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Jamel Oubechou, président de l’Institut des Cultures d’Islam, et Michket Krifa, commissaire de l’exposition, proposent une exposition intitulée « Cherchez l’erreur ». Ce titre ludique, déroutant et interrogateur invite le spectateur à être acteur de celle-ci.
Le thème de l’exposition est celui de la guerre, situation présente dans les pays d’origine des six artistes féminines exposées à l’Institut des Cultures d’Islam.
Cette exposition se déroule en effet dans le souvenir ou dans le contexte proche de plusieurs événements : la guerre entre l’Iran et l’Irak, qui s’est déroulée entre 1980 et 1988 mais dont les souvenirs sont encore présents parmi les populations, y compris la plus jeune génération ; le contexte des printemps arabes, dont les issues n’ont pas correspondu avec les rêves des populations ayant lancé ces mouvements ; le contexte du conflit israélo-palestinien, dont les effets se font sentir également dans les pays voisins.
La guerre étant l’Erreur à dénoncer, l’idée de l’exposition est ainsi apparue suite aux événements de l’été 2014 en Palestine. La commissaire de l’exposition Michket Krifa évoque l’actuelle assimilation de l’art contemporain avec le politique, mais peut-on montrer toute la guerre ? Quelle est la limite ? Toute réalité peut-elle s’exposer ? Il est en revanche possible et beau de montrer la réalité de la vie trop souvent oubliée. « Cherchez l’Erreur » renverse en effet la façon d’aborder la guerre et son quotidien : « La guerre et son cortège de destruction, de ravages et de menaces » devient l’intruse, l’accusée, la vie redevient centrale et pleinement légitime.
Comme le souligne Jamel Oubechou, président de l’Institut, l’exposition est un témoignage de vies « qui se vivent malgré tout et au delà de tout ». Les femmes sont au coeur de cette conception de la réalité, créatrices de cet espoir « de cet hymne à la vie, [et] de ces petits riens qui la composent », comme l’analyse Michket Krifa.
Les six artistes féminines exposées arrivent à révéler tout à la fois la beauté et le lyrisme d’un quotidien dont la guerre est devenue intrinsèque, tout en dénonçant la réalité quotidienne de pays meurtris.
L’artiste algérienne Zoulikha Bouabdellah réinvente l’art de la céramique, le zellige, un art géométrique, coloré, antique et majestueux en y introduisant une nouvelle forme et une nouvelle dimension : celle de l’avion de chasse Mirage. Elle explique que cet artisanat « à l’aspect humaniste » est source de revenu et donc de vie dans son pays mais que, paradoxalement ce Mirage, par sa nature même, annonce la mort. L’artiste souligne dans un deuxième temps l’ironie de cet appareil qui a en effet été conçu par des puissances démocratiques pour combattre au nom de la démocratie, cependant, dit-elle : « la démocratie n’est-elle donc qu’un mirage ? Je ne sais pas. N’est-ce pas absurde et ridicule d’apporter la liberté par les armes ? ». Jouant de cette absurdité extrême, l’artiste nomme une de ses oeuvres Is your love darling just a mirage ? du nom de la chanson d’Elvis Presley et dessine un équilibre artistique troublant entre beauté et menace.
Gohar Dashti, artiste iranienne, met en scène quelques étapes de la vie d’un couple. Cependant, derrière la pureté, la simplicité ou la délicatesse de la lecture d’un journal, de la célébration d’un anniversaire ou de l’épandage du linge, des paysages dévastés et truffés de chars d’assaut s’imposent. Ces scènes surréalistes nous font partager la vie d’un couple que Michket Krifa compare à de nouveaux « Adam et Eve vivant dans une situation post apocalyptique ».
Crédits photo : Gohar Dashti, Today’s life and war
Tanya Habjouqa, artiste jordanienne, à travers sa série Occupied pleasures nous parle des Territoires palestiniens occupés, une occupation quotidienne qui n’empêche cependant pas l’espoir, le plaisir, les rires, l’humour et la naïveté de vivre au travers de mises en scène touchantes et décalées. Le spectateur se surprend même à sourire devant ses oeuvres.
Shadi Ghadirian, également artiste iranienne, immortalise un quotidien typiquement domestique : une corbeille de fruit colorée, un aspirateur, une machine à lavée, ou encore un service raffiné annonçant l’heure du thé. L’artiste nous touche en illustrant cette intimité du quotidien presque universel et qui pourtant se trouve chamboulé et taché par la réalité de la guerre. Une grenade fait intrusion parmi les fruits, une gourde en fer parmi la porcelaine, ces symboles militaires dénonçant ainsi la quotidienneté de la guerre au moyen d’un contraste saisissant.
Crédits photo : Shadi Ghadirian, Nil, Nil
Raeda Saadeh, une photographe palestinienne, se met elle-même en scène dans ses œuvres. Ses autoportraits mettent en évidence un courage quotidien de la femme et souligne l’intrusion de la guerre dans l’élégance, et dans la féminité de celle-ci. On comprend alors que la guerre oppresse également l’individu en lui-même.
Nermine Hamman, artiste égyptienne, représente dans ses réalisations une rêverie et une sérénité trompeuses puisqu’elles mettent en scène, dans un cadre orientaliste ou idyllique, une réalité guerrière incarnée par de jeunes soldats présents sur la place Tahrir pendant la révolution égyptienne. Au moyen donc d’images truquées, l’artiste impose dans ces cadres sensibles et naïfs l’Erreur de la guerre.
Crédits photo : Nermine Hammam, Wétiko, Audience chez un Kalifat by Eugene Fromentin, Courtesy Rosse Issa Projects
Exposition « Cherchez l’erreur », en entrée libre du mardi au dimanche : 10h00 - 21h00 (sauf le vendredi : 16h00 - 21h00)
ICI GOUTTE D’OR
56 rue Stephenson
75018 Paris
01 53 09 99 84
ICI LÉON
19-23 rue Léon
75018 Paris
01 53 09 99 84
Lien vers l’ICI : http://www.institut-cultures-islam.org/agenda/cherchez-lerreur/
Louise Plun
Louise Plun est étudiante à l’Université Paris Sorbonne (Paris IV). Elle étudie notamment l’histoire du Moyen-Orient au XX eme siècle et suit des cours sur l’analyse du Monde contemporain.
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