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La seconde intifada se déclenche fin septembre 2000, à la suite de la visite du chef du Likoud Ariel Sharon le 28 septembre sur l’Esplanade des Mosquées. Comme la première intifada, la seconde intifada met en évidence le rejet palestinien de l’occupation israélienne, en particulier la poursuite de la colonisation. Si les deux intifada défendent le même objectif, la seconde diffère de la première, d’une part par l’utilisation des armes à feu et par les attentats suicide contre des civils israéliens ; d’autre part par les lieux touchés par les affrontements : s’ils se déroulent dans les villes lors de la première intifada, ils sont menés lors de la seconde intifada « aux lisières des zones palestiniennes autonomes, aux abords des colonies juives, aux points de contrôle de l’armée, comme autant de lignes de front apposant des territoires hostiles » [1].
Le 13 septembre 1993, l’accord d’Oslo lance le processus de paix. Cet accord est considéré comme mettant fin à la première intifada. La seconde intifada se déclenche peu de temps après le sommet de Camp David II, organisé sous l’égide du président américain Bill Clinton du 11 au 24 juillet 2000, réunissant le Premier ministre israélien Ehoud Barak et le président de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat. Ce sommet échoue, en raison de divergences sur le statut de Jérusalem-Est et sur la question des réfugiés palestiniens. L’échec de Camp David laisse en outre penser que l’Autorité palestinienne est impuissante à mettre fin à l’occupation israélienne. La visite d’Ariel Sharon sur l’Esplanade des Mosquées déclenche les événements. Les Palestiniens, dont les conditions de vie quotidienne sont de plus en plus précaires depuis la mise en place de la période intérimaire décidée dans les accords d’Oslo, comprennent cette visite comme une provocation. L’Esplanade des Mosquées est ainsi appelée par les musulmans. Les juifs nomment cet espace Esplanade du Temple. C’est un lieu saint pour ces deux religions. Depuis le VII ème siècle, l’Esplanade comprend la mosquée al-Aqsa ainsi que le dôme du Rocher. Ce lieu est géré par les autorités musulmanes, qui décident en 1999 d’y effectuer des travaux, afin d’y construire de nouveaux lieux de culte. Cette décision provoque la réaction des Israéliens, pour lesquels l’Esplanade abrita le premier temple, puis le second temple de Jérusalem. Certains rabbins demandent notamment le droit d’y prier ainsi que la possibilité d’y construire une synagogue. Ces demandes provoquent des mouvements défendant la mosquée al-Aqsa.
La visite d’Ariel Sharon le 28 septembre sur l’esplanade permet de montrer que les Juifs ont le droit d’y prier. Dans ce contexte très tendu, sa venue est l’élément déclencheur de l’intifada.
Le lendemain, à la suite de la prière du vendredi à la mosquée al-Aqsa, des Palestiniens lancent des pierres contre la police israélienne, en signe de protestation à la visite d’Ariel Sharon. La police intervient contre les manifestants, faisant des centaines de blessés et 7 morts. Dans les jours qui suivent, les affrontements s’étendent, touchant la Cisjordanie et la Bande de Gaza.
L’insurrection palestinienne est armée et conduite par des activistes opposés au processus d’Oslo (certains membres de l’OLP, du FPLP, du FDLP, du Hamas, du Djihad islamique), mais également par les cadres de la première intifada, qui considèrent les accords d’Oslo comme le résultat de leur lutte, et qui sont majoritairement membres du Fatah. Ce mouvement est secondé par des groupes armés, le Tanzim et les Brigades des martyrs d’al-Aqsa créées en 2001. Leur mode d’action est la violence contre Israël, afin de parvenir au retrait militaire d’Israël puis à la proclamation d’un Etat indépendant. Marwan Barghouti, cadre du Fatah, prend la tête du mouvement.
Alors que les violences se poursuivent, les instances internationales et régionales réagissent. Lors de la 10 ème session extraordinaire de l’Assemblée générale de l’ONU, une résolution est adoptée le 21 octobre. Elle condamne le « recours excessif à la force » par Israël contre les Palestiniens. En parallèle, les Etats de la Ligue arabe réunis au Caire les 21 et 22 octobre condamnent Israël et lancent un appel à la paix.
Le 1er novembre, un cessez-le-feu signé entre le président de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat et le Premier ministre israélien Ehoud Barak est sur le point d’être mis en place ; mais un attentat à la voiture piégée à Jérusalem, revendiqué par le Djihad islamique, tue deux civils israéliens. Les violences se poursuivent. La tension augmente d’un cran lorsque l’armée israélienne tue le 9 novembre un responsable du Fatah, accusé de diriger une milice. Israël procède au bouclage des villes palestiniennes de Cisjordanie. Le 20 novembre, un bus scolaire israélien est attaqué à Gaza, entrainant la riposte de l’armée israélienne contre des institutions palestiniennes de la Bande de Gaza.
Le président américain Bill Clinton intervient alors. Il propose le 22 décembre de mettre en place une souveraineté palestinienne dans la Bande de Gaza et dans la majeure partie de la Cisjordanie, le droit au retour des réfugiés palestiniens, la mise en place d’une présence internationale. A la suite des propositions américaines, des négociations entre représentants palestiniens et israéliens se déroulent en janvier 2001 à Taba en Egypte, mais ne permettent pas de parvenir à un accord. En effet, les attentes des deux parties divergent radicalement : les Palestiniens demandent la fin de l’occupation israélienne, les Israéliens de leur côté comprennent l’intifada comme la volonté palestinienne de mettre fin à l’Etat hébreu. En décembre, depuis le début de l’intifada, environ 360 personnes ont été tuées, dont une majorité de Palestiniens.
Le 6 février 2001, Ariel Sharon est élu Premier ministre, à la suite de la démission d’Ehoud Barak le 9 décembre. Il considère que Yasser Arafat est responsable de la seconde intifada et l’Autorité palestinienne devient la cible des actions israéliennes, Israël lui reprochant notamment de soutenir le mouvement armé. Sous le gouvernement Sharon, l’armée mène une répression intensive contre les Palestiniens, notamment dans les zones autonomes palestiniennes, et détruit des infrastructures, des maisons, des hôpitaux. Des Palestiniens sont arrêtés et des militants tués, des blocus sont mis en place dans les villes.
Le 5 mars, un attentat fait trois morts israéliens et une centaine de blessés. L’armée israélienne mène alors des incursions dans les territoires sous contrôle de l’Autorité palestinienne. S’en suivent d’autres violences. Le 21 mai 2001, la commission internationale présidée par l’ancien sénateur américain George Mitchell et chargée d’analyser les raisons du conflit, rend son rapport. Elle se prononce pour l’arrêt des violences, le gel des constructions dans les colonies israéliennes, la fin des bouclages des villes palestiniennes, la reprise des négociations. Ces décisions sont apparemment approuvées par les Palestiniens et les par Israéliens, mais des divergences apparaissent sur le calendrier à suivre. Sur le terrain, des attentats suicide sont perpétrés contre des civils israéliens dès le printemps 2001 par le Hamas, le Djihad islamique et les brigades al-Aqsa. Si ces attentats suicide sont considérés par les Palestiniens comme un moyen de défense, ils sont en revanche perçus comme des actes de terrorisme par Israël et par l’opinion occidentale. L’Autorité palestinienne les condamne également. Le 1er juin, un attentat suicide à Tel-Aviv fait 21 morts et environ 60 blessés. Le cessez-le-feu décidé par Yasser Arafat le 2 juin permet une accalmie. Celle-ci est de courte durée, des violences éclatant mi juillet à Hébron en Cisjordanie entre l’armée israélienne et des Palestiniens. Le 31 juillet, 6 membres du Hamas sont tués à Naplouse. Les attentats suicide ainsi que les représailles israéliennes se poursuivent.
Pendant l’année 2002, la violence continue. En mars 2002, le conflit connaît une escalade : l’armée israélienne opère pour la première fois dans les camps de réfugiés de Jénine et de Naplouse, faisant 13 morts. Le cycle de violences fait au total en mars 100 morts parmi les Palestiniens et 40 parmi les Israéliens. L’administration Bush intervient alors, et une nouvelle résolution de l’ONU est votée le 13 mars, la résolution 1397. Elle est suivie par la résolution 1402 du 30 mars, qui demande le retrait d’Israël. A la fin du mois, l’armée israélienne déclenche l’opération « Rempart » en représailles aux attentats suicide de mars : des chars entrent dans les villes de Kalkiliah, de Tulkarem, de Bethléem, de Jénine et de Naplouse. Au cours de cette opération, Marwan Barghouti est arrêté. A Ramallah, l’armée israélienne assiège le quartier général de Yasser Arafat, la Moqatâ’a, à partir du printemps 2002, et bombarde des ministères palestiniens ; Yasser Arafat étant en effet accusé de soutenir le soulèvement. En réalité, il ne pouvait perdre le soutien reçu de la communauté internationale depuis 1993 en prenant la tête du mouvement. Il appelle notamment à l’arrêt des violences auprès des groupes armés en juillet 2002. Mais son appel n’aboutit pas, l’un des chefs du Hamas, Salah Shéhadé, ayant été victime d’un attentat le 22 juillet 2002. Le cycle des attentats suicide/représailles se poursuit. Dans le même temps, le gouvernement d’Ariel Sharon décide de construire un mur le long de la ligne verte, au nord de la Cisjordanie, afin de protéger le territoire israélien des attentats suicide. A la fin de l’année 2002, après 27 mois d’intifada, 2073 Palestiniens et 685 Israéliens sont morts.
La violence se poursuit les années suivantes. Ainsi, il est généralement admis par les spécialistes que ce cycle de violence qui débuta le 28 septembre 2000 n’est pas totalement terminé.
Bibliographie :
Jean-Paul Chagnollaud, « Intifada ou lutte de libération ? », Confluences Méditerranée, numéro 37, printemps 2001, pages 11 à 18.
Alain Gresh et Dominique Vidal, Les 100 clés du Proche-Orient, Paris, Hachette Littérature, 2003, 607 pages.
Henry Laurens, L’Orient arabe à l’heure américaine, de la guerre du Golfe à la guerre d’Irak, Paris, Hachette littérature, 2008, 452 pages.
Nadine Picaudou, Les Palestiniens, un siècle d’histoire, Bruxelles, Editions Complexe, 2003, 366 pages.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin
Anne-Lucie Chaigne-Oudin est la fondatrice et la directrice de la revue en ligne Les clés du Moyen-Orient, mise en ligne en juin 2010.
Y collaborent des experts du Moyen-Orient, selon la ligne éditoriale du site : analyser les événements du Moyen-Orient en les replaçant dans leur contexte historique.
Anne-Lucie Chaigne-Oudin, Docteur en histoire de l’université Paris-IV Sorbonne, a soutenu sa thèse sous la direction du professeur Dominique Chevallier.
Elle a publié en 2006 "La France et les rivalités occidentales au Levant, Syrie Liban, 1918-1939" et en 2009 "La France dans les jeux d’influences en Syrie et au Liban, 1940-1946" aux éditions L’Harmattan. Elle est également l’auteur de nombreux articles d’histoire et d’actualité, publiés sur le Site.
Notes
[1] In Alain Gresh et Dominique Vidal, Les 100 clés du Proche-Orient, citation de Nadine Picaudou, page 289.
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