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Lire la partie 1 : Historique des négociations sur les colonies en Cisjordanie (1/2)
Le sommet de Wye River Plantation, qui se déroule du 15 au 23 octobre 1998, et auquel participent le président américain Bill Clinton, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou et le président de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat, a pour objectif de relancer les accords d’Oslo II. Ce sommet conduit, entre autres, à l’engagement d’Israël de transférer 13% de la zone C à l’Autorité palestinienne, et à l’engagement de l’Autorité palestinienne de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’empêcher des actes de terrorisme. L’Autorité palestinienne doit également amender, de façon définitive, la Charte de l’OLP qui prévoit la « suppression de l’Etat d’Israël » (2). Rien n’est prévu sur le sujet des colonies en Cisjordanie. L’accord ne connait qu’un début d’application (évacuation de 2% de la Cisjordanie) car le 21 décembre 1998, la Knesset provoque la chute du gouvernement de Netanyahou et des élections anticipées.
En juillet 1999, le nouveau Premier ministre israélien Ehud Barak négocie avec Yasser Arafat l’accord de Charm el Cheick, version révisée de Wye Plantation, qui est signé le 5 septembre. Il prévoit pour l’essentiel un retrait de 11% de Cisjordanie en trois étapes et la négociation d’accords sur le Statut Final et Permanent portant notamment sur la question de Jérusalem, des colonies, sur le droit au retour des réfugiés palestiniens et sur l’Etat palestinien. Les Palestiniens mettent fin aux négociations sur le Statut final le 5 décembre 1999, afin de protester contre la poursuite de la colonisation en Cisjordanie par Israël.
D’autres tentatives de paix voient le jour notamment à Camp David en 2000, lorsque le Président Clinton, au terme de son deuxième mandat, souhaite trouver une solution au Statut Final et Permanent des Territoires palestiniens. Israël offre aux Palestiniens la bande de Gaza, une grande partie de la Cisjordanie, une partie du désert du Néguev mais conserve la plus grande partie des colonies et Jérusalem-Est. Les Palestiniens eux revendiquent les frontières qui existaient avant la guerre de juin 1967. Les négociations conduisent à un échec qui se matérialise par le soulèvement de la deuxième Intifada, celle d’al-Aqsa, en septembre 2000.
Une autre tentative de trouver un accord entre Israéliens et Palestiniens sur les colonies, a lieu à Taba en janvier 2001, lorsque le Président Clinton propose un accord portant sur l’échange de blocs. Dans leur communiqué final du 28 janvier, Israël et l’Autorité palestinienne affirment que « jamais (elles) n’ont été aussi proches d’un accord ». Selon un rapport non officiel du Représentant Spécial de l’Union européenne, les « deux parties ont accepté le principe d’un échange de territoire », mais sans arriver à un accord sur les pourcentages (Israël propose d’annexer 6% de la Cisjordanie et l’Autorité palestinienne propose des échanges portant sur 3,1% de la Cisjordanie) (2).
Au Sommet de Beyrouth en 2002, une initiative de paix arabe proposée par l’Arabie Saoudite est adoptée à l’unanimité des membres de la Ligue arabe. Fondée sur le retrait israélien sur les lignes de juin 1967 en contrepartie de la reconnaissance d’Israël par les pays arabes et d’une « solution juste » du problème des réfugiés palestiniens, elle est immédiatement rejetée par le Premier ministre israélien Ariel Sharon, qui refuse un retrait sur les lignes de 1967.
La tentative de « feuille de route » du Quartet (Nations unies, Union européenne, Etats-Unis et Russie) intervient après que le Président George W. Bush a reconnu en 2002 la nécessité de créer un Etat palestinien. Publiée le 30 avril 2003, cette initiative propose trois phases pour aboutir à la création d’un Etat palestinien en 2005. Elle prévoit en particulier dès sa première phase, l’arrêt de l’Intifada, le gel de la colonisation et le démantèlement des « postes avancés » (c’est-à-dire les implantations de colons non autorisées par le gouvernement israélien) construits depuis mars 2001 (3). La « feuille de route » est acceptée par l’Autorité palestinienne et, avec réserves par le gouvernement israélien, mais le processus de négociation s’enlise.
En juillet 2004, saisie par l’Assemblée générale des Nations unies, la Cour Internationale de Justice rend un avis consultatif dans lequel elle estime contraires au droit international la politique visant à établir des colonies de peuplement et la construction d’un mur en Cisjordanie par Israël (4).
La conférence d’Annapolis en 2007 a lieu à la fin du second mandat du Président George W. Bush pour relancer les négociations israélo-palestiniennes, prévues dans la « feuille de route » de 2003, l’objectif étant d’aboutir à un traité de paix fin 2008. Un « échange de territoires » pour mettre fin au conflit lié aux colonies est envisagé : Israël s’est engagé à se retirer de 93,7% de la Cisjordanie. Mahmoud Abbas exige qu’Israël ne garde que 1,9% de la Cisjordanie (5). Cette relance diplomatique connait un échec du fait notamment de l’offensive militaire israélienne contre la bande de Gaza en décembre 2008, à la fin du mandat de Ehud Olmert.
Dans son discours du Caire en juin 2009, le Président Obama condamne la politique de colonisation. Il indique que « les Etats-Unis n’acceptent pas la légitimité de la poursuite de la colonisation israélienne » qui « viole les accords passés et nuit aux efforts de paix » et qu’« il est temps que la colonisation cesse ». Il obtient du Premier ministre Netanyahou en novembre 2009 le gel de la construction de colonies durant 10 mois (6), ce qui permet la relance des négociations directes entre Israéliens et Palestiniens en septembre 2010, à Washington puis à Charm el Cheick. Ces négociations ne se poursuivent pas du fait de l’expiration du gel des colonies le 26 septembre 2010, et ce, malgré la demande d’Obama d’un nouveau gel de trois mois, rejetée par le gouvernement israélien début décembre.
Ainsi, la colonie d’Ariel débute ses travaux afin d’augmenter le nombre de ses étudiants de 13,000 à 20,000 en dix ans. A l’intérieur de la Cisjordanie, quelques kilomètres à l’est d’Ariel, le gouvernement israélien approuve la construction de 600 habitations dans les colonies de Shiloh et de Shvut Rachel. Plus au sud, Israël annonce la construction de 2,600 logements près de Jérusalem à Givat Hamatos et dans le secteur de Gilo et Har Homa, ce qui complète l’isolement des zones palestiniennes de Jérusalem par rapport à la Cisjordanie et réduit notablement la possibilité pour Jérusalem-est de devenir la capitale du future Etat palestinien (7).
Toutes ces décisions sont prises malgré l’opposition de l’administration Obama qui en novembre 2013 indique par l’intermédiaire du secrétaire d’Etat John Kerry que « les colonies israéliennes dans les territoires occupés sont illégitimes » (8) et alors que les négociations entre Israéliens et Palestiniens sur les colonies ont repris le 29 juillet 2013 malgré l’opposition du Hamas qui estime que Mahmoud Abbas n’a pas la légitimité nécessaire pour s’engager dans des négociations avec l’Etat hébreu. Ces négociations prennent fin avec la formation d’un gouvernement d’Union nationale entre le Hamas et le Fath en avril 2014.
Le 3 septembre 2014, Mahmoud Abbas propose à John Kerry un nouveau plan de paix qui impose l’arrêt de la colonisation. Le plan de Abbas prévoit la fin de l’occupation israélienne, le retrait d’Israël sur les lignes de juin 1967 et la création d’un Etat palestinien. Il est présenté au Conseil de Sécurité des Nations unies par la Jordanie en décembre 2014 et est rejeté. Par la suite, les Palestiniens signent le traité qui leur permet d’intégrer la Cour Pénale Internationale (9). Israël décide alors de bloquer le transfert de 127 millions de dollars à l’Autorité palestinienne qui représentent le produit des taxes prélevées par les Israéliens pour le compte des Palestiniens. L’Organisation de Libération de la Palestine annonce par la suite qu’elle pourrait dissoudre l’Autorité palestinienne.
C’est dans le contexte d’intensification de la colonisation en 2015 et 2016, qu’intervient la résolution 2334 du Conseil de Sécurité des Nations unies du 23 décembre 2016, condamnant la politique de colonisation israélienne et les projets de construction de colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. La résolution précise que ces activités « n’ont pas un fondement légal et constituent une violation flagrante de la Loi Internationale (10) ». L’absence de veto des Etats-Unis au vote de cette résolution du Conseil de Sécurité constitue une première depuis les résolutions 446 et 465, sous la présidence Carter, qui déjà condamnaient la politique de colonisation.
Notes :
(1) Wye River Memorandum « Wye One » : « An agreement for the Implementation of the Oslo II Agreement », Institut MEDEA http://www.medea.be/en/themes/arab-israeli-conflict/wye-river-memorandum/
(2) Compte rendu de Miguel Moratinos sur les négociations de Taba (janvier 2001) : https://www.cairn.info/revue-confluences-mediterranee-2002-2-page-163.htm
(3) https://2001-2009.state.gov/r/pa/prs/ps/2003/20062.htm
(4) Avis Consultatif du 9 juillet 2004 sur les conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, http://www.icj-cij.org/docket/files/131/1670.pdf
(5) History of Mid-East Peace Talks, BBC, http://www.bbc.com/news/world-middle-east-11103745 le 29 juillet 2013.
(6) Barak Ravid « Netanyahu Declares 10-month Settlement Freeze ‘to Restart Peace Talks’, Haaretz, http://www.haaretz.com/news/netanyahu-declares-10-month-settlement-freeze-to-restart-peace-talks-1.3435 le 25 novembre 2009.
(7) Harriet Sherwood, « Israel’s Cranes Reprove Barak Obama’s Failure to Pursue two-state Solution », The Guardian, https://www.theguardian.com/world/2012/oct/22/barack-obama-israel-settlements-palestine le 22 octobre 2012.
(8) « Kerry : Israeli Settlements are Illegitimate », Al-Jazeera, http://www.aljazeera.com/news/middleeast/2013/11/kerry-israeli-settlements-are-illegitimate-201311613594909400.html le 6 novembre 2013.
(9) John Reed, « UN Security Council Rejects Resolution on Palestinian Statehood », Financial Times https://www.ft.com/content/53992380-9017-11e4-a0e5-00144feabdc0 le 31 décembre 2014.
(10) David Makovsky, « Early Implications of the UN Settlements Resolution », The Washington Institute for Near East Policy http://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/view/early-implications-of-the-un-settlements-resolution le 27 décembre 2016.
Matthieu Saab
Après des études de Droit à Paris et un MBA à Boston aux Etats-Unis, Matthieu Saab débute sa carrière dans la Banque. En 2007, il décide de se consacrer à l’évolution de l’Orient arabe. Il est l’auteur de « L’Orient d’Edouard Saab » paru en 2013 et co-auteur de deux ouvrages importants : le « Dictionnaire du Moyen-Orient » (2011) et le « Dictionnaire géopolitique de l’Islamisme » (2009).
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