la mesure où ces entités étrangères (détenues ou contrôlées par une US person) auront reçu une autorisation (une licence générale serait à l’étude) de l’OFAC. En clair, tout dépendra de la façon dont l’OFAC accordera (par exception) des licences à des filiales étrangères de sociétés américaines qui devraient ou auraient dû être considérées comme US persons. Si Washington veut soutenir les groupes américains, l’octroi de licences sera conséquent. Le même document prévoit que la plupart des waivers connaissent une exception : le cas où la partie iranienne serait listée sur la liste des personnes ou entités visées spécifiquement par une sanction (SDN list que l’on trouve sur le site de l’OFAC) tout en prenant acte de ce qu’à l’Implementation Day, la liste SDN de personnes ou entités visées au titre des sanctions nucléaires serait levée. En fait, demeureront exclues du bénéfice des waivers des personnes ou entités désignées notamment au titre de la répression du terrorisme, du blanchiment d’argent sale, etc. Comme par hasard, la compagnie Mahan Air, qui est dotée d’une flotte d’Airbus, est inscrite sur la SDN list au titre de l’Executive Order 13224 qui réprime le soutien au terrorisme. Lever ce verrou sera difficile. La définition d’entité détenue ou contrôlée par une personne relevant de la juridiction des Etats-Unis figure dans une note 6 à l’Annexe 2 du Plan d’Action Global Commun (JCPOA) : « est considérée détenue ou contrôlée une entité où une personne relevant de la juridiction des Etats-Unis i) « détient une participation au capital de l’entité représentant 50% ou plus des droits de vote ou de la valeur du capital ; ii) détient la majorité des sièges au Conseil d’administration de l’entité ; ou iii) contrôle d’une autre manière l’action de l’entité, ses politiques ou ses décisions relatives au personnel ». La note ajoute qu’en général il restera interdit aux personnes relevant de la juridiction des Etats-Unis ou aux entités étrangères détenues ou contrôlées par elles d’effectuer des opérations du type de celles autorisées par le Plan d’Action (JCPOA) sauf autorisation de l’OFAC ; on voit tout de suite l’importance critique de la portée du point iii) ci-dessus.
(12) Iran Round Up, American Enterprise Institute, 30 septembre 2015.
(13) Règlement (UE) 2015 1861 du Conseil du 18 octobre 2015 modifiant le Règlement (UE) n°267/2012 du Conseil concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran, et Règlement d’exécution (UE) 2015/1862 du Conseil du 18 octobre 2015 modifiant le Règlement (UE) n°267/2012 du Conseil du concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran. JOUE L 274,18 octobre 2015 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L:2015:274:FULL&from=EN
(14) Les autres engagements sont : renonciation à construire une unité de retraitement à Arak ni d’autres usines à eau lourde pendant 15 ans, voire de conduire des recherches sur le retraitement ; informer l’AIEA sur la production et le stockage d’eau lourde à Arak, et autoriser l’AIEA à les inspecter ; réduire à 5060 le nombre de centrifugeuses à Natanz et le niveau d’enrichissement à 3,67%, les centrifugeuses en excès étant stockées sous contrôle de l’AIEA ; cessation des activités d’enrichissement à Fordow d’où environ 2/3 des centrifugeuses et infrastructures devront être retirés (seules resteront 1044 centrifugeuses de 1ère génération), le tout restant sous surveillance de l’AIEA ; réduction à environ 300 kgs du stock d’uranium faiblement enrichi, le reste devant être exporté ou dilué à sa concentration naturelle ; conversion de tout l’uranium enrichi de 5 à 20% en combustible pour le réacteur de recherche de Téhéran ; mise au point de toutes les modalités et arrangements pour permettre à l’AIEA de pratiquer toutes les mesures de transparence ; Trend News, 19 octobre 2015.
(15) Iran’s Arak nuclear reactor will be redesigned in 3 phases, Trend News, 27 octobre 2015.
(16) Joint Statement of Intent Concerning the Arak Heavy Water Reactor Research Reactor Modernization Project under the Joint Comprehensive Plan of Action, US Energy Governmental Offices, 18 octobre 2015.
(17) China to have key role in one aspect of nuclear deal, RadioZamaneh, 17 juillet 2015 ; China to modernize Iran’s Arak nuclear reactor, make new plants, Trend News, 27 août 2015 ; les Chinois seraient chargés de la construction des bâtiments du nouveau réacteur : Araqchi : Iran acting upon Leader’s guidelines on JCPOA, IRNA, 22 octobre 2015.
(18) Les financements multilatéraux devraient prendre une place croissante en Iran, notamment lorsque sa récente adhésion à la New Development Bank (anciennement dénommée BRICS Development Bank) sera effective : Iran to Join BRICS Development Bank, Tasnim News, 26 octobre 2015. Tyler Durden, Who’s Really Isolated ? Iran To Join BRICS Bank, Strenghtens Ties With Brazil, Zero Hedge, 22 octobre 2015. Simultanément Téhéran décide d’augmenter sa part du capital de l’Asian Infrastructure Investment Bank (AIIB) en achetant 2,8% : Iran buys shares of AIIB multinational bank, Mehr News, 27 octobre 2015. L’Iran en est un des membres fondateurs. Sur la portée de cette participation, voir : AIIB membership shows world economy embracing Iran, Mehr News, 29 avril 2015.
(19) Russia to ship out Iran’s enriched uranium in early 2016 ; IRNA, 20 octobre 2015 ; Iran to exchange uranium according to Khamenei’s decree, Trend News, 25 octobre 2015.
(20) IAEA Statement on Iran, 18 October 2015, IAEA News Center. Iran agrees to surprise inspections of nuclear facilities, Radio Zamaneh, 19 octobre 2015.
(21) JCPOA Commission Convenes in Vienna, Financial Tribune, 20 octobre 2015.
(22) First JCPOA joint commission wraps up in Vienna, PressTV, 20 octobre 2015.
(23) Le 15 octobre, l’AIEA a confirmé que la phase d’investigations sur ce sujet était terminée.
(24) Iran, IAEA Meeting Scheduled in Tehran on Dec.15, Spokesman, Tasnim News, 3 novembre 2015.
(25) Notamment : mettre en place avec l’AIEA des mesures de transparence, telles que des dispositifs de surveillance d’enrichissement en ligne en temps réel .Source : Simmons & Simmons elexica, Iran nuclear sanctions update : a step closer to implementation, 19 octobre 2015.
(26) Le gouvernement américain a allégé le 2 novembre les restrictions à l’exportation de certaines fournitures médicales en augmentant la liste de celles qui sont éligibles à la Licence Générale accordée par l’OFAC ; http://www.treasury.gov/resource-center/sanctions/OFAC-Enforcement/Pages/20151102.aspx
(27) Europe seen as wild card as Iran nuclear deal goes into effect, Al-Monitor, 19 octobre 2015.
(28) Comme l’a souligné Valiollah Seif, gouverneur de la Banque Centrale d’Iran, qui signale que malgré les sanctions certaines banques iraniennes ont maintenu leurs liens avec le système Swift : SWIFT Reconnect a priority, The Financial Tribune, 27 octobre 2015. Des banques privées non frappées par les sanctions resteraient connectées à Swift :Nuclear deal great opportunity to end Iran’s isolation, Azernews, 29 juillet 2015 ; Iran’s Day Bank joins Swift, PressTV, 11 juillet 2015.
(29) Swift a confirmé attendre la levée des sanctions européennes pour rétablir ses services : Nuclear agreement sees Iran return to Swift frold, Finextra, 14 juillet 2015. Dans un communiqué du 27 octobre sur son site, Swift précise que même à partir de l’entrée en vigueur du Règlement d’Application, il sera interdit de fournir des services de messagerie financière aux banques iraniennes sanctionnées par l’UE qui restent listées dans le Règlement Européen. On comprend qu’a contrario, celles qui ne le seraient plus pourront en bénéficier, pour peu qu’elles ne soient pas sanctionnées par ailleurs https://www.swift.com/about_swift/shownews?param_dcr=news.data/en/swift_com/2015/Iran_sanctions_agreement_update.xml

(30)En dehors des banques frappées par des sanctions autres que nucléaires, certaines banques iraniennes comme la banque Saderat , Ansar Bank et Mehr Bank ne pourront bénéficier des messageries Swift jusqu’au Transition Day ; Iran Sanctions : Is the End in Sight ?, Holman, Fenwick Willan (hfv), International Commerce, novembre 2015.
(31) Laura Rozen, US announces nuke deal implementation team, Al-Monitor,18 septembre 2015.
(32) Laura Rozen, NSC opens office to oversee Iran deal implementation, Al-Monitor, 26 octobre 2015.
(33) Iran Forms Committee to Pursue JCPOA Implementation, Tasnim News, 22 septembre 2015.
(34) FM : Iranian Envoys to Hold Economic Meeting Soon, Fars News, 20 octobre 2015.
(35) Iran to form special committee to monitor JCPOA implementation, Trend News, 28 octobre 2015.
(36) Même pour des transactions licites après la levée des sanctions, d’aucuns estiment que nombre d’établissements bancaires hésiteront à opérer avec leurs homologues iraniens tant que ceux-ci n’auront pas reçu le sceau de la validité par des canaux financiers non impactés par l’accord nucléaire. Nous dirions plus clairement : tant qu’un consensus n’est pas réuni à ce sujet dans la communauté financière, celle-ci étant aussi dans l’attente d’assurances (lettre de confort ?) de l’OFAC quand à l’acceptabilité de ces transactions ; Annie Fixler, Iran Sanctions Relief A Nightmare for Financial Compliance, FDD Policy Brief, 21 octobre 2015. Cette position prudente se heurte déjà aux pratiques de diverses banques ou établissements financiers non vulnérables aux sanctions et pressions (pas d’intérêt aux USA, pas de recours au $,et quelques précautions supplémentaires quant au personnel et aux outils).
(37) Laurent Fabius a demandé des assurances à John Kerry qu’il n’y aurait pas d’attitude agressive américaine contre les entreprises françaises, à l’instar de ce qui s’est passé avec la BNP. Il parle « d’attitude coopérative » des autorités américaines tout en disant attendre des gestes concrets. La portée de cette demande n’est pas claire. On ignore si elle vise les pressions officieuses du Trésor et d’autres administrations américaines, ou s’il s’agit simplement de garantir qu’en cas de rétablissement de sanctions, les opérations initiées par la France avant ce « Snap Back » seront épargnées d’ une rétroactivité : France urges US guarantees for Iran trade, PressTV. Voir aussi, Réponse Ecrite de Laurent Fabius,(n°7) à une question sur les relations économiques bilatérales avec l’Iran, Assemblée Nationale, 11 novembre 2015. En octobre, le Département d’Etat a cablé un message (« démarche ») aux ambassades afin que soit rappelé aux gouvernements et entreprises que les sanctions sont toujours en vigueur et le demeureront jusqu’à ce qu’elles soient levées une fois que l’AIEA aura constaté que l’Iran a rempli ses obligations ; Exclusive : U.S. warns governments, bankers, Iran sanctions still in place, Reuters, 9 octobre 2015.
(38) Gholamali Kamyab, vice-gouverneur de la BCI, estime qu’environ $29 mds devraient être dégelés et rapatriés en Iran dès janvier 2016, Bloomberg, 25 septembre 2015.
(39) Le 19 octobre, Araqchi a déclaré (de façon sans doute exagérément optimiste) qu’il a bon espoir que l’Iran aura accompli en quelques semaines ce qui lui a été demandé ; Iran to implement JCPOA in a couple of weeks : Official, PressTV, 20 octobre 2015.
(40) Iran Begins Desactivating Centrifuges Under Nuclear Deal’s Terms, New-York Times, 2 novembre 2015.
(41) Adam Szubin, directeur de l’OFAC et Sous-Secrétaire d’Etat en charge du terrorisme et du renseignement financier, lors d’une conférence devant le Washington Institute for Near East Policy, confirme que le montant réel des devises disponibles (le reste étant déjà gagé sur diverses opérations) ne dépasse pas $ 50 mds. Il estime en sus que cette somme ne peut servir à financer les gigantesques besoins en investissements (évalués d’après lui à $ 500mds), mais à couvrir diverses dépenses nécessaires : Adam Szubin, Beyond The Vote : Implications for the Sanctions Regime on Iran, The Washington Institute for Near East Policy, 16 septembre 2015.
(42) Iran Uses China Bank to Transfer Funds to Quds-Linked Companies,Reuters, 18 novembre 2014. Pour l’Allemagne : Emmanuele Ottolenghi, Iran is Really Good at Evading Sanctions, The Tower, n°6, septembre 2013.
(43) Le ministère du pétrole a annoncé le 11 novembre sur son site Shana.ir la publication du nouveau modèle de contrat qui devait être présenté à la conférence prévue à Téhéran le 21/22 novembre, puis à Londres le 22/24 février 2016 ; Iran unveils long-awaited oil contracts, PressTV, 11 novembre 2015.
(44) Iran Cabinet passes new oil, gas contract bill, Shana News, 30 septembre 2015.
(45) Pour une analyse juridique détaillée du nouveau modèle de contrat,voir : A. Atai, A new paradigm for Attracting Foreign Investments : Restructuring Investor-State Arbitration for Resolution of Petroleum Disputes : Dynamics of the New Iranian Oil Investment Contract, Transnational Dispute Management, vol 12, n°2, mars 2015. Pour une synthèse des caractéristiques du contrat comparé au contrat Buy-Back, voir : How will the IPC bid round differ from previous Buy-Back arrangements ? Project IPC, Naft Energy Inc, 1er juin 2015 ;http://www.naft.ca
(46) M. Hosseini « n’a pas précisé si les entreprises liées aux Gardiens seraient sur la liste finale des compagnies approuvées pour un partenariat avec les compagnies occidentales » ; Financial Times, 6 octobre 2015.
(47) Iran oil minister warns of ‘corrupt parasites’, PressTV, 19 octobre 2015.
(48) Iran seeks 20% domestic stake in joint ventures with oil majors, Financial Times, 21 octobre 2015.

Publié le 16/11/2015


Outre une carrière juridique de 30 ans dans l’industrie, Michel Makinsky est chercheur associé à l’Institut de Prospective et de Sécurité en Europe (IPSE), et à l’Institut d’Etudes de Géopolitique Appliquée (IEGA), collaborateur scientifique auprès de l’université de Liège (Belgique) et directeur général de la société AGEROMYS international (société de conseils sur l’Iran et le Moyen-Orient). Il conduit depuis plus de 20 ans des recherches sur l’Iran (politique, économie, stratégie) et sa région, après avoir étudié pendant 10 ans la stratégie soviétique. Il a publié de nombreux articles et études dans des revues françaises et étrangères. Il a dirigé deux ouvrages collectifs : « L’Iran et les Grands Acteurs Régionaux et Globaux », (L’Harmattan, 2012) et « L’Economie réelle de l’Iran » (L’Harmattan, 2014) et a rédigé des chapitres d’ouvrages collectifs sur l’Iran, la rente pétrolière, la politique française à l’égard de l’Iran, les entreprises et les sanctions. Membre du groupe d’experts sur le Moyen-Orient Gulf 2000 (Université de Columbia), il est consulté par les entreprises comme par les administrations françaises sur l’Iran et son environnement régional, les sanctions, les mécanismes d’échanges commerciaux et financiers avec l’Iran et sa région. Il intervient régulièrement dans les media écrits et audio visuels (L’Opinion, Le Figaro, la Tribune, France 24….).


 


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